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Complotisme et série télé


Dédiée aux cultures pop dans la littérature, le cinéma, la BD, les jeux vidéo, la musique ou la philosophie, la revue Fantask sort ce 12 mai son troisième numéro, consacré au complotisme. Où il est notamment question d'une série culte, "Le Prisonnier"...


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Le complotisme. Tel est le fil directeur du troisième numéro de la revue Fantask, un mook qui s’intéresse à toutes les cultures pop, dans la littérature, le cinéma, la BD, les jeux vidéo, la musique ou la philosophie. Pour certains des auteurs invités dans ce numéro, le phénomène du complotisme pourrait remonter à la Bible, à la Révolution française… ou aux séries télévisées, comme X-Files. Pour Christophe Bier, ce serait plutôt Les Envahisseurs En tout cas, le complotisme, tel le Phénix, a pour particularité de naître et de renaître de ses cendres. Frédérick Rapilly relève d’ailleurs, dans "Polars et complots – La stratégie de l‘imaginaire", que les auteurs anticipent sans le savoir la réalité future.


Christophe Quillien cite l’auteur de BD Didier Convard, pour lequel il convient de distinguer complot et complotisme : « Un complot doit rester secret pour atteindre son objectif. Le complotisme est une forme de folie collective. (…) Pour parvenir à ses fins, un complot trahit la vérité, donc il procède à une manipulation afin de maintenir un ordre établi ou de mener une guerre. C’est ce que fait Vladimir Poutine en violant l’Ukraine. » Mais pour Pierre-André Taguieff, philosophe et historien des idées, il faut aussi regarder de l’autre côté du Pacifique : « Les États-Unis sont aujourd’hui les plus puissants défenseurs de la culture complotiste. (…) il s’agit d’une composante de la culture américaine. » (propos recueillis par Grégoire Kauffmann). Suivez mon regard en direction de Trump et du "deep state" (l’état profond des… Qânonnistes). Pour Taguieff, les complotistes poussent la paranoïa à considérer qu’il n’y a pas des complots, mais une seule et même vaste conspiration, constituant la force motrice des événements historiques. Et le pseudo-savoir qu’ils croient acquérir en surfant sur les vidéos proposées par les algorithmes des réseaux sociaux leur confère facilement le statut d’initié, voire de visionnaire. « Un peu de vrai, beaucoup de faux », rétorque Chris Carter, pour décrire le ressort complotiste, dont on l’accuse parfois d’en être un zélateur pour X-Files.


Mais pour Alain Carrazé, journaliste et auteur spécialisé dans les séries télévisées (il a notamment participé au beau livre Le Prisonnier, chef d’œuvre télévisionnaire), LA série qui a le plus été récupérée par les complotistes est Le Prisonnier, interprété et en grande partie créé par Patrick McGoohan : « Une telle ode à l’introspection ne pouvait qu’être détournée de son sens original pour coller à des agendas spécifiques. Ne pas donner d’interprétation, c’est laisser jouer toutes les interprétations, y compris les plus décalées, et c’est laisser la porte ouverte à des récupérations malhonnêtes. (…) McGoohan n’est plus avec nous pour s’élever contre le même genre d’opportunisme qui frappa la série X-Files quand le Front national tenta d’en faire la voix de ses idées. »


Deux autres auteurs, rédacteurs de la défunte revue Le Rôdeur, et spécialisés dans Le Prisonnier ("Le Prisonnier, une énigme télévisuelle"), témoignent de cette récupération de la série par l’extrême-droite et le complotisme. Patrick Ducher rappelle ainsi qu‘une figure d'extrême-droite avait envoyé une fan-fiction sur la série. Une équipe de rédacteurs proches d'Alain Soral composait une étude de la série dans sa revue interne. Et, bien évidemment, à Londres, une personne hostile au confinement brandit un panneau « I'm not a number » ! Pour Patrick Ducher, « la récupération de la série au profit d’une idéologie, quelle qu’elle soit, est insupportable. »

Jean-Michel Philibert, quant à lui, a écrit un second ouvrage, Le Prisonnier, une mythologie moderne (voir ICI), dans lequel il observe que le Village du Numéro 6 préfigure le village planétaire : « Il est d’ailleurs significatif que le conflit actuel en Ukraine ait remis en mémoire le contexte de l’OTAN où évoluait John Drake. La dimension paranoïaque de la série trouve son écho dans l’omniprésence des slogans, l’utilisation massive des médias et des réseaux sociaux ou les délires consistant à ré-visionner l’histoire. (…) Si Le Prisonnier était une satire géniale de la mystification, son détournement complotiste ne vise qu'à faire détourner les yeux de la réalité pour accréditer le sentiment que "nous sommes tous des pions ici…" et à nous "captiver" pour nous rendre spectateurs passifs et impuissants d'une téléréalité généralisée. »


Photo en tête d'article : En 1967, Patrick McGoohan devenait Le Prisonnier. Ésotérique et dérangeante, la série est devenue mythique et n’a rien perdu de son acuité.



- Fantask n° 3, "Ils sont partout" : Des Envahisseurs à Invasion Los Angeles, de X-Files à Millenium, du Da Vinci Code à Assassin's Creed, c'est peu dire que la création pop s'est emparée de toutes les théories qui ont fasciné l'Humanité au cours des derniers siècles : extraterrestres, manipulations de sociétés secrètes, mensonges d'État... À tel point qu'on assiste maintenant au phénomène inverse, et à des complots calqués sur des grandes œuvres de la culture populaire. Comment expliquer cette relation pour le moins ambiguë ?

224 pages, 19,95 €. Peut notamment être commandé ICI























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