Victime d’un malaise, René Robert est resté 9 heures sur l’asphalte parisien avant d’être secouru, trop tard. Ainsi disparaît un immense photographe du flamenco.
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C’était un grand, voire plus. Pendant plus de 50 ans, René Robert a été l’œil du flamenco. Camarón de la Isla, Chocolate, Paco de Lucia, Agujetas, Chano Lobato, Fernanda de Utrera, El Torta, La Susi La Yerbabuena, María del Mar Moreno et tant d'autres ont été immortalisés par son objectif.
« Que le nom du photographe René Robert soit peu connu du grand public n'est dû qu'à sa légendaire modestie et à sa perpétuelle discrétion, mais ses photographies de flamenco, toujours en noir et blanc, inspirées et splendides, occupent depuis plus de 50 ans une place d'honneur dans le grand livre d'images de l'histoire de l'art flamenco, atteignant parfois la qualité d'une image iconique, connue et célèbre de tous les amateurs de flamenco », écrit le journaliste et écrivain Michel Monpontet sur deflamenco.com.
« J'attends le moment », a dit un jour René Robert, lorsqu'on lui demandait quels étaient les secrets de ses incroyables photos (sa photo de Camaron, qui a servi d'affiche pour les concerts mythiques de 1986 et 1987, le portrait d'Agujetas, etc). Homme de peu de mots, il n'aimait pas s'expliquer. Il était juste au bon moment, au bon endroit, rien d'autre. « Ses clairs-obscurs profonds racontent et enseignent comme peu d'autres images, capturant la puissance dramatique de l'art flamenco », poursuit Michel Monpontet. « Si son œuvre pouvait être comparée à celle d'un peintre, ce serait sans doute le Caravage, le portraitiste italien qui a peint à l'extrême les peines et les tragédies humaines. Le premier artiste qu'il a photographié est Manolo Marín en 1967 après l'avoir invité chez lui. Ces photos appartiennent déjà à l'histoire. C'est avec ce bailaor légendaire qu'il est tombé amoureux du flamenco, une passion qui ne l'a jamais quitté et qui n'a pas faibli jusqu'au dernier jour de sa vie. Sa première université de flamenco était un tablao, El Catalán, un bar et restaurant tablao qui était un refuge pour la diaspora espagnole à Paris. Pendant des décennies, on a pu y entendre le meilleur et le pire du flamenco jusqu'à des heures tardives de la nuit. Picasso en était un des clients. Et René Robert, dans un coin, discret et tranquille, les yeux grands ouverts. Malgré tant d'heures passées avec des artistes de flamenco, il parlait plutôt mal l'espagnol. Mais les artistes espagnols l'ont compris, l'ont aimé et l'ont traité comme un membre de la famille ».
René Robert avait 84 ans. Il est mort à Paris dans la nuit du 19 au 20 janvier. Pris d’un malaise, rue de Turbigo, il s’est écroulé. Neuf heures se sont passées sans que personne n’intervienne. C’est un SDF qui, finalement, a tenté de le secourir. Trop tard…
René Robert a publié trois ouvrages qui figurent depuis des années dans les bibliothèques de tous les aficionados : Flamenco (1993), La Rage et la Grâce (2001) et Flamenco attitudes (2003). L'an dernier, il a légué son immense héritage à la Bibliothèque nationale de France, une collection de milliers de photos.
A lire : article de Nicolas Villodre sur une exposition de René Robert en 2015, ICI
VIDEO
Entretien avec René Robert sur la chaîne YouTube Flamencofil
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