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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Russie : l'étrange disparition de Sergueï Choïgou


Le président russe Vladimir Poutine et son ministre de la Défense Sergueï Choïgou

lors d'une exposition d'armes à Moscou. Photo Mikhail Metzel.


Le ministre de la Défense de Vladimir Poutine, son alter ego dans l'invasion de l'Ukraine, omniprésent sur les fronts militaire et médiatique, a mystérieusement disparu des radars depuis le 11 mars ! "Problèmes cardiaques" ou pure et simple disgrâce poutinienne ? Les réseaux sociaux russes et ukrainiens ont déjà trouvé un nouveau surnom au général Sergueï Choïgou : au "boucher d'Alep" succède "le fantôme de Kiev".


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C’est tout le contraire d’un sous-fifre. Le général d’armée Sergueï Koujouguétovitch Choïgou (en russe : Серге́й Кужуге́тович Шойгу́́), né en 1955 à Touva d’une mère d’origine ukrainienne (Alexandra Yakovlevna), est l’un des principaux piliers du régime de Vladimir Poutine, et un très proche du président russe.

Ministre de la Défense depuis 2012, gouverneur de l'oblast de Moscou depuis cette même 2012, il est celui à qui Poutine fit appel pour mener à bien l’annexion de la Crimée, après l’échec du FSB (héritier du KGB) à mater la révolte ukrainienne de 2014. Il a ensuite personnellement commandé, à partir de décembre 2015, l'opération militaire qui a permis d'inverser le cours de la guerre civile en Syrie en permettant à Bachar el-Assad de reprendre la main. Sergueï Choïgou est parfois surnommé, à ce titre, « le boucher d’Alep »

Photo : Sergueï Choïgou lors d'une partie de pêche avec Vladimir Poutine.


Depuis le début de la guerre en Ukraine, il apparaît clairement comme l’alter-ego de Vladimir Poutine, archi-présent sur deux fronts : militaire et médiatique, présent de façon quasi quotidienne dans les médias russes.

Or, depuis le 11 mars, Sergueï Choïgou a totalement disparu des radars. Ce jour-là, il a été vu pour la

dernière fois lors de sa rencontre avec son homologue turc à Moscou. Les réseaux sociaux russes et ukrainiens parlent déjà du "fantôme de Kiev".

À Moscou, on dit qu'il est absent en raison de "problèmes cardiaques". Personne ne donne de détails. Le site officiel du Kremlin a publié le 18 mars une information selon laquelle Shoigu et Poutine avaient discuté des « progrès de l'opération spéciale en Ukraine » avec les membres permanents du Conseil de sécurité, mais aucune photo n’atteste de la présence du ministre de la Défense. Le même jour, la première chaîne pro-gouvernementale a diffusé un reportage sur une remise de médailles militaires par Choïgou, accompagné d’une vidéo… prise le 11 mars. De son côté, le site Agentstvo (média russe indépendant spécialisé dans le journalisme d'investigation) a rapporté que le ministre avait été hospitalisé d'urgence pour un problème cardiaque. Et sa dernière apparition publique avec Poutine remonte au 27 février, lorsqu'il a reçu l'ordre de mettre l'arsenal nucléaire en état d'alerte.


Plusieurs versions, invérifiables, circulent sur cette étrange disparition. L'une de ces versions affirme que Sergueï Choïgou est à l'origine d'un prétendu coup d'État visant à renverser Poutine et qu'il doit être jugé pour trahison et corruption. Une autre version prétend qu'il a été envoyé dans sa datcha en "plan pyjama", comme les Cubains appellent ceux qui sont écartés du pouvoir et restent en quasi-assignation à domicile, pour sa mauvaise gestion de l'offensive militaire qui a fait au moins 10.000 morts parmi les soldats russes. Une troisième version dit qu'il est inclus dans une purge lancée par Poutine après que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont diffusé avec une énorme précision les plans de l'invasion, des informations qui n'étaient connues que de son cercle intime. Une quatrième version, enfin, établit un lien avec sa fille cadette, Ksenia, 31 ans, que l'on voit dans une photo postée par ses amis sur Instagram, où elle pose dans les couleurs ukrainiennes, bleu clair et jaune.


Le Daily Mail de Londres a cité des sources du service de renseignement MI6 selon lesquelles Poutine a lancé une chasse aux sorcières à la recherche de « coupables » de la fuite présumée de ses plans militaires et de l’échec (à ce jour) de l’invasion en Ukraine. Le maître du Kremlin semble persuadé que la fuite de documents confidentiels explique qu’ait échoué son projet initial de prendre Kiev avec des forces d'élite en quelques jours. L'expert en sécurité Andrei Soldatov a déclaré que le contre-espionnage militaire enquêtait en particulier sur un département du FSB : un haut-responsable a d’ores et déjà été écarté, un autre aurait été mis aux arrêts.


Une autre cible de la fureur de Poutine était Igor Kostyukov, chef adjoint de l'état-major des forces armées, qui risque d'être démis de ses fonctions dans le cadre d'une purge plus large. Avant l'invasion, il avait déjà humilié publiquement le chef du renseignement extérieur, Sergueï Naryshkin. Poutine ne comprend pas comment la population ukrainienne pro-russe n'est pas descendue dans la rue pour acclamer l'entrée des forces russes et ne les a pas aidées à éliminer la résistance ukrainienne. Il ne comprend pas davantage comment le président américain Joe Biden a pu dénoncer tous les plans russes de guerre avant que l'ordre ne soit transmis aux troupes sur le terrain !

Poutine est persuadé qu'il y a une "taupe" dans son cercle très proche. C'est là qu'intervient la figure de Sergueï Choïgou, qui était jusqu'à présent l'une des rares personnes en qui il avait confiance.

Choïgou fait partie du cercle saint-pétersbourgeois des siloviki (anciens agents du KGB lorsque Poutine était officier de renseignement) qui l'ont accompagné dans son ascension au pouvoir. Titulaire d'un diplôme d'ingénieur civil, Sergueï Choïgou a occupé divers postes officiels jusqu'à ce que, en 2012, Poutine le nomme ministre de la Défense. Il étudie l'histoire de la Russie et partage l'amour du président pour la chasse et la pêche. Selon le Siberian Times, Sergueï Choïgou parle couramment neuf langues, dont l'anglais, le japonais, le chinois et le turc, en plus du russe.

Présentation de la plainte de l'ONG d’Aleksei Navalny montrant le manoir de style japonais

de 18 millions de dollars appartenant à Sergueï Choïgou.


Son père est de l'ethnie Touvan et sa mère est ukrainienne. Il est né dans un village près de la frontière mongole. Cela fait de lui une rareté dans le cercle restreint de Poutine qui revendique le nationalisme russe et la pureté raciale. Selon les recherches menées par l'ONG d’Aleksei Navalny, Sergueï Choïgou dispose d'une immense fortune, accumulée depuis qu'il occupe des postes officiels aux côtés de Poutine. Il possède un manoir de style japonais dans le quartier de Barvikha, dans la banlieue de Moscou, non loin de la résidence officielle de son patron, évalué à 18 millions de dollars. Il possède également une résidence importante sur la péninsule de Floride, qui a été mise au nom de l'une de ses filles dès qu'elle a eu 18 ans, et un yacht amarré dans un port du sud de l'Italie.


Aujourd'hui, Tout le monde se demande où se trouve le plus haut responsable militaire de l'invasion de l'Ukraine et qui devrait être présent si Poutine devait lancer une quelconque arme nucléaire. Sans l’empreinte digitale de Sergueï Choïgou, il serait impossible d'activer le système.


Jean-Marc Adolphe, avec Ludmilla Vertov

1 276 vues1 commentaire

1 Comment


cietheorema
Mar 24, 2022

Disparu en Turquie... On pourrait imaginer qu'il se soit de lui même évanoui a l'occasion de ce voyage, en bénéficiant d'une protection discrète. C'est le seul moyen d'échapper au KGB, disparaitre, tout simplement, sans laisser de trace...

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