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A Belfort, une esplanade pour Odile Duboc

En hommage à Odile Duboc, avec une photographie d'Eve Zheim au festival Montpellier Danse, 1991


Pionnière des interventions dansées dans l’espace public dès la fin des années 1970, Odile Duboc n’a cessé d’agrandir l’angle du regard, de faire entrer la nature, la lumière et le vent dans la danse, et d’ouvrir la scène à la respiration du vivant. Quinze ans après sa disparition, la ville de Belfort, où elle a fondé le Centre chorégraphique national, rend hommage à cette poétesse du mouvement en donnant son nom à une esplanade.


« Le vol des oiseaux est ma nourriture permanente, dit-elle. La courbe, le parallélisme de leurs déplacements me poursuivent depuis dix ans. »

Éclatement d'un vol de pigeon sous notre nez : accélération, décélération.

« Les oiseaux en vol font preuve d'une écoute fascinante. Ma pédagogie s'en inspire. Le travail des Entr’actes m'a rendue sensible à ces développements de la perception. » (Elle appelle Entr’actes les interventions dansées dans la rue, comme celle sur la place de la Caille, à La Rochelle.)

« Le regard ouvert à 180°, il s'agit de rester soi-même sans cesser de percevoir le mouvement des autres.

Que regarder une chose ne nous empêche pas de percevoir ce qui l'environne !

Voir plus que ce que l'on regarde.

Écarter les limites de la scène du monde, éloigner le côté cour du côté jardin, agrandir l'angle dans toute la mesure du possible.

La danse qui prend pour référence le ciel et le vol des oiseaux élargit le champ de la vision spectatrice et la chorégraphie se trouve ainsi renvoyée à quelque chose de lisible et d’observable dans la nature.

Faire entrer la lumière et le vent. »

  • (Pierre Lartigue, "Odile aux oiseaux", in Odile Duboc, éditions Armand Colin, collection Arts chorégraphiques : l’auteur dans l’œuvre, 1990)


Il y a 15 ans, le 23 avril 2010, la vivante lumière d’Odile Duboc s’éteignait, laissant une œuvre ample, généreuse, respirante (à laquelle il faut associer la, et les, lumière(s) de Françoise Michel). Une œuvre ample, mais aussi, buissonnière, une pédagogie, une saveur des autres, la pétillance d’un regard. L’un des plus grands noms de la danse contemporaine en ces années 1980 et 1990.


« Pour mémoire » : un site internet vaut bibliothèque : « Pour mémoire est un espace dédié à Odile Duboc, C’est une proposition conçue comme une exposition, un trajet sensible à travers les documents et les archives d’une artiste chorégraphe. C’est un site en mouvement, libre et empirique, à la recherche d’une forme fidèle à la mémoire vivante d’Odile. » (http://odileduboc.com/)


De toutes les œuvres, Insurrection (1989) est sans doute celle qui conféra à Odile Duboc la plus grande notoriété. Un autre chef d’œuvre, des plus sensibles, aura été Projet de la matière (1993), conçu avec la plasticienne Marie-José Pillet (costumes Dominique Fabrègue, scénographie Yves Lejeune, et danseurs à la création : Brigitte Asselineau, Laure Bonicel, Boris Charmatz, Vincent Druguet, Dominique Grimonprez, Françoise Grolet , Stéphane Imbert, Anne-Karine Lescop, Pedro Pauwels).


« Le temps se distend dans la coulée pondérale des corps, dans une lente entreprise de modelage de corps par l'espace et des surfaces d’appui par l'écoute des contacts et des chutes », disait Laurence Louppe de cette pièce soyeuse : « De même que le temps se fait matière à écouter et à sentir dans l'écoulement du poids, de même, la résistance du corps enfant un espace, épais, où le corps ne cesse de lire ses propres marques, un espace réceptif dont les propriétés tactiles peuvent se diversifier : le mouvement, dans cette configuration, peuvent enfanter des espaces élastiques ou rigides floconneux ou liquides, selon les qualités à l'œuvre dans la distribution spécifique du tonus et du travail sur les résistances à quoi son intensification conduit. »


Odile Duboc le 28 octobre 1991 : elle visite le futur centre chorégraphique national à Belfort,

ancien bâtiment des subsistances en cours de transformation. Photo d'archives Xavier Gorau / L'Est républicain.


« Odile Duboc, poétesse d'un frémissement insaisissable, passagère du fugitif, est celle qui saisit l'éclat de moments corporels libérés de toute entrave », écrivait encore Laurence Louppe (in Poétique de la danse contemporaine, éditions Contredanse, 1997). Alors que le Centre chorégraphique national de Belfort-Franche Comté fête le trentième anniversaire de l'inauguration du lieu qu'avait fondé la chorégraphe (directrice du CCN de 1990 à 2008), avec notamment, ce 17 mai, le remontage de Trois boléros, par les étudiants du Conservatoire National Supérieur de Paris (voir ICI), la ville de Belfort donne à une esplanade, ce 15 mai, le nom d'Odile Duboc.


Une rue, c'eut été banal. Une esplanade, par définition, est un lieu ouvert, de passage, de rassemblement et de partage. Cela ne pouvait mieux convenir à une artiste dont les premières interventions chorégraphiques, à Aix-en-Provence à la fin des années 1970 et au début des années 1980, se déployaient dans l'espace public, et qui a toujours privilégié l’ouverture, la circulation et l’échange dans sa manière de concevoir la danse.


Jean-Marc Adolphe

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