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Le premier festival des humanités, du 31 août au 3 septembre

Le premier festival des humanités, du 31 août au 3 septembre

A Cenne-Monestiés, dans l'Aude, du 31 aout au 3 septembre, les humanités proposent leur tout premier festival. Avec les moyens du bord et des artistes en présence, cela s’invente. Un chemin hors des chemins, un espace à espaces (Henri Michaux), et d’autres choses qu’on ne sait pas encore. Avec du singulier et du collectif, des sons et des gestes, des images et des mots, du jazz sous les étoiles mais aussi un parlement des matins, un chantier d’utopies et des rencontres pour changer les mondes … Jeudi 31 août 9 h 30 - midi. Au Communal. Parlement des matins 18 h. A l'Usine. Le pastel, mythes et réalités. Conférence illustrée avec David Santandreu Que sait-on du « pastel des teinturiers », alias isatis tinctoria , cette petite plante dont on tire l’indigo, qui a fait la fortune et la réputation du pays de Cocagne, avant d’être détrônée par des procédés industriels ? David Santandreu, devenu maître teinturier dans le prolongement d’une longue expérience en production agro-biologique, est spécialisé dans l’indigo naturel. Une pratique qu’il a cultivée en explorant de nombreuses archives, dont celles des manufactures royales. Un fabuleux voyage végétal et artisanal. Photo Justin Bonnet 19 h 30. A L’Usine. « Mireille Delmas-Marty, au pays des nuages ordonnés ». Documentaire de François Stuck. Juriste, professeure au Collège de France et membre de l'Académie des sciences morales et politiques, est décédée en 2022. Elle laisse une œuvre considérable, pétrid d’humanisme, où elle a cherché notamment à fonder une « communauté de valeurs » qui puisse faire naître un « droit mondial ». Bien avant que s’impose l’urgence climatique, elle a défendu le concept de « souveraineté solidaire » des États consistant à ne pas se limiter à la défense de leurs intérêts nationaux (« souveraineté solitaire ») mais à se préoccuper aussi des biens communs au-delà de leurs frontières. Sa dernière œuvre : une « boussole des possibles », conçue avec le sculpteur Antonio Benincà. Passé de la télévision (il y a fait ses armes au début des années 1980 avec Pierre Bellemare) au documentaire ( Bienvenue les vers de terre , Êtres en transition , etc.) et aux projets associatifs, François Stuck a réalisé, peu avant la disparition de Mireille Delmas-Marty, un entretien exceptionnel, enrichie de plusieurs témoignages. - Projection (48’) suivie d’une rencontre-débat avec François Stuck et Isabelle Favre, des humanités . A lire sur les humanités : https://www.leshumanites-media.com/posts/Mireille-Delmas-Marty%2C-la-boussole-des-possibles 22 h. Au Communal (projection en plein air). Trésors de jazz, première partie Sans Jo Milgram, d’incroyables pépites auraient sans doute disparu. Passionné de jazz depuis le début des années 1930, devenu ami de Django Reinhart et de beaucoup d’autres, il entreprend au début des années 1970, avec l’aide de Daniel Filipacchi, d’acheter des films qui allaient tomber dans l’oubli (souvent des copies uniques) et de constituer une incroyable collection, aujourd’hui conservée au Centre national de la danse. Une véritable leçon de joie de vivre dans l’Amérique des années vingt à soixante, où la condition des Noirs est transcendée en un jaillissement jubilatoire. Presque plus que la musique, c’est une certaine idée de la danse qui est donnée à voir : les tap dancers remplacent la batterie et improvisent, privilégiant le swing, le feeling, la chaleur des rythmes et des corps. Première partie (72’) : La Revue des revues (1927) de Joe Francis, avec Joséphine Baker ; Black and Tan Fantasy (1929) de Dudley Murphy, avec Duke Ellington et Fredi Washington ; Calling All Stars (1937) de Herbert Smith, avec Buck and Bubbles et Les Nicholas Brothers ; Count Basie and His Sextet (1951), de Will Cowan, avec Billie Holiday, “Sugar Chile” Robinson, etc. (en collaboration avec le Centre national de la danse CND et Josette Milgram) Vendredi 1er septembre 9 h 30 – midi. Au Communal. Parlement des matins. Dans l’après-midi : impromptus, lectures, ateliers… 17 h. Au départ de L’Usine. Mondes rêvés. Exposition sauvage Collage collectif d’une exposition de 61 portraits réalisés par des élèves de 4ème du collège Jean Jaurès à Albi Restitution d’un projet pédagogique en milieu scolaire. Suite à une intervention au collège Jean Jaurès à Albi, de l’artiste photographe Émeric Lhuisset, artiste chercheur et diplômé de géopolitique, les élèves ont été invités à poser une question à un proche : « Quel est votre monde rêvé ? ». Ils et elles ont ainsi réalisé 61 portraits légendés, qui seront « exposés » (façon dazibao) à Cenne-Monestiés pour la première fois en dehors de leur collège, avant prochaine publication à venir. Projet porté par le collège Jean Jaurès, soutenu par le centre d’art Le Lait et le dispositif Pass Culture, accompagné par Julie Chaumette, artiste plasticienne et assistante d’éducation au Collège Jean Jaurès. 19 h. Lieu à définir. « Les oiseaux chantent sans qu’on les paie », de et avec Pascale Paugam Pour elle, « la liberté c’est de s’asseoir sur un banc et d’écouter les oiseaux chanter. » Dès lors, elle quitte donc son emploi de domestique, fait ses paquets et part. Son périple en solitaire, émaillé de rencontres, de difficultés ordinaires, de coups de joie dans le cœur nous offre un hymne à la liberté, poétique et parodique. Derrière son allure de clown, elle pose des questions de philosophe, des questions d’enfant, des questions « logiques ». Pascale Paugam est comédienne et metteure en scène, membre du collectif qui anime le Théâtre Artphonème, tiers-lieu à Bourg-en-Bresse. 21 h. Au Communal. « Choubaï, parler à nouveau », documentaire de Mykhaïlo Kroupievskyï « Figure phare de la ‘génération condamnée’ en Ukraine, Grugoriy Choubaï est une étoile fugace qui a éclairé l’horizon sombre de son époque. Agé d’à peine 20 ans, Choubaï arrive à Lviv à la fin des années 60. Sa poésie inspire la jeunesse et inquiète les bourgeois de la région. Il est fréquemment invité à lire ses œuvres dans les soirées, puis le couple de poètes-dissidents, Ighor et Iryna Kalynets le prennent sous leur aile. Avec ses amis, il lance alors la première autoédition du magazine littéraire et artistique ‘Skryniya’ (‘coffre’) dans lequel paraît son poème ‘Vértép’. En janvier 1972, le KGB commence une opération spéciale à l’encontre du journal. Choubaï, le couple Kalynets ainsi que d’autres représentants de l’intelligentsia ukrainienne sont arrêtés et condamnés à neuf ans d’emprisonnement. Il sera finalement relâché, mais sa vie se transforme en cauchemar. ». En Ukraine sous domination soviétique, la poésie de Choubaï fut interdite avant même qu’elle ne rencontre son public. Réalisé par Mykhaïlo Kroupievskyï, le film documentaire « Choubaï, parler à nouveau » plonge dans cette période dramatique. Le réalisateur réunit celles et ceux qui ont côtoyé Choubaï pour qu’ils le racontent. Entre documentaire, fiction et pièce de théâtre, le film est composé de traces qui ont appartenu à l’artiste (icônes, livres, photos, peintures). L’acteur Serghiï Ghadan incarne à l’écran le poète avec un incontestable magnétisme. Projection suivie d’une rencontre avec Kseniya Kravtova, artiste ukrainienne installée en France, qui s’emploie à traduire et faire connaître la poésie de Choubaï. A lire sur les humanités : https://www.leshumanites-media.com/post/d-ukraine-une-herbe-po%C3%A8me Samedi 2 septembre 9 h 30 – midi (avec prolongation dans l’après-midi). Au Communal. Parlement des matins. Faire agora avec le réseau Autreparts – Artfactories : Maîtrises d’usage, arts de faire (ou de défaire), communs et interdépendances 11 h. La Caravane des alternatives. Projection (23 ‘) La Caravane des Alternatives a relié Ziguinchor (Sénégal) à Genève (Suisse) avec 18 étapes et cinq pays traversés croisant dans son périple de multiples formes de résistances, une permacultrice, un agroforestier, deux centres d'accueil de migrants et de SDF. Autant de lieux et de personnes témoignant concrètement de la transition en cours. 17 h. Lieu à définir. Marja Nykänen. La musique des plantes Née à Helsinki (Finlande), formée à l’École nationale supérieure de la marionnette de Charleville-Mézières, Marja Nykänen est co-fondatrice du Théâtre d'Illusia. Elle est également directrice artistique du festival Imaginieul, en Haute-Vienne. Equipée d’un micro Bamboo que lui a conçu le « musiniériste » Jean Thoby, auteur du Chant secret des plantes , Marja Nykänen proposera un atelier pour participer à la constitution d’un herbier sonore. Et en compagnie de danseuses-chorégraphes présentes au festival des humanités, elle invitera à se mettre au diapason d’un « Théâtre des fleurs », sa prochaine création. 18 h. Lieu à définir. Carte blanche à Jacques Bonnaffé. Au cinéma comme au théâtre, Jacques Bonnaffé a su cultiver une relation sensible aux auteurs. Inlassable VRPoL (Voyageur Représentant de Poésie ou Lectures), Il étend sa pratique artistique à des domaines variés, lectures ou concerts parlés, mise en scène, enregistrements mémorables, performances ou banquets littéraires, accordant à la poésie vivante, qu’elle soit dialectale ou savante, une part privilégiée. A Cenne-Monestiés, pour le festival des humanités, il s’improvise en facteur-colporteur de mots, autour d’un texte du poète luxembourgeois, Jean Portante, Frontalier . Un dispositif inédit, complété par une « carte blanche » où… tous les mots seront permis. 20 h 30. Lieu à définir. Jacques Livchine et Hervée de Lafond / Les folles heures du Théâtre de l’Unité Ils sont à la fois les grands enfants et les grands parents terribles du théâtre de rue en France. Trois mots pourraient résumer la démarche du Théâtre de l’Unité : engagement, culot et générosité. Née en 1968, biberonnée à la révolution et aux idéaux du théâtre populaire, la troupe menée par Jacques Livchine et Hervée de Lafond a monté plus de soixante spectacles dont certains ont marqué l’histoire du théâtre de rue : La 2CV Théâtre , La Guillotine , le Théâtre pour chiens , Oncle Vania à la campagne … Mais Hervée de Lafond, Jacques Livchine et leurs complices pourraient revendiquer la création permanente comme d’autres la révolution permanente. Tout est prétexte à improviser, à inventer, d’un anniversaire à un enterrement, d’un atelier à une manif, de la salle à la rue. « Le Théâtre de l’Unité, c’est toujours autre chose » est leur slogan. Toujours autre chose, mais quelques constantes que ce parcours s’efforce de livrer : le théâtre populaire et politique, les voyages et l’ancrage, l’audace et la fête. (Photo Philippe Briqueleur) Jacques Livchine et Hervée de Lafond offrent à Cenne-Monestiés et au festival des humanités une rencontre exceptionnelle, qui restera dans les annales. Dimanche 3 septembre 9 h 30 – midi (avec prolongations dans l’après-midi). A l’Usine. Parlement des matins Faire agora avec le réseau Autreparts – Artfactories : Maîtrises d’usage, arts de faire (ou de défaire), communs et interdépendances. 15h . Lieu à définir . La Caravane des alternatives . L'Homme qui parlait aux nuages. Trois femmes racontent leurs aventures uniques et épiques depuis le Sénégal jusqu’en Espagne en passant par le Maroc. L’aventure théâtrale qui en découle, consiste à convoquer sous forme de récit, les temps forts du parcours à travers des figures singulières rencontrées… Celles et ceux qui œuvrent à recréer des écosystèmes perdus ou détruits ; ou encore des figures qui ont vécu l’impensable pour survivre en passant les frontières ; sans oublier celles qui font ressurgir à la lumière des êtres perdus dans les profondeurs de la nuit. Interprétation: Céline Chemin, Fabienne Dubois, Valérie Muzetti (Photo Philippe Pinet) 18 h. Le long du Lampy, parcours ponctué de gestes artistiques. Au départ de l’Usine (exposition de L’Art en Cenne, intervention de la plasticienne Julie Chaumette), une promenade le long du Lampy, la rivière qui a fait tourner de nombreuses usines textiles à Cenne-Monestiés du XVIIe au XXe siècle, avec des lectures en chemin, des impromptus dansés ou musicaux, guidés par les artistes en présence au festival des humanités (Véronique Albert, Jacques Bonnaffé, Jérika Brito, Isabelle Favre, Françoise Féraud, Pascale Paugam, Valérie Ruiz, Stéphane Verrue…) 21 h. Au Communal. Trésors de jazz. Seconde partie Pour clore la première édition du festival des humanités à Cenne-Monestiés, une pluie d’étoiles avec le second volet de la collection de films de jazz de Jo Milgram, avec (entre autres), Betty Boop in I Heard (1933) de Dave Fleischer et Don Redman ; Dizzy Gillespie et Louis Armstrong ( The Umbrella Man , 1959) ; Count Basie and His Orchestra (1944) ; Bill Robinson et Shirley Temple ( The Littlest Rebel , 1935) ; et un extrait du légendaire Stormy Weather (1943) d’Andrew L. Stone, avec Bill Robinson, Cab Calloway et les Nicholas Brothers (en collaboration avec le Centre national de la danse CND et Josette Milgram) Et aussi… des artistes en présence Il y a ce qui est programmé, et ce qui ne l’est pas. Le festival des humanités s’invente aussi avec des « artistes en présence », qui sont là pour participer, observer, et éventuellement imaginer des situations sur le vif… De gauche à droite : Stéphane Verrue, Raymond Sarti et Jean-Marc Adolphe, Jérika Brito. Véronique Albert, artiste chorégraphique basée à Metz. A la lisière de la danse, de la performance et de la poésie, ses projets autorisent des alchimies, des associations ponctuelles initiant différents modes de visibilité. « Dans la danse », dit-elle, « je suis à la recherche d’un corps poreux, un état de conscience, une qualité de présence. » Pour le festival des humanités, elle proposera une « fabrique fragile », un effrangement, dans un recoin de paysage, peut-être un jardin… Jérika Brito, danseuse et chorégraphe, vient tout spécialement du Mexique pour cette première édition du festival des humanités, dont elle pourrait s’inspirer pour un projet de rencontres artistiques et communautaires prévu au Mexique en 2024. Julie Chaumette , artiste plasticienne, a accompagné les élèves de 4ème du collège Jean Jaurès à Albi, dans la collection de portrais légendés, Un monde rêvé , qui sera « exposée » le 1er septembre. Par ailleurs, elle « investira » (discrètement) un mur extérieur de L’Usine, pour en révéler certaines fissures. Isabelle Favre , géographe et membre du comité de rédaction des humanités . Participant à l’organisation du festival, elle interviendra lors du Parlement des matins, notamment pour parler paysages et « paysactes », sujet de la thèse qu’elle est en train de terminer. Françoise Féraud , artiste chorégraphique, a développé une longue expérience de l’improvisation en danse, notamment dans des espaces extérieurs. Mais en tant que praticienne de yoga et de shiatsu, elle porte aussi une attention aigue aux « espaces intérieurs ». Eric Goubet, alias Riké , a été l’un des percussionnistes des Tambours du Bronx et du groupe Metalovoice, deux formations exemplaires des années 1990 à 2010. En écho au passé industriel de Cenne-Monestiés, et dans ce qui pourrait être une sorte de rituel avant la transformation de L’Usine en tiers-lieu culturel et associatif, il devrait proposer un atelier-concert qui risque de faire quelques étincelles. Raymond Sarti , peintre et scénographe. On ne compte plus ses nombreuses collaborations pour le théâtre, la danse, le cinéma, la musique et les arts du cirque. Ces dernières années, il a aussi développé une approche transversale de la scénographie, élargie à l’architecture et au paysage, et à une réflexion sur « les natures ». Auteur en 2000 de la scénographie de l’exposition Le Jardin planétaire aux côtés de Gilles Clément, il vient de présenter à la Quadriennale de Prague Facing the world , où il a notamment dévoilé la maquette d’un théâtre autonome et nomade pour s’installer au cœur des territoires. Valérie Ruiz , artiste plasticienne et visuelle, aime « décliner le vivant ». Elle s’intéresse particulièrement à la transmission des savoirs à travers des « tableaux sociétaux ». Aujourd’hui installée à Ouveilhan, dans l’Aude, elle y projette un festival dédié à la performance en octobre. Stéphane Verrue , metteur en scène et comédien, a fondé au début des années 1980 la compagnie Avec vue sur la mer, à Arras. Pour le festival des humanités, il apporte dans sa besace le Discours de la servitude volontaire , d’Étienne de la Boétie et… quelques aphorismes surréalistes. Faire agora avec Autre(s)parts – Artfactories, les samedi 2 et dimanche 3 septembre Maîtrises d’usage, arts de faire (ou de défaire), communs et interdépendances => la question de l’habiter (cheminer en habitant, habiter en cheminant ; anthropologie sociale, architecture et aménagement) => la question écologique (communs négatifs, maitrise d’usage et redirection écologique : vers un art de vivre dans les ruines à l’ère de l’anthropocène) => la question esthétique (art de faire, art de défaire, arts du quotidien, la question de la redirection du travail artistique) => la question normative (droit d'usage, normes et communs) => hospitalités et territoires => les alternatives locales et globales existantes, leur importance pour la transition => savoir-faire et faire-savoir, d’autres « diffusions » etc. Plateforme de recherche et d'action , Autre(s)parts ( http://autresparts.org/ ) réunit depuis plus de vingt ans des habitants, des artistes, des activistes, des chercheurs œuvrant en commun à la transformation des rapports entre art, territoire et société. Centre national de ressources, Artfactories ( artfactories.net ) accompagne les espaces/projets porteurs de ces transformations ; documente et archive leur histoire ; collecte et transmet les savoirs et savoir-faire qui s'y élaborent. Parmi ses membres, on peut citer notamment Mixart Myrys, à Toulouse ; la friche Lamartine, à Lyon ; Pola, à Bordeaux ; La Briquetterie, à Amiens ; Mains d'Œuvres, à Saint Ouen… Opérateur culturel , Artfactories/autresparts (Afap) travaille avec les porteurs de projets, les acteurs institutionnels, les collectivités territoriales et l’Etat à la mise en œuvre de projets culturels et d'aménagement du territoire. Afap est notamment la cheville oeuvrière de la Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants (cnlii.org), une coordination de 232 lieux et 124 réseaux professionnels à l'échelle nationale. Festival des humanités, à Cenne-Monestiés, du 31 août au 3 septembre 2023 en partenariat avec l'association L'Art en Cenne. Pour suivre le festival des humanités sur internet : www.leshumanites-media.com Informations pratiques Le festival des humanités est entièrement gratuit (participation libre). Pour venir en train : la gare la plus proche est celle de Bram, sur la ligne Toulouse-Perpignan. (pour toute demande de covoiturage : contact@leshumanites.org). Hébergements possibles à proximité (nécessité d'avoir une voiture) : à Castelnaudary, Carcassonne, ou au camping Le Bout du Monde, à Verdun-en-Lauragais : https://www.leboutdumonde.fr/ Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Vivre sur Terre, retour du Larzac

Vivre sur Terre, retour du Larzac

Après une première série d'instantanés ( ICI ), les humanités reviennent sur la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales, qui ont eu lieu du 2 au 6 août 2023 sur le plateau du Larzac. Façon de prendre date pour d'autres développements à partir de cet automne. A l’initiative de la Confédération Paysanne de l’Aveyron, de l'association Terres de Luttes et des Faucheuses et Faucheurs Volontaires d’OGM, la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales, a eu lieu du 2 au 6 août 2023 sur le plateau du Larzac, lieu emblématique des luttes contre l’extension d’un camp militaire de 1971 à 1981, puis en 2003 d'un grand rassemblement qui avait réuni 200.000 personnes : c’est là que naîtront les Faucheurs Volontaires d’OGM à l’initiative de Jean-Baptiste Libouban, porte-parole de la Communauté de l’Arche de Lanza del Vasto. Cette année, pour les Résistantes, de grands moyens ont été déployés sur la commune de la Couvertoirade. D’immenses champs ont été mis à disposition par un paysan. Des chapiteaux, un réseau d’eau potable, des toilettes sèches, des douches, des cantines ont été installés par des bénévoles. 700 d’entre ont assuré avec dévouement le déroulement des rencontres qui ont accueilli quelque 5.000 personnes. Conférences et ateliers y ont eu lieu dans des espaces aux noms d’animaux : barnums Triton Marbré, Avocette Élégante, Cuivré des Marais, chapiteaux Outarde, Muscardin, Salamandre… De toute la France des militantes et militants sont venus présenter et partager leurs luttes : le réseau Sortir du nucléaire, Alternatiba, les comités locaux des Soulèvements de la Terre, Secrets Toxiques, et bien d’autres... L’objectif : s’informer des luttes existantes, partager les stratégies, réfléchir sur les modes d’action face à une répression policière devenue très violente notamment après la manifestation contre les méga-bassines de Sainte Soline. Des membres des Soulèvements de la Terre ont témoigné de leur traumatisme après cette manifestation et la peur qui en est restée. Or, il s’agit de ne pas baisser les bras. Un rendez-vous est donné, du 18 au 27 août, avec un "convoi de l’eau" qui partira de Sainte-Soline jusqu’à Paris, un "méga tracto-vélo" contre les bassines ( www.lessoulevementsdelaterre.org ) L’eau, devenu un enjeu crucial, a évidemment été au cœur de nombreuses discussions. Quelle utilisation, pour qui ? Les communs perdus (terme préféré au bien commun qui sous-entend une exploitation) doivent être repris, soignés aussi. Deux modèles de société traversent tous les débats. Continuer le productivisme à outrance, le pillage des ressources, la pollution endémique, l’exploitation de la planète et de sa population, ou bien engager une véritable transition vers une société respectueuse de la terre et ses habitants. Des adversaires sont identifiés. Des marques, des firmes, des politiques, locaux, nationaux, transnationaux. Les centaines de comités et groupements de luttes partagent leurs expériences, leur victoires et leurs défaites. Quelles actions directes, quelles stratégies, violence ou non-violence, où commence l’une ou s’arrête l’autre ? La lutte des femmes dans ce contexte est également abordée : ne pas reproduire dans les associations le mode de de fonctionnement du patriarcat. Des luttes plus anciennes menées en Angleterre, aux États-Unis, au Mexique, sont ainsi évoquées. Certaines conférences ont attiré des centaines de personnes amassées sous les chapiteaux. Les ateliers ont permis des rencontres qui réunissaient de plus petits groupes où chacun.e pouvait se livrer sans fard. Se désenvoûter de la pensée néo-libérale jusque dans nos fonctionnement les plus intimes. On travaille sur notre individualisme, notre "perfectionnisme". Quelle imprégnation le patriarcat laisse-t-il parmi les hommes présents ? Il y a de l’humour, de l’émotion, des prises de conscience. "Porte en toi le changement que tu veux voir dans le monde" , disait Gandhi. La coalition Secrets Toxiques s’attaque aux pesticides. Des images terrifiantes posées à même le sol montrent les résultats de cet emploi en Amérique Latine, notamment auprès des enfants. Un film (voir ci-dessous), un livre, présentent les enjeux et la lutte pour faire abolir l'usage de ces pesticides. Les repas (cantines à prix libres et producteurs locaux) et les concerts le soir permettent de se retrouver et fêter ensemble une commune détermination à faire bouger les lignes. Un peuple jeune, magnifique, conscient de sa force et de son unité, puissant dans son action et léger dans son approche. On a dansé sur des raps et des cumbias engagés, dans plusieurs bal-trads, du folk aussi en bravant des conditions météo très variables et un vent incessant. On y a vu la lune aussi et même le soleil. Plus de 500 rencontres ont eu lieu pendants ces quatre jours. Elles ont permis de s’informer, de resserrer les liens, se donner des rendez-vous et avancer ensemble vers un monde respectueux de la nature et de ses habitants. Une exigence vitale, dont cette première édition des Résistantes, sur le plateau du Larzac, a été le cœur battant. Florian Cevert Dès le début des humanités , nous n’avons pas seulement joint notre voix à celles et ceux qui, ici, dénoncent « l’inaction climatique ». Nous avons mis en cause « les pyromanes de la maison qui brûle » (en juillet 2021), mais aussi attiré l’attention sur « les peuples autochtones, gardiens de la terre » , et mis en avant, lors de la COP 26, des portraits de jeunes activistes du climat, telle l’Ougandaise Vanessa Nakate ( ICI ), ou encore la jeune Amazonienne Helena Gualinga ( ICI ). Nous avons publié un entretien exclusif avec Michel Prieur, pionnier d’un droit de l’environnement ( ICI ), et aussi raconté des histoires de par le monde, comme celle de Yurub Abdi Jama, modeste éleveuse du Somaliland, survit aujourd’hui dans un camp de réfugiés climatiques ( ICI ). Dès cet automne, nous souhaitons poursuivre ce travail de "glanages", pouvoir raconter des histoires de luttes, de lieux, de gens, en France et pas seulement. Pour cela, nous avons besoin de vous. Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Les Résistantes, instantanés du Larzac

Les Résistantes, instantanés du Larzac

5.000 personnes sont réunies jusqu'au dimanche 6 août sur le plateau du Larzac pour la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales. En images et quelques légendes (Victoria Berni), premiers échos d'un rassemblement qui vise à fédérer une multitude de collectifs et d'initiatives "éco-citoyennes". « Il y a quelques paysans, pas beaucoup, qui élèvent vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyen-âgeusement, et qu'il est nécessaire d'exproprier » . L'auteur de cette sentence moyen-âgeuse n'est pas franchement passé à la postérité : de juin 1969 à juillet 1972, André Santon était secrétaire d’État à la Défense dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. Le plateau du Larzac, dont il s'agissait de déloger paysans est moutons, est en revanche entré dans l'Histoire. La lutte du Larzac avait comme objectif premier le refus du projet d'extension d'un camp militaire. Mais pendant les 10 ans qu'a duré ce combat, de 1971 à 1981, d'autres thématiques sont venues se greffer, dont le Larzac a été le point de ralliement, voire d'alliage. Devenu symbole de la "désobéissance civile" (un Darmanin parlerait aujourd'hui d'"écoterrorisme...), Le Larzac a en outre été la caisse de résonance de préoccupations écologistes encore peu présentes dans le débat de public, essentiellement portées par les militants anti-nucléaires (se souvenir que Les Amis de la Terre France ont été créés en 1970, et qu'en 1974, René Dumont, premier candidat écologiste à une élection présidentielle, recueillit alors... 1,32 % des voix). La lutte du Larzac aura eu un autre impact, peu souvent évoqué : celui de donner une connotation positive au mot "paysan". La première grande manifestation à Millau, le 6 novembre 1971, avait été appelée par les fédérations départementales des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA). La Confédération paysanne n'a vu le jour qu'en 1987. C'est cette même Confédération paysanne qui avait appelé, en mars dernier, à manifester à Sainte Soline contre les mégabassines, conjointement au collectif Bassines non Merci et les Soulèvements de la Terre, et qui se retrouve aujourd'hui être la cheville ouvrière, avec l'association Terres de Luttes et les Faucheuses et faucheurs volontaires d’OGM, de la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales, du 3 au 6 août sur le plateau du Larzac. Sans forcément appeler de façon incantatoire à la "convergence des luttes", il s'agit bien de "faire se rassembler des réseaux de luttes qui ne se parlent pas ou trop peu, des luttes locales isolées ou organisations globales qui se battent sur des sujets connexes (...), d'accélérer les dynamiques de coopération inter-luttes", et aussi de médiatiser le mouvement des luttes locales à travers la France, son ampleur et sa force, dans une optique de recrutement et de crédibilisation". J.-M.A Mercredi 2 août Depuis le vaste plateau du Larzac, le camp des Résistantes finalise les préparatifs pour accueillir jusqu'à 5.000 participant.es. Sur ces terres militantes vont se dérouler pendant 4 jours des rencontres autour des luttes écologistes, sur fond de répression gouvernementale et de volonté de dissolution des Soulèvements de la terre. Une tente pour accueillir des débats, un espace de repos, une lignée de rocket stove (foyers à bois) pour cuisiner... Jeudi 3 août Dès jeudi après midi, sous un soleil éclatant et des rafales de vent, les ateliers, conférences et tables rondes se sont enchaînés. Des scientifiques de l'atecopol ont proposé de réfléchir aux causes et conséquences du désastre environnemental à l'aune du genre. Si les femmes, minorités de genres, personnes racisées, précaires, sont les premières victimes, c'est bien du fait de la "pétromasculinité" et d'un construit viril qui considère les terres et les corps comme des territoires de conquête. Après un interlude artistique avec une performance théâtrale sur les coulisses des procès de manifestant.es dans les mouvement sociaux, pourtant victimes de violences policières, le collectif diffration a invité à un atelier de communication non violente en prenant en compte les rapports de pouvoir et l'imbrication des oppressions systémiques. Pour poursuivre cette abondance de savoirs, un petit tour à la librairie s'impose avec des livres proposés à prix coutants. Vendredi 4 août Vendredi matin, ce sont huit paysannes et agricultrices qui depuis leur expériences vécues racontent la réalité de leurs vies en tant que femmes dans un milieu agricole sexiste. Croiser les perspectives féministes avec les enjeux écologistes, c'est précisément le prisme qu'a choisi d'emprunter le camp des Résistantes. Samedi 5 août Le camp des Résistantes se poursuit sur le plateau du Larzac avec une table ronde passionnantes sur des expériences municipalistes en France avec les communes de Saillans (Drôme) et de La Crèche (Deux-Sèvres), Nantes en commun et le réseau Actions communes . Des stratégies politiques où le pouvoir est repris directement par des habitant.es des territoires et perspectives pour les élections municipales de 2026. Un marché paysan et artisanal s'est installé sur place : miel, fromages, glaces, légumes, vannerie, plantes aromatiques et médicinales, etc. Et ce samedi après midi, avec l'association A4 (Association d'Accueil en Agriculture et en Artisanat), les conditions indignes de travailleurs étrangers dans le monde agricole français sont dénoncées... Photos et légendes : Victoria Berni Pour retrouver le programme des Résistantes : http://lesresistantes2023.fr/programme/ De prochains rassemblements à suivre - du 18 au 25 août, entre Sainte-Soline et Orléans : le Convoi de l'eau. Un cortège itinérant de vélo et de tracteurs remontent le long des cours d'eau de Sainte-Soline à Orléans. - le 23 août, à Gourdon, dans le Lot : Journée pour la transition. https://idetorial.fr/la-journee-pour-la-transition-a-gourdon-46/ - du 26 août au 3 septembre, à Bure : Rencontre des luttes paysannes & rurales https://lpr-camp.org/ Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Pépites d'Avignon

Pépites d'Avignon

Le Songe , mise en scène de Gwenaël Morin. Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Après de premières chroniques publiées les 23 et 25 juillet, Stéphane Verrue revient sur quatre spectacles vus au Festival d'Avignon. Où l'on s'aperçoit que Shakespeare reste d'actualité, que les mots de Jean Giono font encore vivre les paysages des Alpes de Haute Provence (et ceux qui les ont habités). Et que le théâtre reste un art capable de bouleverser, avec un récit de vie écrit et mis en scène par Alexander Zeldin. Bouleversant. C’est le premier adjectif qui vient à l’esprit à l’issue de The Confessions. 2 heures 15 sans entracte . L’histoire d’une vie, l’histoire d’une femme : la mère de l’auteur/metteur en scène, Alexander Zeldin, qui fut l’assistant de Peter Brook et de Marie-Hélène Estienne, et qui se définit comme story teller . « J’aime raconter des histoires qui parlent aux gens directement, sans fard, sans intermédiaire, qui les mettent en alerte, les touchent sincèrement » , dit-il. The Confessions raconte donc la vie d’une femme, Alice, née en Australie en 1943, dans un village, issue d’une famille simple, une femme qui a soif d’apprendre, de découvrir le monde, de s’émanciper. Nous la suivons, de l’adolescence à la quarantaine, en Angleterre. Eryn Jean Norvill, bouleversante de sincérité dans The Confessions , d'Alexander Zeldin Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Nous sommes dans les années 1960. Alice rate son admission à l’université. Elle culpabilise face à ses parents (tout cela a un coût). N’importe, les parents se montrent conciliants mais ils jettent Alice dans les bras d’un officier de marine, souvent absent. Lors d’une escale, l’homme lui dit qu’il veut des enfants. Elle refuse et lui explique qu’elle veut suivre des cours (littérature, peinture). Le couple se déchire, le désir est absent. Le mari commet un geste qui ressemble fort à une tentative d’assassinat. C’est la rupture. Déménagement, vie un peu bohème et toujours cette passion pour les arts. Soirées entre connaissances… Un auto-proclamé spécialiste en peinture passe par là. Il emmène Alice visiter l’atelier d’un ami peintre. Traquenard qui se terminera par un viol. Alice se décide enfin à quitter l’Australie, pour l’Italie et ses musées, puis Londres. Elle travaille dans le "social" pour survivre, fréquente assidument des bibliothèques pour enrichir sa culture. Elle a maintenant quarante ans, et rencontre un cinquantenaire d’une infinie gentillesse, Jacob, avec qui elle propose de faire des enfants. Car maintenant, c’est elle qui décide ! Ils auront deux fils, dont Alexander Zeldin. Voilà, brièvement résumée, la fable. Cela pourrait sembler un peu plat, ça ne l’est jamais. « D’une certaine manière, The Confessions est la célébration simple d’une vie ordinaire » dit l’auteur/metteur en scène. Tentative d’assassinat, viol : une vie quand même pas si ordinaire que cela... La mère de Zeldin a beaucoup lu Simone de Beauvoir, Zeldin cite Annie Ernaux. Nous sommes face à la trajectoire d’une femme qui traverse les années 60/70 avec une très forte envie d’émancipation. « La grande question est 'comment honorer une vie ?" », dit Zeldin . « C’est une fonction importante du théâtre : de faire sentir la richesse de la vie et de la dignité. La dignité est un mot essentiel pour moi » . Alexander Zeldin. Photo Curtis Brown / The Guardian Mission accomplie, totalement réussie. Pour cela, il fallait tout le savoir-faire de Zeldin et de son équipe. La scénographie, apparemment hyperréaliste, se transforme régulièrement (avec notamment de saisissants effets de "zoom avant"). Le jeu des acteurs et des actrices est d’une très grande subtilité, alternant le léger (voire le comique) et le plus grave, chacune et chacun jouant plusieurs rôles. I l faut citer tout le monde : Joe Bannister, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn et Yasser Zadeh, avec une mention spéciale pour Amelda Brown (qui joue, d’un bout à l’autre, Alice aujourd’hui) et l'actrice australienne Eryn Jean Norvill (qui joue Alice, de 18 à 42 ans), bouleversante de sincérité à chaque seconde. De nombreuses scènes font coexister ces deux Alice. Le regard de celle d’aujourd’hui sur elle-même jeune est particulièrement poignant. Par ailleurs, au moins pour deux comédiens, les choix de Zeldin sont très subtils. Joe Bannister joue le rôle du premier mari (l’officier de marine, psycho-rigide ,qui a tenté d’assassiner Alice), puis le rôle du violeur. Très troublant. Brian Lipson joue le rôle du père d’Alice (peintre amateur) puis le rôle de l’ami du violeur (peintre avant-gardiste), puis le rôle de Jacob qui sera… le père des enfants d’Alice. Ces choix sont sans doute loin d'être anodins... Et plusieurs scènes resteront en mémoire très longtemps, notamment la scène dans laquelle Alice se "venge " de son viol. A couper le souffle ! A NOTER : The Confessions sera en tournée la saison prochaine : du 29 septembre au 14 octobre à l’Odéon – Théâtre de l’Europe, Paris ; du 8 au 12 novembre à la Comédie de Genève ; du 15 au 18 novembre au Théâtre de Liège ; du 22 au 24 novembre à la Comédie de Clermont-Ferrand ; et du 3 au 5 mai au Théâtre de la Ville de Luxembourg. Shakespeare et la réalité virtuelle Truth’s a Dog Must to Kennel, Tim Crouch. Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Dans la Chapelle des Pénitents Blancs, plateau nu, ou presque: il y a un pied de micro avec micro, quand même, ainsi qu’un sobre tabouret de bar. Tim Crouch arrive, chemise et pantalon noirs, avec, sur le visage, un casque de réalité virtuelle. Il s’adresse à nous, nous détaille même. Untel est ballonné par le repas avalé vite fait avant la représentation, unetelle a payé sa place plein tarif mais elle va s’ennuyer à mourir et quitter la salle avant la fin… Il y a un opportuniste, un metteur en scène, etc. : la liste est longue et savoureuse. Crouch évoque le prix des places, calcule la recette espérée. Après cette entrée en matière pour le moins incongrue, il évoque le Fou du Roi Lear . Ce personnage quitte la tragédie à l’acte III, avant le massacre et la guerre civile (comme Benvolio disparaît après la mort de Mercutio dans Roméo et Juliette , mais le Fou dans Lear est un personnage plus emblématique dans la dramaturgie shakespearienne). Crouch le fait revenir pour qu’il assiste à la tragédie jusqu’au bout. Il explique que le casque de réalité virtuelle est vide. Pendant une heure, il fera des allers-retours entre le plateau nu (sur lequel se déroule l’action du Roi Lear ) et le public. Il enlèvera régulièrement son casque pour venir nous parler (au micro), casque qu'il remet pour narrer la tragédie, la vivre plutôt, en témoin impuissant. Cela se termine par la mort de Cordelia et celle de Lear. Crouch évoque un « théâtre conceptuel ». De notre point de vue, il ne l’est pas du tout. L’auteur questionne le théâtre et le rapport qu’il y a entre un acteur et un public. « Cette pièce parle donc de la mort du théâtre… mais tout en la réfutant par sa forme même. Car il s’agit résolument de spectacle vivant ! » dit Tim Crouch. « La qualité unique du théâtre tient précisément à sa réalité matérielle : des personnes réunies dans un même lieu et dans un même temps, qui respirent le même air, voient la même chose et font ensemble l’expérience du jeu entre ces deux espaces que sont la scène et le public. Les nouvelles technologies ne peuvent pas remplacer le besoin fondamental que nous avons de pouvoir nous réunir. La solitude du digital n’est pas le théâtre, ni ce que je veux qu’il soit » . Tout est dit. Après de longues années de pratique du jeu, l’auteur explique qu’il a voulu tourner le dos au "réalisme psychologique", qu'il s'est mis à écrire en questionnant le rapport acteur/public. Aujourd’hui, ce sont les "nouvelles technologies" qu’il dénonce. Et Crouch de nous dire : « "Voyez avec vos oreilles", comme Shakespeare écrivait déjà dans le prologue d’ Henry V : "Suppléez par vos pensées à nos imperfections (…) Figurez-vous, quand nous parlons de chevaux, que vous les voyez" » . Acteur/auteur très singulier, Tim Crouch a une élégance rare et un un talent fou. Les passages évoquant l’énucléation de Gloucester, la scène d’Edgar (le fils) faisant croire à son père aveugle qu’ils sont au bord d’une falaise et qu’il peut mettre fin à ses jours, la mort de Cordelia et celle de Lear sont bouleversantes. Crouch est pourtant seul sur scène, avec son casque ridicule sur les yeux, et nous sommes emportés. C’est assez fascinant, magnétique. Et c’est aussi un plaidoyer pour le "vrai" spectacle vivant, celui que nous aimons tant. ( Truth’s a Dog Must to Kennel ["A la niche, chienne de vérité !", in Le Roi Lear , acte 1, scène 4] a été joué au Festival d'Avignon, du 14 au 23 juillet). Tim Crouch : http://www.timcrouchtheatre.co.uk/ Skakespeare encore, en farce débridée Le Songe, mise en scène de Gwenaël Morin. Photo Pierre Grosbois Du Songe d'une nuit d'été , Gwenaël Morin a voulu faire «  un terrain d’expérimentation et d’exploration de ce désir fou de vivre  ». Le spectacle se jouait en plein air, dans le jardin de la Maison Jean Vilar. Le temps que se taise le chœur des cigales, à la nuit tombante, la grande fantaisie shakespearienne se déploie, et c'est une farce débridée, un sacré bazar ! Deux heures durant, nous suivons cette féerie jubilatoire, grande fête poétique, théâtrale et dionysiaque. Du théâtre à l’état pur, à l’état brut. Un vrai bonheur. Avec trois fois rien, et un quatuor d'enfer (Virginie Colemyn, Julian Eggerickx, Barbara Jung et Grégoire Monsaingeon, avec qui Gwenaël Morin avait déjà conduit l’aventure du Théâtre permanent à Aubervilliers, à la fin des années 2000), accompagné par deux acteurs amateurs d’Avignon, pour jouer tous les rôles de la pièce, cela joue avec une énergie folle, et toujours juste. On change un élément de costume et hop, le tour est joué. Obéron devient Hermia, Titania devient Héléna, etc. Un morceau de drap est posé au sol, c’est tel personnage qui n’y est pas présent physiquement, et hop, on accepte le code de mise en scène. L’ensemble est totalement réjouissant. Gwenaël Morin promet d’autres propositions dans les années à venir, à chaque fois en lien avec les choix de la direction du Festival d'Avignon. C'est une excellente nouvelle ! A NOTER : Le Songe , de Gwenaël Morin, sera en tournée la saison prochaine : Du 27 septembre au 20 octobre à la Grande Halle de la Villette, à Paris ; du 28 novembre au 6 décembre au Théâtre Public de Montreuil; du 12 au 14 décembre à La Coursive, à La Rochelle ; les 19 et 20 décembre à Rochefort ; du 10 au 19 janvier au Théâtre Garonne ; puis à Foix, Ibos, Chambéry, Bressuire, Poitiers, Tulle et Saint-Jacques-de-la-Lande… https://gwenaelmorin.fr/ Un voyage au pays de Giono Giono - Paysages, Visages , de Paul Fructus Dans le off, une autre pépite : Giono - Paysages, visages , adapté et mis en scène par Paul Fructus. « Ce spectacle respecte à la virgule près les textes de mon père » , écrit Sylvie Durbet Giono, la fille de l'écrivain. « Il restitue cette montée de sève de la nature, blessée et malmenée par les hommes, qui se venge en les faisant s’épuiser dans une danse démoniaque déclenchée par le Dieu Pan revenu sur terre. » Sur la scène : un magnifique banc (un banc pour seul "décor", établi des mots) posé sur un petit praticable. Du fond de la salle arrive un bonhomme habillé en paysan, s’appuyant sur un bâton en bois flotté. Arrivé devant nous, il sort un livre de sa poche et commence à lire. Ouvrir un livre de Jean Giono, c’est ouvrir une porte sur des paysages tourmentés et une humanité emportée dans la danse folle des saisons. Cela parle du vivant de la nature, des torrents, des arbres, des pierres… Cela parle admirablement de ce qu’on appelle aujourd’hui les méfaits de l’anthropocène… Notre bonhomme monte sur le praticable, range le livre et pose son bâton. Commence alors un voyage au pays de Giono. Il y a dans chaque phrase de Giono un univers en expansion. Il n’a pas besoin de grand écran, ni de rideau de fumée. Tout est au creux de chaque mot. Paul Fructus l’a parfaitement compris. Il nous embarque dans cet univers poétique, cruel et organique. Extrait de Un de Baumugnes, puis Prélude de Pan, et enfin, un extrait du Chant du monde . Il n’y a pas que de l’émerveillement, il y a aussi du vertige. Les hommes et les arbres se tordent sous les mêmes vents froids, sous les mêmes soleils fous que chez Van Gogh. Par sa peinture des hommes et des paysages, Jean Giono fait éclater les horizons des Alpes de Haute Provence avec un souffle puissant qui touche à l’universel. Tour à tour, nous serons à Baumugnes, puis dans une auberge en délire, avant de retourner au livre, comme un épilogue. Baumugnes est un village qui fut créé par des protestants. A ceux-là, les catholiques avaient coupé la langue pour qu’ils ne puissent plus chanter le cantique. Et ils furent chassés sur les routes. Bêtise sans nom des guerres de religions ! Ils sont partis dans la montagne et ont bâti un petit village où il y avait un peu de terre à herbe. « Dix maisons, et le poids silencieux de la forêt , la montagne des muets, le pays où on ne parle pas comme les hommes. De parler avec leur moignon dans la bouche , ça faisait l’effet d’un cri de bêtes et ça les gênait de ressembler aux bêtes par le hurlement. Alors ils ont inventé de s’appeler avec des harmonicas », écrit Giono. Puis l’auberge. Elle reçoit un étranger mystérieux qui sauvera une tourterelle volontairement blessée par un bûcheron voulant l’apprivoiser. Mais surtout, un orage se met à gronder, les éléments se déchaînent, les paysans avinés deviennent comme possédés. Déchaînement collectif, transe qui gagne tout le village pour aboutir à une grande folie dionysiaque... Paul Fructus fait vivre tout ça avec une énergie sans faille. Giono est un immense auteur. Encore faut-il, sur un plateau de théâtre, être capable de faire passer cette puissance. Et Paul Fructus (en acteur aguerri), avec son corps, sa voix et sa présence, porte ces histoires avec une force qui embarque totalement. Giono/Fructus, c’est du même acabit que Caubère/Daudet, dans un autre style mais avec le même engagement total. ( Giono - Paysages, Visages , de Paul Fructus, a été joué au Petit Louvre, du 7 au 29 juillet). Stéphane Verrue Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

David-Porto Rico contre Goliath-Exxon et consorts

David-Porto Rico contre Goliath-Exxon et consorts

Après l'ouragan Maria, à Porto Rico, en 2017. Photo Ricardo Arduengo / AFP Un soir de jogging, Dieu lui a dit : "mets-les à l'amende". En 2013, l'avocate Missy Sims a obtenu une première victoire contre Exxon qui avait "oublié" de décontaminer un site d'exploitation. Aujourd'hui, elle défend 16 localités porto-ricaines, durement touchées par l'ouragan Maria en 2017, et attaque les géants de l'industrie pétrolière en vertu d'une loi américaine conçue... pour le crime organisé ! « C’est comme l’apocalypse, la fin du monde, la fin des temps » , dit Missy Sims déambulant dans le cimetière de Lares (28.000 habitants, à l'ouest de Porto Rico), entourée de tombes saccagées, essuyant une larme en songeant à la douleur des familles endeuillées. Missy Sims est l'avocate de 16 municipalités portoricaines qui poursuivent l’industrie pétrolière pour les dommages causés par une série de tempêtes, dont le redoutable ouragan Maria , voilà six ans, qui avait fait près de 5.000 morts. Cette initiative judiciaire originale vise à faire payer les sociétés pétrolières et gazières pour les ravages causés par le changement climatique à Porto Rico. Sa stratégie est suivie de près par l’industrie des combustibles fossiles, les groupes de défense de l’environnement et d’autres avocats et municipalités. Sa poursuite en action collective intentée en novembre dernier s’en prend au gratin de l’industrie pétrogazière : Exxon Mobil, Chevron, Royal Dutch Shell, BP et d’autres encore. Missy Sims allègue que, depuis 1965, ces entreprises ont produit 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tout en complotant pour cacher au public les conséquences désastreuses de leurs actions. Si cette affaire fait partie d’une nouvelle vague de litiges environnementaux visant les sociétés pétrolières, gazières et charbonnières, elle se distingue par deux aspects importants. C’est la première fois qu’on invoque contre les pétrolières la Loi sur les organisations corrompues et influencées par le racket (RICO, en anglais, mais aussi comme Porto RICO), une loi américaine conçue à l’origine pour réprimer le crime organisé. La poursuite les accuse d’avoir violé la loi RICO en minimisant durant des décennies les effets du réchauffement climatique. Elle expose les pétrolières à des dommages financiers énormes. C’est aussi la première poursuite en dommages-intérêts pour un évènement météorologique précis. La poursuite de 247 pages invoque des études scientifiques montrant que le réchauffement climatique d’origine humaine a rendu les ouragans de 2017 plus violents, provoquant une intensification rapide de Maria . L’ouragan a tué des milliers de personnes et infligé à Porto Rico des destructions se chiffrant à plus de 100 milliards de dollars. C’est la pire tempête qui ait jamais frappé l’île. Exxon et ConocoPhillips ont refusé de commenter. Dans un communiqué, Shell déclare : « Nous ne pensons pas qu’un tribunal soit le bon endroit pour aborder la question du changement climatique, mais nous pensons qu’une politique intelligente des gouvernements et une action de la part de tous les secteurs sont les moyens appropriés pour trouver des solutions et faire avancer les choses. » Si les entreprises sont jugées responsables, les dommages pourraient s’élever à des centaines de milliards de dollars, selon des experts juridiques. « C’est pour ça que les entreprises ont peur de ces poursuites » , commente Richard Wiles, président du Center for Climate Integrity, un organisme à but non lucratif qui soutient la poursuite de Porto Rico : « Si elles doivent payer pour les dommages qu’elles ont causés, les coûts deviennent vite incontrôlables. » Missy Sims, avec des élus locaux à Lares. Photo Erin Schaff / The New York Times Missy Sims, le droit et la foi Ce n'est pas la première fois qu'Exxon a affaire à Missy Sims. Cette avocate, catholique pratiquante, a débuté sa carrière dans un cabinet d’une petite ville de l’Illinois, dirigé par un avocat municipal chevronné qui commençait chaque journée de travail par une prière. Il n’imposait la prière à personne, dit-elle. « Il disait juste : “Hé, faisons l’œuvre de Dieu aujourd’hui.” » Missy Sims a appris le code municipal et aidé les municipalités à poursuivre les gens qui ne ramassaient pas les déjections de leurs chiens, qui ne plaçaient pas leurs maisons mobiles sur des fondations ou qui laissaient les mauvaises herbes envahir leurs terrains. Un jour, le maire de DePue, un hameau situé au bord d’un lac dans le nord de l’Illinois, a parlé à Missy Sims d’un problème beaucoup plus grave. Une ancienne usine polluait le village et personne ne voulait la décontaminer. Le site, une fonderie de zinc, avait fermé ses portes en 1989, laissant plomb, mercure, cyanure et cadmium dans le sol. Lorsqu’il pleuvait, les flaques d’eau devenaient bleu vif à cause des métaux lourds, et les habitants tombaient malades. Ce village de 1600 habitants présentait un des taux de sclérose en plaques les plus élevés du pays, et les habitants soupçonnaient que le taux de cancer élevé était lui aussi lié au site. Après une décennie d’efforts, le village n’avait pas réussi à convaincre Exxon et les autres propriétaires de faire décontaminer le site. « Tout le village était malade » , se souvient Missy Sims. « Les gens n’en pouvaient plus de l’inaction des gouvernements et de ces multinationales. » Déterminée à trouver une solution, la jeune avocate s’est mise au jogging le soir. C’est durant ces longues courses méditatives qu’elle s’est mise à parler à Dieu. « Je m’entends bien avec le Saint-Esprit et je priais : “Aidez-moi. Aidez-moi à aider ces gens.” Et il m’a répondu : “Mets-les à l’amende.” » Le lendemain, elle a présenté l’idée à son patron, qui l’a trouvée bonne. En 2006, Missy Sims a aidé le village à poursuivre Exxon et les autres propriétaires du site en vertu d’un règlement municipal interdisant l’abandon de déchets. Les entreprises ont fait appel et l’action a été d’abord rejetée pour des raisons de procédure. Mais Missy Sims a déposé une plainte modifiée et l’affaire a fait son chemin dans le système judiciaire. Des années de manœuvres procédurales ont suivi et, en 2013, le village a réglé à l’amiable avec Exxon et les autres propriétaires pour près de 1 million de dollars. Missy Sims s’était déjà attelée à un autre gros dossier. À Roxana, un autre village de l’Illinois, une raffinerie de pétrole avait pollué la nappe phréatique avec du benzène, un agent cancérigène. Les propriétaires, Shell et ConocoPhillips, refusaient de décontaminer. Missy Sims a déposé pour Roxana 230 contraventions contre chaque société pour abandon de détritus en vertu… du Code de la route municipal. Cela a déclenché une cascade de litiges onéreux pour ces deux grandes pétrolières. Là aussi, un règlement à l’amiable a clos l’affaire : en 2017, Shell et ConocoPhillips ont payé près de 5 millions de dollars. Six ans après l'ouragan Maria, ses stigmates sont toujours visibles à Porto Rico. Photo Erwin Schaff / The New York Times Missy Sims est aujourd'hui à Caguas, petite ville nichée dans une vallée luxuriante au sud de San Juan, à Porto-Rico, pour expliquer aux élus locaux sont plan d'attaque. À partir des années 1980, affirme-t-elle, des sociétés comme Exxon ont compris que la combustion des hydrocarbures allait rapidement réchauffer la planète et se sont coordonnées dans un effort visant à dissimuler cette information. Elles ont engagé des lobbyistes pour bloquer la réglementation des émissions. Elles ont semé le doute sur les données scientifiques de plus en plus probantes sur le réchauffement climatique. Elle raconte ainsi que Shell avait produit en 1998 un document interne prédisant qu’une « série de violentes tempêtes » frapperait la côte Est des États-Unis et qu’à la suite de ces tempêtes, il y aurait une « action collective contre le gouvernement américain et les entreprises de combustibles fossiles pour avoir négligé ce que les scientifiques [y compris les leurs] disent depuis des années : il faut faire quelque chose ». À la fin de la réunion, l’avocate de la Ville, Monica Yvette Vega Conde, a déclaré que, gagnants ou perdants, il était important de porter l’affaire devant les tribunaux : « Nous voulons surtout déclarer que c’est réel, que c’est ici et que ça nous est arrivé. » Missy Sims s’est ensuite rendue à la ville côtière de Loiza, une des 16 autres municipalités demanderesses. En 2017, l’ouragan Maria avait poussé la mer dans la ville, arraché les toits et détruit les routes. Six ans après, l’hôtel de ville est encore en lambeaux. Des bâches bleues recouvrent le toit et les murs sont lézardés. Elle a fait à la mairesse, Julia María Nazario Fuentes, un compte rendu de l’évolution de l’affaire. Puis la mairesse a conduit l’avocate au bord de l’eau, où se dressent quelques vestiges d’un trottoir qui s’est effondré sous les coups de boutoir des vagues en 2017. Devant les ruines de ce qui était la promenade municipale, la mairesse a indiqué qu’elle en voulait de plus en plus aux entreprises accusées dans la poursuite : « Je les tiens responsables de tout. Les humains doivent être plus responsables et mieux protéger ce que Dieu nous a donné en cadeau. » Au début de 2024, on saura si sa demande d’action collective contre l’industrie des combustibles fossiles est autorisée et s’il y aura procès. Missy Sims ne s’attend pas à un règlement à l’amiable, vu l’ampleur des accusations. « S’ils règlent pour nous, ils devront régler pour le monde entier » , dit-elle. Mais le dossier de Porto Rico a déjà un impact : la ville de Hoboken, au New Jersey, vient de modifier sa propre poursuite contre de grandes pétrolières, y ajoutant des accusations en vertu de la loi RICO. En juin, des avocats de l’Oregon ont déposé une poursuite contre des firmes de carburants fossiles pour une vague de chaleur en 2021. C’est la seconde poursuite – après celle de Porto Rico – à réclamer des dommages à des firmes pétrolières ou gazières à la suite d’un évènement météorologique déterminé. Missy Sims se réjouit de ces nouvelles. Elle y voit un autre signe qu’elle fait l’œuvre de Dieu : « Je crois que le Saint-Esprit plaide à mes côtés. Il ne m’a jamais mal conseillée. » La rédaction des humanités , à partir d'un article du New York Times Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Guerre en Ukraine : les forêts en première ligne

Guerre en Ukraine : les forêts en première ligne

Une route forestière dans la région de Chernihiv après de violents combats suivis du retrait des troupes russes, avril 2022. Photo Marko Djurica / Reuters PORTFOLIO. Depuis 17 mois de guerre en Ukraine, les forêts sont en première ligne. Des milliers d'hectares ont d'ores et déjà été détruits. Meduza , média indépendant qualifié par le Kremlin "d'organisation indésirable", a documenté en images ce désastre écologique taille XXL. "Après moi, le déluge". Cette expression (attribuée à Madame de Pompadour à l’adresse de son amant Louis XV lors de la défaite, le 5 novembre 1757 à Rossbach, des troupes franco-autrichiennes face à l’armée prussienne du Roi Frédéric II) sied fort bien, aujourd'hui, à Vladimir Poutine. L'information, en France, est passée inaperçue : à la mi-juillet, la Douma d’État russe a adopté, en première lecture, une proposition de loi qui autoriserait la déforestation totale autour du lac Baïkal, y compris dans la zone protégée. Après que le Kremlin ait fait interdire, sur le sol russe, les principales ONG internationales de défense de la nature, dont le WWF, c'est open bar à volonté ! L'annonce de la Douma a tout de même provoqué une certaine émotion en Russie même (où une pétition a recueilli plus de 80.000 signatures) : pour le Dr Leonid Korytny, président de la section d'Irkoutsk de la Société géographique russe (RGS), c'est une "décision insensée [...] qui entraînera la mort du lac, la violation de toutes les lois et règles existantes, tant russes que mondiales". Il faut savoir que l'interdiction de l'exploitation forestière près du lac Baïkal avait été l'une des premières interdictions documentées lorsque le mouvement environnemental a commencé en Russie. Mais ça, c'était le passé, et du passé, les sbires du Kremlin sont naturellement disposés à faire table rase. En Ukraine, faute de pouvoir accomplir les plans de conquête initialement prévus, l'armée russe (comme ce fut le cas en Syrie pour déloger les rebelles opposés au régime d'El Assad) n'a de cesse que de détruire : politique de la terre brûlée, qui vise des symboles du patrimoine (comme récemment, à Odessa), laisse derrière elle des villes entièrement détruites (Marioupol, Bakhmout...), inonde des régions entières (l'ampleur du désastre écologique consécutive au dynamitage du barrage hydroélectrique sur le Dniepr reste à mesurer)... Depuis 17 mois de guerre en Ukraine, les forêts sont en première ligne. Des milliers d'hectares ont d'ores et déjà été détruits. Les étendues boisées sont devenues les seuls abris disponibles pour les soldats qui tentent de se cacher des drones de reconnaissance. Les forêts ukrainiennes sont alors devenues le théâtre de combats particulièrement intenses et la cible d'incessants tirs de missiles et d'artillerie. Depuis octobre 2022, un "front forestier" existe au nord de la rivière Siverskyi Donets, près de la ville de Kreminna (Lire ICI ). D'importantes forces russes et ukrainiennes s'y sont affrontées, bombardant et pilonnant la forêt avec tous les types d'armes disponibles, des véhicules de déminage aux puissantes bombes aériennes. Dans le même temps, l'armée russe poursuit sa pratique de longue date consistant à miner pratiquement chaque bande de forêt dans le nord de la région de Zaporizhzhia et dans le sud de la région de Donetsk. Nous reproduisons ici un portfolio publié par Meduza , média russe indépendant (installé depuis 2014 en Lettonie), qualifié "d'organisation indésirable" par le Kremlin (Lire ICI ). En d'autres termes : cachez ce désastre que nous ne saurions voir. La rédaction des humanités Le parc naturel national des Montagnes saintes est situé dans la partie nord de la région de Donetsk. Pendant plusieurs mois en 2022, l'une des lignes de front de la guerre a traversé la forêt le long de la rivière Siverskyi Donets, jusqu'à ce que les forces armées ukrainiennes libèrent le parc à l'automne. En mars 2023, les signes des combats de l'année dernière étaient encore visibles dans ces forêts. PhotoIhor Tkachov / AFP. Forêt à Kreminna, juin 2023. Photo Sasha Maslov pour The Washington Post. Un soldat ukrainien dans la forêt de Kreminna, en juin 2023. Des traces d'incendie sont visibles. Les combats se poursuivent dans cette forêt depuis le mois d'octobre et les troupes russes n'ont pas réussi à forcer les unités ukrainiennes à quitter la zone. Photo Anatolii Stepanov / AFP. Un obusier D-30 camouflé tire sur les positions russes près de Kreminna. Les forêts ont fourni aux soldats des deux camps une protection contre les drones de reconnaissance et d'attaque. Photo Associated Press. Une partie brûlée de la forêt de Kreminna près de Yampil, en novembre 2022. Le village a été capturé par l'armée russe en mai et libéré par l'Ukraine en septembre. Photo Andriy Andriyenko / Associated Press. Une bande de forêt minée sur la route Izioum-Slovyansk. Les soldats russes appelaient cette section la forêt de Sherwood. D'avril à septembre 2022, ils ont tenté de s'en emparer, mais ont finalement été contraints de se retirer. Un grand nombre de mines et de munitions non explosées subsistent dans la forêt. Photo Marek M. Berezowski / Anadolu Agency. Traces de combat dans le parc national des Montagnes sacrées, en octobre 2022, lorsque les forces armées ukrainiennes ont repris des parties de la forêt sur les rives du Siverskyi Donets. Photo Carl Court. Mines antichars dans la forêt près de la rivière Mokri Yaly, non loin de Velyka Novosilka, dans le sud de l'Ukraine, été 2023. À la veille de l'offensive ukrainienne, les troupes russes jalonnent toutes les étendues et bandes boisées du sud des régions de Donetsk et de Zaporijjia. Photo Diego Herrera Carcedo / Anadolu Agency. Des équipements russes brûlés dans une zone forestière incendiée de la région de Kharkiv après l'offensive victorieuse de l'Ukraine à l'automne 2022. Les autorités régionales tentent de débarrasser les forêts de la ferraille et paient les habitants pour la ramasser. Photo Mykhaylo Palinchak / SOPA Images. Des pins endommagés par des tirs d'artillerie dans une forêt à l'extérieur de Boucha, dans la région de Kyiv, théâtre d'intenses combats entre février et mars 2022. Photo Pavlo Dorohoi. Fragments de roquettes dans une forêt brûlée à la périphérie de Mykolaiv, août 2022. Photo Stanislav Kozliuk / Reuters. Forêt inondée près du village de Demydiv après l'explosion d'un barrage sur la rivière Irpin, le 28 février 2022. Photo Yasuyoshi Chiba / AFP. Les arbres emportés par l'inondation consécutive à la rupture du barrage de Kakhovka ont été transportés jusqu'à la mer Noire et se sont échoués sur le rivage près d'Odessa. Photo Art-Studio / Vida Press. Les résultats d'une frappe d'artillerie dans la région de Kherson. Photo Mykhailo Palinchak / Vida Press. Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Méga fuites d'eau

Méga fuites d'eau

L'eau vient à manquer, et ce n'est sans doute qu'un début. Mais pourquoi l'eau manque-t-elle ? Parce que trop nous tirons la chasse (d'eau) ou trop arrosons nos poireaux ? Et d'ailleurs, l'eau manque-t-elle vraiment ? Cette enquête sur la disparition de l'eau explore nos abysses, à la découverte de sources invisibles mais non moins réelles. Le sujet est entendu : il n'y a plus d'eau nulle part. La cause est connue, évidente, répétée : c'est nous, rien que nous, avec nos poireaux à arroser, nos pelouses à tondre, nos toilettes quotidiennes, jusqu'à l'eau des toilettes et de la machine à laver. Les autorités vont réagir : il y aura des incitations, des SMS, des amendes, des indignations médiatisées, puis le préfet coupera le robinet. On rouspétera, et puis on fera de notre mieux, car l'heure est grave et le souci réel. Sans eau, nous ne sommes rien. Mais avant que tout cela n'arrive, et que l'urgence impose de fermer les cerveaux et d'empêcher les investigations, voilà une petite enquête sur le sujet... Je vis en Bretagne, au cœur du Cap Sizun, ma terre est sèche, plus personne ne sait où sont les sources qui étaient pourtant religieusement gardées et indiquées depuis des siècles. En Bretagne, le mot "terre", douar , veut aussi dire "la boue". De chaque source naissait un village... Eau verte et eau bleue Précisons... Lorsqu'on dit que l'eau manque, il ne s'agit pas de toute l'eau de la terre, mais de l'eau accessible. L'humanité s'est toujours rapprochée des sources en eau, son histoire est celle des cours d'eau, des sources, des fleuves, des rivières. La facilité de l'accès à l'eau, grâce aux aqueducs, aux canaux, aux canalisations, nous a permis de nous éloigner peu à peu des sources et des rivières. Puis l'eau s'est éloignée de nous et les sources se sont taries... Stop ! Qu'est ce que c'est que cette histoire ? On nous éloigne de quelque chose pour le faire disparaître ? Fouillons un peu. Depuis 1995, l'hydrologue suédoise Malin Falkenmark distingue l'eau verte de l'eau bleu. Qu'est-ce que l'eau verte ? Selon la définition de l'INRA, c'est l'eau « stockée dans le sol et la biomasse, qui est évaporée ou absorbée et évapotranspirée par les plantes et retourne directement à l’atmosphère » . L'essentiel de l'eau n'est pas ce qui est visible (l'eau "bleue"), mais l'eau "verte ", c'est à dire celle qui est invisible : l'eau de la rosée, des herbes, extraite ou transpirée par les racines, etc., et elle représente près de 2/3 de l'ensemble ! L'alerte commence en avril 2022 : le Stockholm Resilience Centre qui étudie en Suède les 9 limites planétaires à ne pas dépasser, inclut cette année-là l'eau verte dans son calcul de la limite concernant la ressource en eau : cette masse d'eau oubliée, et très peu étudiée, est en forte diminution. C'est le choc : une limite vitale est soudainement fortement dépassée, nous manquons globalement d'eau. Pour faire simple, l'eau bleue, c'est celle du cycle de l'eau des manuels scolaires, dans ce schéma, l'eau n'est jamais perdue, elle profite à d'autres, mais elle revient tôt ou tard dans le cycle. L'eau verte, elle, se perd... et la terre sèche, pas seulement chez moi, en Bretagne, mais partout... Si on suit la logique des articles de presse sur le manque d'eau, il faut regarder en l'air, puisque c'est la forte chaleur, donc l'évaporation, qui entraîne cette disparition. Et en effet, une petite partie de cette eau verte évaporée se transforme en hydrogène, 20 litres par seconde. Cette "fuite par le haut" est insignifiante, mais comme nous transformons notre terre en cocotte minute, il y a tout de même de quoi s'inquiéter. Pour l'instant, la réponse de notre chère humanité a été d'envisager de faire soi même ce tour de magie qui consiste à transformer notre eau en gaz (donc en or), et de le vendre sous forme d'un hydrogène écologiquement parfait (avec par exemple la New York State Highway Initiative qui met 10 millions de dollars sur la table pour ce formidable projet, lire ICI )... Cette fuite "par le haut" ne permet pas d'expliquer la dureté de ma terre, et la raréfaction de l'eau sur l'ensemble du globe. Réfléchissons un peu, de manière émotive, donc humaine. 60% de l'eau douce est invisible, et l'eau est essentielle à l'agro-industrie, à l'industrie, aux mines, à tout ce qui rapporte. Rendre visible l'invisible, c'est une idée tentante, non ? Quand on accumule de l'eau dans une gigantesque retenue, ou une méga bassine, c'est aussi une façon de transformer l'eau verte, qui se serait évaporée dans la nature, en eau bleue, qui s'évapore bien plus lentement (seulement à la surface). Est-ce que l'eau pompée dans ces bassines est de l'eau verte ? Les nappes phréatiques se remplissent en partie de l'eau qui s'est infiltrée, et de l'eau de pluie, c'est à dire l'eau qui s'est évaporée. C'est l'eau invisible qui est remise en circulation : la canaliser, la contrôler dans des bassines, est donc une manière de diminuer la part de l'eau verte, et de se l'approprier. Le pompage de l'eau souterraine a pris une dimension qu'il est difficile d'imaginer. Une étude de Yoshihide Wada en 2010 ( Global Depletion of Groundwater Ressources ) a calculé qu'entre 1993 et 2010, 2.150 gigatonnes d'eau ont été pompées. On pense tout de suite aux Shadoks, car une autre étude, sidérante, de Ki Weon Séo a réussi à prouver que cette masse d'eau pompée d'un endroit à une autre du globe aurait contribué à une dérive du pôle ! L'essentiel de l'eau s'est retrouvée dans le nord ouest des Amériques et de l'Inde, et l'axe de terre a changé... Mais revenons à notre enquête, car cette eau, détournée, déplacée, contrôlée, est utilisée en grande partie par l'agriculture intensive, elle revient donc tôt ou tard, chargée de pesticides, dans la terre, pour refaire partie du cycle. Comme on ne la retrouve pas, c'est donc qu'il y a aussi une fuite par le bas, et même une très grosse fuite. L'eau, quand elle ne s'évapore pas, suit les lois de la gravité, donc elle coule vers le bas, dans les sols. Ce qui retient l'eau en surface, c'est qu'il y a de l'argile, du granit, des roches dures... Mais justement qu'est-ce qui se passe dans ces endroits là, que sait-on du sous sol ? Si je prends l'exemple des sites miniers abandonnés de la Meuse , on découvre l'ampleur du problème : les mines sont inondées, et cette eau qui s'engouffre dans les cavités dévie l'ensemble des cours d'eau. Ce sont des masses d'eau immenses qu'il faut traiter, récupérer, à coup de pompes et de camions citernes. Les réservoirs miniers ennoyés représentent un volume de plusieurs centaines de millions de m³ d’eau, trop riche en sulfates pour être propre à la consommation. Si on imagine la quantité de ces mines sur l'ensemble du globe, on ressent un vertige. Une cartographie des zones minières dans le monde (2020), étude menée par Victor Maus et Stefan Giljum, chercheurs de l'Université d'économie et de commerce de Vienne, dévoile l'ampleur du problème. Ce n'est encore rien à côté de ce qui nous attend, car il se passe actuellement une quantité de choses sous nos pieds : ça perfore, ça creuse, ça s'emballe... Et quelle en est la raison ? La transition écologique ! En effet, depuis qu'en haut lieu on s'intéresse à l'avenir du vivant, on prend les choses en mains : la production de minerais, graphite, lithium, cobalt, devra augmenter de 500% vers 2050, afin de combler les demandes des "énergies vertes". La Banque Mondiale estime que 3 billions de tonnes de ces minéraux sont nécessaires pour nous permettre un futur sous les 2°C.... (World Bank's 2017 report, “The Growing Role of Minerals and Metals for a Low Carbon Future” ). Bien sur tout cela sera fait de façon équitable et écolo, propre, impeccable, dans un souci de développement, et de redistribution des richesses mondiales, et une écoute infinie des doléances des autochtones impactés, etc... Sauf que partout où les mines sont creusées, il y a des perturbations du réseau hydrographique et souvent un détournement des cours d'eau qui peut priver d'accès à l'eau les populations. Enfin, sauf quand les sociétés minières, qui sont tout de mêmes humaines, leur apportent l'eau en citerne.... Car il y a de l'eau, et même beaucoup d'eau dans et près des mines mais elle est détournée et bien sur très fortement polluée. Qu'à cela ne tienne, dans les rapports des sociétés minières, cela est vu en terme d'opportunité, à charge à la société qui remporte la marché de dépolluer cette eau en récupérant ainsi les minerais qu'elle contient (c'est toujours ça de gagné) et de fournir l'eau en surplus, tout cela avec des subventions, des aides, des soutiens et l'immense reconnaissance de la population. C'est à ce moment de mon enquête que je me suis souvenu de l'étonnant Docteur Riess. Homme de terrain, celui-ci avait constaté que les mines étaient inondées d'une eau qui ne venait pas que d'en haut, et qu'elle était à forte pression. Par la suite il est connu pour avoir découvert près 800 gisements d'eau improbable, et s'être mis à dos toute la communauté des hydrologues et autres spécialistes. Et en cherchant un peu sur web je tombe sur la découverte scientifique qui confirme en 2017 ses intuitions ! J. Tse de l'université de Saskatchewan , et ses collègues de Dublin ont reproduit les conditions correspondant à la profondeur de 600 m, et du quartz a surgi une goutte d'eau ! Depuis, il est admis que l'eau ne provient pas seulement du ciel, comme on l'apprend à l'école, mais aussi des gouffres de l'enfer, c'est à dire très profondément dans le sol. Riess, qui n'avait pu le démontrer, avait constaté que cette eau remontait sous forme gazeuse par de sortes de failles (dykes), souvent dans ces endroits montagneux, où le pli du manteau terrestre rend le magma plus proche de la surface. Cette eau des profondeurs alimenterait notre globe et renouvellerait l'eau que nous ne cessons de souiller et de polluer depuis des siècles. "Dépolluer" l'eau ? Dans notre sol transformé en gruyère, que devient cette eau là ? Les mines abandonnées et nouvelles, comme jadis les nappes phréatiques, s'ennoient de cette eau, et c'est autant d'eau en moins qui ne vient pas jusqu'à mon petit jardin... Bref l'eau ne manque pas, mais les quantités ont beau être immenses, gigantesques, une aussi immense partie est de plus en plus détournée dans des poches de plus en plus profondes. Et ces poches-là appartiennent à des gens qui n'ont pas toujours très clairement le sens du bien commun ! En résumé, l'eau qui disparaît à nos yeux est celle qui est invisible, et elle disparaît certainement là où personne ne regarde, car ce n'est pas seulement les mines (ce serait trop facile), mais c'est l'ensemble de l'extraction, ainsi que l'accumulation des fracturations des roches dures qui rebat les cartes du parcours invisible de l'eau et donc de son accès. La terre est sèche, les sources sont taries. Un peu comme si l'eau, qui était invisible, au lieu de venir à nous par le miracle des choses, se retrouvait cachée dans une multitude de coffres forts enfouis profondément dans le sol, dont seuls les experts détiendraient la clé pour la rendre visible. Ce sont précisément les mots du rapport de l'UNESCO de 2022 sur les eaux souterraines ( ICI ), dont le slogan est : "making the invisible visible" (rendre l'invisible visible). Avec cet intéressant avis : « L'industrie minière devrait collecter des données essentielles sur l'emplacement et l'extension des aquifères et leurs propriétés et le rendre publiquement disponible aux hydro-écologistes, aux gouvernements et aux fournisseurs d'eau ». En d'autres termes, n'en parlez pas à la population locale, elle risquerait de mal le prendre, l'eau c'est notre affaire. Afin de compléter le tableau, l'eau de surface qui nous reste, peut-être moins renouvelée, est de plus en plus polluée, malgré les traitements dont elle est l'objet. On sait que le tritium, issu des essais nucléaires (notamment ceux des années 1960), s'y trouve toujours. L'eau est la mémoire de nos excès, qui ne cessent patiemment de s'accumuler. Le traitement de l'eau, préconisé comme seule et unique solution par l'Unesco en 2017, ne prend pas en compte ce qu'on appelle les « pollutions éternelles ». L'eau ne s'invente pas, ne se lave pas ; ce qui nous sauve c'est qu'elle se dilue. Je laisse aux pessimistes le soin de dresser notre avenir à base d'eau en bouteilles, d'eaux retraitées imbuvables et de sources taries... Ma petite enquête serait parfaite si je pouvais fournir des chiffres, quantifier la masse d'eau contenue dans les cavités artificielles de la terre ! J'obtiendrais certainement des points de récompenses, comme l'intelligence artificielle que je suis très tenté d'interroger sur ce sujet. Celle ci est en effet conçue précisément pour traiter une telle masse de données, en faisant chauffer les turbines d'ailleurs, mais c'est un autre sujet... Mais, elle-même, interrogée, avoue n'avoir pas accès à ces données, elle reconnaît que l'eau emprisonnée dans les mines profondes est une menace pour l'humanité, la végétation, les sols, l'héritage culturel, etc... Tout en ajoutant le ronron technocratique compilé qui justifie l'extraction à tout va. Peut-être est-ce pour le bien de notre santé mentale que l'industrie minière et de forage se garde bien de dévoiler ses données... C'est un peu comme la crise financière de 2008, la chose est tellement colossale qu'on aidera nécessairement le coupable pour rattraper les choses et l'industrie minière sera la banque Lehman Brothers de demain.... Cela sera d'ailleurs très pratique car l'eau, ainsi "dépolluée", restera au service de ses plus gros utilisateurs, à savoir l'industrie et l'agro industrie, sans oublier l'industrie minière elle-même très consommatrice d'eau ! Quant aux citoyens ? Qui vit encore près des sources pures des montagnes ? Qui seulement sait qu'une grande partie des eaux de consommation du bassin parisien vient de ses sources ? Du moment que l'eau coule du robinet, comme l'argent sort du distributeur, tout va bien. Il sera totalement impossible de ressouder les roches facturées, de combler les cavités de matériaux non poreux : on ne remettra pas du fer dans les anciennes mines de la Meuse... Tout au plus pourrait-on espérer un moratoire sur l'extraction, auquel il faudrait ajouter un moratoire sur l'urbanisation, l'autre menace sur l'eau verte, étouffée par le bitume, ce miroir rampant qui brûle, chauffe et dévégétalise. Ce n'est pas impossible, preuve en est le récent accord mondial sur la préservation de la haute mer.... Cela impose de changer notre regard sur "l'environnement". Les zones humides, les prairies naturelles, les friches impénétrables sont de précieuses gardiennes des eaux vertes en surface, et dans le sol, l'eau des racines reste dans le cycle quand elle est captée par les nappes phréatique qui la ramène à la surface dans un parcours subtil qui permet de l'enrichir, de la filtrer et de la répartir à nouveau dans le sol. L'invisible eau verte des racines devrait de temps en temps pouvoir encore circuler via les nappes phréatiques sans être systématiquement pompée pour devenir l'eau des toilettes ou une réserve d'eau pour quelques uns (estimation des prélèvements en nappe en France : 6 milliards de mètres cubes selon Bnpe.eaufrance.fr !). Et c'est très simple à faire, puisque la nature l'a déjà fait pour nous. Mais pour cela il faudrait réapprendre à aimer l'invisible. Cela me fait penser à ce curieux mélange de simplicité et de sacré des traditions amérindiennes, comme de nos propres traditions liées aux sources et aux fontaines, pour lesquelles la terre est sacrée, y compris dans son sol, dans ce qu'on ne voit pas, mais qu'on protège quand même. Texte et photographies : Olivier Schneider Compléments de lecture L'eau et l'activité minière dans le bassin ferrifère de la Meuse : https://sagebassinferrifere.grandest.fr/bassin-ferrifere/eau-activite-miniere/ L'impact environnemental et socio-économique du rainage minier acide : https://fr.wikipedia.org/wiki/Drainage_minier_acide Cartographie des zones minières dans le monde (2020), étude menée par Victor Maus et Stefan Giljum, chercheurs de l'Université d'économie et de commerce de Vienne https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7478970/figure/Fig5/ https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32901028/ La planète Terre fabrique son eau dans les profondeurs du manteau (janvier 2017), en anglais : https://www.newscientist.com/article/2119475-planet-earth-makes-its-own-water-from-scratch-deep-in-the-mantle/ et https://phys.org/news/2017-02-earth-deep-mantle.html Eau verte / eau bleue, nouveau paradigme défini en 2006 par Malin Falkenmark et Johan Rockström, du Stockholm Environment Institute : https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/fr/fiche/eau-verte-eau-bleue https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/pdf/falkenmark-and-rockstrom.pdf Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2017: Les eaux usées, une ressource inexploitée : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000247551 Quatre milliards de personnes confrontées à une grave pénurie d'eau (2016), en anglais : https://www.waterfootprint.org/resources/multimediahub/Mekonnen-Hoekstra-2016.pdf COP26 : l'eau est en première ligne du changement climatique et constitue une priorité absolue en matière d'adaptation : https://news.un.org/fr/story/2021/11/1107652 La pollution par les pesticides : https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/degradation/06_pollution.htm Les différentes pollutions de l'eau : https://fr.oceancampus.eu/cours/7Mc/la-pollution-de-leau https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4165831/ https://www.pseau.org/outils/ouvrages/isf_presentation_thematique_comite_scientifique_impact_des_activites_minieres_sur_les_services_d_eau_en_afrique_subsaharienne_2018.pdf https://www.sosnature.org/quel-est-limpact-de-lindustrie-miniere-sur-lenvironnement/ https://www.eau-et-rivieres.org/http%3A//www.eau-et-rivieres.org/mines-consequences-eau https://multinationales.org/fr/enquetes/les-industries-extractives-et-l-eau/ Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Quand les fonds de pension épuisent les nappes phréatiques

Quand les fonds de pension épuisent les nappes phréatiques

Cet été à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme) : les bords de l'Allier sont asséchés. Photo Renaud Baldassin / "La Montagne" Le réchauffement climatique n'est pas seul responsable de la sécheresse ! Ainsi, les scientifiques ont beau alerter, depuis des années, sur l'impact des captages effectués par Volvic dans l'assèchement des nappes de la région des puys, en Auvergne, rien ne change. Quelle que soit l'ampleur des dommages écologiques (et désormais humains), les fonds de pension américains qui contrôlent le Groupe Danone, propriétaire de Volvic, ne sont pas disposés à calmer leur soif... de profits. Un exemple parmi d'autres d'une frénésie financière prompte à épuiser les ressources naturelles. Volvic, l'eau pure de nos volcans. Evian et ses bébés danseurs, Salvetat qui « a mis le Sud en bouteilles », Badoit et son "badadi et badada", Aqua en Indonésie, et partout de par le monde, à leurs sources, le puissant groupe Danone embouteille à tout va, non sans proclamer : « Nous voulons toujours faire le bien, afin que notre entreprise soit une force pour le bien dans le monde. Bon pour la santé, bon pour la planète et bon pour les gens, enracinés dans la vision "One Planet. One Health" de Danone ». Ça, c’est du slogan ! De son côté le survitaminé groupe Nestlé capte les eaux de Vittel , celles qui nous donnent « un plus pour l'immunité », de Vergèze devenues Perrier , qui conjuguent « eau, air, vie » , de Hépar et « sa joie d'avoir un bon transit », de Contrex , « notre partenaire minceur », etc. (1) Miracle de l’Évangile du capitalisme qui transforme l'eau, bien commun, en dividendes… Volvic, saint-Graal Prenons le cas de Volvic , l'exemple type du rapport entre le bouleversement de nos vies, cette ère anthropocène qui s'annonce et le rôle du capitalisme d'aujourd'hui. Volvic appartient, eau et âme, à Danone, qui fait lui-même génuflexion devant ses maîtres, les fonds américains dont le Massachusetts Financial Services (MFS) , le célébrissime BlackRock (présent également chez Nestlé) ou encore Artisan Partners, domicilié dans l’État américain du Delaware, havre fiscal bien connu… Suivent , dans cette liste de mariage, d'autres fonds du même type, dont Bluebell Capital, un fonds dit "activiste" qui a obtenu en mars 2021 le limogeage du PDG de Danone, Emmanuel Faber (2) ; ainsi que des banques. La Caisse des dépôts et Consignations (1,7%) fait de la figuration, mais en profite quand même… Les investisseurs institutionnels, comme on dit dans les dîners du Siècle , possèdent 78 % de l'ensemble. La moitié sont américains et seulement 20% français (voir ICI ) Voilà ce que vous buvez réellement quand vous étanchez votre soif avec "l'eau pure de nos volcans". Mais pourquoi raconter une histoire aussi désespérante ? Au matin du 24 juillet, une fois n'est pas coutume, le journaliste de France Info, en préliminaire de la deuxième étape (Clermont-Ferrand – Mauriac) du Tour de France féminin, a fait son boulot. Il ne s'est pas autocensuré quand il a évoqué les problèmes de la Région. 44 communes, dont celle de Volvic, ont été déclarées en restriction d'eau par la Préfecture, depuis mai dernier. Et le barrage de Naussac (Lozère) ne permettra pas de soutenir le débit d’étiage de l’Allier. Il devrait être plein à cette période, or il est à 40 % de son taux de remplissage. Pour parler de cette grave situation, le journaliste a notamment invité François Dominique de Larouzière. Cet hydrogéologue de l’association Preva (Préservation entrée volcans) et nouveau président du vénérable Institut des Sciences, belles Lettres et arts de Clermont-Ferrand, a fait une démonstration imparable des raisons de fonds ( de pension) de l'épuisement des nappes phréatiques de toute la région des puys. Les deux sites de production de Volvic produisent chaque jour 4 millions de bouteilles ! Photo Frédéric Marquet / "La Montagne" Volvic vampirise aujourd'hui 2,7 milliards de litres d'eau, soit six à huit fois plus que dans les années 1960 ! Et le géologue de faire le lien, constaté par des études scientifiques, entre ces cinq forages Volvic et l'assèchement des nappes phréatiques de la région. « C'est comme si on vidait la baignoire par le bas au lieu de la laisser déborder pour alimenter les cours d'eau », métaphorisait-il. Le 21 juin 2022, sur France Inter , ce même géologue expliquait déjà le phénomène en prenant l'exemple de la pisciculture de M. Edouard de Féligonde la plus vieille d'Europe, située à Malauzat près de Volvic (Puy-de-Dôme) : « Avant les captages, on avait un débit de 600 à 700 litres par seconde sur la source de la pisciculture . En 1983, on était descendu à 420 litres par seconde. Et en 2019, on est tombé à 70. » Argument imparable : « lorsqu’on arrête de pomper à Volvic, ce qui se fait chaque année pour des opérations de maintenance, on voit le débit des résurgences remonter. Cela montre qu’il y a bien une corrélation directe.» Les scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années devant les conséquences de ces cinq pompages Volvic intensifs. Un ancien directeur de recherche du CNRS, Christian Amblard, expliquait au cours de la même émission de France Inter la dangerosité du processus. Plus d'eau pompée par Volvic, c'est moins d'eau dans les terres et les ruisseaux, c'est un sol plus aride, des arbres malades, des espèces en danger : « certains ruisseaux deviennent des égouts, avec la pollution » , s'alarmait-il. Et il prévenait : la population ne peut accepter ces conséquences pour la biodiversité, tout en voyant des millions de litres d'eau en bouteille partir dans des trains ou des camions, très souvent à l'étranger. Quand l'air pur atteint des sommets... Devant le tohu-bohu provoqué par leur soif inextinguible de profits, les propriétaires- fonds de pension, mènent campagne pour assécher la colère. Il faut aller voir la mignonne com de cette « eau minérale volcanique, source de force intérieure », pour croire en leurs efforts intenses pour rendre écolo le désastre environnemental observé en Auvergne. Certes, Volvic a décidé d'arrêter arrêt ses ventes au Japon, d'utiliser de nouvelles bouteilles en plastique totalement recyclables et aussi de baisser de 5% son pompage, etc. Mais il n'en reste pas moins que l'eau, ce bien commun et vital, continue d'être privatisée au grand bénéfice des actionnaires ; et qu'elle continuera à l'être, tant qu'elle représente une source de profits à l'aune des pénuries qui s'annoncent. Markus Klinkmueller, patron de la société Swiss Air Deluxe, qui commercialise "l'air pur des montagnes". Photo Laura Zimmermann/Keystone Après l'eau, voilà que certains rêvent de commercialiser « l'air pur de nos montagnes ». Une entreprise suisse, Swiss Air Deluxe , en a déjà initié la mise en spray en captant l'air à 3.000 mètres d'altitude ! Son directeur général l'affirme, ses produits sont un condensé de bienfaits pour la santé. Et ils s'arrachent comme des petits pains en Asie. « Les personnes qui vivent à la montagne ont moins de risques de développer des maladies cardio-vasculaires », remarque-t-il. Quand on sait qu'un adulte inhale en moyenne 10.000 litres d'air par jour et que la contenance du produit proposé contient 9 litres, on peut imaginer les profits colossaux encore en suspens que pourront faire les fonds financiers... Créer la disette en épuisant les ressources naturelles pour un profit maximum et vendre pour de nouveaux profits les éléments en manque, telle est la loi de ce système. Voici un siècle et demi, un philosophe anticipait ce pillage des ressources naturelles : « Tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol ; tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de cette fertilité. Plus un pays, comme par exemple les États-Unis d’Amérique, part de la grande industrie comme arrière-plan de son développement et plus ce processus de destruction est rapide. Si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur. » (3) Ce philosophe s'appelait Karl Marx. Dépassé , vraiment ? Michel Strulovici NOTES (1). Autre aspirateur de nappes phréatiques, le groupe Alma/Roxane. Il s'agit d' une holding détenant des participations dans des entreprises commercialisant de l'eau plate et gazeuse en bouteilles. Le groupe possède 45 sources majoritairement en France et il occupe la troisième place des embouteilleurs français. Il commercialise entre autres Cristaline, Saint-Yorre, Vichy Célestins, Rozana, Saint Amand. Le groupe Alma a pour filiales Neptune et la Compagnie générale des eaux de source (CGES). Le groupe Alma réalise un chiffre d'affaires annuel de 1,1 milliard d'euros (en 2021). (2). Un fonds "activiste" n’a rien à voir avec l’activisme écologique, par exemple. Les fonds activistes sont des fonds d'investissement qui se spécialisent dans des prises de participation (souvent minoritaire) dans des entreprises qu'ils estiment à fort potentiel, mais mal gérées. En novembre 2020, Bluebell Capital déplorait ainsi la performance boursière du Groupe Danone « décevante » et estimait que sous la présidence d’Emmanuel Faber, « le bon équilibre entre la création de valeur pour l’actionnaire et les questions de durabilité » n’avait pas été trouvé. (3). Karl Marx, Le Capital, Livre I, pp. 566-567. Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Le droit de vivre. Chroniques d'Avignon #03

Le droit de vivre. Chroniques d'Avignon #03

Coco Felgeirolles dans "Appels d'urgence", d'Agnès Marietta, mise en scène Heidi-Héva Clavier. Photo Alexandre Camerlo Entre fiction et réalités, ne pas trop se fier au bonheur mais à la joie, comme l'affirme l'auteure et metteure en scène Louise Wailly. Une joie de vivre qu'incarne aussi Coco Felgeirolles, dans un spectacle de Heidi-Héva Clavier, manifeste pour avoir, quel que soit l'âge, "une vraie place dans la vie". [Pour les humanités , Stéphane Verrue chronique l'édition 2023 du festival d'Avignon, in et off. Un avis forcément subjectif sur des propositions artistiques glanées dans le foisonnement de la programmation]. En 1996, avec L'Age des possibles , Pascale Ferran signait un film tourné avec les jeunes élèves-acteurs de l'École Supérieure d'Art Dramatique de Strasbourg : film remarquable, qui reste en mémoire, mais dont le titre semble indiquer que "les possibles" auraient un âge attitré, celui de la "jeunesse". En exergue d' Appels d'urgence , spectacle créé en 2022 à Anis gras - le lieu de l'autre (à Arcueil), que la compagnie Sud lointain joue (jusqu'au 29 juillet) au festival d'Avignon, la metteure en scène Heidi-Eva Clavier cite une phrase de Laure Adler : « Je ne veux pas me croire jeune, mais je ne veux pas que la société m’ôte, en raison de mon âge, ce sentiment de la continuité de soi qui nous permet d’exister » . Voilà, c'est dit. Mais cela reste à jouer, puisque telle est la fonction du théâtre. Appels d'urgence , donc. Nous y accueille une femme d'un certain âge , invitant en préambule à regarder des photos d’elle à tous les âges, de l’enfance à aujourd’hui. « C’est moi, mais en mieux », nous dit-elle. Elle est calme, drôle, légère. Sur le plateau, un petit jeu d’orgue pour régler les lumières, une télé (écran plat bien sûr) et un ordi. Elle donne gentiment un petit cours d’éclairages de scène : la "face", les latéraux, les "contres" (chauds et froids), les douches… Imperceptiblement, à partir de ce "niveau zéro" du jeu, s’opère une métamorphose. Par petites touches impressionnistes, cette femme décrit un monde qui la rogne de plus en plus, la ronge, la rétrécit. Un monde où il serait de bon ton de s'effacer, de bien vouloir "disparaitre de soi-même". A tout âge, et peut-être particulièrement au sien, il faut se battre pour encore devenir soi. C'est un voyage intime dans lequel elle nous embarque lorsqu'elle commence à grignoter les contours du cocon. Enseignante à la retraite, séparée de son mari, mère d’un fils et d’une fille, elle épingle les affres de sa vie conjugale et de sa vie de mère, envahies par les "appareils" et les nouvelles technologies. Ça commence par la télé (le mari et elle n’en voulaient pas mais bon, il était fan de Roland Garros, c'est sans appel !). Puis le gamin qui fait ventouse dans le canapé, les yeux rivés sur l’écran, avec ses jeux vidéo. La fille adepte frénétique de la zappette… Et ça continue avec le téléphone portable, l’imprimante, le scanner…, tous ces appareils censés faciliter le quotidien, voire le "vivre ensemble" mais qui finissent par leur faire écran . Elle refuse cette aliénation. A son âge elle veut devenir elle, tout simplement, s’occuper de ses propres désirs. Elle s’amuse avec une grosse manette de jeux vidéo, endosse un perfecto, se met à danser sur une musique de d’jeun’s , se roule une clope et avale au goulot un peu de mauvais whisky. Allez hop ! A la fin, elle ira jusqu’à convoquer… Brigitte Fontaine ! Trois femmes (Coco Felgeirolles, Heidi-Héva Clavier et Agnès Marietta) se sont unies autour ce projet. A chaque instant elles ont travaillé à la frontière entre fiction et réalité. Le résultat, admirable, évite l’écueil de l’auto-fiction et permet à la comédienne une grande liberté. Coco Felgeirolles, qui maîtrise le jeu d’acteur à la perfection, est émouvante et très attachante. La mise en scène d’Heidi-Eva Clavier est simple, juste, efficace. L’écriture d’Agnès Marietta (également romancière) est très fine, très intelligente. On sent une osmose parfaite entre ces trois-là et l’ensemble se met totalement au service d’une exigence émancipatrice : « Ce que je veux, c’est avoir une place dans la vraie vie » . Fiction ou réalité ? - Appels d’urgence , d'Agnès Marietta ; mise en scène Heidi-Eva Clavier, avec Coco Felgeirolles, au théâtre des Lila's, 8 rue Londe à Avignon, à 13 h 15, jusqu'au 29 juillet. - Compagnie Sud lointain : www.sudlointain.fr Quentin Barbosa dans "La Joie", texte et mise en scène Louise Wailly. Photo Jeanne Cauchy La réalité peut être assujettie aux passions tristes . Mais elle peut aussi être dynamisée (voire dynamitée ?) par la joie, et sa force de subversion. Et ce n'est pas fictif... Pour en convaincre, Louise Wailly a écrit et met en scène un « monologue pour la destruction du sérieux » , précisément intitulé La Joie ! Sur scène, un escabeau en alu, une rampe de projecteurs pas encore installée, un fly-case… bref, un décor un peu en vrac, où quelques accessoires traînent à vue. Sur l’escabeau : un jeune homme, costume noir, chemise blanche. Est-il technicien ? Est-il comédien ? Peu importe. Il a l’air un peu cafardeux et s’adresse au public directement. Il s’empare d'un masque, se le met sur la tête. Un masque de cafard. Qu'il enlève vite fait. On sent un refus violent. Haro sur la déprime, la dépression,… le cafard ! « Boum ! » Quelque chose en lui dit "boum", dans sa poitrine. Progressivement, on perçoit que son personnage a un projet, un projet qu’il veut partager avec nous, assemblée éphémère mais bien présente "ici et maintenant". Il s’agit de célébrer la Joie comme antidote définitif à la dépression, la Joie même comme arme politique ! « Ça ne va pas être simple » , nous dit-il, mais sa détermination semble sans faille. Convoquant quelques philosophes dont, évidemment, Spinoza, Montaigne ou Érasme, notre bonhomme développe son projet, l’inventant quasiment en direct devant nous. La joie s’oppose à la notion de bonheur, en tout cas tel que nos industries du divertissement le proposent en programmes superficiellement formatés. La Joie, c’est tout autre chose ! On n’est pas passif, on est actif ! On invente, en tout cas on essaie. Après s’être affublé de cocasses oreilles blanches, en plumes, notre bonhomme se déshabille. Apparaît alors sur sa poitrine le mot "joie" peint en rouge. Quand il se retourne, le même mot apparaît sur le mode spéculaire. Plus de doute possible, notre bonhomme est traversé par la joie ! Il va alors revêtir une robe assez grotesque (on repense là à la Folie d’Érasme) et continuer sa fête philosophico-politique théâtralisée. Et c’est… joyeux ! Entre pensées profondes, hommage à Charles Trénet (évidemment, nous avions eu droit au Boum au début du spectacle, normal que maintenant nous ayons droit à Y’a d’la joie ! ), et actes dérisoires (jets de confettis). Un texte très riche et jamais pesant, excellemment porté sur scène par Quentin Barbosa. Dans son personnage, derrière cette envie folle de faire triompher la Joie, il y a de la fragilité, de l’in-quiétude. Barbosa nous laisse deviner tout cela avec beaucoup de finesse. La mise en scène de l’autrice est à la fois inventive, drôle et poétique. Cela transpire le théâtre, au meilleur sens du terme. La Joie !, « comme témoignage d’un amour de la vie, une passion devenue politique qu’il est nécessaire de transmettre aux générations futures » , dit Louise Wailly. - La Joie ! , texte et mise en scène Louise Wailly, avec Quentin Barbosa, à Artéphile, 7 rue du Bourg Neuf, à Avignon, à 17 h 30, jusqu’au 26 juillet. - Compagnie Proteo : https://cieproteo.com Stéphane Verrue Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Parmi des milliers, la "liste des 31", à charge de preuve pour La Haye.

Parmi des milliers, la "liste des 31", à charge de preuve pour La Haye.

Alors que Maria Lvova-Belova rêve de prolonger en Afrique sa mission "humanitaire", de nouveaux "camps de rééducation" -où sont déportés des enfants ukrainiens- ont été localisés en Biélorussie. El la Croix-Rouge locale participe à cette entreprise criminelle ! Si besoin était, de nouvelles révélations viennent confirmer que ces déportations d'enfants relèvent d'un système planifié et organisé au Kremlin, avec la complicité de "collabos" dans les territoires ukrainiens occupés. C'est ce que montre une enquête sur la "liste des 31", au tout début de la guerre. Enfin, deux documentaires exceptionnels, avec des images inédites et des témoignages bouleversants, démontent la propagande pseudo "humanitaire" de Maria Lvova-Belova et des autorités russes. Et maintenant, l’Afrique ! Après l’Ukraine, où Maria Lvova-Belova s’est illustrée comme architecte en chef des déportations d’enfants, la commissaire présidentielle russe aux "droits de l’enfant" (sic) s’est trouvé un nouveau terrain de chasse. L’Afrique, donc. Contre "l’Occident décadent", Lvova-Belova a proposé en février dernier à Poutine ses bons et loyaux services de missionnaire (mariée à un prêtre orthodoxe) : « Dans le cadre de notre stratégie de partenariat avec des pays africains, je voudrais demander votre bénédiction pour mener une mission humanitaire en Afrique ». « Allez-y », a alors répondu le Führer du Kremlin. Le patriarche Kirill a lui aussi "béni" l’engagement "humanitaire" de Lvova-Belova. Vu le sens que donne au mot "humanitaire" cette génocidaire qui tente de se se faire passer pour une dévouée dame patronnesse, ça fait froid dans le dos. Nul ne sait encore la forme que prendra cette "mission", mais le sujet sera bel et bien au menu du sommet Russie-Afrique, qui doit se tenir à Saint-Pétersbourg, les 27 et 28 juillet prochains, où une session doit évoquer, entre autres, « les pseudo-valeurs artificielles et contre-nature qui sont activement imposées » par l’Occident. Dans une série de 5 podcasts d’Anya Stroganova pour Radio France Internationale , Maxime Matoussevitch, historien et spécialiste de l’Afrique à l’université Seton Hall du New Jersey, souligne que la promotion des valeurs traditionnelles fait partie du soft power russe sur le continent africain : « Lorsque l’on observe ce que la Russie peut offrir à l’Afrique, il n’y a pas grand-chose, mais le peu qui existe est important. Ils exportent des armes : 50% des armes arrivant sur le continent proviennent de la Russie. Pour le reste, ce n’est pas vraiment de l’idéologie, ce sont des idées moralisatrices : la préservation des valeurs traditionnelles, la conception traditionnelle du genre. » (Lire aussi, sur France 24 : "Du KGB de Khrouchtchev à Poutine, les profondes racines de l’influence russe en Afrique") Toutefois, quel que soit son ardent désir d’aller "humanitariser" l’enfance africaine, Maria Lvova-Belova sera tenue de rester à demeure, dans ses pénates russes. Le mandat d’arrêt lancé à son encontre par la Cour pénale internationale limite en effet considérablement ses possibilités de voyage. Même le Boss, Vladimir Poutine himself , a dû renoncer à se rendre au sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), en août en Afrique du Sud : il s’y fera représenter par le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. « Bien entendu » , écrit Andrew Stroehlein, directeur des relations médias de l’ONG Human Rights Watch en Europe, « le fait que Poutine soit limité dans ses déplacements n'apportera aucun soulagement immédiat aux Ukrainiens qui souffrent de l'invasion de la Russie caractérisée par de nombreuses atrocités. Les missiles de Moscou continuent de s'abattre jour après jour sur les immeubles résidentiels du pays. Il est toutefois encourageant de constater que le fait d'être un fugitif international recherché pour des crimes épouvantables a un prix. (…) Il s'agit d'une nouvelle extrêmement encourageante si l'on considère ce qui s'est passé de manière similaire il y a huit ans. En 2015, Omar Al-Bachir - alors président du Soudan et recherché par la CPI pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis au Darfour – avait réussi à se rendre en Afrique du Sud, malgré les pressions énormes faites pour son arrestation. Le fait que le fugitif Poutine soit aujourd'hui incapable de faire ce que le fugitif Omar Al-Bachir a fait il y a huit ans me semble être un progrès pour la justice internationale. » Loukachenko en ligne de mire Et la pression sur Poutine et Lvova-Belova risque d’autant moins de retomber, que chaque jour ou presque apporte son lot de nouvelles révélations. S’ils sont les principaux responsable et maître d’œuvre de ces monstrueuses déportations d’enfants, d’autres les rejoindront sans nul doute dans la charrette pour un tribunal international à La Haye. Rappelons que la CPI n’a nulle obligation de rendre publiques les identités de celles et ceux qui feraient l’objet d’un mandat d’arrêt. Il est probable qu’y figurent d’ores et déjà, sur la base de preuves documentées, les noms de certains "complices" (révélés par les humanités dans de précédentes publications). Alexandre Loukachenko et Vladimir Potine, lors d’une rencontre à Sotchi, le 9 juin 2023. Photo Gavriil Grigorov / Kremlin Pool Photo C’est au tour du président biélorusse Alexandre Loukachenko, dont le régime ultra-répressif est totalement inféodé au Kremlin, d’être appelé à compléter cette liste de la honte. Jusqu’à présent, on pensait que la Biélorussie s’était "contentée" d’accueillir, pour quelques semaines de "vacances sanitaires", des enfants du Donbass transférés en Russie. Le quotidien britannique The Telegraph vient de révéler, sur la base de documents réunis par l’Administration nationale anti-crise (un mouvement qui regroupe des opposants en exil et œuvre pour un retour à la vie démocratique), que la Biélorussie a pris une part bien plus conséquente dans ce qui apparaît de plus en plus clairement comme un système prémédité de déportations. La ville russe de Rostov-sur-le-Don, à 2 heures de la frontière ukrainienne, faisait office de "centre de tri". De là, certains enfants étaient acheminés en train et en bus jusqu’à Minsk, la capitale biélorusse. Combien ont été ensuite redirigés en Russie, vers des destinations à ce jour inconnues. Où ? On l’ignore. Mais 2.150 de ces enfants, âgés de 6 à 15 ans, ont été répartis sur le territoire biélorusse, au moins dans quatre camps. Trois d’entre eux sont situés dans la région de Minsk : le sanatorium Ostroshitsky Gorodok, le centre national d'éducation et de santé pour enfants de Zubrenok et le camp pour enfants de Dubrava, qui appartient à l'entreprise publique d'engrais Belaruskali, sous sanctions européennes (1). Le quatrième camp, le sanatorium Golden Sands, est situé dans la région de Gomel, près de la frontière avec l’Ukraine. Selon l’ex-ministre de la culture biélorusse Pavel Latushka, qui préside aujourd’hui l'Administration nationale anti-crise, Alexandre Loukachenko « a directement donné des instructions sur l'organisation et le financement du déplacement forcé d’enfants vers la Biélorussie. » L'un des documents envoyés à la Cour pénale internationale est signé par Dmitry Mezentsev, président d'un organisme russo-biélorusse et ancien ambassadeur de Russie en Biélorussie. Il demande la coopération entre les opérateurs ferroviaires biélorusses et russes pour organiser le « transport des enfants du Donbass vers la Biélorussie fraternelle » . Les soeurs Gruzdev, devant un parterre d'enfants ukrainiens au camp de Dubrava, en Biélorussie Un autre document joint est une vidéo tournée (à une date inconnue) au sein du camp de Dubrava. On y voit les sœurs Gruzdev, chanteuses pop totalement inféodées au régime de Loukachenko, haranguer un parterre d’enfants ukrainiens : « Pour que nous vivions en paix, pour que Biden meure, Dieu me pardonne, pour que Zelensky meure aussi, et pour que Poutine prospère et prenne le contrôle de toute l'Ukraine ». "L’accueil" d’enfants déportés dans un camp de rééducation. De façon générale, les enfants retenus dans ces camps sont soumis à un véritable lavage de cerveau. On leur répète sans cesse qu’ils sont russes, on les force à apprendre l'hymne national russe, on les contraint à dénoncer l'Ukraine… Et ceux qui refusent d’obtempérer sont battus. Les plus âgés sont formés à l’utilisation d'armes à feu et de véhicules militaires, ce qui laisse craindre qu’une fois atteint la majorité, à 18 ans, certains seront vraisemblablement mobilisés dans l’armée russe. Mais l’embrigadement commence très jeune. Kateryna Skopina et sa fille de 6 ans, Anna-Maria, qui est restée pendant un an en territoire occupé. Photo Yuriy Dyachyshyn / AFP L’AFP rapporte l’histoire d’une petite fille de 6 ans, Anna-Maria, qui a vécu un an en zone occupée par la Russie. Sa mère, Kateryna Skopina, lieutenant dans une unité médicale, avait dû confier la fillette à ses grands-parents paternels, quand elle et son mari, chauffeur dans un hôpital militaire, ont été capturés en mai 2022 par les forces russes à Marioupol. Elle a été libérée en décembre dernier, à la faveur d’un échange de prisonniers, mais n’a pu récupérer sa fille que tout récemment, en mai dernier. Au départ, celle-ci ne voulait plus parler ukrainien, et demandait à sa mère « qui était l’oncle Vova (abréviation de Vladimir) et pourquoi il était le président du monde entier » ... C’est loin d’être un cas isolé. « Le principal objectif de la Russie est de transformer ces enfants en Russes, de détruire l’identité ukrainienne, et pas seulement de la détruire, mais d’instiller la haine de l’Ukraine » , s’inquiète Mykola Kouleba, ex-commissaire aux droits de l’enfant auprès du président ukrainien, qui cherche à ramener ces enfants en Ukraine. Des centaines de milliers d’entre eux « ont déjà accepté la citoyenneté russe et sont d’accord avec l’idée que la Russie est comme un sauveteur et qu’il vaut mieux rester là-bas », dit-elle. « Tous les enfants que nous ramenons, qui étaient dans des camps ou dans des écoles russes, disent avant tout que l’Ukraine n’est pas un État, comme les Russes le leur ont appris… Ils disent que ce territoire fera bientôt partie de la Russie, que des terroristes - des nazis - vivent ici et qu’ils sont venus pour les tuer » . La Croix-Rouge biélorusse, complice des déportations d'enfants En Biélorussie, la Croix-Rouge a même activement participé à ces déportations d’enfants, comme l’a benoîtement confessé mercredi dernier son responsable, Dzmitry Shautsou (photo ci-contre), dans un reportage de la télévision publique biélorusse à Lysychansk, ville occupée par l’armée russe dans la région de Louhansk. Invoquant un objectif "d’amélioration de la santé", Dzmitry Shautsou a déclaré, sans fausse pudeur : « la Croix-Rouge biélorusse a pris, prend et prendra une part active à cette opération » , ajoutant qu'il travaillait avec une fondation caritative soutenue par l'État pour que « les enfants oublient les horreurs de la guerre et se reposent, qu'ils sentent qu'il y a une île de bonheur » . Face au tollé international que ces propos ont suscité, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à laquelle la Croix-Rouge biélorusse est affiliée, a mollement répondu avoir été informée "par les médias" du voyage dans le Donbass de M. Shautsou, et que la question serait soumise à un "comité de conformité" qui enquêtera sur toute "allégation de manquement à l'intégrité". En attendant, la Croix-Rouge internationale a gentiment "conseillé" à son représentant biélorusse de « cesser toute activité similaire à l'avenir » . Sur la simple base de ses "aveux" télévisés, ce Dzmitry Shautsou devrait voir son nom ajouté à la liste de la Cour pénale internationale, tout comme… Alexandre Loukachenko. Mardi dernier, la commission des affaires étrangères du Parlement européen a en tout cas formé le vœu que soit inculpé le président biélorusse. Ces poursuites ne vont certes pas, à elles seules, ramener du jour au lendemain en terre d’Ukraine les enfants qui en ont été extirpés. Comme prévisible, la récente mission papale (lire ICI ) n’a visiblement rien donné. Selon le Financial Times , c’est à présent au tour de la Turquie et de l’Arabie Saoudite, avec le concours de l’oligarque israélo-russe Roman Abramovitch, d’annoncer leur intention conjointe de « négocier un accord pour rapatrier les enfants ukrainiens déportés vers la Russie ». Un effet d’annonce, qui n’est pour l’heure assorti d’aucune précision. La "liste des 31" Mais déjà, comprendre et décortiquer le mécanisme de ces déportations massives, établir les responsabilités et implications de celles et ceux qui en ont été les complices actifs, afin que le crime ne reste pas impuni. Si les investigations de la Cour pénale internationale ne sont pas publiques, de récentes enquêtes journalistiques permettent d’établir de nouvelles preuves, et de compléter les pièces du puzzle. Lorsqu’un procès s’ouvrira à La Haye, il sera vraisemblablement question de la "liste des 31", qui vient d’être révélée par l’Organized Crime and corruption reporting project (OCCRP), une plateforme à laquelle participent plusieurs journalistes d’investigation. Cette "liste des 31" a d'abord été établie par Evgueni Mezhevoy, un père célibataire de Marioupol, qui a été séparé de ses trois enfants de 7, 9 et 13 ans dans un "camp de filtration", où lui-même a été arrêté avant d’être détenu pendant 1 mois et demi à la prison d’Olenivka. Son histoire a déjà été largement médiatisée : au prix d’une incroyable détermination, il a réussi à "reprendre" ses enfants dans un sanatorium moscovite, quelques jours avant qu’ils ne soient placés dans un circuit d’adoption. Le témoignage de l’aînée, Sasha, 13 ans, a permis d’identifier les 31 enfants de 6 à 17 ans (15 filles et 16 garçons) du groupe dont elle faisait partie, "évacué" de Marioupol en avril 2022. Sur ces 31 noms, outre les 3 enfants d’Evgueni et un autre adolescent qui a réussi à s’enfuir, 27 seraient toujours en Russie. 14 auraient été adoptés dans des familles totalement inféodées au régime de Poutine : on trouve là une propagandiste active dans certains médias, une ancienne policière, une ex-volontaire de la guerre en Tchétchénie, ou encore un ex-officier des forces aéroportées... Quant aux 13 enfants restants sur cette liste, impossible de savoir ce qu’ils sont précisément devenus. A partir des informations fournies par Evgueni Mezhevoy, les journalistes ukrainiens des projets "You How" et "Schemes" qui mènent l’enquête, ont pu s’appuyer sur un ensemble de mails issus des messageries de l’administration d’occupation de la "république" de Donetsk, récupérés par KibOrg News, un groupe de hackers. Et là, ça devient intéressant. On apprend ainsi que début mars 2022, au début de l'invasion, les autorités russes se préoccupent déjà du transfert d'enfants en vue de leur adoption. La directrice du service pour les droits de l'administration d'occupation de Donetsk signale alors prudemment qu'en l'état de la législation en vigueur, l'adoption d'orphelins ou d'enfants privés de soins parentaux par des familles étrangères n'est pas possible, « y compris pour des citoyens de la Fédération de Russie » . De gauche à droite : Valeriy Onatskiy, Tetyana Orskina et Alexei Nikonorov, trois des premiers maillons, en territoires occupés, de la "chaîne de déportations" mise en place dès le mois de mars 2022. On sait que fin mai 2022, Vladimir Poutine signait un décret ad hoc pour autoriser de telles adoptions. Mais dès le 26 avril 2022, une réunion est organisée par Maria Lvova-Belova, à quelle assistent d’autres membres de ses services et de l’administration russe, ainsi que des représentants de la "république" autoproclamée de Donetsk. C'est à partir de là qu'est établie cette "liste des 31", qui a été personnellement approuvée et signée par Denis Pouchiline, le chef de cette même"république de Donetsk". Les documents ont été préparés par Valeriy Onatskiy, qui dirige désormais le "département des affaires familiales et de l’enfance" de l’administration d’occupation de Marioupol. Cette liste est alors envoyée par l’assistant de Pouchiline, Alexei Nikonorov, à différents services des territoires occupés. Et la chaîne de déportation se met en place. Les enfants sont d’abord dirigés vars un "centre social" de Donetsk, dirigé par une certaine Tetyana Orskina qui transfère avec son adjoint, Kirill Potylitsyn, la "liste des 31" aux "autorités compétentes". C'est fou ce que la bureaucratie laisse comme traces... Les enfants peuvent alors être transférés en territoire russe, à Rostov-sur-Don. Puis, de là, acheminés par avion à Moscou. Cet avion, ont découvert les journalistes de "You How" et "Schemes", appartient au détachement des vols spéciaux de la Fédération de Russie, qui dépend du bureau de l’administration présidentielle de Vladimir Poutine. Et à Moscou, ils sont regroupés au sanatorium Polyany, affilié à un "Centre médical pour enfants" qui est sous le contrôle direct du Kremlin. Outre qu'il ne s'agit là que de 31 enfants, sur des dizaines de milliers, on pourrait se demander ce que ces informations détaillées apportent de plus à ce que l’on pensait déjà savoir, et que les humanités ont documenté sans relâche depuis août 2022. En fait, sous réserve de ce que les enquêteurs de la CPI auraient mis à jour et n’auraient pas encore rendu public, c’est la première fois, avec cette "liste des 31", qu’est établi un cas précis et nominatif de déportations au tout début de la guerre, et qu’est documentée une chaîne de commandement qui, partant directement du Kremlin, implique plusieurs responsabilités en cascade. Les révélations de l’Organized Crime and corruption reporting project comportent une autre surprise, qui vient confirmer certains soupçons dont nous avions déjà fait état. On sait au moins ce que l’un de ces 31 enfants et adolescents est devenu. La propagande russe en a même fait un symbole de son action de "sauvetage humanitaire" : un adolescent de Marioupol, Filipp, que Maria Lvova-Belova s’est vantée d’avoir elle-même adopté après l’avoir miraculeusement sauvé d’une cave de Marioupol. En fait, il faisait partie des 31. Filipp, de son vrai nom (ukrainien) Pylyp Holovnya, avait, de fait perdu ses parents très tôt, mais il avait, à Marioupol, des parents adoptifs (l’ex-mari de sa mère et sa nouvelle épouse) qui s’occupaient de lui., et qui sont toujours vivants. « Filipp a simplement été emmené de force, comme beaucoup d’autres enfants » , témoigne dans The Telegraph le frère de son tuteur, aujourd’hui réfugié à l’étranger après avoir pu s’extraire de Marioupol. La gentille fable à l’eau de rose abondamment mise en scène par Maria Lvova-Belova est donc un gros mensonge de plus. Un immeuble de Marioupol, avant le siège dont la ville a fait l'objet pendant 3 mois Deux documentaires exceptionnels Filipp (ou Pylyp), on le retrouve dans un formidable documentaire réalisé par Oleysia Bida, journaliste à The Kyiv Independant , qui revient, avec des images totalement inédites et des témoignages bouleversants, sur ce qu'ont vécu les enfants de Marioupol pendant les trois mois qu'a duré le siège de leur ville, laissée à l'état de ruine totale par l'armée russe. On y découvre notamment l'histoire de Valya, une jeune fille de 19 ans, qui est allée chercher à Donetsk ses deux jeunes sœurs, Sofia et Anastasia, capturées et enlevées après un bombardement russe où leur mère a trouvé la mort, sous les yeux de Sasha, 13 ans. C'est un témoignage parmi d'autres. Il y a ainsi le récit de Maksym et d'Ivan, deux adolescents qui avaient entrepris de fuir Marioupol à pied, avec l'objectif de rejoindre Zaporijjia. Arrêtés en chemin, ils ont été emmenés de force dans un hôpital pour enfants de Donetsk, dont ils ont réussi à s'échapper -avant, vraisemblablement, que d'êtres transférés en Russie. Si besoin était, ces récits recueillis par Oleysia Bida montrent que les occupants russes avaient bel et bien mis en place un système de prédation, à mille lieues des arguments "humanitaires" avancés par Maria Lvova-Belova. C'est un documentaire à voir, absolument (sous-titres en anglais) : Un second documentaire, lui aussi exceptionnel, est à mettre au crédit d'Isabel Yeung, la journaliste de Vice News qui avait déjà réussi à interviewer, sans concession, Maria Lvova-Belova. Là, on ignore comment elle a pu faire, mais elle a accédé, dans les territoires occupés en Ukraine mais aussi en Russie, à certains camps et autres "sanatariums" où sont regroupés des enfants ukrainiens, en plus de photos et vidéos là aussi inédites récupérées sur internet. Elle est "sous surveillance", notamment lorsqu'elle pose des questions à un groupe d'adolescentes. Mais certains non-dits parlent d'eux-mêmes... Et là aussi, toute la propagande de Lvova-Belova est démontée sans fard. On n'est certes pas au bout des révélations au sujet de ces déportations d'enfants, qui se poursuivent d'ailleurs (lire ICI ). Les chercheurs du Conflict Observatory, rattaché à l'Université de Yale, qui avait déjà réussi à localiser, en février dernier, 43 camps de rééducation en Crimée occupée et en Russie (lire ICI ), s'apprêtent à publier un nouveau rapport. Le directeur de recherches, Nathaniel Raymond, en a d'ores et déjà dévoilé les grandes lignes. Selon lui, la Russie trie les enfants qu'elle déporte en plusieurs catégories. Il y a les « évacués », selon la terminologie employée par Moscou, c’est-à-dire des enfants handicapés ou aux situations familiales difficiles qui avaient été placés dans des institutions d'État ukrainiennes, et qui ont été transférés dans des familles d’accueil en Russie ; des enfants enlevés par des soldats russes sur le champ de bataille, à Kherson, Kharkiv, ou encore Marioupol ; des enfants séparés de leurs parents dans les points de filtrage où sont triés et potentiellement déportés les habitants des zones occupées par l'armée russe ; et enfin, des enfants originaires de localités occupées dans le Donbass. On comprend, dans ces conditions, que la Russie refuse d'ouvrir ses registres à la Croix-Rouge internationale et aux Nations Unies, tant cela relève d'un système monstrueusement planifié et organisé. On imagine, en conséquence, que tous les rouages de ce système sont bureaucratiquement consignés, nomenclaturés . D'entre tous les crimes de guerre que la Russie ne cesse de perpétrer en Ukraine, celui-ci est peut-être le plus abject. Lorsque, tôt ou tard, ce crime sera jugé, ce qui restera d'une Russie dé-poutinisée devra ouvrir les yeux sur ce qu'elle aura permis et toléré. Il faudra plus d'une génération. Mais cela n'est rien au regard de ce que doivent vivre, chaque jour, des dizaines de milliers d'enfants ukrainiens pour qui, au traumatisme de la guerre, la Russie ajoute le déracinement et le vol de leur identité. Jean-Marc Adolphe Illustration en tête d'article : La "liste des 31". Au premier plan, les 3 enfants d'Evgueni Mezhevoy deviennent des témoins à charge dans la procédure engagée par la Coup Pénale Internationale contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. Photomontage Radio Svoboda. Notes 1. Belaruskali est l'une des plus grandes entreprises publiques de Biélorussie. Elle est l'un des plus grands producteurs d'engrais potassiques au monde, et une source importante de devises étrangères pour le gouvernement biélorusse. En 2020, quatre mille travailleurs de Belaruskali ont déclaré une grève dans le cadre de manifestations nationales pacifiques de masse qui ont suivi une élection présidentielle controversée, exigeant la démission d'Alexandre Loukachenko et de nouvelles élections démocratiques. Quatre militants syndicaux - Siarhei Charkasau, Pavel Puchenia, Yury Korzun et Anatol Bokun - ont été arrêtés après le début de la grève. 49 travailleurs ont été licenciés pour avoir participé à la grève, et plusieurs ont dû fuir le pays. Le 24 juin 2021, l'Union européenne a introduit des restrictions sur le commerce de la potasse avec la Biélorussie en réaction à " l'escalade des graves violations des droits de l'homme en Biélorussie et à la répression violente de la société civile, de l'opposition démocratique et des journalistes, ainsi qu'à l'atterrissage forcé d'un vol Ryanair à Minsk le 23 mai 2021 et à la détention du journaliste Raman Pratasevich et de Sofia Sapega qui y est liée ". En 2022, le Canada, l'UE et la Suisse ont imposé des sanctions contre Belaruskali, son PDG Ivan Golovaty et la Belarusian Potash Company En janvier 2023, l'entreprise a été inscrite sur la liste des sanctions de l'Ukraine.

Et puis... Kate O'Flynn ! Chroniques d'Avignon #01

Et puis... Kate O'Flynn ! Chroniques d'Avignon #01

Pour les humanités , Stéphane Verrue chronique l'édition 2023 du festival d'Avignon, in et off. Premiers glanages : Dans la mesure de l'impossible , mis en scène par Tiago Rodrigues, et All of it , du jeune dramaturge britannique Alistair McDowall, qui révèle une actrice époustouflante. « Alors ? T’as aimé ? » . Comment répondre à cette question (un peu bateau) ? Pour certains spectacles, la réponse est aisée. Pour d’autres, elle l'est beaucoup moins. On se dit que, de toute façon, l’unanimité n’est pas forcément la meilleure des choses et qu’un spectacle qui divise est peut-être un "bon signe". Avec Dans la mesure de l'impossible , du metteur en scène (et directeur du festival d'Avignon) Tiago Rodrigues, on a lu des propos incendiaires. Mais on a aussi vu une salle presque entière faire une standing ovation. A tout le moins, ce spectacle pose question. La scénographie ? Épatante : une énorme bâche d’un blanc crème suspendue à l’aide de poulies et de drisses attachées à des patères bien apparentes. D'excellent(e)s comédiennes et comédiens (Beatriz Brás, Isabelle Caillat, Baptiste Coustenoble et Adama Diop), rejoints par un un impeccable batteur/percussionniste (Gabriel Ferrandini). Mais voilà… Un long prologue explique le but du projet : réaliser un spectacle à partir de témoignages de personnes travaillant (ou ayant travaillé) dans l’humanitaire. Nos quatre protagonistes sont face public. Ça parle français mais aussi anglais. Certains témoignages, imagine-t-on, ont sans doute été recueillis dans cette langue. Les traductions sont alors proposées en sur-titrage. Faute d’action au plateau, on se demande : "quand le théâtre va-t-il advenir ?". Et on se le dit d’autant plus que le spectacle est joué à l’Opéra d’Avignon, théâtre à l’italienne par excellence. On n'y attend pas forcément de grands textes du répertoire : on a vu, dans ce même lieu, le chef d'oeuvre de Bob Wilson, Einstein on the beach, ou le Mephisto mis en scène par Ivo Van Hove. Mais on y a vu aussi un sublime Titus Andronicus mis en scène par Silviu Purcarete, spectacle utilisant à vue toute la "machinerie à l’italienne" avec autant d’audace que de simplicité… Le spectacle de Rodrigues se serait-il trompé de lieu ? Et puis il y a, en coulisse , toute l'histoire du spectacle annulé de Krystian Lupa, remplacé au pied levé par Dans la mesure de l'impossible , également produit par la Comédie de Genève. No comment… Pendant que le tempo du spectacle laissait place à ces questionnements, nos quatre protagonistes terminaient leur long prologue et commençaient enfin à évoluer dans l’espace, sans évacuer tout à fait une autre question, qui taraude : de quoi s'agit-il ? Du "théâtre de témoignage" ?, "documentaire ?" ( « documenté » , préfère dire le metteur en scène, c'est très "tendance", même si la genèse du genre remonte au mémorable Rwanda 94 de Jacques Delcuvellerie, en 1999). Dans "Dans la mesure de l'impossible", quatre actrices et acteurs se relayent sur scène pour retranscrire les émotions et réalités vécues par les travailleurs humanitaires. Photo Magali Dougados Incontestablement, Tiago Rodrigues est très habile. A intervalles réguliers, il nous gratifie de grands effets scéniques (des toiles qui bougent, des effets lumière très marqués) ou sonores. Reconnaissons-le, les témoignages sont souvent très forts, et abordent la complexité, l’absurdité, mais aussi le politique, voire les hypocrisies des hommes politiques. Pourtant, cela résiste. Une "ode trop lisse au monde humanitaire", comme écrivait Marie-Pierre Genecand dans Le Temps à Genève, à la création du spectacle ? « Tous les récits frappent par leur urgence, leur détresse et leur intensité. De fait, les situations traversées par ces professionnels sont extrêmes, violentes, déchirantes. (...) Mais un spectacle a besoin de contrastes et de tensions pour respirer. » Bis repetita , la distribution est de haut vol. Et chacune, chacun, a son moment de "climax" : Beatriz Brás bouleverse ainsi en chantant Medo , un poème de Reinado Ferreira immortalisé par un fado d'Amalia Rodrigues. Mais les paroles, si on s'attarde à les traduire ( "Qui dort avec moi la nuit / C'est mon secret, c'est mon secret / Mais si tu insistes, je te le dirai / La peur vit avec moi / Mais seulement la peur, seulement la peur / Et tôt parce qu'elle me berce / Dans un va-et-vient de solitude / Elle parle avec le silence / C'est le silence qui parle / D'une voix mobile qui claque / Et perturbe notre raison / Crie qui peut me sauver / Crie qui peut me sauver / De ce qui est en moi / Je voudrais même me tuer / Mais je sais qu'il m'attendra / Sur le pont de la fin" ), n'ont guère à voir avec "l'humanitaire". De même, le long solo de batterie / percussions qui clôt le spectacle... On se demande aussi pourquoi le générique du spectacle indique seulement "texte et mise en scène Tiago Rodrigues", sans que ne soient cités les noms de celles et ceux qui ont témoigné. Curieux... « Comment restituer des expériences qui sont toutes aussi publiques qu’intimes ? », interroge la présentation de Dans la mesure de l'impossible. Peut-être aura-t-il manqué le souffle poétique qui devrait irriguer By Heart , un spectacle dont la version française a été créée en 2014 dans la petite salle du Théâtre de la Bastille à Paris, que Tiago Rodrigues transporte , le 25 juillet, dans la Cour d'honneur du Palais des Papes... Kate O'Flynn, dans "All of it". Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Les mots en cascade d'une vie fragmentée Là où Dans la mesure de l'impossible nous aura laissé au milieu du gué, All of it , du jeune dramaturge britannique Alistair McDowall, nous embarque sans réserve, par la grâce d'une actrice époustouflante : Kate O'Flynn, qui s'inscrit dans la longue lignée des grandes actrices anglaises (Glenda Jackson, Billie Whitelaw, pour n’en citer que deux). L’écriture d'Alistair McDowall évoque de loin Beckett (on pense à Pas moi, notamment), Harold Pinter, Sarah Kane mais aussi John Cage ou le grand compositeur Peter Maxwell-Davies. Trois "dramaticules", trois styles d’écriture, une seule scénographie qui se dépouille pour le dernier acte du triptyque. Les deux premiers volets ( Northleigh, 1940 et In stereo ) ont été mis en scène par Sam Pritchard, le troisième ( All of it ) par Vicky Featherstone, dans une seule et unique scénographie : un intérieur complètement clos, plafond compris, par des vélums aux teintes grises/jaunes. Quelques meubles très réalistes (sauf une cage genre poulailler sous un lit dans la première pièce). Pour la troisième, un machiniste viendra, à vue, enlever tous les vélums avant d’apporter un tabouret haut et une petite table (pour un verre d’eau qui sera bien utile). Northleigh,1940 nous présente une femme s’occupant de son père veuf, pendant la guerre, dans une maison très modeste ou un abri anti-atomique, sous les bombardements. Elle essaie d’échapper à ce triste sort par une imagination parfois délirante. In stereo est beaucoup moins "réaliste". Nous sommes pris dans une polyphonie (la comédienne parle très peu), une multitude de points de vue. Existence fractionnée. Impossibilité de suivre le tout (les sur/sous titrages ne suffisent pas à "rendre" la stéréo. Même les anglophones s’y perdent un peu. Effet voulu, bien évidemment. Nous sommes confrontés à des morceaux de vie. « Ce dispositif sonore donne l’image d’une femme avalée par sa propre histoire et qui explose en différents espaces en même temps » , commente le metteur en scène, Sam Pritchard. Arrive le troisième opus, All of it , qui donne son titre au spectacle. Kate O’Flynn, pantalon et chemisier noir, vient s’assoir sur le tabouret, face public, micro à la main, et c’est parti pour quarante minutes d'une longue cataracte de phrases, de mots, parfois répétés à l’infini. Un torrent ! Une vie fragmentée, sans contours ni cadre. Souvenirs. Retours en arrière. Fantasmes parfois ? Au bout d’un moment, on ne regarde plus le texte, on regarde la comédienne. Non, on ne la regarde pas, elle nous aimante littéralement. Variations de voix, jeux subtils avec le micro, mezzo voce, fortissimo ! Et tout cela avec une apparente extrême simplicité... C'est pour elle qu'Alistair McDowall a écrit All of it , comme Beckett a pu écrire pour Billie Whitelaw. Totalement inoubliable. Stéphane Verrue Photo en tête d'article : Kate O'Flynn dans "All of it". Photo Tristram Kenton/The Guardian Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

Cenne-Monestiés, 400 habitants : la possibilité d'un festival

Cenne-Monestiés, 400 habitants : la possibilité d'un festival

Pour la 5ème édition des Fantaisies populaires, du 7 au 9 juillet 2023, Cenne-Monestiés s'est plié en quatre, et même en quatre cents : le nombre d'habitants de ce village de l'Aude, non loin de la Montagne noire. On y a vu de la magie mentale, du burlesque sous toutes ses formes, et une suspension poétique. Mais on y a aussi vu, et partagé, les ressources humaines d'une vive dynamique associative, avec, en vue, la prochaine transformation d'une ancienne usine en tiers-lieu culturel. "Reportage" assorti de quelques bonus extra-festivaliers. Était-ce encore un truc de magie mentale, dans la foulée de l’excellent spectacle de la compagnie Raoul Lambert qui venait de clore, à Cenne-Monestiés, les 3 jours des Fantaisies populaires ? Dimanche 9 juillet, lorsque les bénévoles qui avaient concouru à l’organisation du festival furent invités à rejoindre le plateau, une petite moitié des spectateurs quitta le gradin. Non pas qu’il ait fallu voir là une sorte d’entre-soi villageois : les deux jours précédents, des spectateurs assez nombreux avaient rejoint, de localités voisines, voire d’Albi et de Toulouse, les 400 âmes de ce village audois. Vue du public, lors du spectacle "Titre Définitif*(*titre provisoire)", de la compagnie Raoul Lambert, en clôture des Fantaisies populaires, le 9 juillet 2023. Quand ce mot de "bénévoles" désigne le plus souvent, dans le domaine culturel ou dans celui de "l’événementiel", les petites mains et autres forces d’appoint qui font même parfois l’objet de recrutements, on en vint à se demander s’il était ici, tout à fait approprié. Le bénévolat n’est pas seulement, comme le définit Le Petit Robert, la « situation de celui, celle qui accomplit un travail gratuitement ou sans y être obligé » . « De bonne grâce » , ajoute le même dictionnaire, qui précise que l’étymologie vient du latin benevolus : bienveillant. Ça a l’air de rien, mais la bienveillance, ce n’est pas rien… A Cenne-Monestiés, lors des Fantaisies populaires, il y avait encore bien plus que cela, qui est soudainement apparu lors de cette "scène" de clôture précédemment évoquée. Car ce n’est pas seulement un festival qui, pour les besoins de la cause, se serait appuyé sur une petite réserve de volontaires. C’est tout un village qui s’est, collectivement, donné les moyens de rendre possible un événement artistique et culturel dont il n’a pas, théoriquement, les moyens. On est resté jusqu’au démontage pour mesurer l’ampleur des petites tâches qu’il a fallu conjuguer, préparer pendant des semaines voire des mois, pour installer le moment venu petites scènes et gradins, bar et cuisine, tables d’extérieur et toilettes sèches. Vues du bar provisoire des Fantaisies populaires, pendant... et après le festival Démontage du festival : empilement de la "signalétique", transport et rapatriement des fauteuils, rangement de la cuisine Les Fantaisies populaires ne sont certes pas le seul festival à s’inventer ainsi en zone rurale, loin du premier théâtre à la ronde. La "nature" en soi est déjà un très joli théâtre. Mais Cenne-Monestiés a quelques précieux atouts. D’un passé industriel révolu (même en zone rurale, il y eut ici jusque 2.000 ouvriers, principalement employés dans l’industrie textile que les eaux remarquables du Lampy avaient attiré), la commune a gardé la friche d’une usine, l’usine Cayre, dont l’activité a définitivement cessé en 1982. Dès la première édition des Fantaisies populaires, en 2016, "L’Usine", comme il est simplement convenu de l’appeler, a offert son écrin de béton. Un ambitieux projet de rénovation vise aujourd'hui à en faire un tiers-lieu culturel et associatif, avec le soutien de l’Europe, de l’État, de la Région Occitanie et de la communauté de communes. Les travaux devraient débuter en 2024. Aux Fantaisies populaires, autour de "l'Usine", le samedi après-midi. Vue panoramique Cenne-Monestiés peut en outre se targuer, pour une commune de cette taille, de compter sur un vivier associatif particulièrement dynamique. S’il n’y a plus de commerce dans le village (hormis un petit marché, une fois par semaine), une épicerie associative, Épicenne, tient permanence, tous les matins, dans les locaux (municipaux) de l’agence postale. Associatif lui aussi, le bar Communal ouvre chaque fin de semaine, et accueille régulièrement spectacles, séances de ciné-club, ateliers de peinture, etc. Le Communal, bar associatif. Et à proximité : fragment d'exposition dans le cadre de "Chemin de photos", festival photographique en plein air organisé en Occitanie par l'association D119. D’autres associations encore : L’Art en Cenne, qui avait renoncé en 2022 à sa subvention municipale au profit de l’Ukraine, et qui prépare cet été une exposition de peintures et sculptures ; et l’association Sainte-Marie (association laïque, comme son nom ne l’indique pas), dédiée à la restauration du patrimoine local, qu’elle finance en organisant vide-greniers et friperie. 55.000 € ont ainsi été reversés à la commune, qui servent notamment à des travaux d’étanchéification du lavoir, le plus imposant du Languedoc, réalisé il y a tout juste 140 ans. Concert dans la cour du Labo des cultures, lors de son inauguration, le 11 juillet 2023 Last but least , le Labo des cultures , association qui a pour champ d’action plusieurs formes de médiation culturelle en lien avec les territoires, vient de se délocaliser de Bordeaux à Cenne-Monestiés : un retour aux sources pour sa directrice, Camille Monmège, originaire du village. Final du spectacle "Der Lauf", de la compagnie Vélocimanes associés Les Fantaisies populaires : burlesque et suspension A énumérer la richesse d’une telle vie locale, on en viendrait presque à oublier les spectacles qui composèrent les Fantaisies populaires. A tout seigneur, tout honneur : le nordiste Gilles Defacque, fondateur du Prato, "théâtre international de quartier" à Lille (lire ICI ), et "parrain", dès le début, des Fantaisies populaires, est venu, l’œil vif et la moustache en goguette, avec deux spectacles dans sa besace. Dans la cour de l'école maternelle, il a notamment joué Les Aventures de Madame Mygalote, une "épopée burlesque" qui tient du récit abracabradantesque, où l'art du clown rejoint, pour le meilleur, celui du conteur. Preuve qu'avec quelques gestes funambules en prime, la parole peut engendrer un imaginaire qui autorise toutes les fantaisies. A la fin, Gilles Defacque, redevenu le Gilles Defacque qu'il n'a jamais cessé d'être, proposait à la criée les deux opus de ses Parlures , parus aux éditions Invenit. Si « créer, c’est résister » (selon une célèbre formule attribuée à Gilles Deleuze), on peut aussi renverser la proposition : « Résister c’est créer » . « Ça peut être créer une autre façon de vivre » , écrit Gilles Defacque, « créer une autre façon d'échange – une autre façon de dire bonjour – une autre façon de tendre la main – une autre façon de s’embrasser – une autre façon de se parler. (…) CRÉER c’est aussi la surprise / Accepter la surprise, la sur-prise de ce qui va arriver / C’est être pris par quelque chose qu’on prévoyait pas et l’accueillir et l’entendre. » Cet art de la "surprise", Véronique Tuaillon le conduit très loin. Télérama l'a classée dans la famille « des clowns dérangeants et dérangés ». Dans More Aura , en tenue de boxeuse, mais talons hauts et nez rouge, elle réussit l'exploit d'évoquer, sans que cela soit dit explicitement (si elle parle, c'est à son frigo), la perte d'un être cher, peut-être un enfant, et d'en faire un ode à la vie, grâce à ce que l'on pourrait appeler un "burlesque de résilience". Au sortir du spectacle, on a demandé à deux jeunes spectateurs, Émile et Maléna, de partager leur impressions, et aussi, de nous dire : "qu'est-ce qui fait un bon clown ?" Le burlesque était encore au rendez-vous de l'invraisemblable Der Lauf , de la compagnie belge Les Vélocimanes Associés. Le spectacle, dont le titre fait référence au célèbre Der Lauf Der Dinge (le cours des choses) des artistes suisses Fischli et Weiss (voir ICI ), déplace l'art du jonglage dans un jeu d'échafaudage (briques et verres) et d'équilibres précaires. Pour compliquer la manipulation, déjà périlleuse, les deux compères (Guy Waerenburgh et Baptiste Bizien) de cette joute acrobatique pour le moins insolite enfilent des gants de boxe, et font tout à l'aveugle, un seau sur la tête, qui symbolise, disent-ils, nos aveuglements répétés. On peut ne pas en avoir conscience, mais si la gratuité d'un tel jeu absurde captive et passionne autant, c'est que l'absurde ouvre parfois, comme ici, la voie à quelque forme d'inaltérable métaphysique. Et qu'on se le dise, Der Lauf sera encore en tournée en France à partir de cet automne, au moins jusqu'en mai 2024 (1). "Der Lauf", de la compagnie belge Les Vélocimanes Associés Il n'y a, pareillement, aucun sens rationnel à grimper à un mât métallique hérissé à son faîte d'une barre horizontale, s'y suspendre, et lover entre terre et nuages des arabesques graphiques en mouvement. C'est dans cette position suspendue, obligeant les spectateurs à lever les yeux, et à considérer ainsi, mine de rien, que la "condition humaine" a bien d'autres ressources (et fantaisies) que le seul "terre-à-terre", que Mathilde Van Volsem danse Persona , accompagnée au sol par la tromboniste et chanteuse Éline Groulier. Ce n'est pas seulement un "spectacle", c'est une respiration, une ponctuation de temps dans le cours des heures, une "dramaturgie" abstraite où, à l'instar de l'artiste reliée à son mât, la rêverie peut s'accrocher à la matérialité d'un corps qui joue avec la possibilité de son apesanteur. En un sens, ce solo sans esbroufe est très bachelardien . Comme l'écrivait le philosophe (dans L'Air et les songes - Essai sur l'imagination du mouvement ), à propos de la poésie de Percy Bysshe Shelley : « Les images poétiques sont, pour Shelley, des opérateurs d'élévation . Autrement dit, les images poétiques sont des opérations de l'esprit humain dans la mesure où elles nous allègent, où elles nous soulèvent, où elles nous élèvent. Elles n'ont qu'un axe de référence : l'axe vertical. Elles sont essentiellement aériennes. Si une seule image du poème manque à remplir cette fonction d'allègement, le poème s'écrase, l'homme est rendu à son esclavage, la chaîne le blesse. » Initialement formée à la danse, au Conservatoire National Supérieur de de Paris, Mathilde Van Volsem s'est ensuite tournée vers l'univers du cirque en travaillant auprès du metteur scène Guy Alloucherie (Cie HVDZ), avant de s'initier à partir de 2008, avec Chloé Moglia, à l'art de la suspension. La compagnie Aléas , dont elle est aujourd'hui la directrice artistique, s'est ancrée à Cenne-Monestiés, dans l'affirmation du désir de « relier [mes] racines d’artiste aux questions sociétales et politiques, d'allier le geste [artistique] à la réflexion sur le droit et la manière dont il ordonne les rapports humains, de faire dialoguer arts et sciences sociales, d'habiter et faire vivre l’espace commun, quel qu’il soit. » C'est dans l'allant de cette volonté tout autant poétique que politique, que Mathilde Van Volsem a pris l'initiative de créer en 2016 les Fantaisies populaires, dont c'était cette année la 5ème édition. Édition qui aurait bien pu ne jamais avoir eu lieu : la non-reconduction (pour des raisons administratives) d'une subvention européenne a fortement amputé un budget qui n'avait rien de luxueux. Le conseil départemental de l'Aude a maintenu son engagement, mais l'aide de la Direction régionale des affaires culturelles semble bien légère au regard des enjeux d'un tel festival, en zone rurale; et la Région Occitanie n'avait pas encore voté la subvention demandée au moment où se tenait le festival. Face à tant d'incertitudes, les habitant(e)s de Cenne-Monestiés ont retroussé leurs manches et montré qu'ils n'étaient pas citoyens de seconde zone. S'il est une "promesse républicaine", le droit à la culture ne doit pas mégoté au rabais, ne serait-ce qu'en termes d'équité territoriale. Jean-Marc Adolphe Photo en tête d'article : un soir d'après-spectacles dans la cour de l'Usine, lors des Fantaisies populaires, à Cenne-Monestiés. (1). Prochaines dates pour voir Der Lauf : les 16 et 17 septembre à Tournefeuille, le 23 à la Cité des Arts de la Rue à Marseille, du 27 septembre au 1er octobre à L’Azimut d’Antony-Châtenay-Malabry, les 4 et 5 octobre à St Genis Pouilly, le 7 à Lempdes ; le 12 novembre à Corbigny, le 25 à Brétigny-sur-Orge ; le 2 décembre à Chasseneuil du Poitou , les 5 et 6 à la Scène nationale d’Orléans, le 8 à Nantheuil, le 10 à L’Oreille du hibou à Montréal, le 12 à Ganges, le 14 à St-Jean de Védas, le 19 au Théâtre de l’Olivier à Istres, le 20 à Port-de-Bouc, le 22 à Carros ; le 9 janvier 2024 à Saint-Romain de Colbosc, les 11 et 12 à Montargis, le 19 à Clichy-sous-Bois, le 20 à Marcoussis, le 23 à Nérac, les 26 et 27 à Clermont-l'Hérault, les 30 et 31 au Centre Culturel Charlie Chaplin à Vaulx-en-Velin ; le 2 février à Pont-du-Château, le 4 à Berre-l’Etang, le 6 à Vitrolles, le 16 à Haute-Goulaine, le 20 au Cirque Jules Verne à Amiens ; le 3 mars à Millau ; le 9 avril à Rumily, les 11 et 12 au Dôme-Théâtre à Albertville, le 16 à Grenay, du 25 au 27 à Clamart, les 29 et 30 à Champagnole ; le 2 mai à Ambérieu en Bugey, et du 21 au 24 à Bourges. BONUS Clown un jour, clown toujours . En marge des Fantaisies populaires, deux légères improvisations de Gilles Defacque, filmées sur le vif : Lieux dits / 01. Chercher le terme. De la rue du Terme au chemin du Paradis, aller à l'Usine, pas pour y bosser. Petite improvisation déambulatoire à Cenne-Monestiés, le dimanche 9 juillet 2023 : Lieux-dits / 02. Au lavoir. Un son et lumière contemplatif : un moment passé au lavoir de Cenne-Monestiés, le plus imposant du Languedoc, réalisé en 1883 : Danseuse un jour, danseuse toujours . Décidément, Cenne-Monestiés justifie sa réputation de village d'artistes. L'une d'elles est danseuse et comédienne : Marie Letellier. A peine les guirlandes des Fantaisies populaires avaient-elles été mises à l'abri, en vue de prochaines agapes, que l'Usine accueillait, sans chichis, le 12 juillet, un spectacle d'anniversaire . Mais quel anniversaire ! Pour le village, et quelques amis, Marie Letellier fêtait ce jour-là ses 72 ans. En dansant, et en partageant quelques-uns des souvenirs que son corps emmagasine. Une leçon de vie, une leçon de danse, en vive présence, intensément joyeuse et, oserait-on dire, libertaire . Les humanités , ce n'est pas pareil. Entièrement gratuit et sans publicité, édité par une association, le site des humanités entend pourtant fureter, révéler, défricher, offrir à ses lectrices et lecteurs une information buissonnière, hors des sentiers battus. Pour encourager cette aventure, dès 1 € : https://www.helloasso.com/associations/in-corpore/collectes/les-humanites-laboratoire-editorial-a-soutenir

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