Les États-Unis sont désunis : on peut désormais légalement fumer de la marijuana dans le Maryland, mais pas dans l’Arkansas. Le Vermont inscrit dans sa Constitution le droit à l’avortement, mais le Montana doit décider si le fœtus est «une personne». Si les élections de mi-mandat (midterms) étaient assorties de toutes sortes de référendums locaux, elles devaient avant tout renouveler les postes de gouverneurs et les sièges à la Chambre des représentants et au Sénat. Sans préjuger des résultats définitifs, qui ne seront connus que dans quelques jours, la «tempête» (storm) promise par Donald Trump n’est pas franchement au rendez-vous. Premiers décryptages.
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Les élections de mi-mandat (midterms) se sont déroulées cette nuit aux États-Unis.
Et le résultat est net, sans appel : 63,5% des électeurs du Maryland ont voté pour la légalisation de la marijuana à des fins récréatives.
Les midterms ne désignent pas seulement députés (435 sièges en jeu) et sénateurs (35 sièges à renouveler), gouverneurs, procureurs et toutes sortes d’élus locaux : ces élections sont encore assorties de référendums sur les sujets les plus divers, qui diffèrent d’un État à un autre. Au Maryland, ce fut donc la légalisation de la marijuana, comme dans quatre autres États, le Missouri, le Dakota, le Dakota du Nord et l’Arkansas (dans ces deux derniers états, la légalisation a été rejetée).
Traditionnellement démocrate, pour ne pas dire progressiste, le Vermont, au Nord-Est des États-Unis, a pour sa part voté pour inscrire le droit à l’avortement dans sa Constitution : c’est le premier État américain à le faire. La Californie et le Michigan devaient également se prononcer sur le même sujet. Mais le très conservateur État du Montana, incarnation du « Grand Ouest américain » dont l’économie repose principalement sur l'extraction minière (cuivre, or, argent, phosphates) et les hydrocarbures, sur l'agriculture céréalière et l'exploitation forestière, devait en revanche décider si un fœtus « né vivant » doit être légalement considéré comme une personne « quel que soit son stade de développement ».
Le candidat démocrate Wes Moore, lors d'un rassemblement à la veille des élections de mi-mandat, à l'université d'État de Bowie,
dans le Maryland, le 7 novembre. Photo Mandel Ngan / AFP.
Retour au Maryland, au nord-est des States, État de tradition démocrate depuis les années 1960, réputé pour avoir vu naître la liberté de religion aux États-Unis. Ce petit État, mais densément peuplé (5,7 millions d’habitants), a choisi comme gouverneur, à près de 60% des suffrages, Wes Moore, qui devient, après Douglas Wilder (en 1989 en Virginie) et Deval Patrick (en 2006 dans le Massachusetts) le troisième gouverneur noir de toute l’histoire des États-Unis. Vétéran de l’armée américaine, ancien président de l’une des plus grandes organisations de lutte contre la pauvreté du pays, Wes Moore a fait campagne sur l’égalité des chances, avec le slogan « leave no one behind » (ne laissez personne derrière vous).
Marjorie Taylor Greene, au meeting de Donald Trump, à Vandalia, dans l’Ohio, le 7 novembre 2022.
Photo Michael Conroy / Associated Press
A l’autre bout du spectre politique, les électeurs de Géorgie ont décidé d’envoyer au Congrès la conspirationniste d’extrême-droite (et forcément trumpiste) Marjorie Taylor Greene. Coutumière de propos racistes et antisémites (ce qui lui a même valu une clôture de son compte Twitter, qu’Ellon Musk va s’empresser de rétablir), adepte du mouvement QAnon, elle assurait ainsi, entre autres fracassantes déclarations, que les incendies en Californie avaient été allumés par les juifs, grâce à un rayon laser tiré depuis l’espace ! Elle a recueilli plus de 66% des voix, ce qui laisse pantois.
Un cas d’école que la Géorgie. Lors de la présidentielle de 2020, la mobilisation record des électeurs noirs avait fait basculer cet État du vieux Sud en faveur des démocrates et porté Joe Biden à la Maison-Blanche. Mais depuis, les autorités républicaines de l’État ont modifié le code électoral avec un texte qui cible les minorités et restreint leur accès au vote.
Avec Marjorie Taylor Greene, d’autres candidats trumpistes ont été élus, dont le très radical Matt Gaetz en Floride. Le fait qu’il soit mis en cause dans un dossier d’« exploitation sexuelle de mineure » (Lire ICI) n’a pas rebuté les électeurs…
Dans le même tonneau, on trouve Jim Jordan, réélu dans l’Ohio, Greg Abbott au Texas, Kristi Noem dans le Dakota du Sud, Sarah Huckabee Sanders, ex porte-parole de Trump, dans l’Arkansas, Rand Paul dans le Kentucky, Tim Scott en Caroline du Sud, etc.
Le gouverneur républicain de Floride Ron DeSantis, lors d'un rassemblement de campagne, le lundi 7 novembre 2022, à Hialeah, en Floride. Photo Lynne Sladky / Associated Press
J.D. Vance, l’un des poulains de Donald Trump, a décroché le poste très convoité de sénateur dans l’Ohio, un des bastions industriels et agricoles de l’Amérique. Et en Floride, Ron DeSantis a été facilement réélu au poste de gouverneur. Cet ancien militaire est volontiers présenté comme « l’alternative républicaine à Donald Trump ». Une « alternative » toute relative : il a signé cette année une loi interdisant d’enseigner des sujets en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à l’école primaire, et s’est fait remarquer pour avoir affrété des avions charters pour expulser des migrants latino-américains vers une île au nord-est des États-Unis.
Sans préjuger des résultats définitifs, qui ne seront connus que dans quelques jours, et qui détermineront la couleur du prochain Congrès à Washington, le camp démocrate est toutefois loin de subir la déculottée annoncée par l’ex-président Donald Trump, qui prédisait une « tempête » (storm) sur le Congrès..
Maura Healey, élue gouverneure du Massassuchets, première femme lesbienne à la tête d’un État. Photo Robin Lubbock
A New York, Alexandria Ocasio-Cortez, figure de la gauche du Parti démocrate, a été réélue comme réélue représentante au Congrès, tout comme le sénateur Chuck Schumer, actuel leader de la majorité au Sénat. Et les démocrates sont parvenus, avec Kathy Hochul, à conserver le siège disputé de gouverneur de l’Etat de New York, un de leurs bastions.
Ailleurs aux États-Unis, le démocrate Josh Shapiro a été élu gouverneur de la Pennsylvanie face à Doug Mastriano. En Virginie, les démocrates perdent un siège au Congrès mais conservent ceux d’Abigail Spanberger et de Jennifer Wexton dans le nord de la Virginie. Peter Welch a été élu sénateur dans le Vermont, etc.
Le camp démocrate a même arraché deux postes de gouverneurs aux républicains : dans le Maryland, comme déjà dit, et dans le Massachusetts, où Maura Healey sera la première lesbienne à la tête d’un Etat.
En Floride, enfin, un jeune candidat démocrate de 25 ans, Maxwell Frost, ancien organisateur de la « Marche pour nos vies », qui cherche à obtenir des lois plus strictes sur le contrôle des armes à feu, et qui a aussi combattu les restrictions au droit à l’avortement, a battu le républicain Calvin Wimbish, ancien béret vert de 72 ans, qui se présentait comme un candidat « chrétien, conservateur et constitutionnaliste ».
Ces élections de mi-mandat sont importantes à plus d'un titre. Pour les États-Unis en premier lieu, bien évidemment. Malgré les campagnes de désinformation menées sur les réseaux sociaux, objet d'une alliance à peine dissimulée entre le camp Trump et certaines officines téléguidées par le Kremlin qui continuent de propager allègrement fake news et théories complotistes, la démocratie fait mieux que résister.
Hors États-Unis, ces midterms sont également importantes pour l'Ukraine. Marjorie Taylor Greene, et avec elle de nombreux élus républicains, plaident en effet un arrêt immédiat de l'aide américaine face à l'invasion russe en Ukraine. Enfin, ces élections représentent un enjeu crucial à l'heure de la COP 27, où les pays pauvres, les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique, demandent aux pays riches et les plus pollueurs, une compensation financière des dommages subis. Or, pour les républicains, il n'en est pas question. Les tenants du MAGA ("Make Americain Great Again") se fichent comme d'une guigne des dégâts collatéraux de l'american way of life. La planète peut bien crever, pourvu que personne ne vienne toucher au burger et aux SUV.
Jean-Marc Adophe
Photo en tête d'article : Loretta Myers remplit son bulletin de vote dans son bureau de vote, le New LIFE Worship Center Church of God, à Fayetteville, en Pennsylvanie, mardi 8 novembre 2022. Photo Carolyn Kaster / Associated Press.
Kash Strong, 3 ans, jette un coup d'œil sous le rideau d'un isoloir alors que sa mère Sophia Amacker vote le jour des élections
à l'école élémentaire Martin Luther King dans le Lower Ninth Ward de la Nouvelle-Orléans, mardi 8 novembre 2022.
Photo Gerald Herbert / Associated Press
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