A l’École du Théâtre du Nord, un groupe de combat
- Michel Strulovici
- il y a 1 jour
- 16 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 19 minutes

Elles et ils ont la vingtaine et ont choisi l’art comme terrain d’engagement. A Lille, les quinze élèves-comédiens de l’École du Théâtre du Nord façonnent leur avenir. Entre exigence artistique, esprit de troupe et conscience politique, ils incarnent une jeunesse déterminée à créer, transmettre et résister dans un monde où la culture est fragilisée. Immersion au cœur d’une promotion qui, sous l’œil exigeant de David Bobée et de ses pairs, apprend à faire du collectif une arme de création et de résistance.
« Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années ».
(Le Cid, Pierre Corneille)
Plongée dans un univers que les plus de vingt ans ne peuvent pas connaître. Comme une sorte de voyage ethnographique, l'exploration d'un monde dont l'essentiel m'échappe… Je suis parti à la rencontre d'une quinzaine de jeunes gens et j'assiste, sous les combles du Théâtre du Nord, à leur empoignade chaleureuse.
En répétition, ces apprentis comédiens façonnent sens du geste et intonations. J'observe ici l'apprentissage de la huitième promotion de l'école, liée au Théâtre du Nord, à Lille. Une institution réputée depuis son instauration en 2003 par Stuart Seide, alors directeur du Centre dramatique national (1). En 20 ans, 90 jeunes artistes sont déjà sortis de cette pépinière (2). En France douze établissements, dont celui-ci, peuvent délivrer le très recherché diplôme national supérieur professionnel de comédien. Parmi ces centres d'excellence, quatre d'entre eux tiennent le haut du pavé. L’école supérieure d'art dramatique du Théâtre du Nord en fait partie (3).
Le parcours de trois ans suit une démarche pédagogique progressive : « La première année, j'essaye de former des interprètes. Nous faisons appel à de grands maîtres et de grands textes pour que les élèves servent la pensée d'un artiste sur un plateau », précise David Bobée, actuel directeur du Théâtre du Nord et de l'école qui lui est liée. « La deuxième année, nous essayons de former des artistes qui désapprennent ce qu'ils ont appris en première année. Nous leur ouvrons l'horizon des possibles sur ce que peut être le théâtre et sa transdisciplinarité. La troisième année, nous essayons de faire de ces jeunes gens, formés techniquement et artistiquement, de grands professionnels. Sans oublier leur connaissance du secteur et de la politique culturelle dans lesquels ils vont s'inscrire », explique cet artiste-directeur conscient des enjeux de la transmission artistique dans un monde où montent les forces de la barbarie.
Ces élèves comédiens doivent en effet se préparer à un futur chaotique et a priori peu amène pour les aventuriers. Les pouvoirs politiques, ministre de la Culture en tête de gondole, ont choisi de mettre en danger l'ensemble des activités culturelles de ce pays, méprisant cet avertissement d'Albert Camus : « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude » (discours prononcé lors de la réception du prix Nobel de littérature à Stockholm, le 10 décembre 1957). Certains (ir)responsales français, qui rêvent de disqualifier l'art et la culture à la manière de Trump, leur cousin idéologique d'Amérique, transforment en effet cet acquis social obtenu de haute lutte en variable d'ajustement des budgets.
De tels choix ne manquent pas de surprendre quand il s'agit du président socialiste du Conseil départemental de l’Hérault, Kléber Mesquida, qui s'enorgueillissait de supprimer 100% des dépenses culturelles "non obligatoires" du département (4). Ce rabotage, tout aussi détestable, surprend moins lorsqu’il s'agit de la très droitière présidente du conseil régional des Pays de la Loire, Christelle Morançais, surnommée "la Javier Milei du Grand Ouest", qui a fait voter une réduction de 60 % du budget régional alloué à la culture pour 2025 (5). Alors que de nombreuses compagnies et ensembles indépendants perdent la totalité de leur subvention régionale, ce qui remet en cause leur existence même, des tournées régionales, des actions de sensibilisation et de médiation culturelle sont annulées, notamment dans les zones rurales ou auprès des publics jeunes.
Dans Les Inrocks du 17 avril dernier, Zacharie Grimal s'indignait : « le Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport publié mardi 14 avril, le SMA révèle que neuf régions sur treize ont revu leur budget culture à la baisse pour l’année 2025. C’est près de 66 millions d’euros de moins qu’en 2024 qui vont être consacrés à ce secteur, le tout dans un contexte plus général de coupes budgétaires au niveau national ». Il n'est donc pas surprenant que la totalité des syndicats du secteur de la culture aient décidé une mobilisation nationale du 22 au 25 mai. Ils s'insurgent notamment contre le « déni de la ministre de la Culture quant à la réalité des coupes budgétaires. (...) Les coupes existent bel et bien, elles sont documentées, massives, et concernent à la fois le budget du ministère et celui des collectivités, à toutes les échelles. Elles impactent autant le spectacle vivant que l'audiovisuel public ».
Transmission et création
Pour conjurer, autant que faire se peut, les effets de ces multiples agressions et le chômage qui atteint les professions du spectacle vivant, David Bobée tâche de « favoriser l'insertion professionnelle [des étudiants issus de l’école du Théâtre du Nord] en participant auprès des compagnies qui les emploient au versement d'une partie de leur salaire, au terme de leurs trois années de formation ». Il donne en exemple les comédiens sortis de la précédente promotion, « employés aujourd'hui à 100% et qui travaillent tous avec de grands artistes. » Une information d’autant plus précieuse que les syndicats du secteur et, notamment la CGT spectacle, estiment que le taux de chômage, parmi les acteurs et comédiens, dépasse les 80 % (6).
L'autre facteur de réussite tient à la qualité de l'enseignement des artistes associés, invités en résidence ou en tournée, qui interviennent au sein de l’école comme un prolongement normal de leur présence. « Les artistes que je sollicite pour l'école sont également ceux que je vais programmer. Ils vont donc croiser les élèves quand ils montent leur projet et cela constitue une sorte d'appel d'air », explique David Bobée. Le choix d'enseigner ici ne doit rien au hasard. Si de tels artistes acceptent d'y transmettre leur savoir, l'excellence de l’École du Nord et de ses élèves y est pour beaucoup. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que « pour cette promotion, le concours d'entrée fut des plus sélectifs : une quinzaine de reçus pour 1.500 postulants », indique David Bobée.
J'ai été témoin, à plusieurs reprises, de la qualité de la relation qui se crée ici entre les artistes et les élèves comédiens. J'ai ainsi pu suivre le travail de l'auteur et metteur en scène Pascal Rambert. En 2024, il enseigna et créa, du même mouvement, avec les élèves comédiens de la septième promotion la pièce seizeaucentre, qu’il qualifiait de « scan d'une génération ». Ce spectacle fut bâti de A à Z à l’école et créé, avant tournée, sur la scène du Théâtre du Nord. Pascal Rambert m'expliquait n'avoir, à aucun moment, coupé le fil de cette création avec les étudiants, où que soit cet arpenteur des scènes du monde entier. Il continuait l'élaboration du texte et la mise en place du travail entamé, grâce aux réseaux. Du télé-travail artistique en quelque sorte.
De la même manière, j'ai pu suivre l'enseignement, en toute complicité, de David Bobée et d’Éric Lacascade (7). Ces deux artistes, associés aux élèves-comédiens et aux élèves auteurs, ont conçu ensemble Tragédie, un spectacle sur la jeunesse d'aujourd'hui, qui connaît un grand succès en tournée (8). Cette année, les étudiants de la huitième promotion profitent du savoir de l'artiste associée, Penda Diouf, autrice et metteuse en scène franco-sénégalaise, nommée "Nouveau talent théâtre 2023" par la SACD. Recevant des postulants au concours, lors de la préparation de son spectacle Pistes, elle a convaincu l’une d’elles, Ruth Kouame, qui hésitait à se présenter au concours, à le tenter. La voici, artiste, professeur et préceptrice tout à la fois.

Les 15 étudiants-comédiens du Studio 8, l'actuelle promotion de l’École du Théâtre du Nord. Photo Michel Strulovici.
Tisser les liens qui unissent une troupe
J'aime ces moments, habituellement fermés aux regards extérieurs, où se lève le mystère de la création d'une œuvre, avec ses illuminations, ses faux pas, ses balbutiements. Invité à assister à un moment de répétition pour une création qui engage les quinze apprentis-comédiens de l’actuelle promotion de l’école du Théâtre du Nord, comment ne pas ressentir l'exaltation de ces quinze étudiant(e)s en work in progress ? Leur pétulance charge l'atmosphère.
Lors de mon entrée sur la pointe des pieds, ces élèves comédiens s'appropriaient, avec une délectation évidente, un texte célébrissime, Douze hommes en colère (9), qu’ils réinventent à la sauce d'aujourd'hui, en le transposant dans une Amérique fracassée par l'ère Trump. Cette adaptation, enrichie de faits divers et de documents tirés de l’actualité, traite du racisme « ordinaire », cette haine ambiante. L'action se développe dans un monde percuté par l'idéologie conquérante de la post-vérité. Et les enjeux de cette délibération y retrouvent de la vitalité.
Car de vitalité, à l'évidence, ces quinze jeunes gens (neuf garçons et six filles) n'en manquent pas.
Pour en savoir plus sur ce qui anime ces vainqueurs d'une course aussi sélective, j 'ai pu converser, lors d’une pause, avec quatre élèves comédiens (deux hommes, deux femmes) de cette promotion, dite « Studio 8 » (10). Marie Le Guellec souhaite ainsi que le théâtre réponde aux défis posés par la montée du fascisme. Elle annonce la couleur, en riant : « nous sommes un groupe de combat, des soldats de l'art »
Ce matin-là, je les observais travailler sous le regard empathique de la comédienne et performeuse Marlène Saldana (11). En formation depuis septembre dernier, ces étudiants ont déjà su tisser, en quelques mois, les liens qui unissent une troupe. Une équipe animée par un projet et rythmée par une fougue collective. Un groupe en train de se fondre en un « nous » comme aurait pu le dire Georges Gurvitch, l'un des pères fondateurs de la sociologie moderne. Ce « nous »-là, dont j'admirais l'activité, est bien, comme l'expliquait le savant, cette sociabilité collective, immanente à chacun de ses membres et imposant des normes, règles, signaux, symboles, imaginaire et, j'ajouterai, blagues communes. De ce groupe émerge une identité, des comportements collectifs, dépassant la somme des qualités des individus qui le composent (12).
La nécessité du collectif
S'il est un terme qu'ils revendiquent tous, d'une manière ou d'une autre comme un impératif catégorique, pour aujourd'hui comme pour demain dans leur vie professionnelle, c'est celui de « collectif ». Une mise en commun qui, par l'échange, permet de progresser, un "nous" qui rassure face au grand défi qui les attend, disent-ils. « Ce qui me séduit dans cette formation, c'est notre travail en commun avec quatre élèves metteurs en scène qui seront les créateurs de demain et qui continueront avec nous, après l'école », assure Mael Leurele.
« L'École, c'est un tremplin pour se lancer dans le métier », ajoute Soren Hazaoui Lapeyre qui, comme tous les autres élèves, se souvient des succès professionnels rencontrés par nombre de ses prédécesseurs. Et cet appel au collectif, au commun, est largement partagé par l'ensemble des "vingtenaires" français. Une enquête menée par l'institut IPSOS le confirme et bouscule nombre de "certitudes", diffusées en boucle par les médias Bolloré, Bouygues et consorts. Commandée par l'Association Article 1 (13) et intitulée "Avoir 20 ans en France en 2025", cette étude indique notamment que « la tendance dominante n’est pas à l’individualisme radical ou au rejet du collectif. Les jeunes Français sont très préoccupés par les questions de solidarité, d’égalité et d’inégalités sociales : 82 % considèrent ces dernières comme importantes, et cette préoccupation est plus forte que chez les autres générations » (14).
Mais tout n'est pas rose au pays des vingtenaires et notamment ce problème récurrent de l'inégalité homme-femme qui sévit sur le plateau, dans la vie professionnelle comme dans la vie sociale. Marie Le Guellec, la combattante, s'en empare : « Il n'y a que très peu de rôles féminins dans le théâtre classique. Nous sommes habituellement réduites à de petites choses qui se font manipuler par les hommes. Nous revendiquons plus de rôles féminins ».
Ruth Kouame enfonce, elle aussi, le clou. « Nous avons eu un débat sur ce fait : les hommes de la classe sont capables de laisser leur place sur le plateau à d'autres hommes. Mais en sont-ils capables pour les femmes ? Sont-ils capables de rompre avec cette habitude sociale, celle de garder le pouvoir ? » Cette question qui empoisonne nos sociétés, l'étude IPSOS citée, en avait bien cerné la pertinence. L'enquête montre la persistance de ce problème. Si l'inégalité fait souci à 20% de cette génération, ils ne sont que 9% à le ressentir comme problème chez les hommes contre 31% chez les femmes ! Marie et Ruth ont quelque raison de s'en inquiéter. Même si elles comptent sur la « mini-société » qu'ils et elles forment à l’École pour faire évoluer les mentalités.

De gauche à droite : Mael Leurele, Ruth Kouame, Marie Le Guellec, Soren Hamzaoui Lapeyre. Photo Michel Strulovici.
Le poids des inégalités
La question des inégalités s'est imposée de deux manières dans l’entretien que je menais avec ces quatre élèves comédiens. Et ce n'est pas, là non plus, un hasard. L'enquête IPSOS, déjà citée, révèle que les inégalités sociales et celles liées à l’origine sont perçues comme omniprésentes par 82 % des jeunes interrogés ! Une autre enquête, menée par l'Observatoire de la jeunesse, du sport , de la vie associative et de l'éducation populaire (INJEP), publiée le 8 février 2024 sous la plume de son directeur Augustin Vicard, établissait un terrible constat : « Les jeunes se déclarent plus souvent victimes de discriminations ou de traitements inégalitaires que les plus âgés, avec toutefois une forte hétérogénéité au sein de la jeunesse : les jeunes femmes le déclarent 1,3 fois plus souvent que les jeunes hommes ; les jeunes descendants d’immigrés, 2 fois plus que les autres jeunes. Ainsi, la jeunesse, au-delà de constituer un critère potentiel de discrimination en tant que tel, joue un rôle d’amplificateur des autres phénomènes discriminatoires, notamment ceux liés à l’origine ethnique supposée ou au sexe. »
Depuis longtemps David Bobée a fait de cette "ouverture" à la diversité, une nécessité artistique, sociale et sociétale. « La diversité pour lutter contre les inégalités, je suis l'un des premiers à l'avoir pratiquée. Aujourd'hui je crois que nous avons suffisamment avancé pour ne pas faire de la diversité une étiquette que l'on accroche au dos de ces jeunes gens », explique-t-il. Ne retenir que les meilleurs, lors du concours d'entrée, fut la règle, sans aucune prime à la diversité : « Si ces jeunes gens arrivent à candidater aux portes d'une école nationale, c'est que sans aucun doute, ils ont déjà brisé bien des plafonds de verre. Ils ont eu des vies un peu plus cabossées quand ils arrivent sur le plateau, ils sont un peu plus profonds. Ils ont réussi car ce sont les meilleurs, les personnalités les plus passionnantes ».
Ruth, cette jeune femme noire, se réjouit de cette situation prometteuse et en fait une arme : « Nous sommes un microcosme de la société. Dans cette promotion, nous apprécions le bel échantillon social que nous constituons. (..) Ce choix multiculturel permet d’intégrer des élèves à l'imaginaire différent. » Elle explique les raisons de sa joie d'avoir réussi : « J'ai envie que l'on me voie sur scène. Car en tant que personne noire, le message de ma présence sur scène est forcément politique. Ça peut changer le regard. Les gens s'identifient et peuvent se voir à travers nous ».
Son ami Soren partage cet avis : « Habituellement, en France, on voit essentiellement des Blancs et, de plus, les rôles sont majoritairement tenus par des hommes. Le fait que notre promo soit le reflet de notre société, avec des personnes blanches et « racisées », de toutes les religions, de toute origine, de toutes les sexualités, fait sens. »
Marie, elle, reste prudente... et optimiste. « Le discours de la diversité, le théâtre pour tous, nous l'entendons depuis longtemps. Mais ces promesses n'ont pas été tenues. Ici, je m'aperçois que ça peut marcher. Nous venons de tous les horizons. Nous formons-une mini-société pendant trois ans et nous allons évoluer du même pas. Les collectifs qui fonctionnent ce sont ceux qui abordent les problèmes et les résolvent ensemble. »
Ces aventuriers d'aujourd'hui affrontent, au mieux, un monde qui dresse des barrières à la création et à l'expression artistique. Au pire, un monde qui décide d'en faire ses ennemis prioritaires, comme on le voit aux Etats-Unis trumpistes, en Russie poutinienne, en Chine post maoiste et en France qui se bollorise.
David Bobée admire le pari de ses étudiants et ne tarit pas d'éloges sur leur choix hors norme : « Plus il y a de violence à l’intérieur de la société, plus nous avons le besoin de ces carrières-là, de gens qui s'emparent de cette mission qui consiste à refléter ce monde terrible. Au 21e siècle, quand tout te pousse à devenir un « produit » individuel, il est sublime, délirant et logique de décider de faire un métier qui soit collectif, artisanal, contre-productif, qui soit un chemin vers la pensée critique ».
L'enjeu, il est vrai, est de taille tant cet art, et plus largement le spectacle vivant, joue un rôle majeur dans la force de la Démocratie, depuis son invention au cœur de la cité athénienne. Comme le résumait Shakespeare : « Le théâtre a pour objet d’être le miroir de la nature, de montrer à la vertu ses propres traits, à l’infamie sa propre image, et au temps même sa forme et ses traits dans la personnification du passé » (Hamlet, acte 3, scène 2).
Michel Strulovici
15 Trump en colère se noyant dans leur propre merde, avec les élèves comédien-ns du Studio 8 de l’Ecole du Nord, sera créé au Théâtre du Nord en novembre 2025.
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NOTES
(1). Le Théâtre du Nord, situé sur la Grand’Place de Lille, occupe un bâtiment emblématique dont l’histoire remonte à 1550. À l’origine, l’édifice abritait les « Nouvelles Boucheries », accueillant bouchers et tripiers de la ville. En 1717, après la conquête de Lille par Louis XIV, il est transformé en corps de garde royal, la « Grand’Garde », destiné à prévenir d’éventuelles révoltes contre le pouvoir royal. À partir de 1826, le bâtiment change de fonction et devient le marché couvert Saint-Nicolas, qui subsistera jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Après cette période, il est transformé en salle Roger-Salengro, du nom d’un maire de Lille, accueillant divers événements sportifs, politiques et culturels. Ce lieu devient un haut-lieu de contestation lors de Mai 68. C’est en 1986, sous l’impulsion du maire Pierre Mauroy, qu’un important chantier est lancé pour transformer le bâtiment en théâtre. Les travaux, qui dureront trois ans, relient la salle Roger-Salengro aux étages supérieurs de la Grande Garde. Le théâtre ouvre ses portes en 1989, d’abord sous le nom de Théâtre de la Salamandre (Gildas Bourdet), puis La Métaphore (Daniel Mesguish), avant de devenir officiellement le Théâtre du Nord en 1998. Le Théâtre du Nord est l’héritier d’un centre dramatique national fondé en 1960 à Tourcoing, sous la direction d’André Reybaz. Le Théâtre de l’Idéal, à Tourcoing, fait toujours partie du Théâtre du Nord, officiellement nommé Centre dramatique national – Lille – Tourcoing – Hauts-de-France.
(2). L'actuel directeur, David Bobée, en charge depuis septembre 2021, a complété la formation de comédien et d'écriture théâtrale, dispensée ici, par celles de dramaturgie et de mise en scène. C'est donc un parcours, dans toutes ses dimensions professionnelles, qui est proposé aujourd'hui aux étudiants.
(3). Il s'agit du CNSAD, Conservatoire national supérieur d’art dramatique, à Paris ; de l'ENSATT, École nationale des arts et techniques du théâtre, à Lyon ; de l’École du Théâtre national de Strasbourg, le TNS et de l’École du Nord, à Lille.
(4). En janvier dernier, Kléber Mesquida, président du conseil départemental de l’Hérault, a annoncé une coupe massive dans le budget alloué à la culture, provoquant une vive réaction du secteur culturel. Plusieurs sources, dont des articles de presse et des prises de position syndicales, ont d’abord évoqué la suppression totale (100 %) des subventions à la culture pour l’année 2025, soit environ 5 à 6 millions d’euros sur un budget départemental de près de 2 milliards. Face à la polémique, Kléber Mesquida a affirmé qu’il s’agit en réalité d’une baisse de 48 % du budget culturel. Selon ses précisions, le département maintiendrait les financements liés à ses compétences obligatoires : lecture publique, médiathèques, écoles de musique, actions dans les maisons d’enfants à caractère social, dans les Ehpad, ainsi que les financements à l’Epic du Domaine d’O et à l’EPA Hérault Culture. Lors du vote définitif du budget départemental, fin mars, le nouveau budget alloué à la culture est passé de 12,4 millions d'euros à 9,1 millions d'euros, soit une baisse de 16% par rapport au budget 2024.
(5). Elle a justifié cette décision par la nécessité de repenser un modèle culturel jugé trop dépendant de l’argent public, vouloir remettre en cause ce qu’elle considère comme un « monopole » d’associations « très politisées » vivant de subventions publiques.
(6). Les règles de l'UNEDIC exigent 507 heures de travail par an. En pratique, seuls 35% des intermittents parviennent à renouveler leurs droits chaque année, selon les données 2023 de l'UNEDIC.
(7). Éric Lacascade, un des plus importants metteurs en scène de notre époque, a bouleversé le Festival d'Avignon avec les Tchekhov qu'il mit en scène, notamment dans la Cour d'honneur. Il est sollicité de par le monde, de Vilnius à Pékin en passant par Moscou pour y présenter ses spectacles et y donner des masters class.
(8). Voir ma critique publiée sur le site Webtheatre, le 16 juin 2024 (ICI).
(9) Douze Hommes en colère (12 Angry Men) est une pièce de théâtre écrite par l'auteure américaine Réginald Rose, en 1954. La pièce respecte la règle des trois unités (de temps, de lieu et d'action) chère au théâtre classique. Nous sommes en présence d'un jury de douze hommes qui délibèrent sur la culpabilité ou non d'un jeune homme de 18 ans accusé de parricide. Cette pièce, humaniste, est un camouflet à l'esprit du Maccarthysme qui sévit alors aux États-Unis. Le réalisateur Sidney Lumet en a fait un film culte, en 1957. La pièce est jouée actuellement avec un grand succès au Théâtre Hébertot, mise en scène par Charles Tordjman.
(10) Les quatre étudiants avec qui j’ai pu conserver, parmi les quinze de la promotion, sont : Marie Le Guellec, 20 ans, originaire de Lorient, qui a étudié à l’école départementale d’Évry-Couronnes ; Mael Leurele, 22 ans, qui vient de l'Ile de France ; Soren Hamzaoui Lapeyre, 25 ans, qui vient de Bordeaux et qui a étudié dans cette ville au Cours Florent ; Ruth Kouame, 26 ans, qui vient d’île de France et qui a étudié au Conservatoire Berlioz de Paris 10e.
(11). Marlène Saldana est reconnue pour son travail singulier au croisement du théâtre, de la danse et de la performance. Elle s’est imposée sur la scène contemporaine par son style audacieux, exubérant et souvent subversif. Le metteur en scène et dramaturge Jonathan Drillet l'accompagne dans cet enseignement. Ensemble, notamment dans le spectacle SHOWGIRL, présenté au Théâtre du Nord, ils questionnent les codes du genre, de la féminité et de la représentation, en mêlant humour, kitsch, provocation et réflexion sur l’industrie du spectacle.
(12). Georges Gurvitch a joué un rôle central dans le développement de la sociologie en France. Professeur à la Sorbonne, ce fondateur de la sociologie de la connaissance avait participé à la révolution bolchevique à Saint Saint-Pétersbourg. Il nous raconta lors d'un de ses cours, au début des années 1960, avoir été, au Soviet, le commissaire responsable de l'alimentation des chevaux. Comprenant que la prise de contrôle des Soviets par les Bolcheviks allait lui créer des ennuis, il fuit la Russie, enseigna à Heidelberg, puis à Paris. On lui doit une œuvre importante, notamment le Traité de sociologie générale, publié en 1957 et Dialectique et sociologie en 1962.
(13). Cette association, qui fête cette année ses 20 ans, est née de la fusion de deux associations majeures de lutte contre l’inégalité des chances : Frateli et Passeport Avenir. Article 1 veut œuvrer pour une société où l’orientation, la réussite dans les études et l’insertion professionnelle ne dépendent pas des origines sociales, économiques et culturelles ; pour une société où la réussite passe par le lien social et l’engagement citoyen.
(14). Cette étude IPSOS a été publiée en janvier 2025. Elle remarque notamment : « A titre personnel, 27% affirment que leurs origines (sociales, géographiques, culturelles) ont ou ont eu un impact négatif sur leur insertion professionnelle. Les origines sociales sont déterminantes : 87% des jeunes dont les deux parents sont diplômés du supérieur s’estiment favorisés… contre seulement 66% de ceux dont l’un des parents au moins a un niveau de diplôme inférieur au Bac. D’une manière générale, le niveau de diplôme des parents est la variable ayant l’impact le plus fort sur l’optimisme et la vision du monde qu’ont les jeunes.D’une manière générale, seuls 28% des jeunes estiment que la parole des jeunes est écoutée en France ». La réalité de ces inégalités transmises, étudiée en 1964 par Pierre Bourdieu et Jean Pierre Passeron, reste donc d'actualité, soixante ans après !