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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Derrière les "brebis galeuses", les jeunes loups du fascisme national.

Dernière mise à jour : 9 juil.

"Se former pour gouverner"... A Paris, en novembre 2023, session du Campus Héméra, centre de formation

pour les futurs cadres du Rassemblement national. Photo DR


EDITORIAL Dans le salon du Rassemblement national, il y a une mère maquerelle (Marine Le Pen), et un jeune chambellan (Jordan Bardella). Et aux pâturages, des "brebis galeuses" ? Voire. Il y a surtout, pour conduire les brebis en mal de troupeau, de jeunes loups passés par un syndicat étudiant et un campus de formation qui préparent la relève fasciste d'un parti dont l'ADN identitaire n'a pas changé depuis... Clovis et les Mérovingiens ! Le tout sous les auspices communicationnels de Papy Bolloré, qui s'est donné comme mission de fin de vie le sauvetage civilisationnel d'une France menacée par toutes sortes de périls. En finir avec l'État de droit, qui serait l'emblème décadent de "l'idéologie libérale", voilà le combat commun de ces excités du bulbe, qui rêvent d'un pouvoir qu'ils n'auront jamais.


La dernière boule puante est venue, sans surprise, de l’empire Bolloré. « La démocratie elle-même est ébranlée et pervertie par des prédateurs du genre de Vincent Bolloré », écrivait ici-même, en juillet 2023, Michel Strulovici. Le Citizen Kane français-breton, doté d'une puissance financière colossale, amassée en grande partie grâce à une rente coloniale voire esclavagiste (voir notre article « Découper Bolloré en tranches »), a mis tous les moyens médiatiques dont il dispose au service de l’extrême droite pour lui permettre de crever le "plafond de verre" qui la contenait jusqu’à présent. Un entregent communicationnel, mais aussi politique, lorsqu’il s’est agi de manigancer le ralliement d’Éric Ciotti au clan Le Pen. C’est qu’au soir de sa vie, ayant officiellement lâché les rênes de Vivendi, Vincent Bolloré s’est donné pour mission de mener un ultime combat, "civilisationnel", contre la foule des périls qui menaceraient la maison France.


La politique, c'est toutefois plus compliqué que le business, et cette OPA sur la démocratie reste à mi-chemin. La "recomposition des droites", qu’il appelait de ses vœux, n’a pas produit le big bang qu’il espérait. En dehors de quelques seconds couteaux qui ont suivi Eric Ciotti dans son embardée nationaliste, la droite républicaine, certes affaiblie, a jusqu’à présent tenu le choc (1), et les derniers sondages créditent le parti LR de 57 à 67 sièges, contre 74 avant la dissolution. Ce n’est certes pas glorieux, mais ce n’est pas non plus la Bérézina partout claironnée avec pertes et fracas. L’actuelle majorité présidentielle sauverait ce qui reste de meubles (entre 118 et 148 sièges), devancée par le Nouveau Front Populaire (entre 145 et 176 sièges, plus 14 à 16 sièges "divers gauche"). Et surtout, le Rassemblement national et ses récents alliés n’obtiendraient qu’une majorité relative (175 à 205 sièges), loin des 289 sièges requis pour pouvoir régner sans partage sur l’Assemblée nationale.


Certes, ce ne sont là que des sondages, que le second tour des élections législatives, ce dimanche, peut encore démentir. Mais telles qu’exprimées, ces intentions de vote ont de quoi rendre fébrile papy Bolloré. Quoi ? Tout ça pour ça ? D’où la boule puante balancée hier, juste avant la clôture de la campagne, par Je suis partout (2), pardon, par le Journal du Dimanche. Cet ex-respectable hebdomadaire balançait, peu avant 22 h, une "information" exclusive de derrière les fagots, pour effrayer les chaumières avec lucarne-CNews : « INFO JDD. Législatives : le gouvernement s’apprête à suspendre la loi immigration », qui indiquait que le gouvernement envisagerait de suspendre le titre VII, relatif aux recours possibles pour les étrangers et qui avaient été durcis par la loi adoptée dans la douleur fin 2023.


Une telle "information", à cette heure-là, ne peut qu’avoir été validée, voire rédigée, par le directeur de la rédaction, Geoffroy Lejeune, transfuge de Valeurs actuelles (même là, on le trouvait too much), imposé par Bolloré à la tête du JDD en juin 2023 dans l’idée, déjà, de préparer les échéances électorales à venir.



« La vérité doit être dite », déclarait Geoffroy Lejeune dans une vidéo postée sur X, le 24 mai dernier (capture d'écran ci-dessus). Mais pour ce zozo fascistoïde, la vérité n’est pas une science exacte.  C’est une science alternative qui permet par exemple, pour les besoins de la cause, de mette en Une une fake news. Fidèle serviteur du boss, on imagine toutefois aisément que ce pauvre Geoffroy Lejeune n’a pas pris seul la décision d’une telle diffusion, et que celle-ci fait partie d’une stratégie de communication, décidée dans la hâte de sondages moins favorables qu’il eut fallu. Il est tout aussi évident que les conseillers de Jordan Bardella ont été "mis dans la boucle" de ce lâcher de boule puante. D’ailleurs le putatif candidat au job de Premier ministre a relayé, quasiment dans la minute, "l’information" du JDD. C’est tellement pathétique que mieux vaut en rire.


Notons bien que Geoffroy Lejeune, avec le petit pois qui lui tient lieu de cerveau, n’est pas le pire des fascistes ; il n’est qu’un vase (communicant) du salon de la fachosphère française qui a Marine Le Pen comme maîtresse de maison et Jordan Ken-Bardella comme jeune chambellan. Pour ne pas prendre des vessies pour des lanternes, mieux vaut ne pas attarder le regard sur le vase pour saisir dans sa globalité la composition dudit salon.


Non, il n'y a pas de "brebis galeuses" au sein du Rassemblement national


L’entre-deux tours des élections législatives a été marqué par moult révélation sur les « brebis galeuses » au sein du Rassemblement national, parmi les candidats déjà élus ou restant en lice pour le second tour. Nous y avons-nous-même contribué (ICI), à raison. Mais au fond, Marine Le Pen a raison : ces « brebis galeuses » ne sont que des « braves gens » qui ont quand même le droit d’être racistes, antisémites, prorusses, homophobes, etc. Dit autrement : il ne saurait y avoir de « brebis galeuses » au sein du Rassemblement national, parce que le Rassemblement national, c’est la gale même.


Depuis qu’elle a mis à la porte papa-qu’il-va-bientôt-mourir-à 96 ans-ce-serait-temps-quand-même, Marine Le Pen a grandement réussi l’entreprise de "dé-diabolisation" d’un parti politique créé par d’ancien collaborateurs et Waffen SS. Il suffirait de changer un mot ("Rassemblement" au lieu de "Front") pour changer les ingrédients du menu ? Non. Le menu reste le même, les ingrédients aussi. Sauf qu’il y a des choses qui ne se font plus (officiellement). Poser fièrement chapeautée d’une casquette nazie, comme Ludivine Daoudi, candidate RN dans le Calvados, ça fait mauvais genre. La casquette nazie, tu peux la porter, et même tendre le bras en criant "Heil Hitler", mais par pitié, tu ne postes pas sur les réseaux sociaux !


Marine fifille Le Pen reste encore trop clivante pour espérer pouvoir l’emporter. En chaperonnant Jordan Ken-Bardella parfaitement tik-toké en possible copain de soirée sympa, l’opération relookage-séduction a failli réussir. En captant sur sa personne toute la lumière médiatique, le jeune impétrant, biberonné depuis ses 17 ans à l’idéologie nationaliste, a réussi à détourner l’attention de l’arrière-cuisine du RN, aidé en cela, il faut le dire, par des journalistes un brin paresseux qui se collent à la lumière comme papillons et se dispensent d’enquêter.


En novembre 2002 à Besançon, des militants du syndicat Cocarde étudiante, par ailleurs membres du Rassemblement national,

avaient dégradé une statue de Victor Hugo, jugée trop basanée. Photo Philippe Sauter

 

Car il n’y a pas que Bardella-qui-prend-toute-la-place-médiatique. Au fur et à mesure des succès électoraux, le RN a su attirer à lui et former de jeunes cadres qui ont permis de planquer dans les oubliettes les Stirbois-Holleindre-Gollnisch etc. d’avant, trop ouvertement fachos. L’un des viviers de recrutement du Rassemblement national a été le syndicat Cocarde étudiante, ramassis d’identitaires et autres néo-nazis violents. Au printemps 2018, ces nervis faisaient ainsi le coup de poing à la Sorbonne, avec menaces de mort et de viol, et le tabassage en règle d’un manifestant, contre les étudiants qui protestaient contre les critères de sélection à l’entrée des universités. En novembre 2022, des militants de cette même Cocarde étudiante, également membres du RN, se sont illustrés à Besançon en dégradant une statue de Victor Hugo, jugée trop basanée : ils avaient déposé sur le visage de l’écrivain de la peinture blanche… Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres, je fais l’économie de vidéos postées sur Twitter où des membres de cette Cocarde étudiante font joyeusement (on a le droit de se marrer, quand même !) le salut nazi.


Pierre-Romain Thionnet, nouveau député européen, issu de la mouvance "identitaire" : l'un des jeunes idéologues

du Rassemblement national (dans l'ombre). Photo, pour Street Press : xxxx




Issu de ces rangs-là, il y a un certain Pierre-Romain Thionnet, qui vient d’être propulsé député européen. L’excellent site Street Press a détaillé le pédigrée de ce fasciste (même pas néo) patenté, qui ne dédaigne pas de « faire de la politique avec les poings ».  Ce franc camarade des groupuscules les plus extrêmes de l’extrême droite (comme le groupe Zouaves Paris, depuis dissous), comme de l’entourage d’Éric Zemmour, a été de 2019 à 2022 le très fidèle attaché parlementaire de Jordan Bardella, qui appréciait tout particulièrement ses fiches et autres synthèses, autant qu’il le suivait en soirées dans des bars néo-nazis où se retrouvait la jeunesse "identitaire".  


Pierre-Romain Thionnet, qui se préserve des médias (« c’est un mec de l’ombre »), est l’un des jeunes idéologues qui nourrissent aujourd’hui le Rassemblement national en "éléments de pensée" et stratégies de communication. A ses côtés, il y a Pierre Gentillet qui, lui, cherche la lumière. Habitué des plateaux de CNews, ce jeune avocat est aujourd’hui candidat aux législatives dans le Cher, où il revendique une filiation depuis 300 ans, mais où on ne l’a jamais vu, sauf lorsqu’il s’est agi de menacer de mort le maire de Bélâbre (dans l’Indre voisine), où devait être implanté un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada). Attention, je n’ai pas le droit d’écrire cela. A ce stade, rien ne prouve que Pierre Gentillet ait été l’instigateur direct de ces menaces. Mais pour avoir été doublement et sérieusement menacé de mort, au début de ma "carrière de journaliste" (3), je ne connais que trop les méthodes de ces gens-là.


Hier (ICI), j’ai déjà épinglé Pierre Gentillet comme relais de la propagande pro-russe en France, via la fondation de l’oligarque Konstantin Malofeeev qui l’a vraisemblablement financé, avec le "Cercle Pouchkine", affilié au "Dialogue franco-russe" du télégraphiste du Kremlin Thierry Mariani. S’il tente, depuis quelque temps, de faire profil bas quant à son soutien au régime de Poutine, Pierre Gentillet n’a pas renoncé à défendre d’autres fondamentaux.


Il faudrait beaucoup plus de place pour expliquer en quoi ce néo-fasciste est opposé à notre "État de droit", qu’il estime être le fer de lance de l’idéologie libérale, confondant allègrement, mais il n’est pas le seul, la pensée philosophique du libéralisme, avec ce qu’on qualifie aujourd’hui de "libéralisme économique" voire de "néo-libéralisme". Entretenant à dessin cette confusion, qui lui permet de surfer sur le ressenti de ce que peuvent être les dégâts du "libéralisme" économique, Pierre Gentillet en appelle volontiers à Carl Schmitt, qui fut l’un des suppôts du national-socialisme nazi.

Pierre Gentillet, interviewé par le média d'extrême droite Livre noir, le 8 février 2024 (capture d'écran)


Je n’ai pas le temps, ici, d’épiloguer sur la pensée de Carl Schmitt qui est beaucoup plus complexe que ce que certaines interprétations hâtives peuvent en retenir. Sans s’embarrasser de tant de complexité, Pierre Gentillet professe, dans une tribune publiée fin avril dernier par le site d’extrême droite Breiz-info : « Voilà un siècle que Carl Schmitt nous sommait de désigner l’ennemi. Nous, ici, nous le savons qui est l’ennemi. C’est le monde marchand, l’univers matérialiste, la pensée bourgeoise : en un mot ce même contre lequel notre famille politique lutte depuis des siècles, de la querelle des universaux en passant par la révolution conservatrice allemande : le libéralisme. (…) Je le dis calmement mais résolument : l’idéologie libérale est l’ennemi. D’elle seule, une grande partie de nos malentendus modernes découlent. »


Confondant (sans en être dupe, mais les fins justifient tous les moyens) ce qu’on entend aujourd’hui par "libéralisme économique" (qui peut être, à bon droit, objet de contestation voire de rejet) avec la philosophie libérale, Pierre Gentillet ancre la détestation des valeurs libérales dans les bas-fonds d’une rancœur qui lui permet de pousser le bouchon jusqu’au rejet de "l’État de droit" en tant que tel. Quant Carl Schmitt demandait que la loi allemande soit purgée de toute trace d'esprit juif ("jüdischem Geist"), lors d’une convention des professeurs de droit à Berlin en octobre 1936, il ne disait, au fond, pas autre chose.


Carl Schmitt fut le pourfendeur de la démocratie parlementaire, qu’il considérait comme une façon de gouverner « bourgeoise » et dépassée face à la mobilisation des masses : « La dictature est le contraire de la discussion », proclamait-il fièrement. Pierre Gentillet sait qu’il ne pourrait, en 2024, tenir ce genre de propos. Le « rapport de forces électoral », comme il disait en février dernier dans une longue interview pour le média d’extrême droite Livre noir (ICI), impose de mettre sous le tapis certaines convictions et de taire certains discours, mais plutôt de « faire autrement » afin de gagner des voix.


Tribune de Pierre-Romain Thionnet sur le site du Journal du dimanche, le 21 novembre 2023


Dans ce « faire autrement », s’impose la question du Grand remplacement, propagée par Eric Zemmour à la suite de l’écrivain Renaud Camus. Sur un tel sujet prétendument sensible, inutile de trop philosopher, les Français risqueraient de ne pas trop s’y retrouver. Jouer sur l’émotion en surfant sur l’écume de certains faits divers reste un très bon moyen de propagande. Dans une tribune publiée sur le site du Journal du dimanche le 20 novembre 2023, au lendemain du drame de Crépol, où le jeune Thomas, 16 ans, a été poignardé à mort lors d’une rixe survenue au cours d’un bal de village, Pierre-Romain Thionnet, alors directeur du mouvement de jeunesse du RN, dégainait : « Crépol est l’allégorie de l’ensauvagement de la France. Tous les maux que nous subissons semblent s’être donné rendez-vous précisément ce soir-là et en ce lieu. » Arguant que la France « vit un choc de décivilisation », il ajoutait : « ce qu’il s’est passé à Crépol est une violation totale des règles de notre civilisation. Comme en réponse à celui qui veut faire l’éloge de la liquidation de notre civilisation, ce n’est pas à la créolisation que nous assistons, mais à la crépolisation. La crépolisation, c’est l’effet tragique mais logique d’une utopie qui a cru que le renoncement à soi-même et l’accueil inconditionné de populations étrangères à nos codes pouvaient conduire à autre chose qu’à l’impossibilité de vivre-ensemble. »


Depuis, le terme de "crépolisation" (dont la proximité phonétique avec la notion de "créolisation" est loin d’être fortuite) a fait florès dans le vocabulaire de l’extrême droite… Il faut le reconnaître : les jeunes loups du Rassemblement national sont devenus d’excellents communicants. Mais à quelles fins ?


Pierre Gentillet est un malin. Même sur les plateaux de CNews, il fait patte blanche : il y est invité comme avocat, sans que ne soit mentionné son appartenance au Rassemblement national. Lorsqu’il est interviewé par un site d’extrême droite comme Breizh-info, il se lâche un peu plus.


En avril dernier, il confiait ainsi : « J’irai droit à l’essentiel. Nos identités sont menacées car les Européens ignorent qui ils sont. Et pas simplement par amnésie mais par confusion ! Confusion de la société et de la communauté. L’appartenance au peuple français est avant tout appartenance à une communauté et non à une société. (…) Le peuple français, ce n’est pas un théorème mais un long creuset civilisationnel, patiné par le temps et l’histoire, ancré concrètement dans une terre, une culture et ses morts. (…) D’où vient un tel malentendu ? De la confusion même des notions de société et de communauté. Celui qui paye ses impôts et respecte nos lois appartient à la société. Celui qui vit le legs de ses ancêtres appartient à la communauté et donc au peuple. (…) Il ne faut pas s’étonner alors que l’appartenance à une identité concrète s’efface devant l’obéissance à des normes juridiques abstraites et au premier chef les prétendus droits de l’homme. La société libérale est l’instrument de cette séparation qui provoque l’éclatement des communautés comme la fission provoque la cassure des atomes pour déclencher la réaction nucléaire. Le nouveau droit européen, si un jour il advient, devra travailler à cette grande rénovation : la destruction des vieilles abstractions et la refonte d’un droit fondé sur l’idée de communauté naturelle et d’ordres concrets. »


L’ennemi désigné par Pierre Gentillet, jeune idéologue du Rassemblement national et proche conseiller de Jordan Bardella, c’est l’État de droit, produit de « l’idéologie libérale ». En un sens, le Rassemblement national joue sur du velours, car la notion même d’État de droit est relativement floue. Ce concept juridique et philosophique, mais avant tout politique, suppose la prééminence, dans un État, du droit sur le pouvoir politique, ainsi que le respect par chacun, gouvernants et gouvernés, de la loi. Ceci constitue une approche où chacun, l'individu comme la puissance publique, est soumis à un même droit fondé sur le principe du respect de ses normes. Mais comme disait jadis Nicolas Sarkozy, « l’État de droit n'a rien à voir avec les Tables de la Loi de Moïse, gravées sur le mont Sinaï. » Sans que l’État de droit ne soit clairement défini dans les traités européens, l’article 2 des dispositions communes précise toutefois que « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'état de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. »


Les "droits de l'homme" ne sont donc qu'une pure invention de l'Occident décadent : Vladimir Poutune ne dit pas autre chose... Ce monde-là, libéral, d’égalité des droits, y compris pour des « personnes appartenant à des minorités », il est clair que le Rassemblement national le rejette vigoureusement. Comme l’indique Pierre Gentillet, la première mesure d’un gouvernement d’extrême droite serait d’abroger le Conseil constitutionnel, ce qui supposerait une révision de la Constitution, laquelle ne peut être décidée que par un vote du Congrès (aux 3/5èmes) ou, sur référendum, après que les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) aient validé un texte commun de révision.

 

Adoncques, pour le Rassemblement national et Vincent Bolloré, c’est encore loin d’être gagné. Mais pour Marine Le Pen, Jordan Bardella et leurs affidés, chaque nouvelle échéance électorale permet de porter de nouveaux coups de boutoir. Les « braves gens » dont sont pointés les "dérapages" ne sont en rien des « brebis galeuses ». C’est juste qu’ils n’ont pas encore eu l’occasion de passer par la Cocarde étudiante, par l’Institut Iliade (cercle de réflexion identitaire héritier du Grèce et de la Nouvelle Droite) ou par le campus Héméra, organe de formation des cadres du RN... Au fait, a-t-on déjà entendu un.e journaliste demander à Marine Le Pen ou Jordan Bardella pourquoi ils sont opposés à l’État de droit ? Parce que les Français seraient trop bêtes pour comprendre ?


La top-modèle Tasha de Vasconcelos, née au Mozambique, semble avoir refusé les avances plus que pressantes du très catholique Vincent Bolloré (photomonatage Libération). Cette supposée frustration suffit-elle pour refuser aux "Français de souche" le droit au mélange ?


Bolloré commence à vieillir, et Jean-Marie Le Pen est à l'article de la mort, mais le Rassemblemernt national, s'il ne parvient à obtenir cette fois-ci la majorité absolue à l'Assemblée nationale, peut bien attendre deux ou trois ans de plus, par exemple jusque 2027. Cela fait bien plus de deux mille ans que les Mérovingiens patientent. Les Mérovingiens ? Mais oui ! En octobre 1996, le journal d'extrême droite Présent louangeait un ouvrage de l'historien Jean-Louis Harouel, légèrement connu pour un Essai sur l'inégalité (1984), où il fustigeait les supposés « mirages de l'égalitarisme » : pour lui, l'idéologie des droits de l'homme aurait subverti l'Europe chrétienne. Il opposait à cette décadence de l'Occident la grandeur de la société mérovingienne « avec, d'un côté, l'océan d'inculture de la masse et de la population, et de l'autre, les quelques îlots de haute culture des abbayes, reliquaires du savoir etde la civilisation antique.»


Pour Harouel, « l'avenir de l'homme, c'est essentiellement son passé. » En tout cas, un passé d'avant les Lumières, que Clovis n'a point connu. Est-on si éloignés de ce que prêche aujourd'hui un Pierre Gentillet, figure montante du RN ? : « Le monde attalien [en référence à Jacques Attali, donc juif, cela va sans dire, les initiés comprennent ] peine à advenir, et partout en Europe les peuples se révoltent car une autre voie, parfois confuse, semble s’esquisser. (...) La logique de la société de marché s’oppose frontalement à celle des communautés européennes qui veulent préserver leur identité millénaire. » L'identité, nous y voilà... En 1997, je m'étais obligé à réaliser, pour le premier numéro en kiosques de la revue Mouvement, un entretien avec Bruno Mégret, alors jeune idéologue du Front national. Je m'étais étonné de ce que le Front national fasse défiler, le 1er mai, la "France des provinces" alors que, au moins depuis Louis XIV, l'idée de "provinces" est devenue antinomique de celle de nation commune. « La nation n'est pas le principe premier de mon combat politique  », avait alors répondu Bruno Mégret. « Le principe premier, c'est celui de l'identité. La grande querelle qui vaille désormais, c'est la querelle des valeurs identitaires contre les entreprises modialistes de dissolution, de mélange, etc. »


Et lorsqu'on retournait à Bruno Mégret quelques lignes qu'il avait lui-même écrites, où il disait notamment : «  L'identité française est un inestimable trésor [qui est] le fruit d'un savant mélange de réalités ethniques, religieuses, ethniques, linguistiques et culturelles, qui a pris corps au fil des siècles dans le creuset de l'histoire et du sang pour devenir le souffle d'un destin enraciné dans une terre et sublimé dans une nation », il répondait benoîtement qu'il parlait d'une époque d'il y a longtemps, 2.000 ans. En gros, Clovis, on y revient !


Depuis trente ans, les obsessions identitaires du Front national n'ont pas bougé d'un pouce, seuls changent les masques de ce fascisme national qui n'ose pas dire son nom. Et c'est sur cette question identitaire que la guerre devra être menée : c'est une "bataille culturelle", comme le disait déjà Bruno Mégret en 1997 (qui citait Gramsci). Pour culturelle qu'elle soit, cette bataille imposera toutefois de préciser certains termes du combat, en parvenant à faire comprendre que la "mondialisation libérale", qui dissout les identités sociales (et non ethniques ou culturelles), n'est en rien "libérale", et n'a rien à voir avec la mondialité qui, depuis toujours nous constitue, sans crainte des mélanges.


Au fait, à ce que l'on croit savoir, Vincent Bolloré n'a jamais eu d'amant scandinave ni davantage de maîtresse antillaise (tout juste une top-modèle née au Mozambique, comme l'a révélé Libération). Est-ce une raison suffisante pour faire payer à la France entière ses frustrations ?


Jean-Marc Adolphe


(1). A titre exemple : à Aix-en-Provence, alors que la candidate macroniste Anne-Laurence Petel, arrivée en troisième position, a refusé de se retirer, risquant ainsi de favoriser l'élection du candidat RN, l'ancienne maire UMP de la ville, Maryse Joissains, a appelé à voter pour le candidat (socialiste) du Nouveau Front Populaire.


(2). Hebdomadaire rassemblant des plumes souvent issues ou proches de l'Action française, il devient, à partir de 1941, le principal journal collaborationniste et antisémite français sous l'occupation allemande.


(3). D'abord par les sbires de Jean-Claude Martinez, professeur de droit fiscal à la faculté de droit de Montpellier, membre du Front national, qui exigeait des étudiantes des "faveurs sexuelles" pour qu'elles aient une note au-dessus de la moyenne ; puis de ceux de Pierre Rabischong, doyen de la faculté de médecine, membre du Parti des forces nouvelles, parti d'inspiration néofasciste issu des « Comités faire front » et d'une scission de militants avec le Front national.

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