Cinéaste femme, noire, anticolonialiste, Sarah Maldoror, décédée en 2020, laisse derrière elle une œuvre immense. Du 26 septembre au 1er octobre, le Festival International du Film de Salé, au Maroc, lui rend un hommage mérité.
Sa disparition, en avril 2020, à 91 ans, est passée grandement inaperçue. Certes, l’époque était alors sous la stupeur du Covid et du premier confinement. Mais son profil de cinéaste et poète femme, noire, anticolonialiste, n’est sans doute pas étranger au peu de cas que lui ont réservé les médias. Il a fallu attendre deux ans plus tard, en février 2022, pour que le Palais de Tokyo, à Paris, lui rende hommage avec l'exposition Sarah Maldoror : Cinéma Tricontinental, une juste célébration alors prolongée dans trois autres institutions parisiennes (Musée de l’Homme, Musée de l’Histoire de l’Immigration, Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard de Saint-Denis), où ses films sont diffusés en continu, ainsi que dans le cadre des Journées cinématographique de la Seine-Saint-Denis qui avait projeté trois films de Sarah Maldoror, dont son documentaire sur Aimé Césaire, Eia pour Césaire (2009).
Aujourd’hui, c’est le Festival International du Film de Salé, au Maroc (26 septembre au 1er octobre), qui réserve un juste hommage à cette immense cinéaste, autrice d’une œuvre provocatrice et engagée. Née Marguerite Sarah Ducados en 1929 d’un père guadeloupéen et d’une mère gersoise, elle avait choisi le nom d’artiste « Maldoror » en hommage à Lautréamont.
En 1958, aux côtés de Toto Bissainthe, Timoti Bassori et Samb Abambacar, elle avait créé la première troupe de théâtre noire à Paris, « Les Griots », avec l’objectif de partager et faire connaître les textes des auteurs noirs, et d'offrir de grands rôles aux comédiens d'origine africaine. Partie ensuite à Moscou y étudier le cinéma sous la houlette de Mark Donskoï, elle y rencontre le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène. Compagne de Mário Pinto de Andrade, poète et homme politique angolais, fondateur et premier président du Mouvement pour la libération de l'Angola, elle participe avec lui aux luttes de libération africaine.
Ses premières réalisations l’emmènent vers l’Afrique, où elle tourne des films anti-colonialistes, très représentatifs du cinéma engagé des années 1970. Elle obtient dès 1969, avec Monagambée, tourné en Algérie, le prix de la meilleure réalisatrice aux Journées Cinématographiques de Carthage. Avec son premier long métrage, Des fusils pour Banta (1970), tourné en Guinée-Bissau, Sarah Maldoror prend le chemin du maquis et s’engage dans des productions difficiles, en marge des circuits officiels. Sambizanga (1972), tourné au Congo, lui vaut le Tanit d’or à Carthage. Elle a réalisé en tout plus de quarante films courts ou longs-métrages, films de fiction ou documentaires. Son regard s'est notamment porté sur les poètes Aimé Césaire (cinq films), René Depestre ou Louis Aragon, ainsi que les artistes peintres Ana Mercedes Hoyos, Joan Miró ou Vlady.
A lire, sur le site de la revue Ballast :
« Rencontre avec la fille de Sarah Maldoror », par François Piron.
Sarah Maldoror aux Écrans du Tout-Monde (2012)
In Memoriam | Sarah Maldoror (1929-2020)
Le Sénégal à l’honneur
Le Festival International du Film de Femmes de Salé, dont c’est la 15ème édition, après une interruption due là aussi au Covid. Le cinéma subsaharien y est mis à l’honneur avec 8 films de femmes : Annatto de Fatima Ali Boubakdy (Maroc, 2021), Sur les traces d’un migrant de Delphine Yerbanga (Burkina Faso, 2021), Zinder de Aicha Macky (Niger, France, Allemagne, 2021), L'africain qui voulait voler de Samantha Biffot, (Gabon, 2015), Chambre N° 1 de Leila Thiam (République centrafricaine, 2017), Chez jolie coiffure de Rosine Mbakam (Cameroun, 2018), Sema de Machérie Ekwa (République démocratique du Congo, 2019), et Une femme, un destin de Hanifa Ali Oumar (Tchad, 2020).
Sous le sceau de l’événement « Rabat Capitale de la culture africaine », le Sénégal, considéré comme l’un des précurseurs du cinéma à l’échelle du continent africain, est en outre pays invité du festival de Salé. Le film Atlantique du réalisateur sénégalais Mati Diop, sorti en 2019, est projeté ce lundi 26 septembre en ouverture du festival. Sont projetés trois autres longs métrages seront projetés, entre fiction et documentaire, de réalisatrices et de réalisateurs ayant abordé, à travers leurs œuvres, la question féminine et son impact sur la société sénégalaise : Congo, un médecin pour sauver les femmes de Angèle Diabang (2014), de On a le temps pour nous de Katy Léna Ndiaye (2019), ainsi que Des étoiles de Dyana Gaye (2013).
Nadia Mevel
Festival International du Film de Femmes de Salé, du 26 septembre au 01 octobre 2022
Hommage à Sarah Maldoror : ICI
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