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Photo du rédacteurPilar Fuentes

Costa Rica : l’ex-président de centre-gauche José María Figueres en tête du premier tour


Une femme se prépare à voter lors du premier tour des élections présidentielles au Costa Rica dans un bureau de vote du quartier de Goicoechea à San José, le 6 février 2022. Photo Monica Quesada / Reuters.


Avec 27% des voix au premier tour, l'ex-président José María Figueres (1994 à 1998) peut briguer un nouveau mandat. Au second tour, le 3 avril, il sera opposé à Rodrigo Chaves, un économiste de centre-gauche, qui a devancé de justesse un prédicateur évangélique d'extrême-droite.


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A minuit au Costa Rica (7 h en France), le Tribunal suprême électoral (TSE) a rendu publics les résultats quasi-définitifs du premier tour de l’élection présidentielle au Costa Rica. Le président sortant, Carlos Alvarado, ne pouvait se représenter, la constitution costaricaine interdisant un second mandat consécutif. Il n’aurait de toute façon pas été réélu, et Welmer Ramos González, le candidat de son parti, le Parti d’action citoyenne, a réuni moins de 1% des suffrages lors de ce premier tour de scrutin. La politique néolibérale de Carlos Alvarado (bien qu’élu sur un programme de centre-gauche) a déçu ceux qui avaient permis la victoire du Parti d’action citoyenne en 2018 : fonctionnaires, universitaires, gauche progressiste et classe moyenne en général. « En réduisant le budget des universités publiques, Carlos Alvarado s’est aliéné un acteur social qui est un véritable contre-pouvoir au Costa Rica », estime ainsi Tania Rodriguez Echavarria, enseignante-chercheuse en science politique.

Vingt-cinq candidat.e.s se confrontaient lors du premier tour de l’élection présidentielle. Pour les analystes, ce large choix de candidats est le reflet d'un pays qui, malgré sa stabilité, souffre d'une énorme méfiance politique. 3,5 millions de personnes étaient appelées à voter, ce dimanche 6 février, pour élire le président et les 57 députés qui composeront l'Assemblée législative pour la période 2022-2026. Le scrutin s’est déroulé sans incident. Selon Isabel de Saint Malo, ancienne ministre panaméenne des Affaires étrangères et cheffe de la mission d'observation électorale de l'Organisation des États américains (OEA), « le Costa Rica est une démocratie robuste. J'ai vu certaines choses que l'on ne voit pas dans d'autres pays. Le Costa Rica offre des éléments dont d’autres pays pourraient s'inspirer. »


Seul bémol : l’abstention a atteint un taux plus élevé que prévu : 40 % (contre 34 % en 2018). La plupart des candidat.e.s n’ont pas dépassé 1% des suffrages exprimés. En cinquième position, José María Villalta, candidat de la coalition de gauche Frente Amplio, obtient 8,6 % des voix. Il est devancé par Eli Feinzaig, le candidat conservateur du Parti libéral progressiste, avec 12 % des suffrages. La candidate social-chrétienne Lineth Saborío, arrivée en quatrième position avec 12,5 %, est elle aussi écartée du second tour.

Car il y aura second tour. Aucun.e des candidat.e.s n’atteint les 40% nécessaires pour triompher dès le premier tour. Tout au long du dépouillement, la seconde place a été âprement disputée entre un prédicateur évangélique d’extrême-droite, Fabricio Alvarado, membre du parti Rénovation nationale aux positions très conservatrices (opposé au mariage homosexuel et au droit à l'avortement, il a fait campagne en dénonçant « l'idéologie du genre » dans l'éducation et les supposées atteintes aux libertés religieuses), et Rodrigo Chaves, économiste de centre-gauche qui fut ministre du Budget d’octobre 2019 à mai 2020. A vingt-cinq mille voix près, Rodrigo Chaves est finalement qualifié pour affronter, au second tour, le 3 avril, José Maria Figueres, candidat du parti centriste Libération nationale, arrivé largement en tête de ce premier tour avec plus de 27 % des suffrages.

José María Figueres, du Parti de la libération nationale (PLN), vote lors du premier tour de l'élection présidentielle au Costa Rica, dans la ville de San Cristóbal. Photo Mayela Lopez / Reuters.


Au Costa Rica, José Maria Figueres est loin d’être un inconnu puisqu’il en fut déjà le Président, de 1994 à 1998. Il avait élu à 39 ans, et en a aujourd’hui 67. A l’époque, il avait notamment réorganisé de nombreuses institutions publiques et le système de chemins de fer nationaux. Son administration avait également lancé plusieurs initiatives visant à améliorer l'éducation nationale, y compris une réforme constitutionnelle pour consacrer 6 % du PIB à l'éducation publique. Il s’était toutefois aliéné l’aile gauche de son parti en diminuant les programmes d'aide sociale. Après avoir quitté la Présidence de la République, il a été nommé comme directeur général du Forum Économique Mondial de Davos, dont il a dû démissionner quatre ans plus tard, soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin de la compagnie française Alcatel. Il fut ensuite Directeur Général de Talal Abu-Ghazaleh, le plus grand groupe arabe des cabinets de services professionnels, dont le siège est en Jordanie, et siège de 2006 à 2009 au conseil consultatif international d'Abraaj Capital, le plus grand cabinet d’investissement privé du Moyen-Orient. Mais depuis 2010, il préside l’ONG Carbon War Room, qui dit vouloir faciliter la transition globale vers une économie qui ne soit pas fondée sur le pétrole et ses dérivés. Le Costa Rica a misé sur l'énergie propre, dépassant en novembre 2017 la barre des 300 jours dans l'année de production électrique générée exclusivement par des ressources renouvelables, et qui a de surcroît programmé l'élimination totale de l'utilisation des combustibles fossiles d'ici 2050 (Lire ICI).


L’économie costaricaine, qui se portait plutôt bien jusqu’ici (le PIB par habitant y est jusqu’à dix fois plus élevé que celui de ses voisins, et le Costa Rica est en tête de l’Amérique latine dans l’indice de bonheur mondial), a été affaiblie par la pandémie. Le chômage est passé de 10 % en 2018 à 14 % aujourd’hui, avec un pic à 24 % à la mi-2020, et la pauvreté touche toujours 23 % de la population.

Sur une population d'environ cinq millions d'habitants, « il y a un million et demi de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, et un demi-million en pauvreté extrême. Il manque des solutions de logement pour 160 000 foyers. Nous n'avons jamais connu ces choses à une telle échelle dans ce pays », a déclaré José Maria Figueres lors de sa campagne.

Après avoir voté, au matin du 6 février, à San Cristobal, il est allé se recueillir sur la tombe de son père, l’ancien président José Figueres Ferrer (à trois reprises, en 1948-1949, de 1953 à 1958 et de 1970 à 1974). Celui-là même qui, en 1948, avait décidé d’abolir l’armée.


La rédaction des humanités, avec Pilar Fuentes, correspondante au Costa Rica.

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