No Kings : la résistance à Trump
- La rédaction

- 17 oct.
- 6 min de lecture

Dans le comté de Bennington, dans le Vermont, le 14 juin 2025. Photo Michael Beach/Reuters
Plus fort que le14 juin dernier : ce samedi 18 octobre aux États-Unis, le mouvement No Kings, coalition d’environ 200 associations progressistes, fédère plus de 2.600 rassemblements sur tout le territoire américain pour « défendre la démocratie face à la dérive autoritaire » de Donald Trump.
Le mouvement No Kings s’affirme, depuis plusieurs mois, comme l’un des visages les plus visibles de la contestation politique américaine. Ce samedi 18 octobre, il organise une nouvelle journée nationale de protestation, présentée comme un appel à « défendre la démocratie face à la dérive autoritaire » de Donald Trump.
Origines et montée du mouvement
Né au lendemain de la réélection de Donald Trump, No Kings — littéralement « Pas de rois » — tire son nom du slogan des insurgés de la Révolution américaine, qui rejetèrent toute forme de monarchie. Le mouvement a connu un essor spectaculaire lors de sa première mobilisation nationale, le 14 juin 2025, jour du 250ᵉ anniversaire de l’armée américaine et du 79ᵉ anniversaire de Trump. Ce jour-là, plus de cinq millions de personnes avaient défilé dans plus de 2.000 villes, des grandes métropoles comme New York, Los Angeles et Chicago, jusqu’aux territoires américains d’outre-mer.
Une coalition large et décentralisée
L’organisation de No Kings repose sur une coalition d’environ 200 associations progressistes, de l’American Civil Liberties Union (ACLU) à MoveOn, en passant par l’American Federation of Teachers et Greenpeace. Le mouvement se veut non violent : ses sites web diffusent des tutoriels pour désamorcer les tensions durant les rassemblements. Les porte-paroles comme Ezra Levin (Indivisible) et Hunter Dunn insistent sur la volonté de « rappeler que le pouvoir appartient au peuple ».
Le discours s’inspire de Martin Luther King et de l’idée d’une société équitable, mais aussi de la philosophie des mouvements Occupy ou Black Lives Matter, dans la mesure où il prône une démocratie participative et horizontale.
Un symbole de résistance civique
Les meetings « No Kings » se déroulent souvent en parallèle d’événements officiels : en juin, ils répondaient au défilé militaire organisé par Trump à Washington. Ce 18 octobre, la mobilisation intervient sur fond de fermeture partielle du gouvernement fédéral et de déploiement de troupes pour maintenir l’ordre dans plusieurs grandes villes. Les manifestants dénoncent l'extension des pouvoirs exécutifs, la répression contre les migrants, les attaques contre les droits civiques et la remise en cause des contre-pouvoirs institutionnels.
Une contestation amplifiée
Les organisateurs annoncent plus de 2.600 rassemblements sur tout le territoire, soit davantage qu’en juin dernier. À Boston, Chicago ou Philadelphie, les autorités locales s’attendent à des foules records, parfois mêlées à des festivals populaires. Plusieurs personnalités du monde artistique, comme Robert De Niro, ont apporté leur soutien. Dans une vidéo virale, l’acteur déclare : « Nous avons vécu deux siècles et demi de démocratie. Nous n’avons pas besoin d’un roi Donald Premier ».
Du côté républicain, le mouvement est qualifié de « rassemblement anti-américain » ou de « manœuvre de la gauche radicale ». Donald Trump, interrogé cette semaine, a minimisé la portée des manifestations, affirmant qu’« il y aurait très peu de monde ». Ses alliés politiques l’ont décrit comme un mouvement de « gauchistes pro-Hamas » ou d’« antifa ».
Au-delà de la protestation, No Kings s’inscrit dans une stratégie politique plus large : préparer le terrain pour les élections de 2026 (les midterms). Ses initiateurs veulent transformer la rue en force électorale, en inscrivant massivement les citoyens sur les listes et en soutenant des candidats opposés au trumpisme. La bannière « No Kings » devient ainsi le mot d’ordre d’une Amérique démocratique inquiète de la concentration des pouvoirs et du recul des libertés.
En filigrane, le mouvement exprime la crainte d’une “monarchisation” de la présidence, une métaphore qui fait mouche dans un pays né d’une révolution contre les rois. Pour ses partisans, il ne s’agit plus seulement de contester un président : mais de réaffirmer que la République américaine ne se gouverne pas par décret, mais par consentement.
Pour les humanités, Ellen Jones
Deux des porte-paroles du mouvement No Kings : Ezra Levin et Hunter Dunn

Ezra Levin, cofondateur d'Indivisible, avec sa compagne, Leah Greenberg. Photo DR
Ezra Levin est cofondateur du mouvement progressiste Indivisible, organisation née en 2016 pour structurer la résistance citoyenne à l’agenda de Donald Trump. Originaire du Texas, il a grandi à Buda, dans la banlieue d’Austin. Diplômé du Carleton College en 2007, il a ensuite obtenu un master en affaires publiques à la Woodrow Wilson School (aujourd’hui Princeton School of Public and International Affairs) de l’Université de Princeton.
Avant de cofonder Indivisible, Ezra Levin a travaillé dans la lutte contre la pauvreté : d’abord au sein d’AmeriCorps VISTA à San José (Californie), puis comme directeur adjoint des politiques fédérales à Prosperity Now, une ONG nationale anti‑pauvreté. Il a également été conseiller politique pour le congressman démocrate Lloyd Doggett entre 2008 et 2011.
Fin 2016, à la suite de l’élection de Donald Trump, Ezra Levin et Leah Greenberg (sa compagne et cofondatrice) publient en ligne le guide Indivisible : A Practical Guide for Resisting the Trump Agenda. Ce document, inspiré des stratégies du Tea Party, explique comment mobiliser localement pour faire pression sur les élus. Le texte devient viral et donne naissance à des milliers de groupes locaux d’activistes à travers le pays. En 2017, le collectif se structure en organisation à but non lucratif, Indivisible Project, dont Levin devient le premier président.
Sous sa direction, Indivisible s’est imposé comme un pilier du progressisme américain, mobilisant sur des thèmes tels que la démocratie, les droits civiques et la justice sociale. En 2019, Levin et Greenberg figurent dans la liste des 100 personnalités les plus influentes du monde selon Time Magazine, ainsi que dans le classement Politico 50 des principaux artisans du changement politique aux États‑Unis.
Ezra Levin est coauteur de We Are Indivisible: A Blueprint for Democracy After Trump (Simon & Schuster, 2019), ouvrage‑manifeste retraçant la genèse du mouvement.

Hunter Dunn. Photo fournie par 50501
Basé à Los Angeles, Hunter Dunn est coordinateur de presse national du collectif 50501 – acronyme de « 50 Protests, 50 States, 1 Movement » –, l’un des principaux partenaires de la coalition No Kings. Il
a émergé en 2025 comme l’un des visages médiatiques du mouvement, chargé de représenter les organisateurs lors des grandes mobilisations nationales. À ce poste, il supervise la stratégie de communication du réseau 50501 et participe à la coordination logistique des marches dans les cinquante États. Dans ses interventions publiques, il insiste sur la nature pacifique et décentralisée du mouvement, affirmant que No Kings et ses alliés fonctionnent sans financement majeur ni structure hiérarchique. « Nous ne sommes pas une organisation, mais un mouvement », résume-t‑il.
Avant de s’impliquer à l’échelle fédérale, Hunter Dunn militait dans des collectifs communautaires d’aide aux sans-abris et de défense des droits civiques à Los Angeles. Il se présente comme un activiste de terrain ayant commencé dans les manifestations contre les violences policières et les expulsions de migrants. Son approche repose sur des principes de non-violence active : il a mis en place des équipes de « peacekeepers », des volontaires formés à la désescalade pour protéger les manifestants et assurer le caractère pacifique des rassemblements.
Hunter Dunn se montre particulièrement virulent à l’égard de l’administration de Donald Trump, qu’il accuse de « piétiner la Constitution américaine ». Il revendique un patriotisme républicain au sens originel : « Ce n’est pas une question de partis, mais de pays, de liberté et de dignité », affirmait-il en juin 2025. Selon lui, le slogan « No Kings » ne vise pas une personne mais une dérive : celle d’un pouvoir exécutif qui tend à se comporter comme une monarchie. Hunter Dunn incarne ainsi la dimension générationnelle et civique du mouvement : jeune, indépendant, ancré dans les mobilisations locales, il représente la nouvelle génération d’activistes américains mobilisée pour la défense de la démocratie et des droits civiques.
PORTFOLIO : NO KINGS EN IMAGES

Des manifestants dans le centre-ville de Los Angeles portent une banderole représentant
le préambule de la Constitution américaine. Photo Mario Tama / Getty Images

A Philadelphie. Photo Yuki Iwamura/AP

A Atlanta. Photo Alyssa Pointer/Reuters

A Buffalo, New York. Photo Craig Ruttle/Sipa USA/AP

A West Palm Beach, Floride, près de Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump. Photo Joe Raedle/Getty Images

A Chicago. Photo Octavio Jones/Reuters

A Asheville, Caroline du Nord. Photo Allison Joyce/AFP/Getty Images

Un manifestant vêtu d'un costume traditionnel indigène, à Los Angeles. Photo Daniel Cole/Reuters

A Port Washington, New York. Photo Shannon Stapleton/Reuters

Une femme fait un geste en direction des policiers à cheval qui interviennent pour disperser les manifestants
à Los Angeles. Photo Etienne Laurent/AFP/Getty Images

Un enfant agite un drapeau alors que des manifestants se rassemblent à Brooklyn. Photo Christian Monterrosa/Reuters

Constance Felton réconforte Daisy Moran lors d'une manifestation à Atlanta samedi.
Photo Arvin Temkar/Atlanta Journal-Constitution/AP

A Ocean Beach, San Francisco. Photo Tayfun Coskun/Anadolu/Getty Images
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