Dans la série "I’ll Die For You", la photographe anglo-égyptienne Laura El-Tantawy donne à voir « la vulnérabilité collective de ceux qui, aujourd’hui, donnent leur vie à la terre. (..) Mon travail permet de donner un visage humain à une réalité environnementale et sociale que certains rejettent comme une abstraction. » Pour ce travail au long cours, notamment réalisé en Inde, Laura El-Tantawy vient de se voir attribuer le 6ème Prix Virginia, qui récompense tous les deux ans le travail d’une femme photographe.
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« La terre est la grande connexion de nos vies, la source et la destination de tout.
Elle guérit, répare et permet la résurrection par laquelle la maladie devient la santé,
la vieillesse la jeunesse et la mort la vie.
Sans lui apporter un véritable soin, nous ne pouvons faire communauté,
puisque sans lui apporter un véritable soin, nous ne pouvons pas avoir de vie. »
Wendell Berry, The Unsettling of America: Culture and Agriculture,
cité par Laura El-Tantawy, en exergue de sa série photographique "I’ll Die For You".
Créé en 2012 par Sylvia Schildge, elle-même photographe, et Marie Descourtieux, le prix Virginia récompense tous les deux ans le talent et le parcours d’une femme photographe. Après Liz Hingley (2012), Dina Goldstein (2014), Sian Davey (2016), Cig Harvey (2018), et l’an passé, la photographe hispano-belge Cristina de Middel pour un reportage sur la route des migrants qui traversent le Mexique jusqu’à la frontière avec les États-Unis (Lire ICI), le prix Virginia distingue cette année la photographe anglo-égyptienne Laura El-Tantawy, pour une série intitulée « I’ll Die For You » (cérémonie de remise du prix Virginia à voir ICI).
Née à Ronskwood dans le Worcestershire, au Royaume-Uni, Laura El-Tantawy a étudié en Égypte, en Arabie saoudite, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le fait d'avoir vécu entre l'Est et l'Ouest pendant une grande partie de sa vie inspire son travail, qui contemple les notions de foyer et d'appartenance en explorant les questions sociales et environnementales liées à son milieu.
Elle a commencé sa carrière en tant que photographe de presse aux États-Unis, est devenue indépendante en 2005, s'est installée au Caire et a commencé ce qui est devenu son œuvre phare, In the Shadow of the Pyramids (voir ICI).
Son objectif en tant qu'artiste est de produire des œuvres socialement engagées, uniques et qui suscitent la réflexion. Elle collabore souvent avec des personnes, des institutions et des organisations partageant les mêmes idées et désireuses d'informer de manière responsable, de contribuer à un changement positif dans le monde et d'encourager une pensée et une créativité stimulantes.
(source : site internet de Laura El-Tantawy, www.lauraeltantawy.com)
Pour « I’ll Die For You », Laura El-Tantawy s’est inspirée de son grand-père paternel, Hussein. « Cultivateur égyptien dans le Delta du Nil, son dévouement à sa terre a finalement fini par le tuer », écrit-elle. « J’ai depuis documenté la vie de paysans en Egypte, au Népal, en Angleterre, en Irlande, au Pérou et dans les Territoires palestiniens, toujours avec ce souci de donner à voir la vulnérabilité collective de ceux qui, aujourd’hui, donnent leur vie à la terre. (..) Mon travail permet de donner un visage humain à une réalité environnementale et sociale que certains rejettent comme une abstraction. C’est aussi une ode à mon grand-père et aux nombreux agriculteurs que j’ai eu la chance de rencontrer et à tous ceux qui, dans la mort, ont trouvé le repos. (…) Si les thèmes de l’identité, l’appartenance, la survie, l’amour et, conséquemment, les commencements et les fins sont sous-jacents, la série I’ll Die For You interroge sur cette vie où le destin de l’homme et de sa terre s’entrelacent pour ne faire qu’un. Je le suggère métaphoriquement en juxtaposant des focus sur la peau des agriculteurs aux détails des paysages et en superposant l’homme et la terre dans un seul cadre. »
La plupart des photographies de la série « I’ll Die For You » ont été réalisées en Inde où, ces 20 dernières années, près de 300 000 agriculteurs se sont suicidés. « Nombre d’entre eux avaient emprunté de l’argent auprès du gouvernement via des programmes de prêts bancaires ou auprès de prêteurs privés pour se tourner vers des cultures à plus grand rendement. Ils se retrouvaient alors dans l’incapacité de rembourser leurs dettes à la suite de mauvaises récoltes », commente Laura El-Tantawy. « A cause de la transition rapide que l’Inde a connue, passant d’une société rurale à une économie urbaine et industrielle avec un marché ouvert, les agriculteurs ont été confronté à d’immenses problèmes économiques et sociaux. La plupart d’entre eux mettant fin à leurs jours en avalant des pesticides – les autres en s’immolant, en se pendant ou en se jetant dans un puit. Au cours de deux voyages distincts, j’ai rencontré 70 familles touchées par le suicide d’un père, d’un frère, d’un mari ou d’un fils… »
Le jury du Prix Virginia était composé de Azu Nwagbogu, fondateur et directeur de l'African Artist's Foundation (AAF) et du LagosPhoto Festival (Nigeria), Yumi Goto, curatrice et rédactrice indépendante en photographie (Japon), Marie Robert, conservateur en chef pour la photographie et le cinéma au Musée d'Orsay (France), Shoair Mavlian, directeur de la Photographers Gallery (Royaume-Uni), Antonio Carloni, Directeur adjoint de la Gallerie d'Italia - Turin (Italie), Krzysztof Candrowicz, fondateur et directeur du Fotofestiwal, de la Fondation pour l'éducation visuelle et du Lodz Art Center (Pologne), et Sylvia Schildge, Présidente et fondatrice du Prix Virginia (France).
Sur plus de 1 100 dossiers de candidatures reçus de près de 90 pays, le jury avait sélectionné, outre Laura El-Tantawy, dix photographes : Irina Shkoda (Ukraine), Jyoti Shrestha (Nepal), Laura Chen (Pays-Bas), Tori Ferenc (Pologne), Lee-Ann Olwage (Afrique du Sud), Kirsty Mackay (Royaume Uni), Priya Kambli (États-Unis), Yu Hirai (Japon), Ke Sun (Chine) et Ela Polkowska (Pologne).
Prix Virginia : www.prixvirginia.com
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