A Adelaïde, 10 ans d'art aborigène contemporain
- Nadia Mevel

- il y a 3 jours
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Tjungkara Ken (peuple Pitjantjatjara), Seven Sisters. Collection AGSA
« Émerger » ou « venir à la lumière » : loin du folklore, la dixième édition du Taranthi Festival rappelle que l'art aborigène demeure un espace vivant de création, de revendication et de fierté partagée. Pour les humanités, portfolio d'une vingtaine d’œuvres issues de la rétrospective présentée à l’Art Gallery of South Australia (AGSA) à Adelaïde.
À Adélaïde, le Tarnanthi Festival célèbre cet automne ses dix ans d’existence, confirmant son statut d’événement central de la création autochtone contemporaine en Australie. Né en 2015, ce festival, dont le nom signifie en langue kaurna « émerger » ou « venir à la lumière », a su révéler au fil des années la richesse et la diversité des visions artistiques aborigènes et du détroit de Torres. En 2025, il revient sous la bannière « Too Deadly: Ten Years of Tarnanthi », une vaste rétrospective présentée à l’Art Gallery of South Australia (AGSA).
Rassemblant plus de deux cents œuvres issues des précédentes éditions, l’exposition rend hommage à dix années de création, d’innovation et de dialogue entre traditions ancestrales et expression contemporaine. Certaines pièces, monumentales ou intimistes, revisitent des récits fondateurs, célèbrent la transmission culturelle et interrogent le rapport entre mémoire et territoire. Jason Smith, directeur de l’AGSA, souligne que « Tarnanthi a prospéré parce qu’il place les artistes autochtones au cœur de toutes ses ambitions ».
Mais Tarnanthi dépasse les murs du musée : une trentaine d’expositions satellites se déploient à travers l’Australie-Méridionale. À l’Université d’Adélaïde, la Tarnanthi Art Fair offre une occasion unique d’acquérir des œuvres directement auprès de quelque trente centres artistiques communautaires, soutenant ainsi l’économie créative autochtone. Dans le même esprit, installations, projections et performances explorent les identités, les héritages et les luttes de résistance, à l’image de la performance « Blak Laundry » transformant un espace public en lieu de dialogue social.
L’ouverture du festival, le 16 octobre, a été marquée par un concert du collectif hip-hop 3%, symbole d’une nouvelle génération d’artistes mêlant cultures premières et expression urbaine. Fidèle à son nom, Tarnanthi continue de faire émerger des voix puissantes et inspirantes, rappelant que l’art autochtone, loin du folklore, demeure un espace vivant de création, de revendication et de fierté partagée.
Nadia Mével
Post-scriptum : À Paris, la Galerie Arts d’Australie – Stéphane Jacob est une référence : elle expose depuis plus de vingt ans des peintres majeurs du désert central comme Abie Loy Kemarre, Naomi Price, Ronnie Tjampitjinpa ou Evelyn Pultara, mêlant figures historiques et jeunes voix du renouveau créatif. La Galerie Aborigène et la Galerie Mingei, aussi parisiennes, présentent régulièrement des collections issues de communautés du Territoire du Nord et de la Terre d’Arnhem.
Côté institutions, le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac conserve un remarquable ensemble d’œuvres aborigènes, des peintures rituelles du désert aux installations contemporaines, tandis que le Musée des Confluences à Lyon détient l’une des plus importantes collections publiques d’art aborigène en Europe, constituée pour valoriser ces expressions culturelles dans une approche ethnographique et artistique.
Et au Musée AAA de Vich, jusqu'au 2 novembre, l'exposition « Australie, Mondes aborigènes » réunit trente artistes venus du désert central et du Kimberley (ICI).
PORTFOLIO

Kuḻaṯa Tjuṯa est une installation monumentale composée de 550 kuḻaṯa (lances) suspendues dans une formation ressemblant à une explosion nucléaire, qui plane au-dessus d'un arrangement circulaire de piti (bols en bois) sculptés à la main. Cette œuvre exceptionnelle d'art aborigène contemporain, créée par cinquante-neuf artistes des terres Aṉangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara (APY) d'Australie-Méridionale,
a été l'un des moments forts du festival Tarnanthi 2017.
Kuḻaṯa Tjuṯa exprime de manière dramatique la perte et la dépossession que ressentent encore les Aṉangu suite aux essais atomiques menés sur leur territoire dans les années 1950 et 1960. Cette œuvre, issue de la collection AGSA, est aujourd'hui la pièce maîtresse d'une exposition internationale qui documente les réactions des artistes des Premières Nations du monde entier face aux conséquences des essais nucléaires, des accidents nucléaires et de l'exploitation minière de l'uranium sur les peuples des Premières Nations et leurs terres.

Yhonnie Scarce (peuple Kokatha/Nukunu), Oppression, repression (family portrait), 2004,
verre, étain, impressions jet d'encre

Yhonnie Scarce (peuple Kokatha/Nukunu), Death Zephyr, 2016-2017,
verre soufflé à la main, nylon, armature en acier, vue de l'installation, Art Gallery of NSW, 2017

Darrell Sibosado (peuple Bard), Ngarrgidj Morr (le bon chemin à suivre), 2022, commande de la National Gallery of Australia, Kamberri/Canberra pour la 4e Triennale nationale d'art autochtone

Tony Albert (peuple Girramay/Yidinji/Kuku), We can be heroes, 2013, 20 impressions pigmentaires sur papier.
Photo : Greg Piper

Tjilpi Kunmanara Kankapankatja (peuple Pitjantjatjara/Yankunytjatjara)

Marlene Gilson (peuple Wathaurung), The long walk, 2024, peinture polymère synthétique sur toile

Angelina Karadada Boona (peuple Wunambul)

Janet Fieldhouse (peuple Kalaw Lagaw Ya/Meriam Mir), Little Sister (Charm), 2022,
argile trachyte buff raku, raphia, fil métallique

John Prince Siddon (peuple Walmajarri), Bullock skull, 2019, crâne, peinture polymère synthétique, plumes.

Lena Yarinkura (peuple Kune), Namorrorddo, 2017, bois, plumes de cacatoès à huppe jaune
(Cacatua galerita), pigments naturels, fibres, vidéo numérique avec son.

Teho Ropeyarn (peuple Angkamuthi/Yadhaykana), Ayarra (rainy season), 2021,
encre rouge et noire imprimée sur papier à partir d'une découpe vinyle.

Manini Gumana (peuple Yolŋu), Garraparra, pigment naturel à base de terre sur écorce.

Alair Pambegan (peuple Wik-Mungkan), Walkaln-aw (Lieu de l'histoire du poisson-os), 2014,
pigments naturels sur toile

John Mawurndjul, (peuple Kuninjku), Serpent arc-en-ciel (Ngalyod) avec l'esprit féminin mimi.

Betty Campbell (peuple Pitjantjatjara), Minymaku Tjukurpa (Histoire d'une femme), 2023,
peinture polymère synthétique sur lin.

Wendy Hubert (peuple Yindjibarndi), Paysage Yindjibarndi, 2024.

Reko Rennie (peuple Kamilaroi/Gamilaraay), vidéo numérique, 2016-17.

Keith Stevens (peuple Pitjantjatjara), Nyapari Tjukurpa, 2016.

Beryl Jimmy (peuple Pitjantjatjara), Nyangatja Watarru, 2016.

Kunmanara (Wawiriya) Burton (peuple Pitjantjatjara), Ngayuku ngura (Mon pays), 2012,
peinture polymère synthétique sur lin.
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