Aux origines de la capoeira
- Caterina Zomer
- il y a 9 minutes
- 15 min de lecture

Manoel dos Reis Machado, ou Mestre Bimba. Illustration : Carlos Alberto Benigno pour MultiRio,
site brésilien spécialisé dans l'innovation en éducation. MultiRio développe des initiatives et des stratégies
visant à rendre l'apprentissage plus dynamique, en renforçant le lien entre éducation et société
pour former des citoyens critiques et engagés. MultiRio met aussi à disposition des ressources pédagogiques
destinées aux enseignants, étudiants et familles, favorisant la réflexion sur des enjeux sociaux
comme la lutte antiraciste et la citoyenneté numérique (ICI).
Faut-il danser, ou plutôt se battre pour la liberté ? Ou alors, les deux ensemble, comme dans la capoeira. En ce 23 novembre, l’histoire résonne de secousses — géologiques, politiques, spirituelles et humaines. De l’Irpinia meurtrie où, en 1980, un séisme dévora des villages avant d’être englouti par la corruption, au Japon où l’on remercie aujourd’hui le travail comme on remerciait jadis les dieux ; des rues de Salvador de Bahia où Mestre Bimba transforma la danse des esclaves en art de liberté, jusqu’à l’espace soviétique où les cosmonautes de Soyouz-11 payèrent de leur vie la conquête du ciel, et à Cuba où Raúl Rivero refusa de se taire : le 23 novembre rappelle que la dignité humaine ne plie jamais — même quand tout tremble.
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L'IMAGE DU JOUR
En tête de publication : Manoel dos Reis Machado, ou Mestre Bimba (1900-1974), est une figure emblématique de la capoeira, art martial brésilien mêlant danse, musique et combat. Originaire de Bahia, il a révolutionné la capoeira en créant la "Capoeira Regional" dans les années 1930, un style structuré et modernisé, conciliant tradition et efficacité martiale. Mestre Bimba a contribué à faire reconnaître la capoeira comme un patrimoine culturel national, en développant un enseignement codifié et des démonstrations publiques. Son héritage perdure, la Capoeira Regional influençant encore largement la pratique à travers le monde et perpétuant l’histoire et la résistance afro-brésilienne. A lire dans l'éphéméride à suivre...
LES DEUX CITATIONS DU JOUR
« Ce n’est pas parce que les hommes sont mauvais, ce n’est pas moins pour cela que la liberté doit être entravée. Plutôt, c’est dans le libre échange des discours que la vérité et le savoir doivent éclore, car comme le feu ou le soleil, ils ne peuvent se révéler qu’à travers la lumière et l’épreuve, non dans l’ombre et le silence. La véritable lumière lentement perce la nuit, par la discussion et la contradiction, et la connaissance croît dans la libre controverse. » (John Miton, "L'Areopagitica")

Publié il y a 381 ans, le 23 novembre 1644, L'Areopagitica est un discours en prose écrit par John Milton, poète, érudit et pamphlétaire anglais, auteur du Paradis perdu (1667), qui relate la chute de Satan et la chute de l'humanité. L'Areopagitica manifeste une forte défense de la liberté de la presse et une opposition à la censure sous forme de licences préalables à la publication. Milton y critique la loi anglaise qui instaure la censure, arguant que cette dernière détruit la liberté intellectuelle et empêche l'expression de la vérité. Le titre fait référence à l'Aréopage grec, un lieu où siégeaient des tribunaux, et à un discours homonyme d'Isocrate, l'orateur athénien. Milton, proche du régime parlementaire et d'Oliver Cromwell à cette époque de révolutions anglaises, plaide pour l'abolition de la censure afin de promouvoir la liberté d'opinion et le pluralisme des idées. Il considère que censurer est un "homicide" qui détruit ce que l'homme fait de meilleur. Milton valorise un débat d'idées dynamique, où la pluralité religieuse et intellectuelle est vue comme une émulation vers une vérité toujours à réformer et jamais définitive.
« Le poème peut être une bouteille jetée à la mer, abandonnée à l'espoir — certes souvent fragile — qu'elle pourra un jour, quelque part, être recueillie sur un rivage. » (Paul Celan)

Né il y a tout juste 105 ans, le 23 novembre 1920, à Czernowitz, ville alors située en Roumanie (aujourd’hui en Ukraine), Paul Celan (1920-1970), poète franco-roumain de langue allemande, est l’une des voix majeures de la poésie de l’après-guerre. Issu d’une famille juive bilingue, il survit à la Shoah, où ses parents sont assassinés. Cette expérience tragique imprègne son œuvre, marquée par le deuil, la mémoire et l’horreur indicible. Son célèbre poème Todesfuge ("Fugue de mort") est une dénonciation puissante de l’Holocauste, mêlant musique et effroi. Installé en France à partir des années 50, il écrit une poésie dense, cryptique, où le langage cherche à dire l’indicible. Sa littérature explore la perte, le silence et la quête d’une parole réparatrice.
ÉPHÉMÉRIDES
Ça s’est passé un 23 novembre. Advienne que pourra !

Réfugiés du tremblement de terre de l'Irpinia, Naples, place du Plébiscite, 1980. Photo FOTOSUD
Tremblement de terre meurtrier en Italie, et les vautours qui s'ensuivirent
Il y a tout juste 45 ans, le 23 novembre 1980 à 19h34, la terre méchamment trembla sous les pieds des habitants de l’Irpinia, la région montagneuse du sud de l’Italie qui s’étend entre la Basilicate et la Campanie autour de la ville d’Avellino, et qui prend son nom de l’ancienne tribu samnite qui l’habita autour du IIIe siècle avant notre ère. Hirpini était le nom de ce peuple; il paraît qu’ils s’installèrent là, parmi ces collines suite à un ver sacrum (printemps sacré), une pratique rituelle chez les peuplades italiques de l’Antiquité : à l’occasion d’une calamité, les nouveaux-nés du printemps suivant étaient consacrés à un dieu, Mars la plupart du temps, pour être élevés et grandir aux marges de la communauté ; une fois adultes, ces jeunes boucs émissaires, par lesquels la collectivité expiait la faute ayant appelé sur elle la colère divine, étaient expulsés vers d’autres territoires pour fonder une nouvelle tribu. Et c’est ainsi qu’un certain nombre d’entre eux arrivèrent depuis Bénévent (dans l’actuelle province d’Avellino).
Fonder une nouvelle tribu suite à une calamité inscrit-elle à jamais celle-ci dans l’ADN de ses descendants ? En quatre-vingt dix secondes, dans la soirée du 23 novembre 1980, deux secousses majeures, respectivement de 6,9 et 5 degrés sur l’échelle Richter, dévastèrent 678 communes entre les provinces d’Avellino, Naples, Salerno et Potenza. Bilan : 3.000 morts, 9.000 blessés, 300.000 réfugiés, 150.000 édifices détruits. L’une des pires catastrophes que le pays ait jamais connues. Mais comme nous sommes dans le Bel Paese (expression popularisée depuis le Moyen Âge par des écrivains comme Dante Alighieri et Pétrarque), la mort et la destruction amenèrent avec elles leur lot de vautours. Au lendemain de la tragédie, la presse et l’opinion publique dénonçaient déjà les retards et la désorganisation des secours, en mettant le doigt sur la plaie béante des défaillances dont faisaient preuve l’administration et la politique italiennes. « Il faut agir vite, très vite », s’écria le 26 novembre Sandro Pertini, alors président de la République, en revenant de sa visite sur les lieux : « Il ne suffit pas de pleurer les morts, il faut s’occuper des vivants ». Dans une adresse à la nation, gravée à jamais dans la mémoire de ses concitoyens, trois jours seulement après les événements, il dénonçait le chaos dans lequel les populations avaient été plongées, en égale mesure par la terre rebelle et par l’incapacité criante de leurs administrateurs : « J’ai vu tant de souffrances et de désespoir, c’est une honte pour nous tous que les moyens manquent encore dans ces heures tragiques (...) Je n’accepte pas que dans un pays civilisé comme le nôtre, les secours puissent arriver avec autant de retard. Les responsabilités seront déterminées, et les responsables devront rendre des comptes. »

A la Une du quotidien Il Mattino, au lendemain de l'adresse à la nation du président Sandro Pertini
Des comptes, en effet, il en fut rendu. Les aides envoyées en Irpinia à partir du lendemain de la catastrophe s’élevèrent à plus de 91.938 milliards de lires, soit 47,5 millions d’euros. Pour rien. Vingt-cinq ans après, un nombre impressionnant de personnes vivaient encore dans des préfabriqués, et la plupart des logements détruits n’avaient toujours pas été reconstruits. En revanche, des villas somptueuses avaient surgi ici et là dans des villages et des villes peu ou pas touchés par le séisme, des complexes industriels campaient dans les plaines, vides de tout ouvrier, et de nouvelles routes serpentaient parmi les collines pour s’estomper de façon abrupte au beau milieu de nulle part. En 1989, le parlement italien nomma une commission d’enquête, chargée de faire la lumière sur ce trou noir où tout l’argent s’était égaré. Ce furent 826 pages accablantes : corruption, détournement de fonds, opacité des procédures, multiplication de postes de commissaires et sous-commissaires à la reconstruction sans aucun contrôle et aucun compte à rendre, et surtout beaucoup, beaucoup de Camorra (organisation mafieuse italienne, originaire de Naples et de la région de Campanie, apparue au début du XIXe siècle. C'est la plus ancienne organisation criminelle d'Italie). Au milieu des cadavres et décombres, l’organisation criminelle que Roberto Saviano allait faire connaître des années plus tard avait trouvé la poule d’or parmi . Et grâce aux marchés publics organisés pour la reconstruction de l’Irpinia, elle put jeter les bases de son emprise sur le secteur du bâtiment en Campanie, tremplin pour plonger dans l’économie légale du pays : il suffit d’avoir deux ou trois amis bien placés, et il s’avère qu’ils furent bien plus nombreux. Un avant-goût des fameuses enquêtes de "Mani Pulite" qui, au début des années 1990, allaient dévoiler le système clientéliste qui a gouverné l’Italie d’après-guerre : un autre tremblement de terre, cette fois-ci pour la classe politique au pouvoir, qui finira par être rayée de la carte, mais qui mena tout droit à l'actuel gouvernement néo-fasciste, en passant par le Bunga Bunga berlusconien. Povera Italia.

Danse traditionnelle à l'occasion de la fête du travail, le 23 novembre au Japon
Gratitude envers le travail
Lors d’un autre ver, cette fois pas sacrum cette fois, un moine jésuite italien du nom d’Alessandro Valignano embarqua avec 40 missionnaires du port de Lisbonne vers le Japon, en l'annus domini 1574. Valignano, venu en ce bas monde environ 200 kilomètres au nord de l’Irpinia, plus précisément à Chieti, dans les Abruzzes, le 7 février 1539, avait fait des études de droit à Padoue, en s’engageant dans la Compagnie de Jésus, à Rome, en 1566. L’évangélisation de l’Extrême-Orient battait alors son plein. Les premiers missionnaires jésuites européens étaient en terre nippone depuis déjà trente ans, et au bout de dix ans ils entreraient en Chine. Via Goa puis Macao, Valignano atteint l'archipel nippon en 1579. « Le Japon est une terre magnifiquement ordonnée, où les mœurs des habitants sont attachées à la discipline, à la politesse et à la sincérité, et où les maîtres gouvernent avec une autorité grande mais juste. Leur société est réglée, les temples sont nombreux et les coutumes ancestrales profondes », écrivait-il dans une lettre missionnaire écrite autour de 1580. Ce moine cultivé et à l’esprit ouvert ne voyait pas d’un mauvais œil les pratiques de la religion traditionnelle locale, et déconseillait vivement de les brusquer : cela n’allait point aider la cause chrétienne, et ne pouvait qu’instiguer l’hostilité des populations. « Les missionnaires doivent s’adapter aux usages japonais car ces derniers sont d’une grande finesse culturelle », recommandait-il, y compris pour le shinto, religion autochtone ayant en commun avec le taoïsme chinois son esprit animiste et ses racines chamaniques.
On serait curieux de savoir ce qu'il penserait aujourd'hui du Kinrō Kansha no Hi, 勤労感謝の日, littéralement "jour de gratitude envers le travail", qu’on célèbre chaque 23 novembre au Japon, pour rendre hommage au dur labeur des travailleurs pendant l’année écoulée. Kinrō Kansha no Hi vient d’anciennes célébrations des récoltes, que l’empereur fêtait en faisant des offrandes aux dieux. Niiname-sai, ainsi on l’appelait, était une fête du calendrier shinto censée remercier les dieux à l’occasion de la première récolte du riz. Elle scellait la fin des travaux d’automne, et marquait le passage à la saison d’hiver. En 1873 - sous l’Empire, à une époque où le shintoïsme était religion d’État - on lui attribua la date fixe du 23 novembre...
Alessandro Valignano et son esprit d’ouverture étaient morts et enterrés depuis belle lurette lorsque, en 1948, les forces d’occupation américaines qui voulaient donner au Japon une allure de démocratie laïque (et surtout, ne pas céder le pays à l'appétit de l'ogre soviétique), interdirent de célébrer les festivités shinto. Mais l’animisme est comme les esprits, ça prend la forme de ce qui le contient. Niiname-sai devint ainsi Kinrō Kansha no Hi, fête du labeur des citoyens pour la nation.

Représentation d'une capoeira naissante, de Johann Moritz Rugendas, 1835
Johann Moritz Rugendas (1802-1858) était un peintre, dessinateur et lithographe allemand renommé,
célèbre pour ses paysages et ses représentations ethnographiques de l’Amérique latine au XIXe siècle.
Né à Augsburg dans une lignée d’artistes, il étudia l’art à Munich avant de voyager en Amérique du Sud
où il documenta la vie quotidienne, la nature et les populations locales, notamment au Brésil.
Influencé par Alexandre de Humboldt, Rugendas chercha à être un véritable illustrateur de la vie dans le « Nouveau Monde ».
Il réalisa notamment des aquarelles et lithographies qui sont aujourd’hui des documents précieux sur le Brésil et l’Amérique latine
de son époque. Après des voyages en Haïti, au Mexique, au Chili, en Argentine et ailleurs,
il retourna en Europe où il fit publier son œuvre majeure, le Voyage pittoresque dans le Brésil.
Danser, et/ou se battre pour la liberté
En 1899 - ou 1900, selon les sources, ce qui ne dérange point ces éphémérides car c’est dans les deux cas un 23 novembre - naissait dans le quartier de Engenho Velho à Salvador de Bahia, au Brésil, Manoel dos Reis Machado, fondateur de la capoeira régionale, cet art martial brésilien venant directement des esclaves, maquillé en danse pour échapper au regard - et au fouet - des maîtres. Pas de fouet pour Mestre Bimba, comme il fut appelé, mais un berimbau (*) et une personnalité débordante de gentillesse et d'humanisme. Son père, Luis Cândido Machado, était un ancien esclave et lui aussi savait lutter, le batuque notamment, une autre forme de « lutte dansante » aujourd’hui disparue, mais très populaire à l’époque dans le Nordeste brésilien. Mestre Bimba rencontre la capoeira à 12 ans, alors qu’il intègre l’école de l’Africain Bentinho, maître reconnu de Salvador de Bahia. À ce moment-là, on pratique au Brésil la capoeira Angola, encore très proche des luttes que dansaient les anciens esclaves, sur une musique au rythme lent qui laisse au capoeirista toute l’aise pour assener des coups de tête, en alternant les esquives aux mouvements au sol, en jouant de stratégie et de ruse. Et de ruse, il en faut, car la capoeira est un art interdit, qu’on pratique en cachette. Mais le jeune Manoel se pose des questions : on danse, ou on se bat pour la liberté ? C’est ainsi que, vers les années 1920, il décide d’y mettre du sien et il ajoute à la capoeira Angola des éléments d’autres arts martiaux, notamment du batuque qu’il tient de son père. Il invente un style plus acrobatique, plus rapide, plus orienté vers le combat et l’autodéfense. Il lui donne un code, une éthique, et en 1932 l’enseigne dans l’académie qu’il a fondée à ces fins. En 1937, il obtient l’abrogation de l’interdit ridicule qui coupe injustement les gens de ce souvenir de la liberté que les esclaves ont payée de leur vie. La capoeira s’ouvre à la société civile, et devient celle qu’on connaît aujourd’hui. « Il vaut mieux prendre un coup dans la roda que dans la rue », disait-il, la roda étant le cercle où les capoeiristas s’affrontent. Intervalle, pour se rappeler qu’il y a encore tant de quoi danser et lutter.
(*). Le berimbau est un instrument de musique brésilien d’origine africaine appartenant à la famille des cordes frappées. Il s'agit d'un arc musical constitué d'une tige en bois courbé (appelée biriba) sur laquelle est tendue une corde métallique (appelée cuerda ou arame). Une calebasse sèche creusée, nommée cabaça, sert de caisse de résonance, fixée à l’arc. Le musicien frappe la corde avec une baguette en bois (baqueta) tout en utilisant une pièce de métal ou une pierre (dobrão ou pedra) pour modifier la hauteur du son. Souvent, un petit hochet en osier appelé caxixi accompagne le jeu.
(**). Le terme batuque désigne un ensemble de danses afro-brésiliennes traditionnelles accompagnées de percussions et parfois de chants. Originaire du Brésil, particulièrement dans la région de Rio de Janeiro, le batuque est un genre musical et une pratique rythmique profondément liés aux héritages culturels africains amenés par les esclaves. Il est à la base d'autres expressions musicales populaires comme le maracatu, le coco ou la samba de roda. Le batuque symbolise la puissance du rythme et de la danse dans les communautés afro-brésiliennes, étant une forme d'expression à la fois festive et d’affirmation identitaire. Le terme se retrouve aussi dans la batucada, qui est une formation musicale de batterie de percussions, très présente dans les écoles de samba, avec un rythme soutenu et une richesse instrumentale diverse.

L'équipage du vaisseau Soyouz-11 : Georgi Dobrovolski, Vladislav Volkov et Viktor Patsayev. Photo NASA.
Par Soyouz (dieu de l'espace) !
L’académie de Mestre Bimba était ouverte depuis trois ans, lorsqu'à Moscou, le 23 novembre 1935, Vladislav Volkov vagissait son premier cri. Figure emblématique de la recherche spatiale russe, il fut ingénieur et cosmonaute pionnier, parmi les premiers à mener des expériences dans l’espace, notamment sur la croissance des plantes et la météorologie. Engagé dès 1959 comme ingénieur au département n°4 de l’OKB-1, Volkov travailla sur le développement du lanceur Voskhod, que les Russes avaient conçu pour mettre en orbite une nouvelle génération de satellites espions (nom de code Zénit). Le jeune Vladislav aspire très tôt à rejoindre les rangs des cosmonautes et soumet sa candidature en 1964. Refusé, il n’en démord pas, et se présente à nouveau en 1965. Cette fois-ci il réussit. Après plusieurs tests et entraînements, il est finalement sélectionné parmi les cosmonautes du TsKBEM le 27 mai 1968.
Après avoir obtenu son brevet de pilote, Volkov est affecté en 1969 à l’équipe principale du vaisseau Soyouz-7. Il participe ensuite à l’élaboration des missions vers la station Saliout 1, la première station orbitale de l’histoire. En octobre de la même année, il s'envoie enfin en l'air (dans l'espace). Son vaisseau Soyouz-7 voyage avec deux autres, Soyouz-8 et Soyouz-9, la mission ayant pour but de tester des manœuvres en orbite et comprendre comment faire voler plusieurs navettes en même temps sans qu’elles ne se perdent dans le vide interstellaire. La mission est un succès : trois ans après Vladislav est prêt à repartir. En juin 1971, il embarque sur le vaisseau Soyouz-11. Avec lui, deux autres cosmonautes, Gueorgui Dobrovolski et Viktor Patsaïev. La mission dure 23 jours, la plus longue de l’histoire jusque-là, et l’équipage réussit l’amarrage sur la station orbitale Saliout-1, lancée deux mois plus tôt. C’est la première expérience de station orbitale habitée. Le 29 juin 1971, à 23h17, la capsule des trois cosmonautes atterrit dans la steppe près de la ville de Karaganda, au Kazakhstan, dans la région autour du cosmodrome de Baïkonour. Toute la Russie les attend, prête à fêter un succès retentissant, dans le contexte de la compétition avec les américains pour la conquête de l’espace. Manœuvre parfaite, mais une très mauvaise surprise attend les hommes envoyés récupérer les cosmonautes : une valvule de la trappe a cédé lors du contact avec l’atmosphère terrestre, déterminant la dépressurisation brutale de la cabine. Les trois astronautes sont tous morts.

Raùl Rivero, dans sa maison de Vedado, en 1999. Photo Jose Goita
Dans ces années-là, exerçait à Moscou pour l’agence Prensa Latina, un journaliste à la plume impertinente, né il y a tout juste 80 ans, le 23 novembre1945, à Cuba. Son nom, Raùl Rivero, est resté lié à jamais à la lutte pour le journalisme indépendant et contre la violence du régime cubain. Également poète et écrivain, sa critique lucide et désillusionnée du communisme et de ses idéaux émancipateurs transformés en arme de répression de masse, lui valurent à plusieurs reprises de longues nuits en prison. En 1991, avec neuf autres intellectuels dissidents, il signe une lettre adressée à Fidel Castro pour demander la libération de tous ceux que les signataires considèrent des « prisonniers de conscience ». Le mot est dit. « Je ne pouvais plus être complice d’un système qui nous avait conduits à la débâcle. Il fallait que j’exprime publiquement mon désaccord », dira-t-il pour expliquer sa démarche. Les autres choisiront l’exil, lui restera à Cuba, refusant de partir. « La presse officielle n'est qu’un cirque de fiction qui parle d’un pays qui n’existe pas », confiait-il au Monde, en janvier 1998. Reporters sans frontières lui a décerné, en 1997, le prix de la presse indépendante, pour son rôle à la tête de l’agence Cuba Press, qu’il a fondée, mais aussi pour l’ensemble de sa carrière. À force d’insister, par la pression et la menace, les autorités cubaines finiront par le faire émigrer en Espagne, en 2005, après l’avoir emprisonné une énième fois, puis avoir dû le libérer sous la pression d’une campagne internationale sans précédent. « Non, je ne pleure pas », écrivait-il juste avant de partir, dans un recueil au titre-manifeste, Firmado à La Habana, alors que, dans son for intérieur, il se sentait déjà un exilé, dans un pays où désormais même ses amis faisaient semblant de ne pas le voir lorsqu’ils le croisaient dans la rue, de peur de représailles. Raùl Rivero continuera d’écrire depuis son exil, sans cesser de dénoncer, raconter, dire la réalité de Cuba, cachée sous le voile de la propagande. Le régime castriste aura voulu le faire taire. En vain. Mais la mort, oui : Raúl Rivero est décédé le 6 novembre 2021 à l'âge de 75 ans à Kendall, près de Miami, suite à des problèmes cardio-respiratoires.
Suite de la mort
« On vient de me prévenir que je suis mort.
La presse officielle l’a annoncé dans ses pages.
Je ne m’attendais pas à mourir par ce bel été
de fin de siècle
mais les journaux de mon pays ne mentent jamais
et donc ce battement de mon cœur est faux
et ces pulsations, et cet air que je respire.
Les souvenirs que j’ai sont, doivent être,
le délire final puisque l’État
ne peut se tromper de façon si flagrante. »
(Raúl Rivero, "Suite de la mort", in Signé à La Havane, éditions de La Découverte - Reporters sans frontières, 1998)
Caterina Zomer, pour les humanités
EN CHANTIER
Si les journées faisaient un peu plus que vingt-quatre heures, et/ou si que l'on avait un chouïa plus de moyens, il y a d'autres sujets que l'on aurait aimé aborder aujourd'hui. Par exemple :
Pourquoi, à la fin de la COP 30 au Brésil, n'a-t-on dansé si samba ni capoeira ?
Guerre en Ukraine. Comment une poignée d'élus Républicains vont-ils peut-être, in extremis, sauver l'Europe (très provisoirement et à l'insu de son plein gré) de la débâcle où elle s'est elle-même enlisée face à Poutine, faisant ainsi le terreau des extrêmes droites qu'elle aura ensuite tout loisir de déplorer ?

Mais voilà. En chantier cela restera. De toute façon, cela intéresse peu. Aujourd'hui il sera sans doute question, à juste titre, de la mobilisation nationale contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que les féminicides, avec des manifestations organisées à l’appel de groupes féministes comme Nous Toutes et la Grève féministe. Les médias bien-pensants verseront sans doute leur larme, en "oubliant" de préciser qu'en France, contrairement à la Bosnie-Herzégvine (voir notre éphéméride du 19 novembre, ICI), le crime de féminicide n'est pas toujours reconnu en tant que tel.
Ce 23 novembre, dans le sphère Bolloré et dans la série "taper sur le clou jusqu'à faire céder les dernières résistances", le Journal du dimanche préfère titrer sur la narcotrfic et proclame déjà "l'état d'urgence" avec les tronches d'enterrement de deux fossoyeurs de la démocratie. Il serait tout aussi urgent de lutter contre le trafic d'idées rances, mais bon, on dit ça, on dit rien...





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