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Isabelle Favre

Une boussole, des nuages et Mireille Delmas-Marty


Elle prônait un humanisme du 21ème siècle qui sache faire droit au vivant : une « mondialité apaisée » qui puisse se construire un avenir fait d’anticipation et d’imprévisibilité. Un an après sa disparition, le château de Goutelas, dans la Loire rend hommage jusqu’au 12 février à cette figure majeure d’un « droit en mouvement » pétri d’utopies.


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« La vision anthropocentrée qui sépare l’homme de la nature pour mieux la dominer est désormais ébranlée. En ouvrant l’humanisme aux interdépendances avec les vivants non humains, le XXIe siècle […] en appelle à une solidarité planétaire », écrivait-elle dans l’un de ses derniers ouvrages, Sortir du pot au noir, l’humanisme juridique comme boussole (Buchet Chastel, 2019).


Juriste, membre du Collège de France et de l'Académie des sciences morales et politiques, Mireille Delmas-Mary souhaitait sortir des concepts pour regarder le réel, avec un devoir de résistance aux idées toutes faites et aux préjugés. Cet humanisme, Mireille Delmas-Marty l’appelait « mondialité », en reprenant le mot du poète Edouard Glissant, tout en précisant « mondialité apaisée », entre les humains et les non-humains. Elle proposait de s’attacher à un « bien commun mondial » parce que, nous avons, humains sur la terre, le même destin au-delà des communautés nationales, avec leur histoire se définissant autour de la mémoire, et de l’oubli : communauté de destin, solidarité avec les vivants pour reconnaître nos « responsabilités communes et différenciées » (un principe qu’elle partageait avec Michel Prieur, pionnier d’un droit de l’environnement -entretien à lire sur les humanités-) et se construire non sur le passé mais sur un avenir, fait d’anticipation et d’imprévisibilité.


« Le futur n’est pas écrit : aux récits d’anticipation à l’œuvre qui dessinent un monde du Tout marché (La main invisible du marché), du Tout numérique (Le post-humanisme), voire un Empire monde (Les nouvelles routes de la soie) ou le récit catastrophe d’un Grand effondrement (La crise climatique), Mireille Delmas-Marty a choisi de faire exister un autre « récit-aventure », celui de la mondialité qui dépasserait le choc des contradictions dans une communauté mondiale unie en son destin tout en restant ouverte à la pluralité et à l’imprévisibilité du monde. » (Extrait du texte de présentation de "La boussole des possibles" de l'Académie des sciences morales et politiques)

« La solidarité du vivant . Vers une communauté de destin » : un an après sa disparition, le12 février 2022, le château de Goutelas, dans la Loire (centre culturel de rencontre et haut lieu de l’humanisme depuis le 16e siècle, voir ICI), dont elle était familière, lui rend hommage jusqu’au dimanche 12 février avec une série de rencontres et d’interventions, en partenariat avec le Barreau de Lyon et l’Institut Paul Bouchet (du nom du refondateur de Goutelas et compagnon de Mireille Delmas Marty), qui se terminera par la diffusion d’un témoignage de Christiane Taubira, et un concert avec des compositions de Luigi Nono, Betsy Jolas, Steve Reich et Christine Mennesson, interprétées par le quatuor vocal 4anima.


Ces rencontres seront en outre l’occasion de découvrir La Boussole des possibles, objet-manifeste dont une première version, avait été installée en 2021 (à lire sur les humanités). Cette « œuvre foraine », réalisée avec le sculpteur Antonio Benincà, en partageant compétences techniques et juridiques et leur amour des mots et de la poésie, est destinée à se déplacer pour diffuser la pensée de Mireille Delmas Marty. Anticipation-mémoire ; imprévisibilité-oubli ; sécurité-liberté, compétition-coopération, innovation-conservation, exclusion-intégration figurent parmi les couples de mots que Mireille Delmas Marty a voulu rendre visibles avec des figures mouvantes dans le vent : un guide d’orientation dans les vents contraires.


De l’aventure de cette Boussole des possibles, François Stuck a fait un film (ci-dessus), présenté à Goutelas. Bien décidé depuis sa rencontre avec cette grande dame du Droit, d’un « droit en mouvement »,à percer avec elle, qui sait, le mystère d’un « «petit souffle de campagne, tout innommé qui apprenait le monde » (Édouard Glissant), François Stuck, créateur d’un média indépendant et de proximité et auteur de documentaires (Bienvenue les vers de terre ; Êtres en transition, le vivant nous questionne) a produit avec l’association IDEtorial et réalisé un second film, Mireille Delmas-Marty, au pays des nuages ordonnés ».


« Elle voyait le monde comme les nuages, ces merveilleux nuages qui tout à la fois se déplacent, se transforment constamment, mais qui restent en harmonie. Elle appelait cela : "au pays des nuages ordonnés" », témoigne son amie Geneviève Giudicelli-Delage, professeure de droit.


« La sagesse du droit », disait encore Mireille Delmas-Marty, « requiert une part d’utopie ».


Isabelle Favre


Photo en tête d’article : Mireille Delmas-Marty, aux côtés de son compagnon, Paul Bouchet, initiateur de la restauration du château de Goutelas, en 2011. Photo Philippe Mesa


« La solidarité du vivant . Vers une communauté de destin » : rencontres au château de Goutelas en hommage à Mireille Delmas-Marty. Pour suivre en direct ou assister en podcast à ces rencontres :https://www.chateaudegoutelas.fr/du-10-12-au-12-12-rencontres-la-solidarite-du-vivant/


Les deux documentaires de François Stuck sont édités en creative commons sur le site de l’association IDEtorial : https://idetorial.fr


A lire, en compléments

Antonio Benincà, Mireille Delmas-Marty : « L’imaginaire et le droit face à un monde déboussolé », in revue Délibérée, 2022/1 (8 pages format PDF, 3 €, ICI)


Mireille Delmas-Marty, Une boussole des possibles : gouvernance mondiale et humanismes juridiques, Éditions du Collège de France, 2020.


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