Comment prononce-t-on "tap dance" en japonais ?
- Nicolas Villodre
- 28 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Photo Pierre Grosbois
Figure singulière des claquettes japonaises, Kazunori Kumagai vient de se produire à la Maison de la culture du Japon à Paris, accompagné du pianiste Toru Dodo et du contrebassiste Alex Blake. Inspiré dès l’enfance par Michael Jackson et les légendes du film Tap, Kumagai a su forger une technique irréprochable, enrichie à New York auprès de maîtres comme Gregory Hines.
Le trio formé par le claquettiste Kazunori Kumagai, le contrebassiste Alex Blake et le pianiste Toru Dodo s’est produit pour la première fois à la Maison de la culture du Japon (MCJP), les 25 et 26 avril, dans le spectacle Tap into the Light, qui signifie, grosso modo, Claquettes dans la lumière.
Faute d’école de jap tap à son époque, le jeune Kazunori s’adonna en autodidacte aux claquettes après avoir été épaté par le talent de performer du chanteur à succès Michael Jackson ainsi que par les numéros de danse du long métrage de Nick Castle (soit dit en passant, le fiston du chorégraphe attitré de Fred Astaire) ayant pour vedette l’enfant de la balle Gregory Hines, un musical tout bonnement intitulé Tap (1989). Y étaient mis en lumière des hoofers historiques comme Sammy Davis Jr, Bunny Briggs, Steve Condos, Sandman Sims, Barbara Perry, Jimmy Slyde, Harold Nicholas (le frère de Fayard) et le prodigieux Savion Glover. À l’âge adulte, Kazunori Kumagai se perfectionna à New York auprès de de Ted Levy et de Gregory Hines.
S’il n’a pas la virtuosité de ses aînés ou artistes modèles, Kazunori Kumagai fait montre, en revanche, d’une technique sans faille qui lui permet d’enchaîner avec aisance les pas de claquettes, les figures lexicales de la discipline et quantité de combinaisons possibles. Ainsi, ball change, brush, buffalo, cramp dig, flap, heel, hop, paddle, scuff, shuffle, spring, stamp, stomp, toe, touch n’ont plus de secrets pour lui. En outre, il a su s’entourer pour l’occasion de deux remarquables musiciens, le pianiste Toru Dodo qui a appris la composition de jazz au Berklee College of Music de Boston qui, malgré son nom, est loin de s’endormir sur ses lauriers et le bassiste Alex Blake, excellent showman quoique légèrement cabotin sur les bords.

Kazunori Kumagai avec le pianiste Toru Dodo et le bassiste Alex Blake. Photo Pierre Grosbois
Dès son arrivée, le public aperçoit, mise en lumière au centre de l’estrade vouée à la danse, une paire de richelieus immaculés à talons hauts que chaussera et lacera ostensiblement l’artiste lorsqu’il fera son entrée par la salle. Plus d’une heure, ce qui n’est pas rien pour une démo, il restera sur le double plancher en chêne bornant son territoire, d’abord en solitaire puis, au bout d’un temps, soutenu par ses partenaires. De fait, le trio devient orchestre de jazz. On constate assez vite que Kazunori Kumagai est le batteur complétant, si besoin est, le petit ensemble. Un danseur-instrumentiste. Il n’est pas là pour se la jouer mais pour jouer avec les autres. Et, par endroits, avec l’audience.
Le répertoire reste classique, cantonné dans un jazz qui eut son heure de gloire ou d’avant-garde, le bop d’un Thelonious Monk, d’un Charlie Parker ou d’un Dizzy Gillespie au côté duquel, nous dit-on, le danseur s’est offert en spectacle. Certes, il a élargi cette base au hard bop d’un Joe Henderson, avec le morceau Inner Urge ; au retour aux sources africaines d’un Randy Weston, avec Blue Moses ; à l’impressionnisme pianistique de Claude Debussy, avec une version respectueuse de Clair de lune ; à la fusion rock, variété ou pop, avec Spain (1971) de Chick Corea mettant en abyme façon frères Ripolin le Concierto de Aranjuez (1939) de Joaquín Rodrigo, « revisité » par Miles Davis dans son album Sketches of Spain (1960).
On attend donc que Kazunori Kumagai fasse sa révolution, qu’il ose le free jazz comme son aîné Baby Laurence, le hip-hop comme l’audacieux Savion Glover ou un new zapateado façon Israel Galván, vu ici-même, quai Jacques Chirac, en octobre 2019.
Nicolas Villodre
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