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Invasion de l'ennemi vert

Cours d’eau et plans d’eau, comme ici non loin d’Épernay, hébergent des plantes exotiques envahissantes qui portent atteinte à la biodiversité. Le phénomène prend de l’ampleur et nécessite des interventions coûteuses. Elles attaquent. Sérieusement, elles attaquent. Qui ça, elles ? Les plantes invasives, au premier rang desquelles la myriophylle hétérophylle. Contre elles, même le faucardage n'y peut mais. Et c'est un désastre. Pour les canaux, cours d'eau, autres voies fluviales et étangs. Les humanités poursuivent la série VU D’EN FRANCES, pour prendre le pouls de la France comment qu’elle va, avec bonheurs et déboires, depuis les territoires voire terroirs, avec le concours de la presse quotidienne régionale. Cet article, issu du quotidien L'Union , vous est offert par les humanités , média alter-actif. Pour persévérer, explorer, aller voir plus loin, raconter, votre soutien est très précieux. Abonnements ou souscriptions ICI . Article Maxime Mascoli / L'Union La gestion des plantes exotiques aquatiques qui prolifèrent dans nos cours d’eau, notamment dans la Marne et les Ardennes, échappe désormais à Voies navigables de France (VNF), qui ne maîtrise plus ce phénomène de prolifération jugé trop coûteux. Dans la Marne, près d’Épernay, elles ont pris la forme de millions de petites feuilles de couleur rose. Dans les Ardennes, notamment à Acy-Romance, elles ressemblent plus à des algues verdâtres, mais toutes aussi envahissantes. Dans les deux départements, le phénomène observé prend un aspect différent mais il reste très spectaculaire. Et surtout, il devient de plus en plus difficile à endiguer pour Voies navigables de France (VNF), chargé de l’entretien du réseau fluvial. Au niveau de l’écluse d’Acy-Romance, des petits tas d’algues jonchent le chemin de halage, prêts à être ramassés. Martine et son amie Michèle se promènent régulièrement sur cette partie du canal. « On a l’habitude de voir ces algues aquatiques au fond de l’eau, puis le long des berges mais pas à cette époque » , expliquent les deux retraitées de Rethel. Comme le confirme d’ailleurs Thierry Guimbaud, directeur général de VNF : « Ce phénomène s’observe de manière générale du mois de mai jusqu’à la fin novembre et est particulièrement marqué là où le trafic fluvial est le moins important. » Le Covid n’a fait qu’amplifier le processus. « Notamment lors du premier confinement avec la reprise tardive de la navigation au 1er juin. Les températures élevées du printemps avaient contribué à générer une prolifération exceptionnelle. » Des plantes aquatiques de plus en plus envahissantes et qui impactent directement rivières et canaux car elles portent atteinte au bon fonctionnement des écosystèmes et des infrastructures fluviales. Les Voies navigables de France à sec Michel Adam, président de la fédération de pêche dans les Ardennes et au niveau de la région Grand Est le confirme : « Si l’on reste dans le domaine du raisonnable, ces plantes aquatiques permettent le développement de la faune notamment des poissons même si elles ne facilitent pas l’activité. On trouve ces plantes plus dans le canal ou les rivières. Dans la vallée de la Semoy ou de la Meuse, il y a trop de courant. » Le président se veut pragmatique : « Il faut placer le curseur au bon endroit. Ni pas assez, ni trop de plantes… » Mais la prolifération de ces plantes exotiques aquatiques, définies sous le signe EEE, échappe désormais au contrôle de VNF malgré les moyens mis en œuvre. « VNF seul ne dispose pas des moyens nécessaires aux plans humains et financiers pour faire face à cette prolifération qui ne fait que s’accroître » , déplore son directeur général. De son côté, Joseph Afribo, longtemps maire d’Acy-Romance, tire la sonnette d’alarme : « Ce que je crains, c’est que cet ouvrage hydraulique qu’est le canal devienne une charge pour VNF. On sent bien cette volonté de transférer la compétence. Et de profiter de la mise en place de la voie verte pour faire passer la gestion du canal vers les communautés de communes dont ce n’est pas le rôle. » Une crainte qui rejoint le discours du directeur général de VNF : « Les quantités de plus en plus importantes de plantes à gérer font exploser les coûts de gestion, de par l’ampleur des moyens humains et techniques à y consacrer. » En 2019, Patrick Flamand avait passé sa «tondeuse amphibie» une seule fois au lac de la Warenne. Il a dû le faire à deux reprises en 2020. Photo Amélie Girard Un frein pour la baignade dans les Ardennes La Warenne à Charleville-Mézières. Les Vieilles-Forges aux Mazures. Le lac de Douzy. Le lac de Sedan. Ces quatre sites de baignade prisés des Ardennais, pris d’assaut en été, n’ont pas échappé à l’invasion de ces plantes aquatiques. En juillet, puis en août 2021, les analyses effectuées par l’Agence régionale de santé (ARS) ont révélé un taux élevé de bactéries contraignant les municipalités à interdire l’accès des plans d’eau aux baigneurs. « Ce sont des plantes invasives de type myriophylle aquatique qui se sont développées dans tous les plans d’eau du monde depuis 30 ou 40 ans » , explique Patrick Flamand, de la société Aqua Clean, qui a fauché ces plantes aquatiques, l’été dernier, au lac de la Warenne à Charleville-Mézières. Avec son embarcation, un porte-outils amphibie, Patrick Flamand avait sorti de l’eau de quoi remplir deux remorques de tracteur. « Ce sont des plantes d’aquarium qui se développent très vite, dont les gens se sont débarrassés et qui se sont adaptées dans le milieu naturel. » Avec sa faucarde, composée d’une lame fixe et d’une lame mobile horizontales, accrochées à l’avant de son porte-outils amphibie, il fauche les végétaux jusqu’à 1,5 mètre sous la surface de l’eau. La coupe achevée, il remplace la faucarde par un grand râteau. Il dépose les algues sur la plage. « Les herbes sont laissées une nuit pour permettre à la faune de retourner dans son milieu naturel. » Dans l’Aisne, une bataille sans fin Dans l’Aisne, les plantes exotiques et aquatiques règnent surtout dans les canaux et les plans d’eau selon Martin Duntze, directeur de la fédération de l’Aisne pour la pêche et la protection du milieu aquatique, qui compte 14.000 membres. Ils sont souvent mécontents de ne pas pouvoir toujours exprimer leur passion dans de bonnes conditions. La situation semble toutefois pour l’instant plus favorable que dans certains endroits de la Marne et des Ardennes. C’est surtout la myriophylle hétérophylle introduite par l’aquariophilie qui étend son territoire. « Elle prolifère et entre en concurrence avec les plantes d’ici » , déplore le directeur. « Cela pose un problème pour les usagers de la navigation en empêchant des passages et la pêche qui devient pratiquement impossible dans certains endroits. » Le plus grave, c’est que cet ennemi vert semble impossible à vaincre. « Il n’y a pas de solution miracle, seulement des formules très coûteuses » , relève Martin Duntze. Il s’agit de couper la végétation et de la ramasser avec une difficulté de taille. « Il faut exporter ce que l’on a enlevé avec le risque qu’elle repousse ailleurs. Il y a donc un vrai risque de dissémination. C’est un cercle sans fin. » La fédération a livré bataille pendant des années dans plusieurs plans d’eau. Cela a coûté des milliers d’euros. Mais la victoire n’a pas été au rendez-vous. « Cela n’a pas servi à grand-chose » , raconte le directeur avec amertume. L’issue de la bataille dépend beaucoup de conditions climatiques. Les plantes exotiques craignent surtout le froid. Si l’hiver se radoucit et que le soleil brille un peu, elles bénéficient d’une cure de jouvence et passent à l’attaque en colonisant des espaces aquatiques. (Lire ICI : "Amazonie, faucardage, skeleton et quidditch")

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