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пʼятниця, 2 травня 2025 р.

In God we Trump

Casquettes de soutien à la campagne électorale de Trump : « Jésus est mon sauveur, Trump est mon président ». Photo New York Times. Alors que se prépare à Rome le conclave qui devra élire le successeur du pape François, et aux funérailles duquel, le 26 avril, Trump arborait un costume bleu criard qui détonnait singulièrement dans la marée noire des notables du monde en deuil, les chrétiens d'Amérique semblent avoir trouvé de nouveaux sauveurs dans la clique des "TheoBros". Dans ce nouvel épisode du feuilleton des crypto-monnaies, Maria Damcheva explore pour les humanités l'alliance inédite qui se noue entre milices évangéliques ultraconservatrices et apôtres du bitcoin, mêlant messianisme financier et fondamentalisme religieux dans une seule et même croisade anti-État. Rome , 26 avril 2025. Sanglé dans un costume bleu pétard qui tranche avec les tenues plus sombres de ses congénères, un homme s’ennuie ferme. Affalé au premier rang d’une assemblée de notables réunis pour des funérailles, il trouve le temps long. Parfois, pour se distraire, il consulte son téléphone. Parfois, il mâchouille un chewing-gum ou un bonbon à la menthe pour l’haleine, parfois il somnole. Parfois il regarde dans le vide sans écouter les curés psalmodiant autour d’un cercueil. À quoi pense-t-il ? Comment savoir  ; peut-être à la valeur de son " meme coin " qui remonte grâce à son plus récent coup de bluff ?   De son quoi ? Son " meme coin ", ce truc qui ne repose sur rien de concret, dont la valeur spéculative est extrêmement volatile puisqu’elle dépend principalement de la popularité du personnage qui la promeut. Lui et sa femme ont tous deux lancé leur propre meme , la veille de son intronisation comme président des États-Unis, et se sont fait un joli coup d’argent facile. Évidemment, comme sa popularité a subi des contrecoups, la valeur de son meme   s’est ensuite effondrée (1) . Et Dieu n'y est pour rien...   Pas de souci, un nouveau coup d’argent (ou de bluff ?) est prévu avec l’annonce d’un dîner spécial pour les 220 plus gros investisseurs dans le meme , dîner prévu pour le 22 mai prochain. Les heureux gagnants mangeront avec lui, ni vu ni connu, leur identité étant tenue secrète. Occasion rêvée d’approcher le Grand Vizir (pardon pour la référence quelque peu wokiste ) pour faire valoir un projet, une demande de pardon, une arnaque ingénieuse dont les profits iront tout droit dans ses poches, bref, l’ordinaire de la vie du magnat de céans. Une représentation avantageuse, mal retouchée par l'IA au point d’en être ridicule orne le site de cette entreprise de corruption sans complexe ( ICI ). Ça n’a rien d’étonnant : le grotesque est la marque de commerce de ce culbuto professionnel qui enchaîne les déclarations contradictoires, pendant que son ramassis d’experts en incompétence se chargent de démanteler l’État dont il est le président.   Mais surtout, n’allez pas croire qu’il le fait pour autre chose que la plus noble des causes : des pasteurs d’une curieuse mouvance se prétendant "chrétienne" lui ont assuré qu’il est le «  vase sacré  » choisi par Dieu pour ramener l’Amérique à sa grandeur passée. C’est à cette fin que Dieu a fait dévier la balle que l’assassin lui destinait, tuant un obscur sapeur-pompier à la retraite (qui reçoit sa récompense au ciel, sans aucun doute).   Car dans le triumvirat (ou le tiercé, c’est au choix) de ce second mandat de Trump, trois éléments sont essentiels : le fric, les mensonges et une variété de "christianisme" sans rapport avec un seul des commandements supposément livrés par ce même Dieu-en-trois-personnes, censé être le seul et l’unique. (Si vous n’y comprenez rien, c’est que vous n’avez pas la foi, et si vous n’avez pas la foi, vous n’êtes qu’un déchet à éliminer de la création divine. C’est comme ça.)   Une petite virée chez certains représentants de cette sainte trinité ? Roger Ver, "le Jésus du bitcoin". Photo DR Le Jésus du bitcoin Commençons par le "Jésus du bitcoin", plus communément nommé Roger Ver. Le pauvre est sous le coup d’une accusation de détournement de quelques 48 millions de dollars dus au fisc américain. Du coup, il a cru se mettre à l’abri en renonçant à sa citoyenneté américaine en 2014, mais dorénavant il compte sur Roger Stone Jr, un collaborateur de longue date de Trump, pour obtenir un pardon, se disant, comme Trump, «  victime de ses opinions politiques et de sa promotion des cryptomonnaies ». «  S’il y a quelqu’un qui sait ce que c’est que d’être victime d’une guerre juridique pour avoir diffusé les idéaux américains, c’est bien Donald Trump. Ils me font exactement la même chose qu’ils vous ont faite  », a-t-il déclaré dans son appel au président. Touchant, non ?   Pourquoi l’appelle-t-on «  le Jésus du bit-coin  » ? Précisément parce que sa cryptomonnaie s’appelait le JESUS : il invitait des investisseurs à y contribuer, prétendant recueillir des fonds pour nourrir les affamés, porter de l’eau aux assoiffés et ouvrir des orphelinats pour les orphelins... Tous attendent encore l’arrivée des sommes promises ( ICI )   Peut-être préférez-vous le survivalisme à la sauce crypto-chrétienne ? Pas de souci, les techno-bros sont là pour offrir un savoureux mélange de retour à la nature et aux valeurs chrétiennes, le tout dans l’environnement d’une "Freedom City" nichée dans un milieu rural. Dans les montagnes des Appalaches, on les appelle les "TheoBros". Broche en forme de croix aux couleurs du drapeau américain, un gadget prisé par les nationalistes chrétiens. Getty Images Crypto-chrétiens dans les montagnes des Appalaches Dans un article pour le magazine Mother Jones paru le 8 avril dernier ( ICI ), Kiera Butler raconte notamment le parcours d'Andrew Isker, pasteur et père de six enfants, qui a déménagé depuis le Minnesota vers une communauté rurale au Tennessee. Comme il l’a expliqué en mars, sur YouTube, à l'ultra-conservateur et complotiste Tucker Carlson, il n’avait pas le choix : les «  excès progressistes  » du gouverneur Tim Walz lui étaient devenus «  insupportables  ». Il craignait qu’on oblige l'un de ses fils, autiste, «  à porter une robe à l’école, à porter un nom de fille sans que j’en sois informé  », se faisant ainsi l’écho de rumeurs infondées répandues par Donald Trump lors d’un débat télévisé avec Kamala Harris. «  Et alors, j’apprendrais que les services de protection de l’enfance m’en avaient retiré la garde et même si je m’y opposais, ça serait réglé.  »   Le voilà donc, installant sa famille près de la petite commune de Gainesboro au Tennessee. L’endroit lui paraissait idyllique : «  Des prairies bucoliques, des cours d’eau gorgés de 140 espèces de poissons - y compris les meilleurs endroits de pêche à la truite, des collines, des forêts et une abondance de d’espèces sauvages  », selon le site de l’agence immobilière.   Vue de la ville de Gainesboro, Jackson County, Tennessee. Lors du dernier recensement, en 2010, ce petit bourg comptait 962 habitants Photo : cumberlandriverbasin.org   En plus, la communauté faisait partie du projet "Highland Rim Project" auquel appartenait Andrew Isker, une initiative d’un groupe chrétien, "New Founding", visant à construire des communautés partageant des «  valeurs chrétiennes  » dans l’Amérique rurale. Mais en fait, écrit Kiera Butler, «  le projet Highland Rim n’est rien d’autre qu’un bon vieux fantasme utopique. Il s’agit plutôt d’un projet délibérément avant-gardiste, nourri des valeurs techno-libertaires de la Silicon Valley. Les communautés seront construites autour de "l’autonomie gouvernementale numérique, comprenant la cryptomonnaie et une culture dans laquelle nos droits civiques patrimoniaux, surtout ceux de la propriété privée, de la liberté d’expression politique et d’armement des civils seront maintenus et perpétués".  » Il s’agit de l’implantation géographique du concept d’État-réseau développé sur internet et défendu par Balaji Srinivasan, partenaire de Peter Thiel et de Marc Andreessen (nous en avons parlé dans des articles précédents de cette série, ICI , ICI et ICI ).   Au Tennessee, le projet n’en est encore qu’à ses balbutiements ; une quarantaine de parcelles de terrain ont trouvé preneur à des coûts variant de 30.000 à 300.000 dollars. On y trouve une église (à laquelle on ne peut accéder que sur invitation) et on prévoit la construction d’un "club social". Mais les habitants de longue date du coin ne sont pas nécessairement enchantés par l’arrivée de ce qu’ils décrivent comme des «  nationalistes chrétiens fortunés  » venant s’installer et prendre le contrôle de la région. «  Les gens sont craintifs  », dit le dirigeant local du parti Républicain. Ça m’inquiète de voir qu’ils ont nettement l’intention de prendre le dessus.  » Comme l’explique le propriétaire d’un restaurant local : «  Nous ne voulons pas perdre ce que nous avons déjà. » Tout en affirmant être «  le gars le plus ouvert au monde  », avec ses 43.000 "followers" sur X, Andrew Isker se laisse parfois aller à des commentaires antisémites : «  Je ne déteste pas les Juifs  [mais] leur religion est littéralement blasphématoire et anti-chrétienne  », a-t-il écrit en 2023. Le féminisme non plus n'est pas son fort : il considère ainsi que les États-Unis sont devenus une « gynocratie  » où «  la seule solution sera que les hommes disent non aux femmes  ». En juin 2024, il s’est exprimé lors d’une conférence au Texas concernant «  la guerre contre l’Amérique blanche  », aux côtés de Paul Gottfried, le mentor du militant d'extrême-droite Richard Spencer, qui prône la création d’un « État ethnique blanc » en Amérique du Nord, réservé aux personnes d’origine européenne. «  Maintenant que Trump nous a gagné quatre années, le moment est idéal pour commencer à restaurer l’Amérique dans le Tennessee rural  », a posté sur X Andrew Isker, au lendemain de la réélection de Trump. Russel Vought, directeur du bureau de la gestion et du budget dans la deuxième administration Trump, co-auteur du "Project 2025". Photo PBS News Un "theobro" au budget américain Pourquoi s'attarder sur de tels zozos ? C'est que tout ce beau monde fraye avec le vice-président JD Vance, et que Marc Andreessen, auteur du Manifeste techno-optimiste , qui a ses entrées à la Maison Blanche, a investi dans "New Founding", qui poursuit un lobbying intense à Washington.   Flanqué de David Sacks, figure de proue de la droite techno-libertarienne et "tsar de la crypto et de l'IA" dans l'administration Trump, où il s’oppose avec vigueur à toute forme de taxe sur les transactions en cryptomonnaie (2) , Russell Vought, qui dirige le Bureau de la gestion et du budget des États-Unis (un rôle clé dans la gestion du budget fédéral et la supervision des réglementations) est un idéologue chrétien pour qui « l’argent est une arme dans la lutte entre le bien et le mal  ». Vice-président de "Heritage Action for America", le bras armé du lobbying de la Heritage Foundation, et à ce titre l'un des principaux architectes du "Project 2025" que Trump semble appliquer à la lettre, Russell Vought se définit comme "nationaliste chrétien". «  Il plaide pour une influence explicite du christianisme sur la société et le gouvernement, tout en maintenant une séparation institutionnelle entre Église et État : Il prône un "constitutionalisme radical" pour revenir à une lecture stricte de la Constitution et s’oppose à ce qu’il considère comme un siècle de dérive progressiste des institutions : Il soutient des coupes massives dans les budgets sociaux (Medicaid, Medicare, logement, éducation), une forte dérégulation, et la suppression de programmes liés à la diversité et à la lutte contre le racisme : Vought veut donner au président un contrôle accru sur la bureaucratie fédérale, notamment via la politique "Schedule F" qui faciliterait le licenciement massif de fonctionnaires de carrière : Il s’oppose fermement à l’avortement, critique la laïcité, et a qualifié le Parti démocrat d’" increasingly evil " (de plus en plus mauvais) pour son soutien au sécularisme  ». ( ICI ) On ignore jusqu'à quel point Donald Trump serait effectivement "croyant", sauf en lui-même (jusqu'à déterminer, à lui seul, la signification de la constitution américaine), à qui Dieu en personne aurait diligenté la mission de "sauver l'Amérique" (alias Make America Great Again). Parmi les fanatiques zélés qui suivent la voie ainsi tracée, le secrétaire d’État Marco Rubio (qui s'est affiché, pour Pâques, avec une croix tatouée sur le front) ne cesse de louer «  God our King » : un prosélytisme qui va jusqu'à exiger que tous les employés relevant du secrétariat, dans toutes les agences et ambassades américaines à travers le monde dénoncent le ou la collègue soupçonné de commentaires ou d’attitudes "anti-chrétiennes". ( ICI ) Des vues dignes de ce que le feu pape François disait de la Banque du Vatican, qu’il qualifiait en 2013 de «  crottin du diable » ( ICI ). Nul ne sait encore qui sera le successeur de ce dernier. Mais qu’il leur soit plus ou moins favorable, Trump et son entourage poursuivront leur adoration frénétique et grotesque de leur sainte trinité à eux : le Fric, en première place, desservi par le mensonge et… euh… ah oui, une sorte de genre de Dieu récupéré dans les fonds de l’Enfer de Dante, et dopé aux cryptomonnaies. Maria Damcheva NOTES (1). Le "meme coin" officiel de Donald Trump, appelé $TRUMP, a connu une très forte volatilité depuis son lancement en janvier 2025, juste avant son investiture présidentielle. Après avoir atteint un sommet historique de 73,4 $, sa valeur a chuté de 84 %, passant d'une capitalisation boursière de 14,5 milliards de dollars à environ 2,3 milliards de dollars en mars 2025. Comme la plupart des meme coins , $TRUMP est un actif hautement spéculatif, sans valeur sous-jacente ni utilité économique réelle. Il s'agit principalement d'un objet de spéculation et d'expression communautaire. Le site officiel précise que les jetons $TRUMP ne constituent pas une opportunité d’investissement ou un titre financier, mais servent à exprimer un soutien symbolique... (2). Lire ICI . Membre influent de la "Mafia PayPal", David Sacks a été nommé par Trump à deux postes stratégiques : Président du Conseil présidentiel des conseillers pour la science et la technologie, et responsable de l’IA et des cryptomonnaies. Il occupe ces fonctions comme « special government employee », ce qui lui permet de continuer ses activités privées tout en conseillant la Maison-Blanche, sans confirmation du Sénat ni obligation de divulgation financière complète.

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