"Le reste, c'est de la littérature"
- Michel Strulovici
- il y a 1 jour
- 2 min de lecture

Thierry Thuillier, directeur de l'information du groupe TF1 depuis 2017. Photo Axelle de Russé.
Qu'importe la crédibilité de l'information. Le but, c'est de faire de l'audimat. Sans surprise ni fard, le responsable éditorial de TF1-Bouygues justifie l'engagement d'un polémiste de droite, précédemment viré de BFMTV.
Vous avez beau tenter de choisir vos expressions avec soin afin de présenter un visage avenant, mais, patatras, votre inconscient rue dans les brancards et verbalise. Freud a étudié les mécanismes de cette échappée d'expressions involontaires et signifiantes. Et, c'est ce qui vient de frapper le numéro un de l'info du groupe Bouygues, Thierry Thuillier. En quelques mots, celui-ci vient de nous conter de quel bois il se chauffe … dans le domaine culturel
A propos du retour en grâce, sur LCI, d'un animateur - journaliste- assis, de la droite dure, qui avait tenté sa chance sur une chaîne concurrente, sans succès, Le big boss de l'Info de TF1-LCI, ce spécialiste de la mise au pas des rédactions, déclare : « La rancune ne fait pas partie de mon vocabulaire. Ce qui compte, c'est la performance. Éric Brunet sait ce qu'il a à faire, le reste, c'est de la littérature".
« C'est de la littérature » c'est à dire de l'inutile, du rien, de la faribole . C'était une expression choyée par les incendiaires de bibliothèques à Berlin en 1933, à Phnom Penh en 1975. C'est le mot d'ordre des chasseurs de livres dans Farenheit 451, cette dystopie de Ray Bradbury, ce monde cauchemardesque du futur où Bouygues, Bolloré et leurs copains auraient pris le pouvoir.
La littérature, et puis quoi encore ! Élargir le cercle des initiés , peut-être !
Pour les partisans de la "performance" audimatique, celle du profit, lire est bien du temps perdu. L'ancien dirigeant de TF1, Patrick Le Lay, nous avait déjà expliqué, sans détour, la ligne éditoriale du groupe : « On ne vit plus qu'avec les chiffres de l'Audimat. [...]. Passer une émission culturelle sur une chaîne commerciale à 20 h 30, c'est un crime économique ! C'est quand même à l'État d'apporter la culture, pas aux industriels. » (1) Il avait également résumé le rôle des programmes de TF1 en une formule-choc, passée à la postérité : « « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »
Thierry Thuillier, son adepte d'aujourd'hui, impose cette ligne éditoriale, choisit des journalistes pour la diffuser et, au détour d'une intervention nous fait comprendre comment il compte accélérer la montée en puissance des barbares. Comme l'écrivait Aragon : « la littérature est une affaire sérieuse pour un pays, elle est, au bout du compte son visage. » (« J'abats mon jeu »). Allons nous finir par présenter celui de la haine ?
Michel Strulovici
(1) Formules tirées d’un entretien publié dans l’ouvrage collectif Les Dirigeants face au changement, paru en mai 2004 aux Éditions du Huitième Jour.
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