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"Nique ta mère" ou nycthémère ?

 

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Illustration : Les soeurs Mariposas © Sarah Ponceblanc pour histoireparlesfemmes.com

Sarah Ponceblanc est une illustratrice et graphiste freelance, "agiteuse de couleurs et de lignes".


#NousToutes, #Grevefeministe, #MeToo, #NiUnaMas. Aujourd'hui, chantons sans peur : ce 25 novembre : Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Une date choisie en hommage aux sœurs Mirabal, assassinées en République Dominicaine il y a 65 ans, le 25 novembre 1960. Avec Élisabeth Lacoin et Simone de Beauvoir, Elsa Morante, Aslaug Vaa (poétesse norvégienne inédite en français), Alexandria Ocasio-Cortez, l'Iranienne Parastoo Ahmadi, la Mexicaine Vivir Quintana et... Catherine d'Alexandrie, dont c'est aussi la fête (Sainte Catherine).

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 LES CITATIONS DU JOUR

« Zaza est morte parce qu’elle a tenté d’être elle-même et qu’on l’a persuadée que cette prétention était un mal. Dans la bourgeoisie catholique militante où elle est née le 25 décembre 1907, dans sa famille aux traditions rigides, le devoir d’une fille consistait à s’oublier, se renoncer, s’adapter. Parce que Zaza était exceptionnelle, elle n’a pu “s’adapter” – terme sinistre qui signifie s’encastrer dans le moule préfabriqué où un alvéole vous attend, parmi d’autres alvéoles : ce qui déborde sera comprimé, écrasé, jeté comme déchet. Zaza n’a pu s’encastrer, on a broyé sa singularité. Là est le crime, l’assassinat. » (Sylvie Le Bon de Beauvoir, in Simone de Beauvoir, Élisabeth Lacoin, Maurice Merleau-Ponty, "Lettres d'amitié. 1920-1959", Gallimard, 2022)

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Photo ci-contre : Élisabeth Lacoin (à droite de la photo) et Simone de Beauvoir, en 1928. Association Elisabeth Lacoin / Editions de l'Herne.


Sylvie Le Bon de Beauvoir est la fille adoptive et l’exécutrice littéraire de Simone de Beauvoir. L'ouvrage qu'elle a édité en 2022 chez Gallimard (ICI) est un recueil de lettres entre Élisabeth Lacoin, Simone de Beauvoir et Maurice Merleau-Ponty. Élisabeth Lacoin, dans la citation ci-dessus, c'est "Zaza", amour de jeunesse de Maurice Merleau-Ponty, et amie d'enfance de Simone de Beauvoir. Issue d’une famille nombreuse, avec huit frères et sœurs, Élisabeth Lacoin a subi dans son enfance un accident la laissant gravement brûlée. Elle a tout de même obtenu son baccalauréat littéraire et scientifique en 1924, avant de poursuivre ses études à la Sorbonne, puis à Berlin, où elle va côtoyer des personnalités musicales comme Bruno Walter et Wilhelm Furtwängler. Une vie brillante était bien partie, sauf que "Zaza" est morte très jeune, à 21 ans, des suites d'une encéphalite virale. C'était il y a exactement quatre-vingt seize ans, le 25 novembre 1969. Elle est souvent évoquée par Simone de Beauvoir (notamment dans Cahiers de jeunesse, dans Mémoires d'une jeune fille rangée et dans la nouvelle Les Inséparables) comme une figure tragique broyée par les strictes attentes d'une société bourgeoise catholique patriarcale : sa mort est perçue non seulement comme une conséquence de sa maladie, mais aussi comme une métaphore de la répression sociale qu’elle a subie...

« Le passé est un poids, mais il est aussi ce qui vous rend ce que vous êtes. » (Elsa Morante)

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Un autre deuil de jeunesse… Elle était amie de Leonor Fini, de Pasolini, de Laura Betti, de la Callas…, un temps compagne d’Alberto Moravia. Exilée aux États-Unis dans les années 1940 pour fuir la montée du fascisme en Europe, elle restera assez long temps à New York où elle découvrira, et appréciera, entre autres mouvements, la Beat Generation. C’est le moment, aussi, où elle s’éprend du sculpteur Bill Morrow, homosexuel, qui se suicidera à l’âge de vingt-trois ans. Une épreuve marquante dans sa vie.

Elsa Morante, écrivaine italienne décédée il y a tout juste 40 ans, le 25 novembre 1985, à l’âge de 73 ans, laisse une œuvre marquée par la condition féminine, la maternité et la résilience en contexte historique difficile. Son roman majeur, La Storia (publié en 1974), met en lumière la force des femmes qui affrontent des épreuves extrêmes, notamment dans le ghetto de Rome durant la Seconde Guerre mondiale. L'œuvre souligne la souffrance, la lutte pour la survie et la résistance, notamment à travers le personnage d’Ida Ramundo, institutrice et mère courageuse.

  • A lire, outre les ouvrages d’Elsa Morante elle-même, l’essentielle biographie de René de Ceccaty, Elsa Morante. Une vie pour la littérature, éd. Tallandier, 2018 (ICI).


« Notre terre est une mère qui veille et nourrie, elle ne cesse jamais d’être généreuse. » / « Jorda vår er ei mor som vaktar og gnær, ho laknar aldri i å vera gavmild. » (Aslaug Vaa)

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Décédée à Olslo il y a tout juste 60 ans, le 25 novembre 1965, à l’âge de 76 ans, Aslaug Vaa était une écrivaine, poétesse et dramaturge norvégienne. Originaire d'une famille de paysans, elle a étudié les Lettres classiques à l'Université d'Oslo, la psychologie à la Sorbonne, ainsi que l'art dramatique expressionniste et le théâtre expérimental, notamment sous la direction de Wilhelm Reich. Elle a fait ses débuts littéraires à 45 ans avec son recueil de poèmes Nord i leite en 1934, œuvre marquée par des thèmes comme l’écoféminisme, la critique de la civilisation et l’amour. Elle est reconnue comme une pionnière de la poésie lyrique féminine en nynorsk, langue norvégienne. Ses œuvres incluent plusieurs recueils de poésie ainsi que des pièces de théâtre. Dans les années 1950-1960, elle a également travaillé comme correspondante pour plusieurs journaux norvégiens.

  • L’œuvre d’Aslaug Vaa a été très partiellement traduite et publiée en français, notamment à travers des adaptations et des traductions de légendes ou sagas nordiques liées au folklore dont elle s’inspire. Son œuvre poétique reste totalement inédite en français. Photo ci-contre : Aslaug Vaa, étudiante en 1907. Photo Gustav Borgen/Norsk Folkemuseum (Domaine public).

 ÉPHÉMÉRIDE



Le 22 novembre, des collectifs féministes tels que #NousToutes (ICI) ou #grevefeministe (ICI) ont réuni 17.000 personnes à Paris et autant en région, selon des chiffres officiels, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences sexistes, sexuelles et de genre : « Contre le patriarcat : ni oubli, ni silence, marchons contre les violences ! en solidarité, avec et pour les femmes du monde entier ». Ces marches et des die-in (en s’allongeant sur l’espace public pour simuler la mort) à Brest, à Mont-de-Marsan, à Tours,etc., avaient lieu un samedi, trois jours avant le 25 novembre qui marque chaque année depuis 1999 (et ceci dans le monde entier, du moins dans les 193 pays membres des Nations Unies) la journée internationale dite « pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ». En espagnol : Dia Internacional de la Eliminacion de la Violencia contra la Mujer.


Pourquoi le dire en espagnol ? Pour rendre hommage à trois femmes assassinées il y a 65 ans, le 25 novembre 1960, en République dominicaine (sur l’île d’Hispaniola, au sud-est de Cuba). C’est en leur mémoire qu’on a retenu cette date. Le destin des sœurs Mirabal est bouleversé en 1949, lorsque la famille est invitée à une fête au Palais du Gouvernement à Santiago, en l’honneur du dictateur Rafael Trujillo (qui sévira de 1930 à 1961). Très attiré par Minerva, d’une grande beauté autant que d’une intelligence vive, Trujillo invite la famille pour une autre fête et profite d’une danse pour faire des avances à la jeune femme de 23 ans, avances qu’elle repousse avec fermeté. Quelques jours plus tard, le père de Minerva est arrêté et emprisonné, et finira par mourir des suites des mauvais traitements.


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Patria, Minerva et María Teresa Mirabal, héroïnes et martyres de la lutte contre le dictateur Rafael Trujillo, qui dirigea

la République dominicaine de 1930 à 1961. On les surnommait les sœurs "Mariposas" (Papillons). Photo DR


Minerva participe à des réunions clandestines d’opposition au dictateur et se fait connaître sous le surnom de « mariposa », papillon. Ce qui vaudra, à elle et à ses deux soeurs également engagées, d’être connues comme les « hermanas mariposas », les sœurs papillons. Autour des sœurs Mirabal et de leurs époux naît un mouvement dissident, le Mouvement Révolutionnaire du 14 juin, (une tentative d’insurrection avait été durement réprimée le 14 juin 1959), pour rassembler les groupes opposés à Trujillo, et préparer une révolution. La plupart des membres de la famille Mirabal s’y impliquent. Dès janvier 1960, avec d’autres membres du mouvement, les sœurs Mirabal sont arrêtées et incarcérées avec leurs maris. L’opposition internationale au régime de Trujillo monte et l’Organisation des États américains  envoie des observateurs sur place. Minerva et María Teresa, bien que condamnées à trois ans de prison, sont libérées, tandis que leurs époux restent en prison. Le 25 novembre 1960, alors que les trois soeurs Mirabal reviennent de leur visite hebdomadaire à leurs maris, elles tombent dans une embuscade tendue par des membres des services secrets. Conduites sous la menace d’armes dans une maison de campagne, elles sont assassinées avec leur chauffeur. Leurs corps sont ensuite replacés dans leur véhicule, qui est jeté du haut d’un précipice.

  • A Paris, une plaque commémorative en mémoire des soeurs Mirabal a été apposée le 8 mars 2021 (Journée internationale des Femmes), au 6 place de la République Dominicaine, dans le 17ème arrondissement, afin de « rendre un hommage mérité à ces trois militantes révolutionnaires et activistes politiques, qui sont mortes en luttant pour un droit inaliénable, le droit à l'égalité »

 

Contre la violence, de Bogota à New York


Lors de la Première rencontre féministe pour l’Amérique latine et les Caraïbes à Bogota, en Colombie, en 1981 (voir ICI), 250 femmes venues aussi d’Europe, dénoncèrent les violences qu’elles avaient subi, au sein de leur famille ou hors du cercle familial (viols, coups et harcèlement sexuel), ainsi que les violences commises par l’État, comme les tortures et les viols des femmes incarcérées pour des raisons politiques. Les sœurs Mirabal symbolisant aussi bien la résistance d’un peuple que la résistance des femmes, c’est tout naturellement qu’il fut décidé, à l’issue de cette rencontre, de faire du 25 novembre la "Journée de l’élimination de la violence à l’égard des femmes". Mais il faudra attendre dix-huit ans pour que, le 19 octobre 1999, lors de la 54e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, les représentants de la République dominicaine et 74 États membres présentent un projet de résolution visant à faire du 25 novembre la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. La résolution 54/134 sera finalement adoptée le 17 décembre 1999.

 

Résister, refuser la violence et la domination patriarcale


La violence extrême du féminicide augmente, en tout cas sa reconnaissance au grand jour. En France, le nombre de féminicides conjugaux (déclarés) a augmenté de 11 % entre 2023 et 2024, avec 107 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Cinq pays de l'Union européenne ont introduit très récemment une qualification spécifique du féminicide dans leur droit pénal : Chypre (2022), Malte (2022), la Belgique (partiellement en 2023), a Croatie (2024) et l'Italie (2025) et, hors UE, la Bosnie Herzégovine. En 2024, l'Union européenne a adopté un règlement pour faire du féminicide un crime à part entière, à transposer par les États membres d'ici 2027. Cette qualification de féminicide est décisive pour mieux discerner les motivations de ce crime, et des autres violences, renforcer la prévention, justifier les condamnations.


Un message très clair



Le 21 novembre dernier, Alexandria Ocasio-Cortez, une des plus jeunes membres du Congrès des États-Unis, s'est insurgée contre les propos de Donald Trump réclamant la peine de mort pour des élus démocrates qui ont appelé à ne pas obéir à des ordres illégaux : « Pour être honnête, je pense que les propos du président témoignent d'un certain degré d'instabilité. Ils ne sont pas seulement choquants, ils ne sont pas seulement offensants, ils sont bizarres, erratiques, volatils. Je pense qu'ils révèlent un état d'esprit que nous devrions tous remettre en question à l'heure actuelle. Qu'il s'agisse d'un état émotionnel, mental ou autre. Il n'est pas normal de porter de telles accusations. Il n'est pas normal de proférer ce genre de menaces de violence. Et il n'est pas normal non plus de déformer de manière aussi flagrante les propos tenus par ces membres du Congrès. Ils ont adressé un message très clair aux membres des forces armées américaines, à savoir qu'ils ne sont pas tenus d'obéir à un ordre illégal. Et je pense qu'il est très important de réitérer ce message, car cette administration semble de plus en plus s'engager dans cette voie et le fait que le président Trump réagisse si vivement par des menaces d'accusation et de violence indique, selon moi, qu'un point sensible a été touché et qu'il y a réagi de manière tout à fait inappropriée »


Il n’y a a priori aucun lien entre cette journée internationale et celle qu’on fête en ce jour du 25 novembre et l'autre fête du jour, dédiée à Catherine d’Alexandrie, alias sainte Catherine. Et pourtant… Elle a à l’évidence quelque chose de commun avec Minerva Mirabal, et la très vivante Alexandria Ocasio-Cortez : leur beauté, leur grande intelligence et leur culture, leur capacité de résistance.

 

Décapitée un 25 novembre, vers l’an 307...


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Ci-contre : Sainte Catherine avec l'empereur à ses pieds par le Maestro de Altura (vers 1475), Musée des Beaux-Arts de Valence (Espagne).


Catherine d'Alexandrie, figure historique ou légendaire, est issue d’une famille royale d'Alexandrie, en Égypte, au début du IVe siècle. Son exceptionnelle intelligence, dit-on, lui permet d'étudier et d'assimiler les écrits des philosophes et des penseurs de son temps, et de l'Antiquité. Elle se convertit au christianisme. Des "jeux" du cirque, durant lesquels des chrétiens doivent périr brûlés vifs, étant organisés par l’empereur Maximin, Catherine se serait présentée devant lui, se déclarant chrétienne et lui démontrant toutes les erreurs de son paganisme.

Pour la mettre au défi, Maximin, séduit par sa beauté, aurait organisé une controverse opposant Catherine aux cinquante meilleurs philosophes de l’Empire, durant laquelle ses arguments l’auraient emporté sur les rhéteurs qui se convertirent immédiatement au christianisme. Après différentes péripéties, violences autour de lui et refus de demandes en mariage, l’Empereur lui infligea divers supplices, notamment le supplice de la roue garnie de pointes, puis la décapitation.


Figures de la résistance ou caution de la violence faite aux femmes qui résistent au patriarcat ? 


Pour toutes ses qualités et son histoire-légende, Sainte Catherine est invoquée pour un grand nombre de situations, de métiers. La plus populaire a longtemps concerné les jeunes femmes célibataires de plus de 25 ans et sans enfant. Sous l'Ancien Régime, la majorité civile était fixée à 25 ans, âge auquel l'on considérait la fin de la jeunesse et le début complet de l'autonomie juridique. Dans cette tradition de la Sainte Catherine, passer 25 ans sans être mariée faisait de la femme une "Catherinette," une célibataire à part. Rite d’un jour plutôt qu’un changement dans la vie : célibataires, les filles conservaient la tutelle de leur père en échappant à celle d’un mari. Elles restaient mineures toute leur vie, sauf dans de rares cas d’activité autonome. Cette tradition désuète, encore célébrée localement, a souvent été considérée comme une fête sexiste stigmatisant les femmes dans des rôles « traditionnels, se marier et enfanter ». C’est tout le contraire pour Anne Monjaret, ethnologue au CNRS, qui s’est attachée à une tradition particulière, celle des métiers de la couture : « Au cours du XXe siècle, la Sainte-Catherine a été l’occasion, pour les couturières, de prendre la parole et de s’affirmer dans l’espace public. Les "petites mains" des années 1920 profitaient de ce jour pour défier l’autorité patronale et dénoncer la domination masculine […]. Le 25 novembre, les employées, les ouvrières n’hésitent pas à émettre leurs opinions sous le couvert de la parodie, de la dérision, sinon de la grossièreté (…) Il s’agit de dénoncer les effets pervers du paternalisme », explique l’ethnologue.

 

Sainte Catherine, fête des vivants, avant l’hiver

La fête de la Sainte Catherine n’a-t-elle pas à voir avec Samain, que les Celtes fêtaient quelques jours plus tôt, son nom signifiant « fin de l’été » ? Comme pour Halloween (son succédané), les enfants allaient de maison en maison, quémandeurs masqués qui, durant la veillée, passaient de porte en porte en chantant et en riant : un jour de fête où l’on fait du bruit, ensemble. Cette tradition vient d’anciennes célébrations collectives destinées à souligner la fin de l’automne et l’approche de l’hiver, avec joie et bruit. Ces pratiques de mascarades et de chants venaient rompre la monotonie et les longs soirs d’hiver qui s’annonçaient, tout en ravivant le lien social par des jeux et des quémandes symboliques. Faire du bruit ensemble crée un espace joyeux, de partage et de solidarité (éphémères), typique des anciennes fêtes populaires en milieu rural ou villageois.


Le 25 novembre, à la fin d’une année agricole, dans un moment d’attente et d’arrêt des travaux (un mois avant Noël, avec l’Avent, Carême d’hiver) s’instaurait le temps d’une journée de fête communautaire. La Sainte Catherine marquait la transition vers l’hiver, rendant sensible un moment singulier du temps social et du temps naturel, “l’éternel retour” des saisons dont le cours détermine la durée du jour et de la nuit, le cycle des nycthémères qui scandent notre vie quotidienne : les longues journées d’été, les longues nuits d’hiver.


Le 25 novembre, la Sainte Catherine conserve une place enfouie dans nos mémoires et dans le rythme de vie sous nos latitudes. C’est le moment, plus ou moins sensible, de se rendre compte que nous ne vivons pas seulement avec le temps homogène de nos montres, horloges ou smartphones, mais dans un rythme qui nous dépasse au gré d’instants dont chacun peut avoir une qualité particulière, de lumière qui diminue.


Ces variations de lumière (et de température) influencent aussi la pousse des végétaux. Aujourd’hui encore, presque tout le monde connaît l’adage « A la Sainte Catherine, tout bois prend racine ».  La date du 25 novembre est au milieu d’une période propice pour planter arbres et arbustes à racines nues, ou faire des boutures. À cette époque de l'année, les conditions climatiques — notamment la fraîcheur modérée du sol — sont idéales pour que les plantes prennent racine avant l'hiver. Cette période favorise un bon enracinement, permettant aux végétaux de mieux résister aux sécheresses estivales suivantes. Les arbres ayant perdu leurs feuilles, ils rentrent eux aussi dans un autre cycle de vie, avant les premières froidures véritables. Les nyctémères (*) ne changeront pas, pour nous aider à (sur)vivre dans les dérèglements climatiques, et peut-être même à les rendre plus humains ce qu’un jour de fin d’automne, une fête enfouie dans nos mémoires qui revenait tous les 25 novembre peut nous inspirer. En plantant des arbres, à bon escient ?


Isabelle Favre


(*) - Nycthémère (du grec nukthêmeron, mot composé à partir de nux, nuktos, "nuit", et hêmera, "jour") : suite du jour et de la nuit.


BONUS


IRAN : avec Parastoo Ahmadi



Il y aura bientôt un an, la chanteuse iranienne Parastoo Ahmadi était arrêtée (ainsi que ses musiciens) après un concert (sans public) filmé et posté sur YouTube le 12 décembre (voir notre article "Parastoo Ahmadi : le défi aux mollahs" publié le 15 décembre 2024, ICI). Si elle a ensuite été libérée sous caution, elle reste sous la menace de poursuites judiciaires pour avoir organisé un événement « sans autorisation » et pour ne pas avoir respecté les « normes légales et religieuses ». Elle risque plusieurs années de prison, bien que la justice semble faire preuve de prudence dans le contexte actuel de tensions sociales en Iran (voir ICI). En attendant, tous ses comptes sur réseaux sociaux ont été fermés, et depuis bientôt un an, on est sans la moindre nouvelle de Parastoo Ahmadi...


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A la Une du site Iran Wire... Capture d'écran, 25 novembre 2025


Si, fait exceptionnel, l’Orchestre symphonique de Téhéran a nommé sa toute première femme chef d’orchestre, Paniz Faryousefi (voir ICI), la répression contre les femmes n'a pas tellement faibli. Parmi les nouvelles à la Une de Iran Wire (site d'information indépendant et collaboratif géré par des journalistes iraniens professionnels issus de la diaspora ainsi que par des journalistes en Iran, ICI), ce 25 novembre : l'arrrestation d'une étudiante en histoire de 30 ans, Milan Khajeh’i, qui avait déjà été condamnée à un an de prison par le "tribunal révolutionnaire de Zahedan" pour avoir "distribué des tracts anti-gouvernementaux, écrit des slogans à l’université et dirigé une chaîne Telegram". Par ailleurs, dans l'ouest de l'Iran, une jeune femme de 16 ans, Maryam Taghavi, a été tuée à coups de bâton par son mari, le lendemain même du mariage, à la suite d'une "dispute conjugale" : l'homme réclamait à sa jeune épouse le versement d'une dot. L'homme en question avait déjà battu, torturé et brûléc sa première femme (avec des brochettes de kebab) ; il avait été libéré sans autre forme de procès. Iran Wire rapporte encore, en citant une enquête du journal Arman-e-Emrooz, qu'en Iran, la plupart des femmes incarcérées le sont pour des dettes financières, des garanties impayées ou des crimes non intentionnels. L'enquête, citant des statistiques officielles, documente la « féminisation de la pauvreté en Iran » et met en évidence le nombre croissant de femmes emprisonnées pour des raisons financières. 73% des prisonnières sont des mères, dont beaucoup ont plus de trois enfants. Et parmi elles, beaucoup sont diplômées : « la prison n’est pas limitée aux femmes analphabètes ou marginalisées ; certaines femmes professionnelles et éduquées sont également emprisonnées en raison de problèmes financiers ».


Charmant pays, décidément, qui trouve cependant grâce aux yeux de cette grande "militante des droits humains" qu'est la Pasionaria en keffieh de La France Insoumise, alias Rima Hassan. On a scruté tous ses comptes depuis un an : sur l'Iran, total silence radio... sauf pour refuser (à l'instar de son groupe) une résolution parlementaire visant à condamner le régne des mollahs. Normal : "les amis de mes amis sont mes amis". Et l'Iran n'est-il pas le "meilleur ami" des Palestiniens ? Bon, pas de TOUS les Palestiniens, mais les "gentils résistants" du Hamas et du Jihad islamique palestinien, qui voudrait imposer la charia. Ça, Rima Hassan ne le dit pas. Certaines omissions "parlent" autant que ce qui est dit.


La chanson sans peur


« (…) Pour toutes les femmes qui manifestent sur Paseo de la Reforma  / Pour toutes les nanas qui se battent à Sonora  / Pour les camarades qui se battent dans le Chiapas  / Pour toutes les mères qui cherchent encore à Tijuana / Nous chantons sans peur, / Nous demandons justice  / Nous hurlons au nom de toutes les femmes disparues  / Entendez-nous : Nous voulons rester vivantes !  / Élevons-nous avec force contre le féminicide (…) »


Le 20 novembre 2021, on avait déjà consacré toute une chronique (ICI) à la Canción sin miedo ("Chanson sans peur"), composée par la Mexicaine Vivir Quintana, devenue un cri de ralliement, une chanson virale à travers toute l’Amérique latine et au-delà, y compris en France (par exemple, ICI). Comme dirait le camarade Philippe Katherine, on remet le son (ci-dessous).


Jean-Marc Adolphe






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