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Otages civils, encore un crime de guerre


Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreux civils ont été arrêtés par les forces russes et croupissent dans des prisons pendant des mois sans être inculpés, leurs proches cherchant à savoir ce qui leur est arrivé. Associated Press a recueilli de premiers témoignages.


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Depuis plus de 8 mois, Alina Kapatsyna cherche sa mère, Vita Hannych, âgée de 45 ans. Celle-ci a été arrêtée sans raison, en avril, par des soldats russes qui occupaient le village de Volodymyrivka, à l’est de l’Ukraine. Au moment de son arrestation, Vita ne portait ne portait qu'un survêtement et des pantoufles. Selon sa fille, elle n’avait aucun lien avec l’armée ukrainienne. Elle décrit sa mère comme « une personne pacifique, qui n'a jamais tenu une arme, et malade » : elle souffre depuis longtemps de crises d'épilepsie dues à une encéphalopathie résiduelle.

« Les forces russes étaient connues pour détenir les gens pendant deux ou trois jours pour les "filtrer" et les relâcher ensuite », déclare Alina. Mais sa mère, elle, n’est jamais revenue. Alors, Alina et sa grand-mère de 70 ans ont entamé des recherches, en s’adressant à l’administration pro-russe de la région de Donetsk. En vain. Elles ont finalement appris que Vita serait détenue à Olenivka, prison de sinistre réputation. Anna Vorosheva, qui y a passé 100 jours, raconte les conditions sordides et inhumaines dans lesquelles elle a vécu : eau putride en guise d’eau potable, absence de chauffage et de douches, obligation de dormir par roulement et d'entendre les nouveaux prisonniers hurler après avoir été battus.


Alina Kapatsyna à Dnipro, en Ukraine, le 6 janvier 2023. Des hommes en uniforme militaire ont emmené sa mère, Vita Hannych, 45 ans,

de sa maison dans l'est de l'Ukraine en avril. Photo Hanna Arhirova / Associated Press.


Vita Hannych et Anna Vorosheva sont loin d’être des cas isolés. Le Centre pour les libertés civiles [ONG co-récipiendaire du Prix Nobel de la Paix], a reçu des demandes concernant environ 900 civils capturés par la Russie depuis le début de la guerre, dont plus de la moitié sont toujours en détention. Dmytro Lubinets, commissaire du Parlement ukrainien pour les droits de l'homme, avance un chiffre encore plus élevé et déclare vendredi que son bureau a reçu des demandes concernant plus de 20.000 "otages civils" détenus par la Russie.

Un avocat russe, Leonid Solovyov a confié à l’agence Associated Press avoir accumulé plus de 100 demandes concernant des civils ukrainiens. Dans une trentaine de cas, il a pu confirmer que la personne recherchée était détenue par la Russie, sans aucun statut légal. L’un de ses clients s’appelle Mykyta Shkriabin. Cet étudiant de 19 ans de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine, a été arrêté par l'armée russe en mars, alors qu’il était sorti de l’abri où il s’était réfugié pour chercher des provisions. L’avocat a obtenu la confirmation du ministère russe de la Défense que Mykyta avait été arrêté pour "résistance à une opération militaire spéciale". Mais il n'existe pas de délit de ce type en Russie, indique Leonid Solovyov, et même si c'était le cas, Mykyta Shkriabin aurait été formellement inculpé et aurait fait l'objet d'une enquête, ce qui n’a pas été le cas. Le ministère russe a refusé de révéler l'endroit où il se trouve.


En vertu du droit international,

les civils ne peuvent pas être déclarés prisonniers de guerre.


D'autres cas sont étrangement similaires à ceux de Mykyta Shkriabin et Vita Hannych. En mai, les forces russes ont ainsi arrêté à Kherson, dans le sud du pays, Iryna Horobtsova, spécialiste des technologies de l'information. Elle s'était simplement exprimée contre la guerre sur les réseaux sociaux, avait participé à des manifestations anti-russes et aidait les habitants en les conduisant au travail ou en trouvant des médicaments rares.

Les soldats ont fait irruption dans son appartement et ont saisi un ordinateur portable, deux téléphones mobiles et plusieurs clés USB, avant de l'emmener, selon sa sœur, Elena Kornii. Ils ont promis à ses parents qu'elle rentrerait chez elle le soir même, mais cela ne s'est pas produit.

L’avocat d’Iryna Horobtsova, Emil Kurbedinov, a appris qu’elle était détenue dans une prison en Crimée. Il n’a pas été autorisé à lui rendre visite. Selon les autorités d’occupation, Iryna « a résisté à l'opération militaire spéciale, et une décision la concernant sera prise lorsque l'opération militaire spéciale sera terminée. »

Dmytro Orlov, maire de la ville occupée d'Enerhodar, dans la région de Zaporizjjia, décrit le sort de son adjoint de la même manière – « une détention absolument arbitraire. » Ivan Samoydyuk a été capturé par les soldats russes peu après qu'ils se soient emparés de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en mars, et aucune charge n'a été retenue contre lui, déclare Dmytro Orlov. « Nous ne sommes même pas sûrs qu'il soit en vie ! », ajoute-t-il. « Si nous ne pouvons pas obtenir de clarté de la part des Russes sur le sort d'un maire adjoint, imaginez le sort des civils ukrainiens ordinaires. »


Mykhailo Savva, du Conseil d'experts du Centre pour les libertés civiles, précise que les Conventions de Genève permettent à un État de détenir temporairement des civils dans des zones occupées, mais « dès que la raison qui a provoqué la détention de ce civil disparaît, alors cette personne doit être libérée. Pas de conditions spéciales, pas d'échanges, juste une libération. »

En vertu du droit international, les civils ne peuvent pas être déclarés prisonniers de guerre. Le droit international interdit à une partie belligérante de déplacer de force un civil vers son propre territoire ou un territoire qu'elle occupe, et le faire pourrait être considéré comme un crime de guerre, indique encore Yulia Gorbunova, chercheuse à Human Rights Watch. Un chapitre de plus dans la litanie des crimes de guerre, un terrain sur lequel la Russie de Poutine est en train de battre tous les records.


La rédaction des humanités,

d’après une enquête de Hanna Arhirova et Dasha Litvinova pour Associated Press


Photo en tête d’article : Sur cette photo fournie par l’ONG "Civils en captivité", des proches de prisonniers civils participent à une action dans le centre de Kiev, en Ukraine, samedi 24 décembre 2022.

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