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Tchernobyl et Guernica, Tatars et étoiles de mer

Dernière mise à jour : 28 avr.

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Des jeunes Tatars de Crimée avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Photo issue des archives de Gulnara Bekirova.

Les archives de Gulnara Bekirova, historienne et écrivaine ukrainienne d’origine tatare de Crimée, sont principalement constituées

de travaux académiques, de témoignages oraux, de documents historiques et de matériaux collectés sur la mémoire et la résistance

des Tatars de Crimée, notamment face à la déportation de 1944 et à la politique soviétique puis russe. Son ouvrage majeur,

Un demi-siècle de résistance. Les Tatars de Crimée de la déportation au retour (1941-1991), publié en français chez L’Harmattan,

s’appuie sur une « énorme quantité de documents autrefois secrets des archives soviétiques »

ainsi que sur des témoignages directs recueillis auprès des survivants de la déportation


"Isänmesez", comme ne dit pas Lady Asteroida. Staline aurait bien voulu les exterminer : les Tatars sont toujours là. Ce 25 avril, malgré la répression poutinienne qui poursuit l'entreprise stalinienne, ils célèbrent leur langue. Au fond des océans, les étoiles de mer ont quelque raison de s'inquiéter d'une autre extermination, décrétée par Donald Trump : celle des nodules polymétalliques. Pendant ce temps, aux États-Unis, les peuples amérindiens font pow wow à Albuquerque. Ce 26 avril, c'est aussi l'anniversaire de Tchernobyl et de Guernica. Survivre, malgré catastrophes et massacres...


 Ephémérides


« Au matin, personne ne soupçonnait rien. Mon fils était allé à l’école et mon mari chez le coiffeur. Je préparais le déjeuner lorsque mon mari est revenu : “Il y a un incendie à la centrale. On a donné l’ordre de ne pas éteindre la radio.” Nous habitions Pripiat, tout près du réacteur. Je revois tout cela de mes yeux : une lueur framboise, flamboyante. Le réacteur semblait être éclairé de l’intérieur. Ce n’était pas un incendie ordinaire, mais une luminescence. C’était très beau. Je n’ai rien vu de tel, même au cinéma. Le soir, tout le monde était à son balcon. Ceux qui n’en avaient pas sont passés chez les voisins. On prenait les enfants dans ses bras pour leur dire : “Regarde ! Cela te fera des souvenirs !” Et c’étaient des employés de la centrale, des ingénieurs, des ouvriers, des professeurs de physique. Ils se tenaient là, dans la poussière noire. Certains faisaient des dizaines de kilomètres en bicyclette ou en voiture pour voir. »


  • Extrait de La Supplication. Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse (titre original : Voices from Chernobyl),de Svetlana Alexievitch.


Le 26 avril 1986, à 1 h 23, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, située à une centaine de kilomètres au nord de Kiev en Ukraine, qui fait alors partie de l’URSS, explosait. Le silence de Moscou a dans un premier temps contribué à minimiser l’événement. C'est par les Suédois, inquiets de l'augmentation anormale de la radioactivité dans leur atmosphère, qu'a été révélée la plus grande catastrophe de l'histoire de l'atome domestique, déclenchée, quatre jours plus tôt, à 1.700 kilomètres de là...  Selon l’OMS, le chiffre « officiel » serait aujourd’hui de 16 000 décès. Selon des estimations moyennes, quelque 30 000 à 60 000 cancers seraient attribuables à Tchernobyl dans le monde. Des associations donnent des chiffres beaucoup plus élevés : entre 600.000 et 900.000 vies perdues.


Musique pour Guernica


Il y a quatre-vingt-huit ans, le 26 avril 1937 était jour de marché à Guernica, au Pays basque espagnol. En deux heures quelque 22 tonnes de bombes ont été lâchées sur la ville par l’aviation allemande venue tester de nouveaux appareils et surtout une méthode de guerre inédite : un raid de terreur destiné à anéantir une partie de la population et d’en terroriser l’autre. Le Pays basque était resté fidèle à la république (voir 14 avril). Sa soumission était une aide appréciable, réclamée par le général Franco en train d’imposer sa dictature à l’ensemble de l’Espagne.


George L. Steer, journaliste sud-africain arrivé à Guernica quelques heures après le bombardement, câbla dans la nuit même son reportage de la ville martyre. C’est son article, publié le 28 avril 1937, à la une du Times et du New York Times, qui a frappé l'opinion publique mondiale en révélant l'implication secrète de l’Allemagne nazie dans la destruction de la ville.


Cet après-midi, à 15h45 toutes les cloches de la petite ville de Guernica vont sonner et à 16h15 précise, une sirène retentira en souvenir du terrible bombardement de 1937 qui fit 1.650 morts (sur les 5.000 habitants que comptait la petite ville de Biscaye. Les autorités procèderont à un dépôt de gerbes au cimetière de Zallo pour rendre hommage aux morts et ce soir, à 21h30, une marche silencieuse va parcourir comme chaque année les rues de la ville.


Tout le monde connait le tableau de Picasso qui porte le nom de la ville martyre. Beaucoup moins connu : Mikel Laboa, l’une des figures majeures de la musique basque, a consacré une de ses œuvres les plus marquantes à la tragédie de Guernica, enregistrée en 1977 pour la télévision suédoise. Sa pièce intitulée Gernika – Lekeitio 4 fait partie de la série expérimentale Lekeitioak, où il explore les limites de la voix et du langage. Mikel Laboa utilise des cris, des murmures et des sons inarticulés pour exprimer la douleur, la mémoire et la résistance. L’œuvre ne se limite pas à une narration descriptive, mais cherche à transmettre, de façon viscérale, l’impact émotionnel du drame de Guernica. Cette composition est aujourd’hui considérée comme un jalon de la musique contemporaine basque et un hommage poignant à la mémoire collective du peuple basque.



Volodimir Zelenski n’avait manqué de le faire remarquer quand il s’était adressé aux députés espagnols : ce que la petite ville de Guernica a vécu en 1937, de nombreuses localités d’Ukraine sont en train de le vivre tant l’acharnement des forces russe à tout détruire pour soumettre l’ennemi parait sans limite. L’armée russe a aussi à son palmarès la destruction presque totale de Grozny et d’une bonne partie d’Alep… Dans plusieurs décennies toutes ces villes commémoreront leur anéantissement comme le fait Guernica chaque 26 avril. Et que dire de Gaza que l’armée israélienne s’applique à rayer complètement de la carte au prix de dizaines de milliers de morts ?


Dire bonjour en tatar


Ce 26 avril, date de naissance du poète Ğabdulla Tuqay (voir à la fin de cette chronique), est journée de la langue tatare. Car oui, on parle encore tatar, malgré les répressions dont ce peuple a été (et est encore) victime : environ 5,4 millions de personnes, en Russie, principalement au Tatarstan (capitale : Kazan) où la langue est officielle, mais aussi en Bachkirie et dans d’autres régions voisines. On trouve également des communautés tatares en Ukraine (notamment en Crimée), au Kazakhstan, en Ouzbékistan, en Turquie et dans plusieurs autres pays de l’ex-URSS et de la diaspora. En tatar, "bonjour" se dit "Isänmesez" (prononcer : issane-messez). De façon plus familière, on dira simplement "Isänme" (prononcer : issane-me). Le mot "isän" signifie "sain, en bonne santé", et la formule complète exprime un souhait de bonne santé à la personne saluée.


Des steppes à la diaspora

Les Tatars sont issus d’un vaste brassage de peuples cavaliers turco-mongols, dont les Coumans et les descendants de Gengis Khan. Leur histoire s’ancre dans les steppes eurasiennes et la péninsule de Crimée, où ils fondent au XVe siècle le khanat de Crimée, État musulman indépendant qui perdurera jusqu’à son annexion par la Russie en 1783. Durant des siècles, les Tatars dominent les routes commerciales, pratiquent l’élevage, l’agriculture et le commerce, mais aussi les raids et la traite d’esclaves, ce qui leur vaut une réputation redoutée dans toute l’Europe de l’Est.


L’annexion de la Crimée par la Russie impériale marque le début d’une longue période de marginalisation : exils massifs vers l’Empire ottoman, colonisation de peuplement par des Russes et Ukrainiens, et transformation progressive des Tatars en minorité sur leur propre terre. Une partie importante de la nation tatare s’établit également dans la région de la Volga, donnant naissance à la république du Tatarstan, aujourd’hui au sein de la Fédération de Russie.


L’Union soviétique et Staline : la déportation, un ethnocide

Le XXe siècle s’ouvre sur de nouveaux drames. Après la révolution bolchévique, la Crimée devient une république autonome au sein de l’URSS, mais l’arrivée de Staline au pouvoir inaugure une ère de répression accrue. En mai 1944, sous prétexte de collaboration d’une minorité tatare avec l’occupant nazi, Staline ordonne la déportation massive de tout le peuple tatar de Crimée vers l’Asie centrale, principalement l’Ouzbékistan. En deux jours, près de 200 000 personnes, femmes, enfants et vieillards, sont arrachées à leurs foyers, entassées dans des wagons à bestiaux et envoyées en exil. La moitié des déportés périra dans les deux années suivantes, victimes de la faim, des maladies et des conditions inhumaines. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, dénommé "Sürgünlik", soit reconnu comme un génocide. Aujourd’hui, toute commémoration est interdite.


Cette opération, qualifiée aujourd’hui de nettoyage ethnique et de génocide par de nombreux historiens, vise à effacer toute trace de la présence tatare en Crimée : destruction des écoles et mosquées, changement des toponymes, redistribution des terres à des colons russes et ukrainiens. La république autonome de Crimée est supprimée, et le peuple tatar devient paria, même après la mort de Staline. Ce n’est qu’à la fin de l’URSS, dans les années 1990, que les Tatars obtiennent le droit de revenir sur leur terre natale, entamant un difficile processus de retour et de reconstruction identitaire.


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Le drapeau bleu des Tatars de Crimée


« Nous retournerons en Crimée et nous aurons trois tâches principales : faire revivre notre langue, notre culture et notre religion. Sans cela, nous ne sommes rien. »

Avec Poutine, l’annexion de la Crimée et la répression

Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la situation des Tatars s’est à nouveau dramatiquement dégradée. Moscou interdit le Mejlis, l’organe représentatif des Tatars, qualifié d’« extrémiste ». Les arrestations arbitraires, les disparitions, les procès politiques et les pressions sur les militants et religieux tatars se multiplient. Les Tatars de Crimée, qui représentent environ 12 % de la population de la péninsule, sont particulièrement ciblés : nombreux sont ceux qui sont emprisonnés pour « terrorisme » ou « séparatisme », parfois simplement pour avoir exprimé leur identité ou soutenu l’Ukraine.


Les organisations de défense des droits humains dénoncent une politique de russification et de répression systématique : destruction de lieux de culte, fermeture d’écoles en langue tatare, conscription forcée dans l’armée russe, et surveillance constante des militants. En 2024, plus de 130 Tatars étaient détenus comme prisonniers politiques en Crimée occupée. La communauté internationale, bien que solidaire dans les discours, reste impuissante à enrayer cette nouvelle vague de persécutions.

« Grattez le Russe, vous trouverez le Tatar ! », s’exclama un jour Napoléon Bonaparte. Ne dit-on pas que les Tatars, ce peuple turcophone et musulman sunnite, a fourni à la Russie un tiers de son aristocratie – le tsar Boris Godounov, le prince Youssopov- et de ses arts également, avec les écrivains Tourgueniev et Anna Akhmetova, le musicien Rakhmaninov, le danseur étoile Noureev, le volcanologue Haroun Tazieff, l’acteur Charles Bronson, le tennisman Marat Safin…

  • A lire (en français) :

    "Les Tatars de Crimée : l'un des groupes les plus persécutés politiquement en Russie", publié le 20 mars 2023 par Global Voices.

    "Les arbres ne peuvent pas être déracinés et transplantés dans un nouveau sol" : histoires des Tatars de Crimée qui ont survécu à la déportation, publié le 18 mai 2024, ICI.


 Pièces détachées


Avec Trump, on touche le fond


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Une grande diversité d’espèces se développe sur et autour des nodules polymétalliques,

dans les sédiments des plaines abyssales de la zone Clarion-Clipperton. Photo : Ifremer, campagne Nodinaut


Avec Trump, même les abysses ont du souci à se faire. Le fou furieux qui a conquis la Maison Blanche a signé un décret autorisant l’extraction minière des fonds marins, y compris en eaux internationales. Cette décision ouvre la voie à l’exploitation à grande échelle des nodules polymétalliques riches en cobalt, manganèse, cuivre et nickel, qui reposent entre 4 000 et 6 000 mètres de profondeur. Les nodules polymétalliques, ce sont des galets riches en métaux qui se forment très lentement à la surface des sédiments abyssaux. Ils constituent le principal, voire l’unique, support solide sur les vastes plaines sédimentaires des abysses, offrant un habitat essentiel à de nombreux organismes fixés, comme les coraux d’eau froide, les éponges et les cnidaires. Autour et dans les nodules vivent également une grande diversité d’animaux mobiles : crustacés, échinodermes (étoiles de mer, oursins), vers marins, bivalves et une multitude de micro-organismes. Or, l’extraction de ces nodules bouleverse profondément les écosystèmes : elle détruit l’habitat solide indispensable à de nombreuses espèces et remue les sédiments, perturbant la faune enfouie et la colonne d’eau. Lorsqu’on les enlève, non seulement cet habitat disparaît, mais les couches de sédiments sont elles aussi bouleversées. Cela pourrait conduire à une perte importante de la biodiversité à l’échelle des zones exploitées qui pourrait ne jamais revenir étant donné que les nodules mettent plusieurs millions d’années à se former. Trump s'en fout pas mal : dans quelques millions d'années, il ne sera plus là. Après lui le déluge...


Lady Asteroida, déléguée syndicale de la Confédération des étoiles de mer, a adressé Donald Trump la missive suivante :

« Monsieur Trump,

Je suis une étoile de mer, fragile habitante des profondeurs silencieuses.

Sous la lumière absente, sur les plaines obscures,

Les nodules que vous convoitez sont pour moi des îles,

Des refuges où la vie s’accroche, patiente et discrète.

Quand vos machines grondent et labourent nos abîmes,

Elles arrachent nos abris, dispersent nos rêves,

Et laissent derrière elles un désert sans mémoire.

Ici, chaque pierre, chaque grain de sable,

A mis des siècles à se former,

Et chaque être, même invisible,

Est une note de la grande symphonie des océans.

En détruisant nos mondes secrets pour quelques métaux,

Vous éteignez des lumières que nul humain n’a jamais vues,

Vous brisez des équilibres que la Terre elle-même peine à comprendre.

Les abysses sont le cœur battant de la planète,

Gardiennes du souffle du monde,

Et nous, créatures oubliées,

Sommes les sentinelles de votre avenir.

Écoutez le silence des profondeurs,

Respectez la lenteur de la vie,

Et souvenez-vous :

Ce que vous prenez aux océans,

C’est à la Terre entière que vous le volez.

Laissez-nous nos mystères,

Car protéger les abysses,

C’est préserver l’espérance des hommes et des étoiles. »


  • Pour aller plus loin : "Les grands fonds marins : ces inconnus menacés", article de     

    Sebastián Escalón publié par le CNRS en juillet 2023, ICI


 Un visage par jour

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Photo Joe Calderon


Pow-wow


On ne connait pas son nom. C'est l'une des participantes du "Gathering of Nations", le plus grand pow-wow d’Amérique du Nord, qui a débuté hier à Albuquerque (Nouveau Mexique). Cet événement annuel met en avant des danseurs, musiciens et artisans autochtones venus de toute l’Amérique et du monde. Le festival débute par un défilé haut en couleur de danseurs en costumes traditionnels ornés de clochettes, accompagnés de tambours.


Les pow-wows sont apparus aux États-Unis au 19e siècle, à la suite des déplacements forcés de tribus par le gouvernement américain. Ces rassemblements sont devenus des lieux d’unité et de partage culturel entre différentes nations autochtones. L’expression "pow-wow " vient des langues algonquiennes, notamment du mot narragansett pau wau ou pauau, qui désignait à l’origine un guide spirituel, un guérisseur ou un rassemblement de chefs spirituels lors de cérémonies de guérison. Par extension, les colons européens ont utilisé ce terme pour désigner tout rassemblement autochtone, puis il a été adopté par les Autochtones eux-mêmes pour désigner leurs grands rassemblements festifs et culturels...



 Poème du jour


Ğabdulla Tuqay, fondateur de la littérature tatare moderne


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(Né le 26 avril 1886 à Quşlawıç, dans le gouvernorat de Kazan (Empire russe, aujourd’hui Tatarstan, Russie), Ğabdulla Tuqay a eu à peine le temps de vivre. Tuberculeux, et pauvre, il est mort à 26 ans, à Kazan. Nonobstant cette fin bien précoce, il a légué une œuvre qui en fait le fondateur de la littérature tatare moderne et l’un des plus grands poètes de la nation tatare. Il a également joué un rôle clé dans la création de la langue littéraire tatare moderne. Et son poème le plus célèbre, Tuğan tel ("Langue maternelle"), est devenu un symbole de l’identité tatare.


Ô, langue chérie de mon enfance

Ô, langue enchanteresse de ma mère !

C'est toi qui m'a permis de chercher à connaître

Le monde, depuis mes jeunes années

Quand tout enfant je n'arrivais pas à dormir

Ma mère me chantait des berceuses

Et grand-maman me racontait des histoires

À travers l'obscurité pour me fermer les yeux

Ô, ma langue ! Tu as toujours été

Mon soutien dans la douleur et dans la joie

Je te comprends et je te chéris tendrement

Depuis l'âge où j'étais un petit garçon

Dans ma langue, j'ai appris avec patience

À exprimer ma foi et à dire :

« Ô, Créateur ! Bénis mes parents

Allah, emporte mes péchés ! »


  • Ğabdulla Tuqay serait totalement inédit en français si les éditions du Cygne n'avaient publié en 2021 une sélection de poèmes sous le titre Extraits d’une dernière goutte de larme (ICI)


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