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Txai Suruí, la jeunesse du monde

Dernière mise à jour : 8 mars


Txai Suruí, Palme d'or ? Évidemment, Glasgow n’est pas Cannes, et la COP26, c’est pas du cinéma (sauf pour certains gouvernants). Lors de l’ouverture du Sommet du climat, une jeune activiste amazonienne de 24 ans, militante de la cause indigène au Brésil, a toutefois "crevé l’écran". Mais qui est donc Txai Suruí ?


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Après délibération du jury, la Palme d’Or est attribuée à Txai Suruí. A ceci près que la COP26 à Glasgow, ce n’est pas tout à fait comme au festival de Cannes. Mais le 1er novembre dernier, lors des deux journées d’ouverture du sommet mondial sur le climat, devant une centaine de chefs d’État rassemblés pour l’occasion (dont Joe Biden et Boris Johnson), cette jeune activiste amazonienne a littéralement « crevé l’écran » avec un discours sans fard, contrairement à la plupart des dirigeants mondiaux qui se sont succédé à la tribune de la COP26 (ICI). Discours d’autant plus remarqué que Txai Suruí aura été, pendant ces deux journées d’ouverture, la seule voix brésilienne à s’exprimer. Isolé et humilié lors du G20 à Rome, comme l’a narré Le Monde, le président Jair Bolsonaro avait en effet préféré prendre la poudre d’escampette et plutôt que de rejoindre Glasgow, s’attarder sur la terre de ses ancêtres au nord de l’Italie (ou, même là, il fut très fraîchement accueilli). Son retour au Brésil n’a d’ailleurs guère été plus tranquille. Alors qu’il est sous le coup d’une procédure de destitution pour sa gestion "criminelle" de la pandémie, vingt et un chercheurs de renom ont refusé, ce 6 novembre, de se voir remettre une prestigieuse médaille scientifique, après que deux d’entre eux aient été rayés de la liste de récipiendaires par Bolsonaro himself. (Lire ICI)


Pendant ce temps, du haut de ses 24 ans, Txai Suruí a "ébloui" le sommet de Glasgow, comme l’écrit le site infobae.com. En deux minutes simples et percutantes, elle a renvoyé au vestiaire la langue de bois : « Aujourd'hui, le climat se réchauffe, les animaux disparaissent, les rivières meurent et nos plantes ne s'épanouissent plus comme avant. La terre parle et elle nous dit que nous n'avons plus de temps. Nous devons emprunter une autre voie avec des changements audacieux et globaux. Ce n'est pas en 2030 ou en 2050, c'est maintenant ! Les peuples autochtones sont en première ligne de l'urgence climatique, nous devons donc être au centre des décisions qui sont prises ici. » Et d’ajouter : « Nous avons des idées pour retarder la fin du monde [reprenant le titre d’un ouvrage manifeste de l’écrivain et activiste indigène Ailton Krenak]. Arrêtons l'émission de promesses fausses et irresponsables ; arrêtons la pollution des mots vides et luttons pour un présent et un avenir vivables. Que notre utopie soit un avenir sur Terre. » Elle a aussi ému en évoquant le meurtre de son ami Ari Uru-Eu-Wau-Wau, un professeur de 33 ans, assassiné en avril 2020, qui faisait partie des "gardiens de la forêt" du peuple indigène Uru-eu-wau-wau, qui effectuent des rondes pour repérer les activités illégales de déboisement sur leur terre…


Ari Uru-Eu-Wau-Wau, un "gardien de la forêt" assassiné en avril 2020. Photo association Kanindé.


"Mais d’où elle sort, celle-là ?" Telle fut, en gros, la réaction des médias présents sur place, davantage habitués à la voix du cacique Raoni, 91 ans, pour porter les revendications des peuples indigènes de l’Amazonie brésilienne. Merde ! Il y a aussi une jeunesse indigène ? La délégation officielle fut tout autant estomaquée, et les réactions n’ont pas tardé. De loin, sans citer nommément Txai Suruí, Jair Bolsonara l’a accusée de profiter de la tribune de la COP26 pour « attaquer le Brésil » : « Ils se plaignent que je ne suis pas allé à Glasgow. Ils ont emmené une femme indienne là-bas - pour remplacer le [chef] Raoni - pour attaquer le Brésil. Quelqu'un a-t-il vu un Allemand attaquer l'énergie fossile de l'Allemagne ? Quelqu'un les a-t-il vus attaquer la France parce que leur législation environnementale n'a rien à voir avec la nôtre ? Personne ne critique son propre pays. A-t-on vu un Américain critiquer les incendies dans l'État de Californie ? » Bolsonaro doit être mal renseigné, parce que de tels exemples, oui, il y en a à la pelle.


Mais sur place, à Glasgow, les sbires de Bolsonaro ont été plus pressants. La jeune activiste a fait part "d’intimidations" de membres de la délégation officielle brésilienne. Txai Suruí y est hélas habituée. Dans l’État de Rondônia, au nord du Brésil où elle vit, ses parents, le chef Almir Suruí et l'activiste Neidinha Suruí reçoivent constamment des menaces de mort de la part des mineurs et des accapareurs de terres qui envahissent les terres indigènes. Un tout récent rapport du Conseil Missionnaire Indigéniste fait état de 182 assassinats d’indigènes en 2020, un chiffre en augmentation de 61% par rapport à 2019.


Photo Txai Suruí / Instagram


Au début de son discours à Glasgow, Txai a rendu hommage à son père, « le grand chef Almir Suruí, [qui] m'a appris que nous devons écouter les étoiles, la lune, les animaux et les arbres ». Interrogé par infobae, celui-ci confie : « Txai a apporté la voix du peuple de la forêt, la voix des peuples indigènes, la voix de l'espoir pour le monde. J'ai travaillé dur pour que ces générations aient ce rôle de premier plan pour apporter de l'espoir au monde. Ma fille a donc eu l'occasion de lancer cette voix de l'espoir afin de s'engager pour un développement plus responsable, de s'engager pour l'humanité. (…) L'enseignement que j'ai transmis à ma fille est ce que mes parents m'ont appris. L'ascendance culturelle de notre peuple est liée à cet univers, à la terre, à la forêt. Tous les êtres vivants ont le droit d'avoir une voix. Il est nécessaire de les écouter pour être entendu à son tour. »


Pour Txai Suruí, tout comme pour son père, une alliance entre les savoirs ancestraux, la science et les ressources technologiques est nécessaire comme élément fondamental de la conservation de la planète. Raison pour laquelle les peuples indigènes doivent être au centre des décisions qui seront prises lors de la COP-26. Le peuple Paiter-Suruí, auquel appartient Txai, est mondialement reconnu pour son rôle dans la préservation de la forêt tropicale. Un partenariat a même été signé avec Google pour la documentation numérique et la cartographie par satellite. En outre, cette communauté indigène a été la première au monde à recevoir une certification carbone, pionnière dans la vente de crédits carbone par le biais du mécanisme REDD (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts).


Des aspects juridiques qui ont poussé Txai à entreprendre des études de droit. Elle a été la toute première étudiante indigène à être reçue à la faculté de droit académique de l'université fédérale de Rondônia. Elle travaille aujourd’hui au sein du département juridique de l'Association de défense ethno-environnementale Kanindé, une organisation leader dans la cause indigène en Amazonie.


Activiste de la cause indigène, Txai Suruí, 24 ans, est aussi présente sur les réseaux sociaux. Elle compte déjà 34.000 abonnés sur Instagram. Une autre façon de faire entendre sa voix, et celle de l'Amazonie.


Jean-Marc Adolphe



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