top of page

Sainte-Soline : qui a donné l'ordre ?

ree

A Sainte-Soline, une unité de gendarmes sur quad, le 25 mars 2023. Photo Ugo Amez / Sipa


Les fuites sur les violences policières de Sainte-Soline dévoilent une répression d’une brutalité inouïe : tirs tendus, vocabulaire guerrier, volonté de blesser. Tandis que le pouvoir s’enferre dans le déni et parle de simples « comportements inappropriés », une seule question s’impose : qui a donné l’ordre ? De la Colombie à la France, la même mécanique du mensonge d’État et de l’impunité policière semble à l’œuvre.


Qui a fait fuiter les enregistrements des violences policières ? Sans doute s'est-il trouvé, au sein de la hiérarchie politique et/ou militaire, avec une conscience pas encore totalement sous le boisseau, pour estimer que ces violences policières, lors du rassemblement anti-mégabassines de Sainte-Soline, en mars 2023, dépassaient de beaucoup le cadre républicain et devaient être portées à la connaissance du public.

De fait, les révélations publiées par Mediapart et Libération dévoilent des pratiques particulièrement choquantes, avec un vocabulaire guerrier et encourageant le « tir tendu » de LBD, grenade lacrymogène et explosive, avec une volonté manifeste de blesser « l’adversaire » parmi les manifestants opposés aux mégabassines. Rappelons que cette brutale répression, déployée avec 3.000 gendarmes, a causé plus de 200 blessés, dont plusieurs graves, et provoqué l’interpellation et la condamnation de militants. Pour autant et contre toute évidence ainsi exposée, l'actuel ministre de l'Intérieur refuse de parler de "violences policières". Tout au plus concède-t-il, avec des pincettes, des "comportements inappropriés" de la part de certains gendarmes, contre lesquels est ouverte une "enquête administrative". Croit-il s'en tirer à si bon compte ?


En Colombie, en avril-mai 2021, un vaste mouvement social fut très sévèrement réprimé, notamment à Cali où les jeunes manifestants demandaient, quelle horreur, droit à l'éducation, droit à la santé, droit à la culture. Le bilan aura été d'au moins 42 morts, avec plusieurs centaines de blessés et environ 3.500 cas recensés de violences policières, comprenant arrestations arbitraires, violences physiques et sexuelles, mutilations oculaires, et même des meurtres (à ce jour, sans aucune condamnation ni même poursuite judiciaire). Les jeunes manifestants de la "Primera linea", armés de lance-pierres et protégés par de fragiles boucliers, étaient bien héroïques, face aux policiers anti-émeutes, lourdement armés comme sur un terrain guerre. Mais à 20 ans, on est prêt à mourir quand on n'a plus rien à perdre. Très vite, en Colombie, a fusé un slogan en forme de slogan : derrière ces Robocop qui tiraient à vue, Qui a donné l'ordre ?" ("Quien ha dado la orden ?).


La même question devrait se poser aujourd'hui en France. Se rappeler que, durant le mouvement des Gilets jaunes, le recours à des techniques policières très agressives a entraîné un nombre inédit de blessés, avec environ 2.500 manifestants blessés dont plus de 40 éborgnés, un usage de grenades explosives, de flash-balls et de tactiques de « nasse » dénoncé comme disproportionné par Amnesty International et d’autres observateurs. Des "comportements inappropriés", voire des "bavures policières", vraiment ? Qui a donné l'ordre ?


Se rappeler aussi, qu'à l'époque du rassemblement de Sainte-Soline, l'alors ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait qualifié les militant.e.s des Soulèvements de la Terre, "d'écoterroristes". Alors, à Sainte-Soline, qui a donné l'ordre ? Évidemment, justice ne passera pas. Chouchou de la Macronie, est aujourd'hui Garde des Sceaux. On le voit mal ordonner une enquête sur celui qui fut alors ministre de l'Intérieur !


Je parlais plus haut de la Colombie. De toute la presse nationale, j'ai été le seul à révéler (alors sur le blog que je tenais à Médiapart) que la très brutale répression du mouvement social avait alors été adoubée par Emmanuel Macron et son ministre des Affaires étrangères, Le Drian, qui avaient maintenu avec le gouvernement colombien d'extrême droite une très étroite collaboration politique et militaire (lire ICI). Cela m'a même valu d'être en partie censuré par... Médiapart (qui négociait peut-être, à l'époque, des voyages de journalistes payés par le ministère des Affaires étrangères, je n'en sais rien). C'est ce qui m'a notamment conduit à créer en mai 2021, les humanités, un média peut-être destiné à être pauvre, mais vraiment indépendant.

Tout cela (la Colombie) c'est de l'histoire ancienne, dira-t-on ; encore que je persiste à penser, comme je l'écrivais à l'époque, que la répression du mouvent social colombien a été pour Emmanuel Macron, un laboratoire d'expérimentation de ce qu'il pouvait se permettre en France (avec quelques nuances). Et qu'aujourd'hui, je peux sans crainte d'être censuré par qui que soit, joindre ma voix aux 42 jeunes morts colombiens d'avril-mai 2021 (et à ceux, survivants, que je vais bientôt retrouver pour un événement artistico-politique, en région parisienne du 9 au 23 novembre (voir document PDF ci-dessous) pour demander avec insistance : Sainte-Soline, mars 2023 : qui a donné l'ordre ?


Jean-Marc Adolphe



 DONS DÉFISCALISABLES JUSQU'AU 31/12/2025  La liberté a un prix. Qui accepte de le partager ?Rappel. Nous avons fait le choix d'un site entièrement gratuit, sans publicité, qui ne dépend que de l'engagement de nos lecteurs. Dons ou abonnements ICI

Et pour recevoir notre infolettre : https://www.leshumanites-media.com/info-lettre 


Commentaires


nos  thématiques  et  mots-clés

Conception du site :

Jean-Charles Herrmann  / Art + Culture + Développement (2021),

Malena Hurtado Desgoutte (2024)

bottom of page