Chiharu Shiota : un rêve taoïste à Pékin

Dans une nouvelle installation présentée à Pékin, Métamorphose de la conscience, Chiharu Shiota explore la fine frontière entre présence et absence à travers des guirlandes lumineuses scintillantes et de délicates ailes de papillon suspendues au-dessus d’un lit à cadre en fer, s’inspirant de l’ancienne histoire taoïste du rêve du papillon de Zhuang Zhou pour sonder les limites entre conscience, réalité et spiritualité.

La parabole ancienne du rêve du papillon de Zhuang Zhou apparaît dans le deuxième chapitre du Zhuangzi, l’un des textes fondateurs du taoïsme. Dans cette histoire brève mais profonde, Zhuang Zhou rêve qu’il est un papillon « voletant et papillonnant, heureux de lui-même et faisant ce qu’il lui plaît ». À son réveil, il se demande s’il est Zhuang Zhou ayant rêvé qu’il était un papillon, ou un papillon rêvant maintenant qu’il est Zhuang Zhou. Cette énigme philosophique se conclut par la phrase : « Entre Zhuang Zhou et le papillon, il doit y avoir une distinction ! C’est ce qu’on appelle la Transformation des Choses. »

Le rêve du papillon est devenu l’une des métaphores les plus influentes de la philosophie chinoise, explorant la nature de la réalité, de l’illusion et de la conscience. Le papillon lui-même sert de symbole significatif—représentant la transformation, la spontanéité et la liberté face à la lutte contre les forces naturelles. Les érudits chinois à travers l’histoire ont interprété ce rêve non comme une crise d’identité troublante mais comme une expérience délicieuse illustrant le principe taoïste de l’abolition des frontières entre des états d’être apparemment distincts.

Les fils rouges qui dominent de nombreuses installations de Chiharu Shiota portent un poids symbolique profond à travers les cultures tout en prenant une signification spécifique dans son vocabulaire artistique. Pour Shiota, les fils rouges représentent « les microcosmes du sang et des vaisseaux sanguins circulant dans le corps » tout en visualisant « les connexions et liens invisibles entre les êtres humains ». Ces toiles cramoisies créent ce qu'elle décrit comme « un océan rouge que l'on peut voir d'en haut » qui permet aux spectateurs de « voir immédiatement l'univers ».

Chiharu Shiota, "Métamorphose de la conscience", au Musée d’Art Red Brick à Pékin.

Au Musée d’Art Red Brick à Pékin, "Métamorphose de la conscience" se dresse comme la pièce maîtresse de l’exposition Vide Silencieux, qui se tient jusqu’au 31 août 2025. L’installation présente un lit jumeau à cadre en fer avec une literie blanche, au-dessus duquel flotte un fascinant dais d’ailes de papillon et de guirlandes lumineuses scintillantes, créant un espace éthéré entre le rêve et l’éveil. Cette disposition délicate transforme le concept de vide en un champ chargé de présence, le lit—motif récurrent dans l’œuvre de Shiota—symbolisant le seuil entre conscience et inconscience, vie et mort.

L’installation reflète le parcours personnel de Chiharu Shiota face à la mort, ayant affronté le cancer à deux reprises dans sa vie. « Chaque fois que nous glissons dans le sommeil, c’est une répétition de la mort—un voyage au-delà du corps », explique-t-elle, rejetant la séparation stricte entre le corps et l’esprit. À l’image du papillon émergeant de sa chrysalide—symbole universel de transformation spirituelle—l’œuvre de Shiota suggère que l’absence « ne signifie pas la disparition mais plutôt une intégration dans un univers plus vaste ». L’installation invite les spectateurs à contempler ce qui demeure lorsque la forme physique se dissout, créant un espace méditatif où les concepts philosophiques orientaux du vide se transforment en une expérience tangible et immersive.

• Photo en tête d'article : des visiteurs dans l'exposition "Vide silencieux" au Musée d’Art Red Brick à Pékin.

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