Atlanta, première étape vers cette "autre Amérique" que Trump ne peut pas entendre
- Jean-Marc Adolphe

- il y a 3 jours
- 16 min de lecture

Photo Jacquelyn Martin / AP
Le temps de livrer les éphémérides du jour, et de faire un petit tour du jour en 80 mondes en saluant notamment les joueuses indiennes de cricket qui ont gagné la Coupe du monde, on part rendre visite à cette "autre Amérique" que Donald Trump ne veut pas entendre. Première étape à Atlanta, la ville de Martin Luther King et de Coca-Cola où le maire noir, démocrate, a été réélu avec 85 % des voix.
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Chronique du jour mijotée aux petits oignons par Jean-Marc Adolphe, Ellen Jones, Nadia Mevel et Dominique Vernis.
LA PHOTO DU JOUR
En tête de publication, photo Jacquelyn Martin / AP : Donald Trump quitte la scène après avoir pris la parole devant l'America Business Forum Miami, au Kaseya Center, mercredi 5 novembre 2025, à Miami. Devant une assemblée triée sur le volet, où on a noté la présence du footballeur Lionel Messi, de la tenniswoman Serena Willliams, du président de JPMorgan Chase Jamie Dimon, du président argentin Javier Milei, et de la lauréate du prix Nobel de la paix María Corina Machado, censée vivre dans la clandestinité au Venezuela, le président amerloque a entonné un refrain éculé, appelant à choisir entre le "communisme" et le "bon sens", affirmant que ses opposants favorisaient la criminalité, le chaos et la corruption. Ben voyons...
Sans surprise, sur Truth social, sur Donald Trump a rejeté les résultats des récentes élections, accusant sans preuve formelle des fraudes et manipulations, notamment dans plusieurs États clés où les Démocrates ont remporté des victoires importantes. Et il demande à ses partisans de rester mobilisés face à ce qu’il présente comme une tentative de vol électoral,
ÉPHÉMERIDES
Mais si, mais si : Khải Định (啟定), douzième empereur de la dynastie Nguyễn au Viêt Nam (dont le règne fut marqué par une politique favorable aux intérêts français, ce qui le rendit peu populaire auprès du peuple vietnamien), et l'acteur français Michel Bouquet (professeur au Conservatoire national supérieur d'art dramatique jusqu'en 1990), qui a notre connaissance n'a jamais voyagé au Viêt Nam, ont un point en commun. Un point, et plus précisément une date : le 6 novembre 1925, il y a tout juste 100 ans. Ce jour-là, au Viêt Nam, l'empereur passait de vie à trépas, quand à Paris, dans le 14ème arrondissement, Marie Monot, modiste passionnée de théâtre, mariée à un chef comptable à la Préfecture de police de Paris, accouchait de l'acteur, qui aurait donc pu fêter son centenaire ce jour s'il n'était mort le 13 avril 2022, à l'âge respectable de 97 ans.
Et il s'en est passé des choses, un 6 novembre ! On fait vite, parce que le début de la série "Une autre Amérique" nous attend (à la fin de cette publication). Il y a 233 ans, le 6 novembre 1792, sur les hauteurs de Jemmapes, près de Mons (Bergen, en flamand) dans l’actuelle Belgique, l’armée révolutionnaire française dirigée par le général Charles François Dumouriez affronte l’armée autrichienne commandée par le duc Albert de Saxe-Teschen. Avec ses 40.000 hommes, composée en grande partie de volontaires enthousiastes mais peu aguerris, l’armée française lance une offensive frontale contre les 13.700 soldats autrichiens, pourtant solidement retranchés et en position avantageuse. La bataille est féroce et coûteuse. Malgré des contre-attaques sévères et une résistance tenace, la détermination des Français et l'habileté des commandants comme le général Ferrand permettent de prendre progressivement le dessus. Vers midi, les troupes françaises franchissent les lignes ennemies, notamment grâce à la furia du duc de Chartres qui rallie et organise les soldats dans un assaut décisif appelé le « bataillon de Jemmapes ». La victoire ouvre la voie à la conquête des Pays-Bas autrichiens par la République française et symbolise l’expansion des idéaux révolutionnaires en Europe.

Il y a 50 ans au Maroc, à l'appel de Hassan II, la "Marche verte"
pour la récupération du Sahara occidental alors sous domination espagnole.
Plus de cent ans plus tard, dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917, une autre révolution enflamme Petrograd. Lénine et les bolcheviques lancent le coup d’État décisif qui engendrera la création de l’Union soviétique. Le 6 novembre1955, le Maroc amorce la fin officielle de son protectorat français avec les accords de La Celle-Saint-Cloud, un acte clef vers l’indépendance qui sera proclamée en 1956. Vingt ans plus tard, toujours au Maroc, la Marche Verte de 1975, lancée à l'appel du roi Hassan II, mobilise 200.000 Marocains pour la récupération du Sahara occidental alors sous domination espagnole. L'actualité récente du Sahara occidental est marquée par un tournant diplomatique majeur au Conseil de sécurité des Nations unies. Le 31 octobre 2025, l'ONU a adopté une résolution qui reconnaît explicitement le plan d'autonomie proposé par le Maroc comme la base principale pour le règlement du conflit au Sahara occidental. Ce texte, adopté par 11 voix pour avec 3 abstentions (Russie, Chine, Pakistan), et l'Algérie qui a refusé de participer au vote, marque une victoire diplomatique significative pour le Maroc, qui contrôle la majeure partie du territoire revendiqué par le Front Polisario, soutenu par l'Algérie depuis 1975.
LE TOUR DU JOUR EN 80 MONDES,
NOUVELLES D’ICI ET DES AILLEURS / REVUE DES PRESSES

Harmanpreet Kaur, ancienne employée des chemins de fer, soulève le trophée après la victoire de l'Inde
en finale de la Coupe du monde de cricket féminin. Photo DR
INDE. On parlait voici peu de l’équipe de football féminin d’Afghanistan (avec des joueuses en exil). Et maintenant, le cricket, en Inde. Au stade DY Patil de Navi Mumbai, le 2 novembre dernier, l’équipe indienne de cricket féminin a battu l’Afrique du Sud en finale de la Coupe du monde de cricket féminin ICC 2025, co-organisée entre l’Inde et le Sri Lanka. Cette victoire, suivie par un milliard de téléspectateurs, dépasse le sport : elle cristallise un changement sociologique profond. Harmanpreet Kaur, ancienne employée des chemins de fer, incarne ce passage de l’ombre à la lumière dans une Inde où les femmes luttent pour trouver leur place dans la sphère publique. Dans une Inde en pleine mutation sociale, ce triomphe s’inscrit dans une société encore marquée par le patriarcat, où le sport féminin reste un défi contre les normes et la misogynie.
NOTA BENE - Le cricket est plus qu’un sport en Inde, c’est une passion nationale partagée par plus d’un milliard d’habitants. Ce jeu, omniprésent dans les foyers et dans les rues, occupe une place centrale dans la culture populaire indienne. Popularisé depuis l’époque coloniale britannique, le cricket est aujourd’hui une industrie majeure générant des centaines de millions de dollars, avec des ligues professionnelles, des médias dédiés et un suivi massif des fans. Alors que le cricket masculin a longtemps dominé les projecteurs, le cricket féminin, soutenu par des investissements récents et une ligue privée, gagne en visibilité…
Toujours en Inde, ce jeudi 6 novembre, les électeurs de l'État du Bihar sont appelés à se rendre aux urnes ce jeudi 6 novembre pour choisir leurs députés. Troisième État le plus peuplé du pays, le Bihar est aussi le plus pauvre d'Inde. Ce scrutin est crucial pour le gouvernement ultranationaliste hindou de Narendra Modi, qui a sorti la bourse aux promesses pour l'emporter : 8 milliards de dollars pour moderniser les lignes ferroviaires et les routes de l'État, 844 millions de dollars (734 millions d'euros) pour soutenir l'entrepreneuriat féminin, et on en passe... Le Bihar (130 millions d'habitants, à majorité hindoue) est le seul État du nord du pays où, depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le parti de Modi n'a encore jamais gouverné seul.
AMERIQUE LATINE / PEUPLES AUTOCHTONES

Des membres de la communauté indigène Mashco Piro, une tribu recluse et l'une des plus isolées au monde, se rassemblent
sur les rives de la rivière Las Piedras, où ils ont été aperçus sortant plus fréquemment de la forêt tropicale à la recherche de nourriture
et s'éloignant de la présence croissante des bûcherons, à Monte Salvado, dans la province de Madre de Dios, au Pérou, le 27 juin 2025.
Photo Reuters via Survival International
Alors que la COP 30, au Brésil, approche à grands pas (ouverture le 10 novembre, on y sera), les Mashco Piro n'y seront pas représentés. Vivant principalement dans la région du Parc national de Manú au Pérou, avec une présence également au Brésil, notamment dans l'État d'Acre, ils ont choisi l'isolement volontaire, refusant presque tout contact avec le monde extérieur, suite aux violences historiques qu'ils ont subies pendant la période de la fièvre du caoutchouc. Pas représentés, donc, mais pour autant concernés : leur mode de vie traditionnel est menacé par l'exploitation forestière, le trafic de drogue, l'exploitation pétrolière et les changements climatiques qui perturbent leur habitat naturel...
Pendant ce temps, en Colombie, la tribu amérindienne Wayuu freine un important projet de parc éolien dans la région de La Guajira. Les Wayuu, autochtones de cette région semi-désertique au nord de la Colombie, s'opposent à plusieurs projets éoliens en raison de préoccupations environnementales, culturelles et spirituelles, notamment la proximité des turbines géantes avec des lieux sacrés comme des cimetières ancestraux. Ils dénoncent aussi un manque de consultation préalable adéquate et craignent la perturbation de leur territoire et de leur mode de vie. En décembre 2024, la société espagnole-portugaise EDP Renováveis a suspendu ses projets de deux parcs éoliens face à cette opposition. D'autres projets, dont ceux menés par l'italienne Enel, ont également été stoppés après plusieurs années de conflits et manifestations des communautés Wayuu, qui mettent en avant l'impact spirituel et culturel de ces installations. Le chef du conseil régional Wayuu, Aníbal Mercado, explique que la spiritualité Wayuu est au cœur de leur existence et que la présence des éoliennes viole la paix spirituelle de leurs ancêtres. "L'énergie verte", c'est bien beau, mais si ça doit troubler la quiétude des ancêtres...
FRANCE. 36 bâtiments répartis sur une trentaine d'hectares, dans l'Aube. Mais que deviendra l'ex-maison centrale de Clairvaux, ancienne abbaye-prison en déshérence pour cause de vétusté depuis le départ de son dernier prisonnier a quitté l'établissement en mai 2023. Gérard Picod, le maire de Ville-sous-la-Ferté (Aube), commune de 900 habitants où est située l'abbaye de Clairvaux, y verrait bien un centre culturel et touristique, en accord avec Gérard Beureux, le président de l'association Renaissance de l'abbaye de Clairvaux (Arac) chargée d'animer le site. Las, ce n'est pas en vue d'un tel objectif que Gérald Darmanin est venu inspecter le site en début de semaine, coaché par Philippe Borde, président (LR) de l'intercommunalité et maire de Bar-sur-Aube. C'est qu'il prospecte, le Darmanin, pour implanter les futures prisons de haute-sécurité destinées à "enfermer les plus gros narcotrafiquants français".
NOTA BENE - Fondée au XIIe siècle par le moine Bernard de Clairvaux, l'abbaye fut transformée en prison en 1808 sous Napoléon.
Avant d'être Garde des Sceaux, Gérald Darmanin a été ministre de l'Intérieur et, on l'oublie un peu, des Outre-mer. Parlons-en : le budget des outre-mer 2026 impose des coupes brutales, avec une baisse de 18% des autorisations d’engagement, soit 628 millions d’euros en moins, et 5% des crédits de paiement. Cette rigueur budgétaire frappe durement les dispositifs de défiscalisation (« Lodeom ») essentiels au tissu économique ultramarin, menaçant la survie des petites entreprises et fragilisant secteurs clés comme le tourisme et l’agriculture. Malgré les alertes des députés ultramarins sur les conséquences sociales et économiques dramatiques, le gouvernement persiste dans une réduction qui illustre un désengagement progressif. Une politique qui risque fort d'aggraver les inégalités et retards structurels déjà existants, au moment même où ces territoires exigent un soutien renforcé face aux crises climatiques et sociales. Avec les Outre-mer, Lecornu est quelque peu... biscornu.
L'EXPO DU JOUR

Antoine Hulon, photographie issue de l'exposition "Laggiù (là-bas), un regard sur une terre du Sud", à Graulhet, dans le Tarn.
L'expo du jour nous conduit à Graulhet, dans le Tarn, où Antoine Hulon dévoile jusqu'au 16 novembre au Labo-M, bar culturel, une série intitulée "Laggiù (là-bas), un regard sur une terre du Sud" : des photographies instantanées prises en Calabre, un carrefour commercial et de migrations au centre de la Méditerranée, lors des tournées du spectacle Strampalati avec la compagnie de cirque Circ’Hulon entre 2022 et 2024. Jongleur, acrobate, musicien et clown, Antoine Hulon a fondé avec sa compagne, Lucia Pennini, précisément originaire de Calbre, la compagnie Circ'Hulon (ICI).
UNE AUTRE AMÉRIQUE / 01. CAP SUR ATLANTA
On commence aujourd'hui une série de reportages et portraits consacrés à cette "autre Amérique" qui refuse de sa faire voler les clés de la maison-démocratie par la clique MAGA-Trump. Aujourd'hui, première étape à Atlanta, capitale de la Géorgie.

« Atlanta n’a jamais été une ville qui se laissait abattre bien longtemps », écrivait Margaret Mitchell dans son roman-culte Autant en emporte le vent (Gone with the Wind, 1936), symbole de la force de cette ville du Sud au cœur de toutes les métamorphoses américaines (1). Grand classique, ce roman raconte la vie de Scarlett O’Hara au cœur d’Atlanta pendant la guerre de Sécession et la Reconstruction.
Nous sommes ici tout au sud des Appalaches, sur la zone de contact entre le massif montagneux, le piémont des Blue Ridge et la plaine côtière. Atlanta domine le seuil, et donc le carrefour, entre le bassin du Mississippi à l’ouest et la côte Atlantique à l’est. Le climat subtropical humide de la Géorgie produit une végétation assez dense, grâce à une température moyenne de 17 degrés C° sur l'année. On a connu pire.
Un peu d'histoire...
Évidemment, Atlanta ne s’est pas toujours appelée Atlanta. Le site fut originellement peuplée par les tribus Cherokee et Creeks, avant que la région soit envahie au XVIIè siècle par les Anglais (le nom de Géorgie provient d'ailleurs du monarque anglais Georges II). Le site de la ville est établi au confluent des rivières Chattahoochee et Peachtree Creek. En 1837, ce carrefour est renforcé par la confluence de deux lignes ferroviaires majeures : Western & Atlantic Railroad et Georgia Railroad. Elle est d'ailleurs originellement appelée Lot N°77 puis Terminus. La ville adopte ensuite le nom de Marthasville, en référence à la fille du gouverneur de l’époque, avant de prendre définitivement en 1848 le nom d'Atlanta, en relation avec la compagnie ferroviaire Western & Atlantic. Atlanta s’inscrit dans le « Vieux Sud » des économies de plantations et de l’esclavage, entre l’Alabama à l’ouest et la Caroline du Sud à l’est. Au cœur de la confédération sudiste, la ville est complètement détruite en 1864 par le général Sherman durant la Guerre de Sécession. Rebâtie, elle devient, quelques années plus tard, la capitale de l'État de Géorgie en 1868.
La ville de Martin Luther King
Le développement d’Atlanta est relativement récent, à partir de la fin des années 1950, et il est étroitement associé à une trajectoire spécifique qui doit beaucoup aux grands conflits géopolitiques qui traversent le Sud des États-Unis dans l’après-seconde-guerre-mondiale, qui firent d’Atlanta, ville de Martin Luther King, l’épicentre du combat pour les droits civiques, et aux choix politiques de modernité et d’ouverture portés par ses élites locales et régionales.
Comme le souligne le géographe Gérard Dorel dans sa Géographie Universelle (1992) : « Si Atlanta l’a emporté (face à sa voisine Birmingham qui pesait d’un poids équivalent), c’est probablement parce qu’elle sut mieux que sa rivale s’engager délibérément dans une politique d’équipement et d’ouverture. Ses décideurs se sont mieux organisés pour créer une atmosphère de paix et d’intégration raciales au moment même où l’Alabama et Birmingham menaient, avec le gouverneur Wallace, un combat contre les champions des droits civiques. Ces derniers, entraînés par Martin Luther King, purent développer leur mouvement à Atlanta, en s’appuyant sur les remarquables universités dont la ville est si fière aujourd’hui. (…) Cette ville a vu s’épanouir une génération de Noirs occupant des postes de cadres qu’offraient un grand nombre de firmes venues du Nord ou de l’Ouest ».

Lors du Freaknic, festival qui rassemble les étudiants des grandes universités historiquement liées
à l'émancipation des populations afro-américaines, à Atlanta. Photo Atlanta Journal-Constitution
Historiquement Atlanta est donc un des bastions de la communauté noire. Ville où Martin Luther King est né et a étudié, elle est devenue en 1974 la première grande métropole du sud des États-Unis à élire un maire noir. Elle est aussi à partir des années 1970, le lieu du Freaknik, festival organisé pour les vacances universitaires qui rassemble les étudiants des grandes universités historiquement liées à l'émancipation des populations afro-américaines. Cet événement, en miroir du traditionnel Spring Break, ajoute encore à la dimension de "black cultural capital" des États-Unis.
Le Martin Luther King Jr. National Historical Park à Atlanta est un véritable parcours de mémoire. Sur près de 15 hectares, il rassemble la maison natale de Luther King, l’église Ebenezer où il a prêché, son tombeau et l’Eternal Flame, symbole d’espoir. Le parc accueille aussi le King Center et le magnifique International World Peace Rose Garden. Non loin de là, le National Center for Civil and Human Rights d’Atlanta est un espace muséal dédié aux luttes pour la liberté et l’égalité, qui retrace l’histoire du mouvement des droits civiques américain, de Martin Luther King à la défense contemporaine des droits humains.
Coca-Cola, CNN, Delta Air Lines, etc.
La ville de Luther King accueille en outre les sièges sociaux de plusieurs grandes firmes multinationales comme Coca-Cola dans l’agro-alimentaire, CNN dans les médias et la télévision, Delta Air Lines et UPS/United Paracel Service, dont UPS Air Cargo, dans les transports aériens et la logistique, Home Depot ou encore AT&T dans les télécommunications. C'est aussi le siège national des fameux Centers Disease Control and Prevention, centre névralgique de la santé mondiale et de la vigilance épidémiologique (2), dans le viseur de Trump-la-menace et de son malade mental de ministre de la Santé, qui ont limogé la directrice scientifique, Susan Monarez, et mis au chomdu entre 3.500 employés, dont plusieurs scientifiques de renoms et hauts responsables.

Egypt, Mike et Kendall, bénévoles à la Banque alimentaire de la Communauté d'Atlanta. Photo DR
Mais comme l'écrivait déjà Margaret Mitchell, « Atlanta n’a jamais été une ville qui se laissait abattre bien longtemps ». À Atlanta, la solidarité n’est pas un vain mot : elle irrigue le tissu urbain et social au quotidien, avec des initiatives concrètes : le Atlanta Community Food Bank distribue chaque jour des tonnes de nourriture à des milliers de familles précaires, tandis que Lost-N-Found Youth héberge et accompagne de jeunes LGBT sans-abri. La Fondation Atlanta United finance des programmes pour l’inclusion des minorités par le sport, alors que le projet TogetherATL mise sur le logement et l’éducation pour réduire les inégalités. Lors des "Community Days ", des centaines de bénévoles réunissent habitants, institutions et associations autour de la santé, du logement et de la citoyenneté. La vitalité solidaire d’Atlanta s’incarne aussi dans son engagement lors des grandes crises : durant la pandémie, réseaux de voisinage et églises ont multiplié les distributions alimentaires et l’aide médicale, démontrant toute la force du mot « entraide » dans cette capitale du Sud.
Atlanta est aussi connue pour son dynamique culturel, notamment dans la musique hip-hop. Atlanta est notamment le berceau de la Trap, branche la plus populaire du hip hop actuel qui culmine au sommet de la pop culture. Des groupes comme 21 Savage, Migos, Young Thug, Gucci Mane ou Future figurent parmi les artistes les plus populaires actuellement revendiquent leur appartenance à « New Motown », le surnom d’Atlanta censé mettre en lumière son rapport intense à la musique produite sur son territoire. L’urbanisme de la ville est lié à la naissance de ce courant, le terme « trap » désigne les maisons vides des quartiers abandonnés de la ville, utilisées pour le stockage et le trafic de drogue, endémique dans ces espaces en difficulté.
La chanson rap "New Atlanta" symbolise la vitalité et l'influence du rap de la ville d'Atlanta, épicentre du hip-hop contemporain. Sortie en 2014, elle réunit plusieurs artistes emblématiques de la scène locale comme Migos, Rich Homie Quan, Young Thug et Jermaine Dupri. La chanson célèbre la montée en puissance du rap d’Atlanta, qui mêle
des styles variés du trap à l’auto-tune, incarnant la diversité des voix venues des quartiers populaires.
Au début des années 2000, les deux centres du hip-hop mondial sont New-York (East Coast) et Los-Angeles (West Coast). Mais ces deux villes de l'East Coast et de la West Coast vont se voir éclipsées par la scène du Dirty South venue d'Atlanta et son groupe emblématique Outkast, qui déclare : "Le Sud a quelque chose à dire". L'Université de Cornell a ainsi classé Atlanta en 2014 comme la ville la plus influente pour la musique en Amérique du Nord.

On aurait aussi aimé parler d'un très prometteur jeune poète queer et afro-américain, W.J. Lofton (photo ci-contre : Ejji Studios), né à Chicago, mais qui a fait d'Atlanta sa ville d'adoption, et qui explore dans ses œuvres les intersections de la race, du genre et de la sexualité, ainsi que des thèmes tels que la liberté, la violence et la mémoire collective. Son travail met en lumière la vie des Black queer men, leur quête d’intimité, et l’expérience de la jeunesse dans le Sud profond, notamment à travers ses recueils de poésie comme boy maybe (2025), où il évoque notamment sa vie de soldat envoyé en Afghanistan. A Atlanta, il contribue activement à la scène littéraire locale, notamment en co-animant des événements comme "Rebellion : A Writing Salon"...
Et les élections, alors?

Andre Dickens, maire Démocrate d'Atlanta, réélu avec 85% des voix.
Dans un tel contexte, on comprendra que Trump et sa clique à claques ne sont pas prêts de faire main basse sur Atlanta. Aux dernières élections, le maire sortant, Andre Dickens, Démocrate, a été réélu pour un second mandat avec... 85 % des voix. Et parmi les jeunes personnalités qui entrent au conseil municipal, il y a Liliana Bakhtiari, 38 ans, militante LGBTQ+ et fille d’immigrants iraniens, engagée dans la promotion de l’inclusion, des droits civiques et de la justice sociale ; Marci Collier Overstreet, diplômée en journalisme de Georgia State University, qui s’est illustrée par plus de 25 ans de mobilisation communautaire : défense des familles, actions pour les seniors, volontariat auprès de la jeunesse, etc ; ou encore Eshé Collins, avocate spécialisée en droits civiques, qui dirige l’Equity Assistance Center-South pour la Southern Education Foundation, accompagnant l’équité scolaire dans tout le Sud-Est américain.
Galerie : de gauche à droite, Liliana Bakhtiari, Marci Collier Overstreet et Eshé Collins, élues au conseil municipal d'Atlanta.
Il est clair que cette Amérique-là, Donald Trump ne l'entend pas. Comme l'y a invité le nouveau maire de New York, « Monte le son » (discours intégral ICI). Le problème, c'est qu'à force de s'être masturbé avec les jeunes donzelles que lui livrait son ami Jeffrey Epstein, ses facultés auditives sont grandement endommagées.
NOTES
(1). On aurait aussi pu mentionner l’œuvre de James Baldwin (Meurtres à Atlanta), qui explore avec force les tensions raciales et la réalité politique de la ville, ou encore Thomas Mullen et sa trilogie noire centrée sur Atlanta et la ségrégation (Minuit à Atlanta) ; Leaving Atlanta (2002) de Tayari Jones, roman poignant sur l’enfance noire à Atlanta pendant les meurtres d’enfants afro-américains entre 1979 et 1982, raconté à travers trois jeunes protagonistes ; La couleur pourpre (The Color Purple, 1982) d’Alice Walker, Prix Pulitzer, roman qui raconte la vie de femmes noires opprimées, entre violence familiale et quête d’émancipation, avec Atlanta en arrière-plan.
(2). Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), basés à Atlanta, constituent la plus haute autorité sanitaire des États-Unis. Créés en 1946, ils sont en première ligne dans la lutte contre les épidémies, la prévention des maladies et la protection de la santé publique mondiale. Le campus du CDC, hautement sécurisé, accueille aussi un musée pédagogique, le Global Health Museum, retraçant l’histoire des grandes avancées en santé publique. De la polio au Covid-19, le CDC veille, conseille et réagit — faisant d’Atlanta un centre névralgique de la santé mondiale et de la vigilance épidémiologique.
Prochaine étape : Detroit, dimanche 9 novembre
(et d'ici là, si ce n'est déjà fait, ne pas oublier de verser votre obole défiscalisée au devenir des humanités)





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