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La bataille de Vertières, le musée du Louvre et Jean Vilar

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Jean-Pierre Ulrik, La bataille de Vertières (1987-1989). Photo Matt Dunn

Jean-Pierre Ulrick est un artiste haïtien-américain né en 1955 à Roseaux, Haïti.

Il est reconnu pour ses peintures historiques qui témoignent de la lutte pour la liberté et l’indépendance d’Haïti, en mettant en lumière

les figures clés et les événements marquants de sa culture et de son histoire. Formé aux beaux-arts en Haïti puis aux États-Unis,

il a développé une carrière artistique riche qui mêle storytelling, critique sociale et représentation de l’identité haïtienne.

Son travail comprend plusieurs séries majeures, dont la série historique qui capture des moments emblématiques

comme la bataille de Vertières, une bataille cruciale de la révolution haïtienne en 1803 contre les forces coloniales françaises.


Du centenaire de l’Art déco célébré au musée Zadkine à Paris à l’ouverture révolutionnaire du Louvre en 1793, le 18 novembre résonne comme une date majeure de démocratisation culturelle. C’est aussi le jour de la bataille de Vertières, tournant décisif de l’indépendance d’Haïti (1803), celui des tensions fondatrices du mouvement indépendantiste kanak (1984), ou encore la naissance du TNP avec Jean Vilar (1951). Une traversée historique où l’art, la liberté et l’émancipation populaire se répondent.

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 ÉPHÉMÉRIDES


ÉMANCIPATION, ART ET COMBATS


Ce 18 novembre, à Paris, débute une exposition célébrant le centenaire de l’Art déco. Dans l’ancien atelier, devenu musée, du sculpteur Zadkine, un artiste proche du cubisme, seront rassemblées plus de 90 œuvres - sculptures, mobiliers et dessins - explorant les liens entre l’artiste et cette esthétique, née sous l’influence des avant-gardes comme le cubisme, le futurisme, et des motifs inspirés des cultures égyptiennes, africaines ou amérindiennes. Cette exposition explore aussi les liens entre l’artiste et les grands décorateurs des années 1920 - 1930 dans un lieu où la rencontre avec les œuvres peut se faire en toute intimité (voir ICI).

 

Cette volonté de mettre la création artistique sous le regard de tous est héritière d’un événement fondateur qui se produisit le 18 novembre 1793. Ce jour-là, le musée du Louvre ouvrait officiellement ses portes au public sur décision de la Convention. Le désir des révolutionnaires en transformant cette demeure royale est de rendre accessibles au peuple les collections artistiques du royaume. La Convention marque ainsi, au cœur de la capitale, le premier anniversaire de la chute de la Monarchie. Ce « Muséum de la République », comme les conventionnels le nomment, regroupe 600 œuvres confisquées aux émigrés et aux églises.


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Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, 1796.


Le Louvre s’ouvre alors avec une expérience muséale innovante où chaque œuvre porte une étiquette avec le nom de l’artiste et le titre, accompagnée de catalogues et de guides pour le public. Cette ouverture est une première mondiale et elle inaugure un événement inédit, incarnation de l’idéal démocratique : rendre la culture accessible à tous, dans un cadre jusque-là réservé à la royauté. On connaît le succès mondial de ce concept inventé et porté par la Révolution.


Cette Convention, animée du même désir d’émancipation, avait décidé de l’abolition de l’esclavage en 1794. Toussaint Louverture, à Haïti, y avait proclamé l’indépendance de l’île. Mais en 1802, Napoléon tenta de restaurer l’ordre colonial. L’expédition militaire envoyée par la France est décimée par la fièvre jaune et les combats. En 1803, les forces françaises se retranchent dans plusieurs forts autour de Cap-Français, notamment le fort de Vertières, position stratégique pour contrôler la ville et ses environs. Le 18 novembre 1803, une bataille décisive s’engage à Vertières. Elle oppose 27.000 insurgés haïtiens, commandés par le général Jean-Jacques Dessalines et le célèbre François Capois, surnommé Capois-la-Mort, à une force française d’environ 2.000 soldats sous les ordres du général Donatien de Rochambeau. Après de violents combats marqués par une intense bataille d’artillerie et plusieurs charges, le camp français capitule. La bataille marque la perte définitive du contrôle colonial et ouvre la voie à l’indépendance d’Haïti proclamée quelques semaines plus tard.


Cette victoire retentira sur tout le continent. Elle faisait la démonstration que des insurgés pouvaient vaincre la plus grande armée d’Europe de l’époque. La bataille de Vertières reste un moment fondateur de l’histoire haïtienne et un événement majeur dans l’abolition de l’esclavage et la lutte contre le colonialisme.


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 Jean-Marie Tjibau, leader des indépendantistes KanaK de Nouvelle-Calédonie.

Né en 1936, il a dirigé le mouvement indépendantiste autochtone

et contribué au renouveau culturel postcolonial.

Il a été assassiné en 1989 lors de négociations tendues après le conflit d'Ouvéa.


18 novembre 1984, autre continent, autre époque, mais même lutte contre un colonialisme qui n’en finit pas. Sur l’île de Nouvelle-Calédonie, se tiennent ce jour-là des élections législatives sous haute tension. Le scrutin a été reporté à plusieurs reprises à la suite des appels au boycott lancés par le Front de Libération Kanak et Socialiste (FLNKS). Les Kanaks suivent massivement le mot d’ordre lancé par leur leader, Jean-Marie Tjibaou. Ceux qui se font appeler « loyalistes », qui souhaitent garder des liens étroits avec la métropole et qui se satisfont du statut d’autonomie de l’île, remportent la majorité des sièges.


Des violences éclatent : bureaux de vote incendiés, affrontements entre militants indépendantistes et forces de l’ordre. Ce 18 novembre cristallisera la fracture politique d’une société en quête d’identité et d’avenir, prélude aux conflits qui secoueront le territoire dans les années suivantes. La proclamation quelques mois plus tard de "l’État Kanak" par Jean-Marie Tjibaou inscrit cette journée dans la longue et complexe lutte pour l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.


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Jean Vilar dans son bureau rue de l'Estrapade, Paris, 1966 /

Photo / Suzanne Fournier / Gamma


Le 18 novembre 1951 est un jour qui marque également une des étapes importantes de la lutte d’émancipation vers une culture partagée par tous, initiée par les révolutionnaires de la Convention, comme nous l’avons vu. L’emblématique Théâtre National Populaire (TNP) est fondé ce jour-là par Jean Vilar qui reprend, pour ce lieu, le nom que lui avait donné en 1920 Firmin Gémier. Vilar ambitionne de faire de l’institution un vecteur culturel accessible à tous, créant un espace où la puissance des arts de la scène rencontre l’engagement populaire et social.


Est-il besoin de rappeler l’action émancipatrice de Jean Vilar, cette figure majeure du théâtre français du XXe siècle, et l’inédit de son action à la direction du Théâtre National Populaire (TNP) de 1951 à 1963 ?  Jean Vilar conçoit le TNP comme un service public culturel, avec une politique artistique ambitieuse mêlant œuvres classiques et contemporaines. Il fait appel aux meilleurs interprètes pour constituer une troupe d’une vingtaine de comédiennes et comédiens qui ont nom Gérard Philipe, Maria Casarès, Philippe Noiret, Silvia Monfort, Charles Denner, Monique Chaumette, Geneviève Casile. En douze ans, Jean Vilar monte 81 spectacles devant 5 millions cinq cent mille spectateurs !


Jean Vilar entend à la fois démocratiser la culture et élever le niveau artistique des représentations, s’appuyant sur une esthétique globale qui inclut des collaborations fidèles avec des artistes comme Maurice Jarre, qui crée ses musiques de scène, et des plasticiens comme Léon Gischia et Édouard Pignon, qui inventent des décors.


Le TNP inaugure une politique de décentralisation, allant jouer en banlieue parisienne et développant des liens avec les comités d’entreprises et les structures scolaires, touchant ainsi un public plus large. Jean Vilar pense à tout. Il décale les horaires des représentations afin que les spectateurs puissent rentrer chez eux plus tôt, avant le travail du lendemain, ce qui facilitait la venue du public ouvrier et populaire. Il instaure des tarifs très bas pour permettre l’accès à un large public.


Jean Vilar innove encore en proposant des ventes collectives de billets dès 1952, destinées aux comités d’entreprise, associations, et établissements scolaires, afin de fidéliser le public et de faciliter l’accès au théâtre en groupe. En 1957, il systématise ces ventes collectives avec une formule d’abonnement qui connaît un grand succès. Il met en place, également, une politique d’accueil améliorée par la salarisation des ouvreuses qui ne survivent plus des pourboires comme il était partout de coutume. Il propose une restauration simple avant les spectacles, et il instaure la distribution de feuilles de salle avec présentation des pièces et des comédiens. Il publie des livrets gratuits qui permettent aux spectateurs de contextualiser la pièce présentée.


Son action renouvelle profondément la perception du théâtre en France. Jean Vilar lègue ainsi un modèle de théâtre populaire de qualité, à la fois accessible et exigeant, qui marquera durablement la vie culturelle française et européenne. Selon la formule d’Antoine Vitez, « il élargit le cercle des initiés ».


Aussi, comme il est insupportable de se souvenir des manifestants de juillet 68 descendus interrompre le festival d’Avignon que dirigeait alors Jean Vilar. Aux cris de « Vilar, Salazar » (du nom du dictateur fasciste portugais), ils conspuèrent ce que l’un d’entre eux, Jean-Jacques Lebel, appelait « le supermarché de la culture ». Vilar ne s’en remit jamais. Il mourut trois ans après.


Et, comme en France tout doit finir par des poèmes, citons celui de Paul Éluard, mort le 18 novembre 1952. Écrit pendant l’occupation allemande en 1942, voici Couvre-feu :


« Que voulez-vous la porte était gardée

Que voulez-vous nous étions enfermés

Que voulez-vous la rue était barrée

Que voulez-vous la ville était matée

Que voulez-vous elle était affamée

Que voulez-vous nous étions désarmés

Que voulez-vous la nuit était tombée

Que voulez-vous nous nous sommes aimés. »


Michel Strulovici


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