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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Entre krump et danse contemporaine, l’espace d’une rencontre.

Dernière mise à jour : 27 juin



Fabrice Lambert, Wilfred Blé WOLF et Alexandre CYBORG Moreau s’associent pour la création de EPURRS. Journal de bord et entretien sur le vif.


« L’espace le plus beau, c’est quand tu es là » (Roberto Juarroz).

La danse ne devrait pas être ceci ou cela juste une question de présence en mouvement.

Mais bien sûr, la danse est ceci et cela. Entre la bourrée auvergnate et Le Lac des cygnes, la filiation n'est guère évidente. Carmen Amaya, danseuse de flamenco des années 1950, ne dansait pas comme Maurice Béjart. Merce Cunningham était « abstrait », Pina Bausch « expressive », etc., etc.

Dans la galaxie des danses dite « urbaines », le krump est apparu aux États-Unis au début des années 2000. Le krump n’a rien à voir avec Trump, cela fut, dès le début, une danse protestataire, mais aussi résiliente, au sein même de South Central, l'un des quartiers ghettos les plus violents de Los Angeles.

Le krump, ou plus exactement K.R.U.M.P, « Kingdom Radically Uplifted Mighty Praised », que l’on peut traduire par « élévation du royaume par le puissant éloge ». Rien de moins. Souvent la danse a à voir avec l’élévation.

Depuis ses racines à Los Angeles, ville d’anges comme chacun sait, le krump s’est étendu. Y a aidé Rize, en 2005, un documentaire de David LaChapelle, célèbre photographe et vidéaste américain, surtout connu pour ses portraits de célébrités, dont les débuts furent adoubés par Andy Warhol himself. En France, en 2013, la première édition de l’International Illest Battle (championnat du monde) à la Villette, le krump sort de l’ombre. On découvre alors une communauté de pratiquants qui, en dehors des radars médiatiques et culturels, s’active depuis quelques années déjà lors de sessions et autres battles qui se déroulent notamment à La Défense, à Châtelet et à Montfermeil, grâce à une association particulièrement dynamique, le Monstarz Crew.

De la Seine Saint-Denis à la scène de l’Opéra : en 2017, « le krump fait une entrée spectaculaire à l'Opéra de Paris », comme titre alors Télérama. Dans une version filmée des Indes galantes, signée Clément Cogitore, « une vingtaine de danseurs de krump dynamitent l'opéra de Jean-Philippe Rameau (1735) sur le parquet de l'Opéra Bastille. Instantanément, la magie opère et la vidéo se met à circuler sur les réseaux sociaux. »

Ce qui qualifie le krump et le distingue du hip-hop ? Des intensités : le stomp (les pieds frappent lourdement le sol), le chest pop (la poitrine semble faire des convulsions vers le haut) et le arm swing (mouvement de bras mimant le jet d'un projectile ou un coup de poing mais avec les mains ouvertes), auxquels il faut ajouter une expressivité ponctuée de gimmicks (langue tirée, front plissé, bouche ouverte, regards menaçants). Fighting spirit, mais spirit avant tout : « On prône avant tout le dépassement de soi et le respect de l'autre », dit Alexandre Moreau, alias CYBORG, une pointure dans le milieu du krump. A Paris, rue de l’Est, CYBORG enseigne à la Juste Debout School. Une école qui existe « Juste Debout », ça ne s’invente pas !

Avec Ble Wilfried alias WOLF, CYBORG forme un duo épatant, dont la réputation n’est plus à faire dans les milieux du krump, sans avoir réussi à ce jour à franchir la frontière des institutions culturelles (centres chorégraphiques, scènes nationales, etc.). Leurs passeports sont pourtant en règle. Avec EPURRS (création en cours), Fabrice Lambert, chorégraphe aujourd’hui associé au Centre des Bords de Marne du Perreux-sur-Marne, pourrait bien leur offrir le visa manquant. « C’est une danse qui doit rentrer dans les théâtres ». « C'est une danse jeune, physique, puissant et charnelle. J’estime aujourd'hui que la danse contemporaine doit se mêler à ce « spirit » et retrouver l'engagement qu'elle mérite. Travailler dans cette transdisciplinarité donnera de la vigueur et du sens à tous les combats de la danse que la danse mène aujourd'hui, et à ses publics. »

De toute façon, le krump se danse aujourd’hui. C’est donc, par la force des choses, une danse contemporaine. CQFD.


Jean-Marc Adolphe, 1er juin 2021


VIDEO Bande-annonce.


Entretien avec WOLF et CYBORG. Trois questions sur le vif.


Qu’est-ce que le krump ? Un sport de combat ? Une danse urbaine ? Une manière d’être ? Une forme de résistance ?


C'est une danse, qui a été créée à Los Angeles au début des années 2000. Les mouvements, assez rapides et séquencés, peuvent effectivement renvoyer à une image de combat. En fait, cela traduit et retranscrit le quotidien des personnes qui ont créé ce style de danse. A l’origine du krump, il y a quelque chose qui s’est appelé le « clowning ». Sur fond de trafic de drogue de guerre des gangs et d'émeutes raciales, Thomas Johnson a fait un séjour en prison. A sa sortie, il a décidé d'aider sa communauté, de sortir les jeunes de son quartier de la fatalité des gangs. Avec une danse qui empruntait aux codes du hip-hop, il parcourait les fêtes familiales les anniversaires et se déguisait en clown pour apporter de la joie aux enfants. Ainsi est né son personnage, Tommy le clown, et de là est né le « clowning ». Ensuite, certains danseurs qui ne se retrouvaient pas dans ce côté trop festif, ont voulu exprimer quelque chose qui traduise davantage ce qu’ils vivaient au quotidien. Le krump est né comme ça, et s’est enrichi d’influences venues du mime, de danses tribales africaines, etc.. C’est en perpétuelle évolution.


Quelles sont les valeurs défendues par le krump ?


Il y a un état d'esprit qui est celui du « guerrier ultime » : un krumper cherche souvent à montrer à quel point il est fort. Il y a l'affrontement, mais aussi le partage : on cherche les rassemblements, la communication avec l'autre qui nous renvoie une énergie. Le krump est une danse très libre. A travers un certain nombre de codes que l’on s’approprie, on cherche avant tout à exprimer ce que l’on ressent.


Avez-vous déjà eu l’occasion de travailler avec un regard extérieur, et pour cette création, qu’attendez-vous de la collaboration avec un chorégraphe tel que Fabrice Lambert ?


Il faut faire une différence entre ce que l’on fait habituellement dans le krump et la création d’un spectacle. Ici, Fabrice Lambert amène sa manière de voir les choses. Il s'agit vraiment d'un mélange : on vient avec notre énergie et nos codes, et Fabrice a ses propres codes. C’est un dialogue. Dans les mouvements et la gestuelle, on est totalement krump ; Fabrice nous amène à préciser des déplacements, des intentions, tout un travail que l’on a justement envie de développer.


DATES.

EPURRS 360 - in situ 25 minutes

- 16 et17 juillet 2021 : Centre des Bords de Marne, Le Perreux-sur-Marne

- 21 et 23 juillet 2021 : Maison de la Musique de Nanterre

- 17 et18 septembre 2021 : Festival Constellations, Toulon

- 19 septembre 2021 : Fontenay en Scènes, Fontenay-sous-Bois

- 2 octobre 2021 : Place de la Danse, Toulouse

EPURRS - version scène 50 minutes

- 22 et 23 octobre 2021 : Maison de la Musique de Nanterre

- 16 au 19 novembre 2021 : Centre des Bords de Marne, Le Perreux-sur-Marne




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