
L'appel du 31 octobre
Fêter Halloween ou la Journée des Mascarades ? Aller voir ailleurs (en Inde, par exemple, avec Amrita Pritam) si on n'y est pas un peu ? S'épargner ou pas ? Avant de tourner la page de "l'été indien" (que l'administration Trump devrait prochainement débaptiser), petit tour des horizons présents et passés. Non sans faire appel pour les temps à venir et déjouer leur prévisible rudesse. En tête de ce non-article, une photo : une vendeuse ambulante passe devant une fresque murale représentant des danseurs traditionnels sur un mur dans une rue de Conakry, en Guinée, le 20 septembre 2025 (Photo Misper Apawu / AP). Avec un peu plus de temps, on se serait bien attardé en Guinée. Le « street art » se répand en Afrique de l'Ouest. Dans la capitale guinéenne, Conakry, un artiste sénégalais transforme les murs de la ville et la perception du public. Omar Diaw explique qu'il y a moins de dix ans, le graffiti était considéré comme du vandalisme à Conakry. Il a décidé de changer les mentalités en commençant par de grandes fresques murales. Le reportage de Misper Apawu, photojournaliste ghanéenne basée à Accra, connue pour ses reportages sur des enjeux sociaux en Afrique de l’Ouest, en particulier sur le quotidien des femmes et des communautés vulnérables, est à voir ICI . Éphémérides Fut un temps où l’on égrenait ces publications d’éphémérides. On pourrait recommencer ; il suffirait pour cela de se remettre en jambes. Allez, on y va, en bref : Il y a 1.550 ans, le 31 octobre 475 , Romulus Augustule (ci-contre), né Flavius Momyllus Romulus Augustus, se faisait proclamer empereur romain d'Occident. Le chérubin n’avait que 14 ans, et il n’allait pas « régner » bien longtemps.10 mois plus tard, le 4 septembre 476, il fut déposé par Odoacre, général germain d'origine hérule, fils d’un chef lié à la cour d’Attila. La destitution du pauvre Romulus Augustule marque la chute de l’Empire romain d’Occident et le début du Moyen Âge en Europe. On ne sait pas encore quel Odoacre d’aujourd’hui pourra déposer l’empereur Donaldus Trumpus. Il y a pile poil 100 ans, le 31 octobre 1925 , Ahmad Chah Qadjar (ci-contre), chah d'Iran, était déposé par le parlement iranien (Majlis), mettant fin à la dynastie Kadjar qui avait régné sur la Perse depuis 1794. Le coup d’État fut orchestré par Reza Khan (futur Reza Shah Pahlavi), alors premier ministre. Ce bouleversement ouvre la voie à une nouvelle dynastie : la monarchie Pahlavi, inaugurée lors de l’autocouronnement de Reza Shah en décembre 1925. L’établissement du pouvoir pahlavi marque une accélération de la centralisation et de la modernisation autoritaire du pays. Ahmad Chah, lui, est mort en exil à Neuilly-sur-Seine, en France, en 1930. Aujourd'hui, qui saura déposer la dynastie des ayatollahs ? Elle n'était d'aucune dynastie, et n'a donc pas été déposée. Mais elle est morte il y a tout juste 20 ans, le 31 octobre 2005 à New Delhi, à l’âge de 86 ans. Figure majeure de la littérature indienne, Amrita Pritam (ਅੰਮ੍ਰਿਤਾ ਪ੍ਰੀਤਮ) fut la première femme à s’imposer comme grande voix poétique du xxe siècle en pendjabi et en hindi, abordant notamment les thèmes de la partition de l’Inde, de la condition féminine et de l’amour. Elle est surtout connue pour son célèbre poème « Ajj aakhaan Waris Shah nu », véritable élégie sur les massacres de la partition du Pendjab, et pour son roman « Pinjar » (Le Squelette), qui explore la violence faite aux femmes durant ces événements historiques. Amrita Pritam Son œuvre comprend plus de cent livres : romans, poèmes, essais, autobiographies, et chansons folkloriques. Plusieurs œuvres majeures d’Amrita Pritam ont été traduites en français, principalement des recueils de poèmes et quelques romans emblématiques : "J’invoque aujourd’hui Varis Shah" (traduction Denis Matringe), poème emblématique sur la partition du Pendjab. ( ICI ) Plusieurs poèmes sont publiés dans des revues telles que La Nouvelle Revue Française (juin 1983) sous le titre "Amrita Pritam-Poèmes". Le timbre fiscal ( Rasidi Ticke t), son autobiographie, publiée en français par la Librairie des Femmes à Paris. La vérité , recueil paru en 1989, réunissant ses réflexions poétiques et sa démarche féministe. Allez, pour saluer la mémoire d'Amrita Pritam, un petit poème pour la route : Je te retrouverai encore Comment et où ? Je ne sais pas. Peut-être deviendrai-je un produit de ton imagination et peut-être, m’étendant en une ligne mystérieuse sur ta toile, je continuerai à te regarder. Peut-être deviendrai-je un rayon de soleil, à être embrassé par tes couleurs. Je me peindrai sur ta toile Je ne sais ni comment ni où – mais je te retrouverai à coup sûr. Peut-être me transformerai-je en printemps, et frotterai les moussantes gouttes d’eau sur ton corps, et reposerai ma fraîcheur sur ta poitrine brûlante. Je ne sais rien d’autre que cette vie marchera avec moi. Lorsque le corps périt, tout périt ; mais les fils de la mémoire sont tissés avec des particules durables. Je cueillerai ces particules, tisserai les fils, et je te retrouverai encore. Traduit par : Nirupama Dutt Bulletin météo. La fin de "l’Indian Summer" ? En ce 31 octobre, les températures sont encore clémentes. Normal, c'est l'été indien, comme le chantait il y a 50 ans, en 1975, Joe Dassin ( ICI ) : « Tu sais, je n'ai jamais été aussi heureux que ce matin-là / Nous marchions sur une plage un peu comme celle-ci / C'était l'automne, un automne où il faisait beau / Une saison qui n'existe que dans le Nord de l'Amérique / Là-bas on l'appelle l'été indien ». D’après ce que l’on croit savoir, l'expression « été indien » est une traduction de l'anglais « Indian Summer » apparue aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle, d'abord en Pennsylvanie puis en Nouvelle-Angleterre. Son origine exacte reste incertaine, mais les hypothèses les plus répandues mentionnent que la période correspondait au moment où les peuples amérindiens terminaient leurs récoltes et préparaient leurs habitations pour l'hiver, profitant de ce retour temporaire du beau temps après les premières gelées. Les "peuples amérindiens" ? Tout cela ne plait pas, mais alors pas du tout, à la clique suprématiste blanche anti-woke qui règne à la Maison-Blanche. Selon des sources non encore vérifiées à cette heure, le secrétaire d’État à la Guerre, Peter Hegseth, serait sur le point de pondre un décret pour rebaptiser "l’Indian Summer" en "Orange Summer". Orange, en référence à qui vous savez. Dans le même registre, à quelques jours de l'ouverture de la COP 30 au Brésil (6 au 21 novembre, on y sera), Donald Trump a dégainé, plus ou moins alors qu'il était en train de serrer la paluche à Xi Jinping pour tenter de lui soutirer quelques tonnes de terres rares, l'un de ses innombrables MAGA-tweets : « J’AI (NOUS AVONS !) juste gagné la guerre contre le canular du changement climatique. » "Gagné" ? C'est aller un peu vite en besogne. Il reste encore quelques réfractaires. Selon les mêmes sources invérifiables que nous venons d'évoquer, l'administration Trump préparerait tout un arsenal judiciaire assez novateur. Pourrait être condamnée à la prison à vie toute personne faisant encore allusion à un soi-disant changement climatique. Le nombre de places de prison qu'il va falloir construire n'est pas encore chiffré avec précision. Et sinon, quoi de neuf ? Au secours ! C'est aujourd'hui que la citrouille se transforme en carrosse (de la société de consommation). Il ne reste plus grand chose des anciennes coutumes celtiques du Samain, qui seraient à l'origine du moderne Halloween. Les Celtes croyaient que le voile entre le monde des vivants et celui des esprits devenait très mince pendant la nuit du 31 octobre (qui marquait pour eux la fin de l'été), permettant la communication avec les ancêtres et les esprits des défunts. Pour honorer les morts, des rituels de divination et d’offrandes étaient organisés, et les familles laissaient une place vide à table ou à la porte pour accueillir les esprits. La fête durait plusieurs jours et comprenait l’extinction des feux domestiques suivie de l’allumage d’un feu sacré par les druides, dont la flamme était ensuite rapportée dans chaque foyer pour protection. A l'époque, semble-t-il, il n'y avait pas de bonbons. Rituel pour rituel, on préférera s'exiler au Pérou pour la « journée de la chanson créole » ( Día de la Canción Criolla ), qui résiste tant bien que mal à Halloween. Instaurée officiellement en 1944 par le président Manuel Prado Ugarteche, cette journée, symbole du métissage culturel entre influences européennes, africaines et autochtones, met en avant des genres comme la marinera, le vals, le tondero, la polka et le festejo. Une vidéo ? ICI Au Costa Rica, la « journée des mascarades traditionnelles ». Photo DR Ou encore, au Costa Rica, la « journée des mascarades traditionnelles » ( Día de la Mascarada Tradicional Costarricense ). Cette fête nationale, instaurée officiellement en 1997, puis déclarée symbole national en 2022, rend hommage à une pratique ancestrale consistant à défiler avec des masques colorés, des costumes et des personnages folkloriques comme la Giganta, la Segua, la Llorona ou le Cadejo. La célébration s’organise à travers des défilés, des spectacles, des ateliers et des animations musicales, souvent accompagnés de « cimarronas » (fanfares locales). Elle reste profondément enracinée dans les communautés qui perpétuent le savoir-faire des masques et l’esprit festif de cette coutume, face à la mondialisation et à la concurrence d’Halloween. On ne va quand même pas s'épargner ? (petit coup de rétroviseur) Au cas où ça vous aurait échappé, le 31 octobre a été décrété (par qui ?, on ne sait pas) « journée mondiale de l’épargne ». Cette journée trouve son origine dans le premier Congrès international des caisses d’épargne, organisé à Milan en 1924, où des délégués de 27 nations décidèrent de consacrer cette journée du 31 octobre à la promotion des vertus et des bienfaits de l’épargne. L'objectif initial était d’inciter les citoyens à placer leur argent en banque et à préserver une partie de leurs revenus pour faire face aux imprévus. Mais pour « placer de l’argent », encore faut-il en avoir ! Aux humanités , comme on ne roule pas sur l’or (euphémisme), on ne s’épargne pas. Pourtant, que de richesses ! Vous n’aimez pas les chiffres ? Nous non plus, alors allons-y, déposons le bilan : Lors du mois écoulé, du 1er octobre à aujourd'hui, la valeureuse rédaction des humanités a commis 51 publications, soit 1,7 par jour en moyenne. Toutes n'ont pas eu le même sort. Force est de constater que certains sujets liés à l'écologie, aux peuples autochtones ou à l'Afrique, restent au ras du bitume. La palme, si l'on peut dire, revient à un article sur le Togo, qui vient de renforcer la protection de ses ressources naturelles : seulement 15 lecteurs. C'est normal : en général, attire l'attention ce dont on a déjà entendu parler par ailleurs. Et, ce mois-ci, on a "oublié" de parler de "l'affaire Jubilar" et de l'embastillement de monsieur Sarkozy, on a omis de suivre les feuilletons de la taxe Zucman (lequel n'est pas fini) et de la disparition nacellesque des bijoux du Louvre (lesquels n'ont pas encore été retrouvés). On est aussi passé à côté du sujet qui, en ce mois d'octobre, toutes tendances confondues, a battu tous les records en "volume médiatique" : la campagne Octobre Rose, essentiellement portée par la presse régionale et locale. Comme chacun sait, Octobre Rose est une campagne de sensibilisation pour le dépistage et la recherche du cancer du sein. Mais on n'a pas oublié un autre "cancer", celui de la baisse des aides publiques, en relayant, le 11 octobre, la mobilisation nationale du mouvement associatif ( ICI ). Rember Yahuarcani, Cosmopolita. Extrait du portfolio " L'Amazonie, plein les yeux (et pas seulement)", publié le 16 octobre Résolument opposés à un autre cancer, celui de la "préférence nationale", on est pas mal allé voir ailleurs si on n'y est pas un peu, aussi. Trumpland et Poutinie, certes (comment y échapper ?), mais aussi Madagascar (que l'on continuer de suivre, assurément), Colombie, Argentine et Chili, Chine, Inde et Japon, Australie (version aborigène) et Brésil, Corée du Nord, Cameroun et Tanzanie... Avec en prime, ce mois, trois portfolios : "L'Amazonie, plein les yeux (et pas seulement", "A Adelaïde, 10 ans d'art aborigène contemporain" et "Pascal Marthine Tayou, identité rebelle". N'hésitez pas à profiter du week-end qui vient pour réviser ces pas-classiques-pour-deux-sous, en naviguant librement au gré de notre sommaire, ou en version vue d'ensemble, par désordre de publication, ICI . Voulez-vous que l'on jacasse un tout petit peu statistiques ? Allons-y. Selon nos propres renseignements généraux, le site des humanités a accueilli en octobre 995 « visiteurs uniques » (hors personnes se connectant avec VPN, qui échappent au recensement), lesquels ont cumulé 2.286 « sessions uniques » (en augmentation de 29% par rapport au mois précédent). Vous consultez majoritairement (à 72 %) les humanités à partir de votre smarthopne ou iPhone, et vous venez principalement sur le site à partir de cette infolettre, puis de Facebook. Seulement 12% de nos lecteurs débarquent sur les humanités à partir d’un moteur de recherche ; c’est un problème et c’est normal : ainsi, pour être correctement référencé par Google, il faudrait cracher au bassinet pour des annonces payantes et/ou doper, avec des compétences que l’on n’a pas, le « référencement naturel » (SEO). Vous nous lisez majoritairement depuis la France, la Belgique, la Suisse, et le Canada, mais pas seulement. Ce mois-ci, on salue bien chaleureusement les 4 quidams qui nous ont lu depuis l’Indonésie, et les quelques personnes qui sont venues nous voir depuis le Maroc et l’Algérie, l’Indonésie et Cap-Vert, les États-Unis et l’Ukraine (et on en passe…). Enfin, et ce n’est pas rien, la « durée moyenne de session » (le temps que s’attardent les lecteurs sur le site) est de 12 minutes et des poussières. Ce n’est donc pas du zapping. Ce mois-ci, 25 personnes supplémentaires se sont inscrites pour recevoir notre infolettre, désormais envoyée à 2.237 destinataires. 28 personnes se sont abonnées ou réabonnées : nous en sommes aujourd’hui à 504 « abonnés actifs » (personnes s’étant abonnées ou ayant fait un don depuis mois d’un an). C’est bien, mais encore trop juste. Pour pouvoir prétendre en 2026 aux aides publiques qui nous furent refusées en 2025, il nous faudrait être en capacité de salarier un.e premier.e journaliste. Pour qui n’a pas encore souscrit, la campagne de dons ou d’abonnements reste donc ouverte, oh combien. Grâce à l’agrément de la Commission paritaire, obtenu de haute lutte, rappelons que les dons aux humanités sont défiscalisables, à hauteur de 66 % du montant du don, sur l’impôt sur le revenu 2025. DONS DÉFISCALISABLES JUSQU'AU 31/12/2025 Nous avons fait le choix d'un site entièrement gratuit, sans publicité, qui ne dépend que de l'engagement de nos lecteurs. Dons ou abonnements ICI Jusqu'au 31/12/2025, les dons sont défiscalisables (à hauteur de 66% du montant du don). Un don de 25 € ne revient ainsi qu'à 8,50 € (17 € pour un don de 50 €, 34 € pour un don de 100 €, 85 € pour un don de 250 €) Et pour recevoir notre infolettre : https://www.leshumanites-media.com/info-lettre Voilà, c'était notre "appel du 31 octobre". On le dit souvent : les humanités , ce n'est pas pareil. Comment préserver et faire fructifier ce doit à la différence et à la singularité ? "Informer" ne change sans doute pas grand chose à l’état du monde, environnés que nous sommes par toutes sortes de marasmes et désastres (et pourtant, des lucioles). Et nous sommes déjà submergés d’informations cuisinées à la mode du fast-food. A l’endroit d’une "résistance", on s'obstine toutefois, aux humanités , à ne pas vouloir simplement "informer", mais à en faire (modestement) récit. Sans même parler des réseaux sociaux (où, par exemple, la longueur d'un tel article dépasserait déjà les standards communément admis de "l’attention") ; Internet n’est pas une excuse pour que ce qui est "mis en ligne" ne soit pas bien écrit, et "mis en page". Or tout cela, qui est infiniment minoritaire, prend du temps. Parfois à contre-courant, on persévère cependant. Ostinato . Jean-Marc Adolphe





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