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Biodiversité : « la voie du rétablissement » ?



Dans une déclaration commune (à l’exception de certains pays opposés comme le Brésil) près de 200 pays viennent de fixer le cadre de la prochaine COP15 sur la biodiversité, qui se tiendra en Chine en avril-mai 2022. Une déclaration consensuelle, qui ne contient aucun objectif chiffré. Emmanuel Macron, pour sa part, veut « remettre la nature au cœur de notre modèle de développement ». Cherchez l’erreur…


Attention, une COP peut en cacher une autre. Tous les regards sont braqués vers la COP26 (conférence des parties signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), qui se tient à Glasgow à partir du 31 octobre après avoir été repoussée pour cause de pandémie. A ce jour, le président chinois Xi Jinping, le dirigeant russe Vladimir Poutine et le Premier ministre indien Narendra Modi n'ont toujours pas confirmé leur venue. En gros, quelques-uns des pays parmi les plus pollueurs de la planète. Le premier ministre australien, Scott Morrison, a finalement fait volte-face. Celui qui promettait de continuer l’exploitation du charbon (dont l’Australie est le plus grand exportateur) « tant qu’il y aura des acheteurs » avait menacé de ne pas se rendre à Glasgow avant d’en parler finalement comme d’un « événement important » auquel il se dit désormais « impatient d’assister. »

Six ans après l'accord de Paris, il ne s'agit pas de signer un nouveau traité à Glasgow, mais de renouveler et d'améliorer les "contributions déterminées au niveau national" (NDC), ces feuilles de route de réduction des émissions prévues par l'accord de 2015. En gros, il s’agit d’accélérer la cadence pour réduire les émissions de carbone et lutter contre le réchauffement climatique. Mais tant d’engagements déjà pris n’ont pas été tenus ou sont restés au milieu du gué : cette COP26 sortira-t-elle du bla-bla-bla que dénonçait voici peu Greta Thunberg ? Même la reine d’Angleterre, 95 ans, s’est irritée contre les dirigeants mondiaux qui "parlent" du changement climatique, mais "n'agissent pas". Si ça continue, Elizabeth II va rejoindre le mouvement Fridays for future !


Les populations mondiales de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons

ont diminué de deux tiers en 50 ans. Photo Paul Stewart/Silverback/Netflix

La déclaration de Kumming, première étape vers la COP15 sur la biodiversité.


Derrière la COP26, voici poindre une autre conférence des parties, la COP15, celle-ci consacrée à la biodiversité. Reportée à plusieurs reprises, elle aura finalement lieu à Kumming, en Chine, en avril-mai 2022. Et là aussi, il y a urgence. En un demi-siècle, selon le dernier rapport annuel Living Planet [du WWF], les populations mondiales de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons ont diminué de deux tiers en moyenne. Or, la biodiversité est essentielle, y compris du point de vue du développement humain. Près de 75 % des récoltes dépendent de la présence d’insectes pollinisateurs [d’après la FAO]. Environ 75 % des réserves d’eau douce proviennent de forêts [également selon la FAO]. Et plus de la moitié de la population mondiale dépend directement de la nature pour sa survie [d’après la Convention sur la diversité biologique].

Une première partie de cette COP15 vient de se tenir (en virtuel) du 11 au 15 octobre, accouchant d’une déclaration commune (dite « déclaration de Kumming »). En attendant une prochaine séance préparatoire en janvier prochain à Genève, où devraient être mis sur la table des sujets plus « conflictuels », les États se sont mis d’accord sur un cadre global, pour mettre la biodiversité « sur la voie du rétablissement » d’ici à 2030, en listant 17 engagements pour y parvenir. Les signataires promettent notamment de renforcer leurs plans d’actions nationaux, de travailler à « promouvoir l’intégration » des efforts de conservation dans l’ensemble des processus de décision, de permettre « la participation pleine et effective » des peuples autochtones et des communautés locales ou encore de « renforcer l’efficacité » des zones protégées.

Tout ça, c’est bien beau, mais avec quels moyens et pour quels objectifs concrets ? La déclaration de Kumming ne contient aucun objectif chiffré. Et si le document souligne la nécessité d’étendre la surface d’aires protégées, l’objectif de protection de 30% des terres et des mers, qui figurait dans un texte préparatoire, a disparu. Il faut dire que certains pays, comme le Brésil et l’Afrique du Sud, y sont résolument opposés…

La Chine, de son côté, a d’ores et déjà annoncé la création d’un fonds de soutien aux pays en développement doté de 230 millions de dollars. Sauf que, dans ces mêmes pays en développement (en Afrique, en Amérique latine), mais aussi en Europe (Lire ICI), la Chine investit massivement dans des infrastructures et des exploitations minières qui ne sont pas vraiment en phase avec l’objectif de « rétablir la diversité » ! Lors de son discours, diffusé par vidéo, Xi Jinping a souligné que la Chine faisait « des progrès remarquables sur la voie de la civilisation écologique ». Pour Elodie René, doctorante à l’université de Northampton au Royaume-Uni citée par Le Monde, la « civilisation écologique », modèle chinois, est « une vision politique qui mise sur la modernité et le développement industriel et où les innovations technologiques et le numérique occupent une place prépondérante pour répondre aux défis environnementaux. »

Déforestation de l’Amazonie brésilienne. Photo Greenpeace.


La France serait-elle plus vertueuse ? Alors que le tribunal administratif de Paris vient de donner raison aux associations réunies dans « l’Affaire du siècle » et de condamner l’État français pour ses manquements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, donnant « jusqu'au 31 décembre 2022 pour réparer le préjudice écologique qu'il a lui-même causé par le non-respect de ses engagements », il n’y a guère de raison pour que la biodiversité soit logée à meilleure enseigne.

De fait, pour , Emmanuel Macron a d’ores et déjà « tourné le dos à la biodiversité », écrit Reporterre, en s'appuyant notamment sur un communiqué de la Ligue de Protection des Oiseaux, rendu public le 14 octobre. L’association a publié la liste des trente-trois promesses de campagne du président de la République sur la politique agricole, l’aménagement du territoire, la protection des espaces et des espèces… en comparant avec ce qui a effectivement été réalisé. « Le bilan est accablant », commente Reporterre. Parmi les griefs de la LPO : une politique agricole qui ne soutient pas suffisamment les pratiques vertueuses, les cadeaux et passe-droits offerts au monde de la chasse, le développement de parcs éoliens terrestres et marins et de centrales photovoltaïques sur des sites naturels et sensibles, mais aussi l’artificialisation des sols, une des principales causes de perte de biodiversité. « Quelque 500 000 hectares supplémentaires ont été bétonnés chaque année, un rythme supérieur à la moyenne européenne et à la croissance démographique », affirme Reporterre. Coup de grâce : le Projet de loi de finances pour 2022 « ne prévoit rien pour la biodiversité », selon Yves Vérilhac, directeur général de la LPO.

Dans son message pour la COP15 (sur Twitter), Emmanuel Macron a certes déclaré : « L’Homme ne pourra continuer à vivre sur cette planète que s’il vit avec son environnement et non plus à son détriment. » Comme dirait (encore) Greta Thunberg, « bla-bla-bla ». Mais pas seulement. Il faut entendre Emmanuel Macron jusqu’au bout… Il promet de « remettre la nature et la préservation d’écosystèmes au cœur de notre modèle de développement. » Le président de la République n’a pas tout compris, ou plus exactement, ne veut pas comprendre. Car c’est « notre modèle de développement », en tant que tel, qui est essentiellement responsable du désastre de la biodiversité. Vouloir mettre la nature « au cœur de ce modèle », ça n’a évidemment aucun sens…


Photo de couverture : La fermière Nancy Rono avec un caméléon sur sa manche, comté de Bomet, haut bassin de la rivière Mara, Kenya. Photo Jonathan Caramanus / Green Renaissance / WWF-UK, en couverture du rapport Planète vivante 2020 du WWF.


A lire : « Infléchir la courbe de la perte de biodiversité », Rapport Planète Vivante 2020 du WWF (164 pages). ICI

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