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Groenland : des excuses tardives

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L'artiste Amarok S. Petersen a manifesté son mécontentement en se levant pendant le discours

de la Première ministre danoise, le 24 septembre. Photo Mads Claus Rasmussen.


Le 24 septembre à Nuuk, la Première ministre danoise Mette Frederiksen a présenté des excuses officielles aux femmes groenlandaises victimes, pendant des décennies, de contraceptions forcées imposées par des médecins danois. Dans une cérémonie chargée d’émotion, elle a reconnu « une trahison », promettant réparations et fonds de compensation. Mais le geste divise. 

 

Dans la salle du centre culturel, certaines survivantes, aujourd’hui âgées, ont accueilli ses mots en silence, d’autres en larmes. L’artiste Amarok S. Petersen, le visage marqué de traits noirs, s’est levée dos à Mette Frederiksen pour dénoncer une démarche perçue comme opportuniste : « Refuser de s’excuser pendant des années et ne le faire que lorsque l’économie et la géopolitique s’en mêlent n’est pas sincère. » Beaucoup soulignent le retard d’un pardon attendu depuis trente, quarante ans. La révélation de ce scandale n’a émergé publiquement qu’il y a peu, après les témoignages de femmes expliquant comment, adolescentes parfois âgées de 12 ans, elles avaient vu leur fertilité entravée à vie. 

 

Une enquête récente a documenté la systématicité de cette politique, menée dès les années 1960 pour freiner la croissance de la population autochtone. Le gouvernement groenlandais a reconnu sa propre part de responsabilité, ayant poursuivi ces pratiques jusque dans les années 1990 malgré l’autonomie acquise en 1979. 

 

Si des victimes comme Naja Lyberth, 13 ans au moment de son implantation forcée, saluent l’importance symbolique des excuses, elles exigent davantage : un accompagnement médical et psychologique, un soutien pour leurs familles et une reconnaissance claire des souffrances transmises de génération en génération. D’autres y voient un geste dicté par le contexte : alors que les ambitions américaines sur l’île se sont ravivées sous Donald Trump, Copenhague cherche à renforcer ses liens avec ce territoire stratégique de 57.000 habitants. 

 

À la sortie de la cérémonie, des pierres peintes et des fleurs rendaient hommage à « ces enfants que nous n’avons jamais eus ». Un rappel douloureux que, pour beaucoup, les excuses tardives ne suffisent pas à panser les plaies d’une mémoire collective fracturée. 



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