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De Vanuatu au Cameroun, musiques de l'eau


Des femmes du village de Leweton à Vanuatu. Photo : Ash Burgess, novembre 2017.


Au Vanuatu, sur l'île de Gaua, vit un groupe de femmes qui pratiquent une musique presque unique unique au monde : l'Etëtung ou la musique de l'eau. Musique de l'eau que l'on retrouve aussi au Cameroun.


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LE TOUR DU JOUR EN 80 MONDES Au Vanuatu, un groupe de femmes pratique une musique presque unique au monde : la musique de l'eau.


VIDEO

Sur l’archipel du Vanuatu, pays du sud de l’océan Pacifique composé d’environ 83 îles situées en mer du Corail et faisant partie de la Mélanésie, il existe une musique unique au monde appelée jeux d’eau. Cinq ou six femmes se tiennent dans l’embouchure d’une rivière ou dans la mer, l’eau arrive au niveau de leurs hanches et avec leurs mains, leurs doigts, leurs poings ou leurs bras, elles frappent, caressent, battent, effleurent l’eau pour en faire de la musique. Leurs chants sont accompagnés par des sons produits par l’eau. Ces femmes font chanter les rivières.


VIDEO Extrait du film "Vanuatu Women's Water Music" (2019), produit par Further Arts et Wantok Musik et réalisé par Tim Cole. (le DVD peut être acheté sur le site de la Fondation Wantok Music)

Aujourd’hui ces jeux d’eau sont devenus une attraction touristique mais ne représentent pas vraiment toute la richesse de la musique du Vanuatu.

Le corps comme instrument de musique

Par exemple, on peut entendre des musiques pour danses, dont certaines appelées Sawagoro, où toute la rythmique vient simplement du corps humain que l’on frappe, claque, tape, frotte.

Danse coutumière au pied du volcan, sur l’île de Tanna. Au village d’Imayo, sur l’île de Tanna (Vanuatu),

des danses coutumières (kastom dance en bichlamar) ont lieu au pied du volcan Yasur,

en éruption continue depuis 800 ans. Photo Bob Tazar


Quid des instruments de musique alors ? Il en existe beaucoup, dont certains très rares comme l'arc musical… Il a été découvert pour la première fois en 1910, et plus récemment, le linguiste Alexandre François et l’ethnomusicologie Monika Stern en ont trouvé un autre, joué par un monsieur de 86 ans qui serait le dernier à pouvoir fabriquer et manipuler cet arc musical. On peut d'ailleurs retrouver tous les travaux de ces deux chercheurs dans un disque, Musiques du Vanuatu, au livret très riche et complet, sous le label Inédit.


Planche à percussions et poésie chantée

D’autres instruments ont évidemment survécu aux années comme la planche à percussion. Instrument de musique central dans beaucoup d’îles du Vanuatu notamment dans le nord. Encore une fois, on utilise la nature pour faire de la musique : ici c’est un trou dans la terre qui fait office de résonateur, on y pose dessus un grand morceau de bois que l’on va frapper à l’aide de petits bâtons.

Le nom cet instrument, planche à percussions, diffère en fonction des zones géographiques de l’archipel. D'ailleurs, le Vanuatu bat tous les records en termes de densité linguistique : 106 langues pour 270 000 habitants, sans compter les dialectes. Sans compter la poésie chantée.

Au Vanuatu, la poésie est toujours chantée mais dans une langue spécifique qui diffère d’un endroit à l’autre. Dans certaines communautés, la différence entre langue poétique et langue parlée est telle que les non-initiés ne peuvent même pas comprendre les paroles du poème…

(Source : Aliette de Laleu, France Musique, 22 février 2020).


Le "water drumming", alias Akutuk, aussi en Afrique

On retrouve semblable tradition de "water drumming" en Afrique. Chez les Baka, peuple de la forêt d'Afrique centrale, le tambour et la danse de l'eau constituent un aspect important de leur société, réservé aux femmes chasseuses. Le rituel est généralement exécuté avant de partir à la chasse, aux premières heures du jour, généralement à l'aube, pour enchanter la forêt et, ce faisant, appeler les animaux afin que les chasseurs n'aient pas à s'enfoncer dans la forêt.

La technique du tambour, qui s'accompagne également d'une danse distincte, est propre aux pygmées de la forêt qui vivent près de la frontière entre le Congo et le Cameroun et est connue sous le nom de Yelli.

Si le tambour fait partie intégrante de la communauté africaine, cet art est connu pour être pratiqué sur un type d'instrument particulier appelé tambour. En plus d'être utilisé pour communiquer, cet instrument est l'un des plus importants dans la musique traditionnelle africaine, qui déclenche toujours la danse et le chant.

Mais le Liquindi ou Yelli n'est pas seulement particulier parce qu'il est joué sur l'eau, mais il est aussi unique parce qu'il est joué par des femmes. En effet, le tambour est généralement réservé aux hommes et lorsque les femmes jouent, elles ne jouent que sur un tambour de soutien plus petit.

Le Liquindi est généralement joué en groupe, avec un batteur et une chanteuse principaux, accompagnés de leurs choristes et batteurs. Pour se produire, les femmes doivent être de bonne humeur, très fortes et doivent également être des chasseuses. La musique est créée par les femmes qui frappent la surface de la rivière avec leurs mains. En fonction du son que l'on souhaite produire, les femmes frappent la surface avec un poing ou avec les paumes à plat.

Le batteur et chanteur principal commence et les autres le rejoignent l'un après l'autre jusqu'à ce qu'ils jouent tous à l'unisson. Lorsqu'ils se mettent à chanter, ils dansent également en se déhanchant et en balançant les bras très haut pour augmenter l'intensité et le son de la musique.

Les tambours et les danses Liquindi, s'ils sont exécutés à l'aube, doivent se terminer avant le lever du soleil pour ne pas déranger les esprits des dieux et se terminer à temps pour une bonne chasse pour les femmes.

Bien que réservé aux femmes, le tambourinage peut également être exécuté par les hommes et les jeunes enfants, mais il est connu pour être exécuté par les femmes en temps de guerre, avant une chasse ou toute autre cérémonie spéciale.

Aujourd'hui, les populations forestières d'Afrique centrale qui pratiquent cet art unique du tambour et de la danse sont très peu nombreuses. La modernisation et les moyens forcés pour les intégrer à la population ont fait que plusieurs d'entre eux ont fui vers d'autres régions d'Afrique de l'Est, mais il reste encore un petit groupe qui vit dans la forêt et pratique le tambour d'eau.

(Source : Elizabeth Ofosuah Johnson, sur le site Face2Face Africa, avril 2019)


En France, le festival Jazz sous les pommiers avait accueilli en 2018 un spectacle de percussion aquatique du Cameroun à mains nues ( "Tempo d'eau" ) , avec Loïs Zongo - Percussion akutuk, voix, flûtes à eau ; Marie-Thérèse Atem - Percussion akutuk, voix ; Odile Barlier - Flûtes à eau, voix, percussion akutuk. Mise en scène - Binda N’Gazolo

Akutuk est une pratique qui consiste à frapper la surface de l’eau comme un tambour. Tout au long de la rivière, divers peuples et notamment les pygmées, accompagnent la plupart de leurs activités, comme la pêche ou la lessive, en jouant des percussions dans l’eau. Liée aux activités sociales des femmes, Akutuk leur est strictement réservé. Elles se réunissent donc pour jouer à 2 ou 3 et célébrer les esprits de l’eau avec des polyrythmies qui peuvent parfois contenir de véritables messages pour les oreilles initiées...


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