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Grisaille de la barbarie et couleurs d’Ukraine



Olenivka : les Nations Unies lancent une mission d’enquête, tout en déclarant ne pas avoir l’autorité « pour conduire des enquêtes criminelles ». Et la Croix Rouge déclare n’avoir jamais garanti la sécurité des prisonniers de guerre. Impunité pour la barbarie ? Autres nouvelles du jour : la destruction d’une radio à Bakhmout, et Kryvy Rih dans le collimateur russe. Les sanctions occidentales ont-elles un impact sur l’économie de russe ? Et dans la grisaille, un peu de baume au cœur avec les peintures d’Irina Kolesnikova.



Hier à Zaporijjia, des parents et amis des défenseurs d’Azovstal ont organisé une performance pour attirer l'attention du monde et des médias sur le sort des prisonniers de guerre détenus par les forces russes après leur reddition à Marioupol.


La pression internationale ne doit pas retomber pour que la vérité soit faite sur le carnage d’Olenivka, qui ressemble de plus en plus à un meurtre prémédité.

Fin observateur du conflit, spécialiste de l'OSINT (renseignement en open source) et généralement plutôt doué dans sa tâche, Oliver Alexander a trouvé des images et vidéos prouvant, selon lui, que les prisonniers n'étaient pas logés dans le bâtiment touché. Ils y auraient été déplacés la veille ou le jour du drame (voir sur Twitter). D’autres images satellite semblent montrer que des tombes ont été creusées sur le site d’Olenivka, juste avant le carnage du 29 juillet.


Les prisonniers de guerre ukrainiens ont été torturés avant d'être exécutés à Olenivka. Selon un rapport de la Direction du renseignement du ministère de la Défense relayé par le Kyiv Independant, des combattants des forces séparatistes pro-russes de la « république de Donetsk », ainsi que des mercenaires du groupe Wagner et des agents russes du FSB, ont torturé des prisonniers de guerre ukrainiens avant de les assassiner. Selon la même source, les Russes n’avaient pas l’intention d’échanger des prisonniers de guerre, préférant assassiner des prisonniers pour cacher les preuves de torture. Il ne s’agissait pas tant d'obtenir des informations confidentielles, que de harceler, humilier physiquement et démoraliser psychologiquement les soldats ukrainiens, afin de leur ôter toute détermination morale et psychologique.


L’ONU lance une mission d’enquête. Hier, lors d’une conférence de presse donnée à l’occasion de la publication du troisième rapport de l’ONU sur les conséquences mondiales de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.), le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a annoncé « lancer une mission d’enquête » après avoir « reçu les requêtes de la Fédération de Russie et de l’Ukraine » concernant les explosions la semaine dernière dans la prison d’Olenivka : « Nous espérons obtenir toutes les facilités d’accès de la part des deux parties et l’obtention des données nécessaires pour établir la vérité sur ce qui s’est passé », précisant être en train de chercher les personnes adéquates, « indépendantes et compétentes », pour intégrer cette mission.

António Guterres a toutefois indiqué que les Nations unies n’avaient pas l’autorité pour conduire des « enquêtes criminelles »…


Quant à la Croix Rouge, contrairement à ce qui avait été annoncé et écrit jusqu’à présent, l’organisation humanitaire vient d’affirmer, dans un communiqué, que le Comité international de la Croix-Rouge « n’a pas garanti la sécurité des prisonniers de guerre qui sont tombés aux mains de l'ennemi, car cela n'est pas en notre pouvoir. Nous l'avons expliqué aux parties à l'avance ». Le CICR ajoute avoir eu accès une fois au centre de détention d’Olenivka, sans pouvoir avoir accès à tous les prisonniers de guerre.

En d’autres termes : c’est donc en toute impunité que Poutine peut continuer d’opposer la barbarie au droit international, qu’il ne cesse de violer avec entrain.


Pour mémoire : La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre permet théoriquement au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de rendre visite à tous les camps de prisonniers de guerre sans aucune restriction. L’Article 13 de la Troisième Convention de Genève dispose que « les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité. Tout acte ou omission illicite de la part de la Puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d’un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit et sera considéré comme une grave infraction à la présente Convention. (…) Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique. » Le simple fait, pour la Russie, d’entraver le Comité international de la Croix Rouge est, en soi, une « grave infraction ». Mais la Russie n’en a cure. Je l’ai déjà dit : le droit humanitaire pour Poutine, c’est un truc de dépravés.


Enfants déportés. Autre sujet de vive inquiétude : la situation des mineurs déplacés de force en Russie. Les humanités partagent une tribune publiée par Le Monde le 1er août, « Déporter des enfants ukrainiens et les "russifier", c'est amputer l'avenir de l'Ukraine » :



Destruction d’une radio locale

Écoles, hôpitaux, maisons de la culture sont des cibles privilégiées des frappes russes, parmi d’autres destructions civiles, depuis le début de l’invasion en Ukraine. Là, c’est une première : hier à Bakhmout (77.000 habitants, dans la région de Donetsk), de violents tirs d’artillerie ont entièrement détruit le bâtiment d’une radio locale(photo ci-dessus). Bakhmout est l'une des rares villes encore sous contrôle ukrainien dans la région de Donetsk - est désormais au centre de l'offensive russe dans l'est du pays.

(voir reportage TV5Monde, 31 juillet).


Mais cette destruction d’un média indépendant est dans la droite ligne de l’occupation russe : dans les localités dont elle prend le contrôle, elle s’empresse de couper tous les moyens de communication avec l’Ukraine et de raccorder les réseaux à ceux de la Fédération de Russie.

« La stratégie de la manipulation des réseaux consiste à « créer une dépendance » et à s’assurer « le contrôle de l’information », observe Louis Pétiniaud, docteur en géopolitique et chercheur au centre Géode, centre de recherche et de formation consacré aux enjeux stratégiques et géopolitiques du cyberespace, dans un récent article du Monde. Kherson, Marioupol, Melitopol, Zaporijia… « En cherchant à connecter les territoires occupés, la Russie s’inscrit dans un processus, non pas d’occupation mais d’intégration. Un processus dont Internet n’est qu’un des rouages : les distributions de passeports aux Ukrainiens, la diffusion des chaînes de télévision nationales ou encore l’imposition du rouble pour le commerce font également partie d’un procédé visant à légitimer la présence russe en Ukraine. »


Kryvy Rih, au bord de la rivière Inhoulets. Photo Ryzhkov Sergey / Shutterstock


Prochaine cible : Kryvy Rih

Le commandement militaire du sud de l’Ukraine affirme que Moscou a « commencé à rassembler des effectifs pour attaquer en direction de Kryvy Rih ».

Fondée au XVIIe siècle par les Cosaques de Zaporijjia, Kryvy Rih, ville de 610.000 habitants à 131 km à l'ouest de Zaporijjia, est a priori éloignée (à 50 kilomètres) des lignes de front actuelles. Mais c’est un important centre industriel et sidérurgique, devenu un poumon important de l’effort de guerre de l’Ukraine. Et il y a un autre motif pour que Kryvy Rih soit un objectif symbolique que stratégique : c’est la ville natale de Volodymyr Zelensky. Une raison amplement suffisante, aux yeux de Poutine, pour vouloir la rayer de la carte !


En attendant, l’enfer s’est déjà abattu sur Avdiïvka, au nord de Donetsk, sous le feu de l’armée russe depuis des jours. Ce jeudi matin, le chef de l’administration militaire de la ville d’Avdiïvka, Vitalii Barabash, a déclaré que 2 500 civils se trouvaient toujours dans la ville, soit 10 % de la population de la ville avant l’invasion russe. Selon M. Barabash, cité par le Kyiv Independent, les conditions de vie dans la ville, privée de gaz, d’eau et d’électricité, sont « inhumaines ». Les Russes bombarderaient Avdiïvka jusqu’à vingt fois par jour.


Le poids des sanctions.

Mardi 2 août, depuis l’Assemblée nationale, Marine Le Pen a une nouvelle fois relayé la propagande du Kremlin. La présidente du Rassemblement national a réclamé l’abandon des sanctions qui visent la Russie, au motif que « ces sanctions ne servent strictement à rien, si ce n’est à faire souffrir les peuples européens et, accessoirement, le peuple français. (…) Il faut être vraiment de mauvaise foi pour ne pas constater que, contrairement aux rodomontades de notre gouvernement, l’économie russe n’est pas à genoux et n’est pas en cessation de paiement. »

Pour de tels bons et loyaux services, le Rassemblement national, obtiendra-t-il une ristourne sur le prêt qu’il doit rembourser à une banque russe ? C’est certes beaucoup lui demander, mais Marine Le Pen (et tous ceux qui, comme elle, plaident pour un tel abandon des sanctions) serait bien avisée de prendre connaissance d’une étude de l'Université de Yale publiée hier sur les conséquences des sanctions prises par l’Occident contre la Russie.

Selon la propagande russe, les sanctions économiques imposées par les pays occidentaux contre la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, auraient créé une « guerre d’usure économique qui fait des ravages à l’Ouest », à laquelle s’opposerait la supposée « résilience » voire « prospérité » de l’économie russe. Ce récit est « tout simplement faux », expliquent les experts de l’Université de Yale, qui dénoncent des « statistiques sélectionnées » par Vladimir Poutine. « Malgré les illusions d’autosuffisance et de substitution des importations (…), la production intérieure russe s’est complètement arrêtée et n’a pas la capacité de remplacer les entreprises, les produits et les talents perdus. » Les entreprises qui ont quitté le pays « représentent environ 40 % de son PIB, annulant la quasi-totalité des trois décennies d’investissements étrangers », avancent les auteurs de cette enquête. Pour pallier ces faiblesses, Vladimir Poutine « a recours à une intervention budgétaire et monétaire insoutenable », et les finances du Kremlin « sont dans une situation bien plus désespérée que ce qui est admis ». Enquête de l’Université de Yale à lire ICI (en anglais)



Un peu de baume au cœur : couleurs d’Ukraine

Chaque chronique d’Ukraine sera désormais accompagnée de la présentation d’un.e artiste ukrainien.ne.

Aujourd’hui : Irina Kolesnikova (illustration en tête d'article)

Née en 1975 à Odessa, Irina Kolesnikova vit aujourd’hui en Espagne. Elle a été formée à l'école d'art Grekov d'Odessa et au département d'art et de graphisme de l'université pédagogique nationale d'Ukraine du Sud K. Ushinskyi.




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