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L'Espagne submergée par une vague de demandes de naturalisations

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Un groupe d'enfants fait le salut républicain, alors qu'il se prépare à l'exil durant la guerre civile espagnole.

Cette photo, dont l'auteur reste inconnu, a été offerte à Wikimedia Commons par Olga Brocca Smith,

qui l'a dédiée à la mémoire de toutes les victimes de la dictature franquiste.

Elle a vraisemblablement été prise entre 1936 et 1939


Plus de 2,3 millions de descendants d’exilés ont demandé la nationalité espagnole depuis 2022, un afflux colossal qui révèle l’ampleur des diasporas issues de la guerre civile et du franquisme. Portée par la Loi sur la mémoire démocratique, cette vague de requêtes met à dure épreuve les capacités des consulats qui croulent sous l’afflux des demandes, et dévoile une fois de plus les fractures qui continuent de marquer la mémoire du franquisme.


Plus d’un million de descendants d’exilés espagnols ont obtenu la citoyenneté via la loi sur la mémoire démocratique, tandis que 1,3 million d’autres dossiers sont en attente, portant le total à plus de 2,3 millions de requêtes depuis 2022 – soit 4,5 fois plus qu’en 2007. L’Argentine arrive en tête avec 40 % des demandes (645.000 à Buenos Aires seul), suivie de Cuba (350.000), du Mexique (165.000), du Brésil (150.000 à São Paulo) et des États-Unis (120.000 à Miami). Ce flux massif reflète la (dé)mesure des diasporas issues de l’exil franquiste et des migrations du XXᵉ siècle.


Promulguée le 19 octobre 2022 par le gouvernement de Pedro Sánchez, la Loi 20/2022 sur la mémoire démocratique élargit l’accès à la nationalité pour les enfants et petits-enfants d’exilés politiques, idéologiques, religieux ou pour orientation sexuelle, ainsi que pour les descendants de mères espagnoles ayant perdu leur nationalité avant 1978. La fenêtre, initialement de deux ans et prolongée à trois, s’est close le 21 octobre 2025, mais les rendez-vous pris avant cette date restent valides malgré les arriérés. Les 178 consulats espagnols sont pourtant d’ores et déjà littéralement submergés : systèmes informatiques obsolètes, personnel réduit et files d’attente interminables créent des arriérés potentiellement décennaux, malgré un taux d’approbation des demandes de près de 50 % et moins de 2 % de refus. Cette ruée administrative, multipliée par 4,5 par rapport à 2007, expose les limites logistiques d’un réseau consulaire débordé, par l’application d’une loi elle-même profondément contestée.


Succédant à la loi de 2007, ce texte vise à condamner le coup d’État franquiste de 1936, reconnaître les victimes de la guerre civile (1936-1939) et de la dictature (1939-1975), exhumer les fosses communes et créer un parquet dédié aux disparitions forcées, sans abroger l’amnistie de 1977. L’article 20, dit « loi des petits-enfants », incarne une réparation symbolique, permettant à des générations déracinées de retrouver leurs origines.

Le précédent de 2007


Ce n’est pas la première fois que l’Espagne intervient pour réglementer la mémoire de la guerre civile et des violences du régime. Une Loi sur la mémoire historique avai déjà été approuvée en de 2007 sous le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE). Elle visait à reconnaître et réparer les victimes de la guerre civile espagnole (1936-1939) et de la dictature franquiste (1939-1975), sans pourtant condamner explicitement le régime ni abroger l’amnistie de 1977.

Ses objectifs principaux incluaient l’indemnisation des anciens prisonniers politiques, des orphelins et des enfants de la guerre ; la facilitation des exhumations de fosses communes (plus de 2.000 identifiées au total sur le territoire national) ; la création d’un Centre documentaire de la mémoire historique à Salamanque pour centraliser les archives ; et enfin le retrait progressif des symboles franquistes des espaces publics.

Moins ambitieuse que sa successeure de 2022, cette loi répondait aux pressions d’associations de victimes pour briser le « pacte de l’oubli » post-franquiste, qui avait fait progressivement disparaître les victimes dans une sorte d’amnésie collective. Elle voulait éviter toute poursuite judiciaire, mais au même temps ouvrir une première voie limitée à la nationalité pour certains exilés.

La loi de 2022 ne va pas sans faire des vagues, qui s'ajoutent à celle soulevée par les millions de demandes de naturalisation. Critiquée par la droite (PP, Vox) pour son coût (milliards d’euros estimés), son prétendu caractère partisan et son instrumentalisation politique, la loi divise : elle interdit les hommages franquistes et impose une lecture « victimaire » du passé, ravivant les guerres de mémoire entre républicains et franquistes. Dans un Espagne post-franquiste, cette ruée consulaire – qui sature 178 représentations – symbolise une réconciliation tardive, mais expose les fractures persistantes d’une transition encore contestée.


La rédaction des humanités

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