
Jacques Prévert, "L’Échappée belle", avant 1963
Visitant l'exposition "Jacques Prévert, rêveur d'images", au musée de Montmartre à Paris, Isabelle Flipo a sélectionné, pour l'atelier du regard des humanités, un collage de Jacques Prévert, et partage les sensations que lui inspire cette image « face à la violence actuelle faite aux enfants », en joignant un poème de William Blake : « J'ai souhaité, devant ce collage, que Blake ait raison et que ce génie poétique permette aux enfants victimes de la barbarie des hommes, de sauter par-dessus la mort avec un sentiment d'éternité ».
Même en admettant que les enfants soient habiles, par la force de l’esprit à enjamber, contourner la mort pour trouver en dehors de la réalité, l’épaisseur de la vraie vie, difficile devant ce collage de Prévert de ne pas penser aux enfants martyrisés de Gaza, d’Ukraine, d’Afrique ou d’ailleurs dont le quotidien joue en permanence à saute-mouton avec la mort.
Les enfants auraient-ils, de façon spontanée, comme une ontologie de l’enfance, ce mysticisme de William Blake pour qui les choses de l’esprit sont les seules réalités, pour qui le monde sensible est obstacle à l’action et les yeux spirituels supérieurs aux yeux visuels ?
Auraient-ils la possibilité de marcher dans les feux de l’enfer, d’y échapper et même d’y trouver un monde de plaisir, de fantaisies et de délices ?
The little boy lost
Father, father, where are you going?
O do not walk so fast.
Speak, father, speak to your little boy,
Or else I shall be lost.
The night was dark, no father was there;
The child was wet with dew;
The mire was deep and the child did weep,
And away the vapour flew.
William Blake
Que la souffrance exprimée soit celle du petit garçon perdu de William Blake ou celle des enfants ukrainiens, raflés et déportés par le gouvernement russe,
Peu importe, l’homme ne gagne rien à laisser dans des champs de ruines ses enfants jouer à saute-mouton avec la mort, mais il perd le seul paradis à sa dimension : celui de l’enfance.
Isabelle Flipo
Une exposition
À l’occasion de la célébration du centenaire du surréalisme et du soixante-dixième anniversaire de l’installation de Jacques Prévert en 1955 au 6 bis, Cité Véron – juste au-dessus du Moulin Rouge dans le 18ème arrondissement – le musée de Montmartre met à l’honneur celui qu’on connaît d’abord et surtout comme poète et scénariste, mais dont la création s’étend bien au-delà. Parolier et auteur de chansons, dramaturge, humaniste engagé, pleinement surréaliste, Jacques Prévert a également consacré une part importante de sa vie aux arts visuels : planches de scénarios illustrées, collaborations artistiques avec des peintres, sculpteurs et photographes, collages surréalistes, Éphémérides…
Ces créations, plus intimes et confidentielles, souvent éclipsées par ses écrits mais tout aussi révélatrices de son génie, méritent aujourd'hui d'être redécouvertes et sont mises en lumière dans l’exposition « Jacques Prévert, rêveur d’images », jusqu'au 16 février 2025 : https://museedemontmartre.fr/exposition/jacques-prevert-le-reveur-dimages/
Et un joli parcours dans l'exposition à lire et voir ici : https://www.lescarnetsdigor.fr/post/exposition-jacques-prevert-reveur-d-images-une-plongee-poetique-au-musee-de-montmartre
Le principe de "l'atelier du regard" est simple : sélectionner une image (photographie, tableau, etc.), voire un film, comme ici, et dire en quoi ce que nous voyons nous regarde (cf Georges Didi-Huberman). Propositions à adresser à contact@leshumanites.org
Parce que vous le valez bien, les humanités, ce n'est pas pareil. Pour rester aux aguets, dons ou abonnements ICI
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