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Face au délit de solidarité



Duke Ellington y avait séjourné en 1966 et lui a dédié une composition pour « tous les hommes de bonne volonté qui œuvrent pour un monde plus juste et plus beau ». Centre culturel de rencontre dédié à l’humanisme, au Droit et à la création, partenaire du festival Images migrantes en Auvergne - Rhône-Alpes, le château de Goutelas, en Forez, organisait ce 23 novembre un webinaire avec l’Ordre des avocats du barreau de Lyon et l’Observatoire lyonnais des libertés publiques : «Quand la solidarité devient un délit : les limites de l’hospitalité».


Nous en avions parlé dans Les humanités (ICI) : tout début octobre 2021, le château limousin de Nedde (entre Eymoutiers et l’île de Vassivière en Haute-Vienne) accueillait les États Généraux du Posturbain. Ce bel ensemble Renaissance avait été aménagé vers 1600 sur une bâtisse médiévale. Vers 1960, il était en ruines et a été reconstruit grâce au maire de la commune André Lecuyre, au milieu d’un nouveau village de vacances (VVF). En dehors des périodes estivales, il peut désormais accueillir groupes, assemblées et la vitalité de leurs débats.


Une poule sur un piano

De l’autre côté du Massif central, dans le Forez, le château de Goutelas est comme le frère jumeau de celui de Nedde. Egalement construit à la Renaissance sur une maison forte médiévale, embelli au 18e siècle, il avait finalement été transformé en ferme qui elle aussi menaçait ruines vers 1960. Alors S’est alors engagé un fabuleux projet de restauration, dont l ‘état d’esprit imprègne encore les lieux, devenus en 2017 Centre culturel de rencontre, un label reconnaissant des activités effectives de longue date pour « l’humanisme, le Droit et la création ».

Teaser de « Une poule sur un piano », documentaire de Laurent Lukic

sur la venue de Duke Ellington au château de Goutelas, en février 1966.


Il y a soixante ans, dès 1962, s’activaient bénévolement au débroussaillage et aux travaux de déblaiement paysans et ouvriers, artistes et intellectuels autour d’une grande figure du combat pour les droits humains, l’avocat lyonnais Paul Bouchet. Le dynamisme de ce projet collectif est notamment symbolisé par la venue en 1966 de Duke Ellington pour un concert. (Lire ICI) Le Duke resta trois jours : il consacrera un chapitre à son séjour dans sa biographie Music is my mistress après avoir composé une Goutelas suite en six mouvements dédiée à « tous les hommes de bonne volonté qui partout, comme à Goutelas en Forez, œuvrent pour un monde plus juste et plus beau ».


Humanisme et droits humains dans les paysages du Forez

Un des principaux fils conducteurs des projets de Goutelas est le Droit et ce qu’il engage d’ouverture sur le monde et la culture, sur la citoyenneté. Dès la Renaissance, Jean Papon, initiateur de la construction du château était juge royal du Forez et œuvrait pour « l’humanisme juridique ». Il était l’ami d’Honoré d’Urfé, auteur du premier roman-fleuve de la littérature française, au succès considérable dans l’Europe entière : L’Astrée. Parmi les lieux réels de l’intrigue figure Goutelas : on n’y a pas oublié la portée littéraire, philosophique et paysagère de cette œuvre.


Elles parvinrent […] au bocage, qui étant plus relevé que la maison découvrait encore mieux toute la plaine,

de sorte qu'il n'y avait repli ni détour de Lignon, depuis Boën d'où il commençait de sortir de la montagne, jusques à Feurs, où il entrait en Loire, qu'elles ne découvrissent aisément. Cette représentation fut si sensible

à la feinte Alexis, qu'elle ne put s'empêcher de dire tout haut, Ha mes tristes yeux comment souffrez vous

sans mort la vue de ces rives heureuses, où vous laissâtes par mon départ tout votre contentement !

(L’Astrée, tome II, livre 10)


Tenir parole, art de l’hospitalité


À travers Paul Bouchet, devenu Conseiller d’État en poursuivant ses activités militantes (par exemple à la Présidence d’ATD Quart monde) jusqu’à son décès en mars 2019, avec sa compagne Mireille Delmas Marty qui poursuit leur action, l’humanisme juridique de Goutelas est toujours vivace. Au milieu d’innombrables colloques, conférences, rencontres (par exemple, le paysage en mouvement, avec Gilles Clément en 2017), le château accueille aussi des mariages et autres festivités familiales pour être ouvert à tous les habitants de la région.


L’hospitalité ici n’est pas un vain mot, mais au contraire un sujet de réflexion, d’échanges et de création artistique. Le Centre Culturel de Rencontre s’associe depuis plusieurs années au festival Images migrantes, avec ses projections, rencontres, spectacles organisées dans l’ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette année, Images migrantes se déroule du jeudi 25 au lundi 29 novembre (publication à venir dans Les humanités). À Goutelas, on va renouer avec l’expérience collective de visionner des films et d’en parler.


Quand la solidarité devient un délit : les limites de l’hospitalité.


Mais l’écosystème Goutelas affirme sa biodiversité en organisant un webinaire ce mardi 23 novembre de 12h à 14h, « Quand la solidarité devient un délit : les limites de l’hospitalité. » Ce webinaire programmé en partenariat avec l’Ordre des avocats (barreau de Lyon) et l’Observatoire lyonnais des libertés publiques est accessible à tous sur la page facebook « Château de Goutelas »


(Enregistrement de ce webinaire à retrouver sur la page Facebook du Barreau de Lyon : https://www.facebook.com/Barreaulyon/videos/2933181013610241)

Antoine Jeammaud, de l’association du Château de Goutelas, professeur de droit honoraire de l’Université Lumière Lyon 2 animait le débat entre Danièle Lochak,professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Nanterre et militante de la défense des droits de l’homme, Sabah Rahmani, avocate, Muriel Cravatte, réalisatrice du film documentaire Demain est si loin (2020).

Pour ce film, Muriel Cravatte a vécu de longs mois au plus près du terrain et des habitants du briançonnais.

Dans une démarche solidaire et artistique, elle témoigne de ce qu’elle a découvert :

« A la frontière franco-italienne, près de Briançon, en dépit des lois sur l’asile et des droits humains, les réfugiés qui tentent d’entrer en France se font refouler par les autorités. Le territoire du briançonnais résonne comme un miroir de notre société, où l’humanité est du côté des citoyens, alors que la répression et le déni des droits proviennent de représentants de l’État. Il reflète dans une zone circonscrite ce qui se passe plus largement à l’échelle nationale ou européenne. Après un premier séjour comme bénévole au Refuge Solidaire de Briançon, la nécessité de filmer m’est apparue. Je voulais témoigner de ce qui se passait ici et maintenant. »


Avec d’autres partenaires comme Sciences Po Lyon, Goutelas avait aussi organisé, en janvier et février 2021, trois webinaires précédés d’une intervention artistique sur le thème « Nos libertés confinées » (1. L’effacement du citoyen, 2. Le droit à la santé plus fort que les libertés fondamentales ? 3. Retrouver le chemin des libertés). Autre sujet, ô combien actuel !


Isabelle Favre


Photo en tête d’article : Demain est si loin, film de Muriel Cravatte.


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