De la ligne claire à l’hyperréalisme : un festin moderne
- Nicolas Villodre
- il y a 4 heures
- 3 min de lecture

Bart Ramakers, Le Septième sceau
Le commissaire et critique Patrick Amine orchestre un face-à-face inédit entre six signatures majeures — de l’Anversois Fred Bervoets au photographe-metteur en scène Bart Ramakers. Peinture, dessin et photographie composent un « voyage au bout du possible » bataillien, où chaque œuvre réinvente les mythes et bouscule notre rapport à la modernité.
L’accrochage proposé cet été par Patrick Amine à la RSF A Moveable Gallery (dont le nom se réfère au livre d’Ernest Hemingway, A Moveable Feast, connu en France sous le titre Paris est une fête) nous permet de découvrir un ensemble d’œuvres bidimensionnelles de Fred Bervoets (né en 1942), le célèbre peintre anversois par son un style original baroque et dans la grande tradition flamande ; il est souvent associé au mouvement néo-expressionniste allemand Neue Wilde des années 1980 ; Robert Devriendt, dont le travail s’apparente à des montages cinématographiques avec une technique illusionniste qui rappelle celle des Primitifs flamands ; Gundi Falk, dessinatrice, sculptrice et danseuse contemporaine ; Dean Monogenis, artiste américain d’origine grecque dont les peintures mettent en scène des espaces oniriques où s’entremêlent architecture moderne et éléments naturels ; Bart Ramakers, artiste ostendais, connu pour ses photographies mises en scène qui réinventent les mythes classiques et religieux à la lumière des enjeux contemporains ; et Cat Soubbotnik, photographe français. La notion d’expérience, qui sert de titre à l’exposition, est à prendre au sens où l’entend Georges Bataille « de voyage au bout du possible de l’homme. » Les travaux de Bart Ramakers, Gundi Falk et Fred Bervoets ont particulièrement attiré notre attention.
Le commissaire Patrick Amine, essayiste et critique d’art, a souhaité avant tout montrer la manière qui a permis aux artistes qu’il a retenus d’instaurer « leur rapport à la modernité ». Ainsi, les photos en haute définition de Bart Ramakers mettent en scène de façon cinématographique leurs modèles. On pense surtout à sa représentation en format paysage qui oppose avec ironie Éros et Thanatos sous la forme d’une splendide composition en couleur, sorte de tableau vivant hyperréaliste, comme il se doit, cliché en reflétant un autre, puisque hanté par le film en noir et blanc d’Ingmar Bergman, Det sjunde inseglet / Le Septième Sceau (1957).

Gundi Falk, dessin, sans titre.
Les dessins sur papier de Gundi Falk, de modeste format ou, au contraire, occupant un mur de plusieurs mètres de long, comme une tapisserie, ont la légèreté et la finesse de ce qu’on nomme en Belgique et au-delà la ligne claire. La sûreté d’un trait sans repentir, exécuté, dirait-on, d’un seul tenant, prémédité ou, c’est plus probable, improvisé ou tout comme, trouve sa source dans l’art de Terpsichore auquel l’artiste s’est longtemps adonnée et qu’elle pratique sans doute encore. Ces exercices style et gracieux impromptus qui font songer aux dessins à deux des années 1930 de Jean Arp et Sophie Taeuber, tendent à prouver que chorégraphie et calligraphie ici ne font qu’un.

Fred Bervoets, Dessin : encre et acrylique.
L’accrochage de la rue Française donne une bonne idée de la manière ou, plutôt, des manières du vétéran belge dont la galerie anversoise De Zwarte Panter ( La Panthère noire) présentera l’œuvre du 28 juin au 14 septembre 2025. Différentes techniques, expériences ou styles ont valu à Bervoets d’être une des grandes figures de… la figuration libre. Aux États-Unis, il lui a été donné d’exposer ses tableaux en 1994 à côtés de ceux de Jean-Michel Basquiat. Quels que soient le mode, la mode ou la modalité ayant guidé le peintre, la qualité plastique est là et n’a pas pris une ride. Quelles qu’aient été les voies explorées par lui, ses œuvres portent « la marque de l’intemporel », pour reprendre l’expression de Patrick Amine. Elles échappent aux effets de simplification et aux catégories habituelles– figuratif, abstrait, expressionniste, etc.
Nicolas Villodre
Expériences 1#, RSF A Moveable Gallery, 9 rue Française, Paris 2e, jusqu’au 6 juillet 2025, du mardi au vendredi, de 14h à 18h30 et, le samedi, de 14h à 18h.
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