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Attentat de Moscou : premières révélations

Dernière mise à jour : 28 mars


Combattant afghan de l'organisation État islamique de la Province de Khorasan, affiliée à l’organisation État Islamique. Photo DR


Véritable attentat ou "coup fourré" du Kremlin ? Avec les antécédents de Vladimir Poutine et du FSB, cette question est hélas légitime. D'ores et déjà, en tout cas, la revendication d'une branche afghane de l'organisation État Islamique, partout répandue, semble fort peu plausible.


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Les faits :

·  Plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans une fusillade suivie d’un énorme incendie vendredi soir, 22 mars 2024, dans une salle de concert en banlieue de Moscou.


·  Les faits ont eu lieu au Crocus City Hall, un immense centre d’expositions à Krasnogorsk, au nord-ouest de la capitale russe, avant le début d’un concert du groupe de rock russe Piknik.


·  Un communiqué publié en fin de soirée par le groupe État islamique (EI) a revendiqué l’attentat. Le groupe djihadiste a affirmé que son commando avait ensuite « regagné sa base en toute sécurité ».


A l’heure où ces lignes sont écrites, il y a beaucoup plus de questions que de réponses.


1.      Sur la base d’informations collectées par les services de renseignement, l'ambassade américaine en Russie avait averti il y a deux semaines ses citoyens que des "extrémistes ont des plans imminents de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts". Les États-Unis auraient partagé ces informations avec les services de renseignements russes.

 

2.      Premier constat : en Poutinie, où tout est contrôlé et policé, aucune mesure n’aurait donc été prise pour protéger le concert au Crocus City Hall de Krasnogorsk ? En plus, c’est pas de chance : les détecteurs de métaux à l'entrée du bâtiment étaient en panne et la sécurité n'a pas jugé bon de vérifier les sacs des personnes qui y entraient. Et sans compter que pour dissimuler une kalachnikov dans un sac, il faut se lever de bonne heure !



3.      Pire encore : lors d’une des premières vidéos (ci-dessus) diffusées hier soir sur Telegram par la chaîne d’actualités Mash, réputée proche des forces de l’ordre russe, on voit deux assaillants accéder au hall du bâtiment comme dans un moulin. Non seulement les portiques de sécurité ne fonctionnaient pas, mais de plus, il n’y avait aucun service de sécurité à l’entrée (mais la chaîne Mash, elle, était là !).

 

4.      Avec une étonnante rapidité, l’attentat a été revendiqué le soir même par l’organisation État islamique (pour mémoire, en novembre 2015, les attentats de Paris avaient été revendiqués le lendemain par le même État islamique). Concernant l’attentat de Moscou, il s’agirait plus précisément d’une branche de l’organisation terroriste basée en Afghanistan, l’État islamique de la Province de Khorasan (Islamic State’s Khorasan Province, ISIS-K). ISIS-K mène surtout des opérations en Afghanistan et au Pakistan. Composé principalement d’anciens membres de Tehrik-e Taliban Pakistan, des Talibans afghans et du Mouvement islamique d’Ouzbékistan, ISIS-K a prêté allégeance à l’État islamique en 2015. ISIS-K est responsable de l’attentat à la bombe de juillet 2016 perpétré lors d’une manifestation pacifique à Kaboul, qui avait fait près de 80 morts et 230 blessés. En août 2016, le groupe a revendiqué une fusillade et un attentat suicide dans un hôpital de Quetta, au Pakistan, qui ont fait 94 morts. ISIS-K a également revendiqué l’attaque de mai 2020 dans une maternité de Kaboul qui a fait 24 morts, dont des nouveau-nés et leurs mères. On attribue également à ce groupe l’attentat à la bombe du métro de Saint-Pétersbourg, survenu le 3 avril 2017, qui avait fait 14 morts et 53 blessés. L’État islamique avait alors revendiqué l’attentat vingt jours plus tard, invoquant le soutien de Vladimir Poutine au régime de Bachar el-Assad en Syrie. Mais c’était il y a sept ans.


Depuis, l’ISIS-K a du plomb dans l’aile et on peut s’interroger sur ses capacités à mener une action terroriste à Moscou même. Selon une publication du 30 janvier 2024 du Centre international de lutte contre le terrorisme (en anglais, ICCT), une fondation indépendante basée à La Haye et en général très bien informée, « les Talibans ont réussi à gérer la menace de l'État islamique au Khorasan (ISIS-K). En 2023, les attaques de l'ISIS-K se sont pratiquement arrêtées. En avril et en mai, aucune attaque n'a été confirmée. De juin à septembre, l'ISIS-K n'a pu mener qu'une ou deux attaques par mois, notamment des tirs contre des patrouilles talibanes. À partir d'octobre, on a assisté à une modeste résurgence, mais même dans ce cas, seuls quatre attentats confirmés ont été perpétrés au cours du mois, dont deux impliquant des explosifs.  Des sources au sein de l'organisation ont reconnu en 2023 que les raids des talibans contre les repaires de l'ISIS-K dans les villes avaient prélevé un lourd tribut. Après s'être livrés à une répression plutôt aveugle au cours de leurs premiers mois au pouvoir, les Talibans ont largement axé leurs efforts de lutte contre le terrorisme sur le renseignement tout au long des années 2022 et 2023. Cela leur a permis de mener des frappes "chirurgicales" contre l'ISIS-K, comme ils le disent eux-mêmes. »

D’autre part, « le financement de l'ISIS-K a commencé à diminuer dès 2018, en raison de la trajectoire descendante de leur organisation mère. La baisse des fonds provenant de la structure centrale de l'Etat Islamique s'est poursuivie, avec des hauts et des bas, jusqu'en 2023. (…) La crise a été aggravée par la répression persistante exercée par les autorités turques sur toutes les branches de l’Etat Islamique présentes sur leur territoire. (…) Pendant des années, la principale plaque tournante financière de l'ISIS-K a été la Turquie, où, grâce à la communauté afghane grandissante, les connexions bancaires informelles devenaient courantes. (…) Mais  la répression turque a conduit à l'arrestation de dizaines de membres de l'ISIS-K et a gravement perturbé leurs opérations. (…)  Au cours du premier semestre 2023, l'ISIS-K s'est retrouvé dans l'incapacité de payer les salaires et la logistique de ses hommes sur le terrain en Afghanistan. » (Lire ICI)


Certes, rien n’est à exclure, mais on voit mal comment cette branche de l’État islamique en Afghanistan aurait pu avoir les ressources opérationnelles et financières pour fomenter l’attentat qui vient d’être perpétré à Moscou...


Sinon, il y a un autre coupable vraisemblable et c'est Donald Trump qui vient de le trouver : le véritable commanditaire de l'attentat de Moscou n'est autre que... Barack Obama, puisque comme chacun sait, c'est Obama qui a créé de toutes pièces l’État islamique !



Ce 23 mars 2024 au petit matin, la chaîne d’info sur Telegram Mash, a déjà dévoilé l’identité des possibles auteurs de l’attentat

de Moscou : quatre citoyens tadjiks, Nasridinov Makhmadrasul, 37 ans ; Ismonov Rivozhidin 51 ans ; Safolzoda Shohinjonn 21 ans ;

et Nazarov Rustam 29 ans, arrêtés comme par hasard à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne.

 

Avec une rapidité là encore confondante, la chaîne Mash, déjà mentionnée, vient d’annoncer, ce samedi matin sur son fil Telegram, que quatre suspects, ressortissants du Tadjikistan, venaient d’être arrêtés à bord d’une Renault SYMBOL (plutôt bas de gamme), dans la région de Briansk, comme par hasard… à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne. Bon, hier soir, c'est un autre véhicule que cherchait la police : un van blanc, avec des plaques d'immatriculation ukrainiennes, comme il se doit.


L’ex-président Dmitri Medvedev (qui menace tous les quatre matins d’envoyer des ogives nucléaires sur Berlin, Londres et Paris) n’a pas attendu les résultats de l’enquête pour prendre les devants : « La Russie détruira les dirigeants ukrainiens s’ils sont liés à l’attaque de Moscou », a-t-il vociféré dès hier soir.

 

6.      Alors que Vladdimir Poutine, tout juste réélu, vient de déclarer la Russie « en état de guerre », cet "attentat terroriste" pourrait-il être un coup fourré du Maître du Kremlin ? Si la question peut légitimement se poser, c’est que ce ne serait pas la première fois.


« Nous poursuivrons les terroristes partout (…). Si on les prend dans les toilettes, eh bien, excusez-moi, on les butera dans les chiottes », avait lancé Vladimir Poutine en septembre 1999, lors d’une conférence de presse à Astana, la capitale du Kazakhstan. Il était alors le Premier ministre de Boris Elstine et venait de lancer une «opération antiterroriste» plus connue comme "deuxième guerre de Tchétchénie". Cette déclaration faisait suite à une série de cinq attentats en Russie contre des immeubles d'habitations entre le 31 août et le 16 septembre 1999 dans plusieurs villes de l'ouest du pays, qui firent au moins 290 morts et un millier de blessés.


L'ancien agent des services secrets russes Alexandre Litvinenko a ensuite soutenu que ces attentats avaient été le fait du gouvernement russe, pour justifier la seconde guerre de Tchétchénie. Il a été empoisonné en 2006. Deux membres de la Douma, qui enquêtaient sur ces attentats et le rôle pour le moins trouble du FSB dans cette histoire, ont été assassinés. Enfin, dans un livre paru aux États Unis en 2012, le spécialiste de la Russie John B. Dunlop ne laissait plus de place au doute : « déclarer la guerre à la Tchétchénie sous un prétexte mensonger a permis à un premier ministre fraîchement nommé par le clan Eltsine [Vladimir Poutine, donc] de se hisser au pouvoir ».

 

Jean-Marc Adolphe


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