Mikhail Barysnikov, danse et paix
- Jean-Marc Adolphe
- 29 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 avr.

Mikhail Baryshnikov. Photo Sébastien Micke / Baryshnikov Arts
Né en Lettonie alors soviétique, résolument opposé à la guerre de Poutine en Ukraine, Mikhail Baryshnikov est l'auteur du message pour la Journée Internationale de la Danse, ce 29 avril : « éveiller l'empathie, inspirer la bienveillance et susciter un désir de guérir plutôt que de nuire ».
Depuis 43 ans, le 29 avril est Journée internationale de la danse. Cette date, décidée en 1982 par le Comité International de la Danse de l’Institut International du Théâtre, correspond à la date de naissance de Jean-Georges Noverre (1727-1810), considéré comme le « père du ballet moderne ». Chaque année, une personnalité du monde de la danse rédige un message officiel qui est diffusé dans le monde entier. Cette année, le choix s’est porté sur Mikhail Baryshnikov, né en 1948 à Riga en Lettonie alors soviétique, danseur soliste au Kirov avant de faire défection et de s’exiler au Canada puis aux États-Unis. Une carrière prestigieuse l’y attend : un temps au New York City Ballet avec George Balanchine, mais surtout au sein de l’Américan Ballet Theatre, qu’il a dirigé de 1980 à 1989. En 2005, il a créé à New York le Baryshnikov Arts Center, un lieu multidisciplinaire, généreusement ouvert à la création contemporaine.
Message de Mikhail Baryshnikov pour la journée internationale de la danse :
« On dit souvent que la danse permet d'exprimer l'inexprimable. La joie, le chagrin et le désespoir deviennent visibles ; ils incarnent notre fragilité commune. La danse peut ainsi éveiller l'empathie, inspirer la bienveillance et susciter un désir de guérir plutôt que de nuire. C'est particulièrement vrai aujourd'hui, alors que des centaines de milliers de personnes endurent la guerre, traversent des bouleversements politiques et se soulèvent pour protester contre l'injustice, une réflexion honnête est vitale. C'est un lourd fardeau à placer sur le corps, sur la danse, sur l'art. Pourtant, l'art reste le meilleur moyen de donner forme à l'inexprimé, et nous pouvons commencer par nous demander : où se trouve ma vérité ? Comment puis-je m'honorer moi-même et honorer ma communauté ? À qui dois-je rendre des comptes ? »
Dès le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, Mikhaïl Baryshnikov a publiquement dénoncé la guerre, qualifiant l’action de Vladimir Poutine de « criminelle » et la Russie officielle de « monde de la peur ». Se déclarant pacifiste et anti-fasciste, Baryshnikov a affiché son soutien au peuple ukrainien et à la paix, insistant dans plusieurs lettres ouvertes et interviews sur le fait que Poutine ne représente pas la véritable Russie et que la culture russe ne doit pas être confondue avec le régime en place.
Face à la catastrophe humanitaire provoquée par la guerre, Baryshnikov a cofondé en mars 2022 la True Russia Foundation avec l’écrivain Boris Akounine et l’économiste Sergueï Gouriev, afin de « soutenir concrètement les victimes du conflit, d’abord les réfugiés ukrainiens, mais aussi les Russes fuyant la répression politique », mais aussi de « promouvoir une image de la « vraie Russie » opposée à celle de Poutine, fondée sur l’humanisme, la solidarité et la culture ».
Dès les premiers mois de la Guerre, la True Russia Foundation a récolté plus d’un million d’euros pour l’aide humanitaire, et a mis en place une plateforme d’information et de ressources pour les réfugiés, qui a été bloquée dès le mois de mai par les autorités russes. Mikhail Baryshnikov avait alors publié une "lettre ouverte à Poutine" :
« Monsieur le Président,
Vos acolytes, pris de panique, ont reçu l'ordre de bloquer notre site web, celui de TRUE RUSSIA. Leur peur est tout à fait prévisible. Mais c'est précisément cette peur qui nous rend encore plus confiants dans la voie que nous avons choisie.
Dans mon enfance, on m'a imposé le rôle d'occupant, moi, le fils d'un officier russe en Lettonie, mais cela ne m'a pas marqué. J'ai appris la langue lettone et, à l'âge de 26 ans, j'ai rejeté tous les rôles que vos précurseurs ont tenté de m'imposer. Je les ai rejetés pour toujours. Je vis depuis près de 50 ans comme un homme libre, sans rôle imposé par d'autres, sans peur, mais les gens continuent de me considérer comme russe, tout comme ils considèrent mon ami Boris Akounine comme un écrivain russe et Sergueï Gouriev comme un économiste russe.
Les gens comme nous ont apporté plus d'honneur au monde russe que toutes vos missiles de précision, pas si précis que ça. Votre monde russe, le monde de la peur, le monde où l'on brûle les manuels scolaires ukrainiens, ne survivra pas tant qu'il y aura des gens comme nous, de vrais Russes immunisés contre le virus de la peur. C'est notre monde qui survivra malgré toutes vos interdictions, et c'est votre Russie qui mourra de ses propres horreurs si elle ne se réveille pas.
Vous savez de quoi vous avez peur. Vous savez quelles munitions sont précises. »
Mikhail Baryshnikov
Site internet de la True Russia Foundation (en anglais) : https://truerussia.org/en/
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