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Dénazifier la Russie

Dernière mise à jour : 10 juin 2022


Marioupol, 9 mars 2022. Photo Evgeniy Maloletka / Associated Press


Certaines photos sont non seulement historiques, mais contribuent en outre à changer le cours de l'Histoire. La photographie d'Evgeniy Maloletka, prise hier devant la maternité de Marioupol, fera date. Pourrait-elle contribuer à réveiller l'opinion russe ?


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« Le regard ne s'empare pas des images, ce sont elles qui s'emparent du regard.

Elles inondent la conscience. »

(Franz Kafka, cité in Gustav Janouch, Kafka m'a dit, Paris,1952)


Cette image (en Une de cet article) fera date. Elle fera (fait déjà) le tour du monde. Avec cette photographie, Vladimir Poutine a déjà perdu la guerre d’Ukraine.

Comme la célébrissime photo de Nick Ut (21 ans à l’époque), prise le 8 juin 1972, dans le village de Trang Bang au Vietnam (la petite fille de 9 ans qui court, nue, brûlée au napalm, histoire de cette photo racontée ICI) dont la diffusion mondiale a contribué à amplifier les mouvements de protestation contre la guerre au Vietnam (et pourtant, à l’époque, ni Internet, ni réseaux sociaux), la photographie prise hier à Marioupol est déjà « iconique ». Elle a été prise juste après le bombardement d’un hôpital pédiatrique et maternité de cette ville de 455.000 habitants, au bord de la mer d’Azov (Lire ICI).

Devant la carcasse éventrée de l’hôpital, des employés et des volontaires des services d’urgence évacuent, sur un brancard, une femme enceinte et blessée. Cette seule image fait voler en éclats le mensonge poutinien affirmant que l’armée russe ne vise pas les populations civiles.

Evgeniy Maloletka


Il faut saluer ici le courage des photojournalistes qui documentent au quotidien la réalité de la sale guerre menée par Poutine en Ukraine. Comme jadis Nick Ut au Vietnam, Evgeniy Maloletka, l’auteur de la photo de Marioupol, digne de recevoir le prix Pulitzer, travaille pour la prestigieuse agence Associated Press, créée au printemps 1846 par six journaux new-yorkais sous la forme d'une coopérative, et qui est le média le plus primé au Pulitzer avec un total de 45 récompenses (18 pour des écrits et 27 pour des photos).


Photojournaliste indépendant ukrainien basé à Kiev, en Ukraine, originaire de la ville de Berdyansk, dans la région de Zaporizhya, dans l'est de l'Ukraine, et après une formation en électronique, Evgeniy Maloletka a débuté sa carrière en 2009 en tant que photographe salarié pour les agences de presse locales UNIAN et PHL. Il a passé un mois à travailler sur un projet photographique intitulé "House of Hope" (Maison de l'espoir), consacré à un centre de cancérologie pour enfants à Kiev. Les photographies ont été vendues aux enchères lors d'un événement caritatif, permettant de récolter 5 000 dollars pour les enfants malades dont les familles n'avaient pas les moyens de payer le traitement.

Il a été très impliqué dans la couverture de la révolution ukrainienne dès le début, avant de couvrir les conflits en Crimée et en Ukraine orientale pour divers médias internationaux. Mais il travaille aussi sur des projets personnels, comme le projet Hutsul sur la communauté ethnique Hutsul dans l'ouest de l'Ukraine, ses traditions et sa vie quotidienne.


Comme le disait Kafka, certaines images « inondent la conscience ». La guerre, c’est la guerre, soit. Mais tout n’y est pas permis, en théorie. Même la guerre est régie par un droit international : les Conventions de Genève (1864) et de La Haye (1899 et 1907) fixent les « limites » à ne pas franchir. En Ukraine, notamment par l’usage d’armes interdites, Vladimir Poutine s’en est déjà allègrement affranchi. Son impunité n’aura qu’un temps. Un jour, il devra rendre compte devant la justice internationale de ces « crimes de guerre ». Mais le bombardement d’un hôpital pédiatrique et d’une maternité défie tout entendement. La photo d’une ruine désole. La photo d’un cadavre révulse. Mais la photo d’une femme enceinte, blessée et transportée sur un brancard, touche chacun.e dans sa chair. Poutine devrait changer de conseiller en communication. Sans doute n’en a-t-il cure : il pense qu’en ayant mis toute la ruche sous cloche, la privant de Facebook, Twitter et accès aux médias « occidentaux » et muselant, eu Russie même, les médias encore indépendants, il évitera aux yeux russes de tomber sur une telle image. Il se trompe lourdement. Peut-être faut-il lui rappeler l’histoire des samizdat ?

Poutine se trompe sur toute la ligne. Pour justifier l’invasion qu’il a ordonnée, il a avancé la « dénazification » de l’Ukraine. Lorsque le mensonge de « l’intervention militaire spéciale » aura volé en éclats (ce à quoi s’emploie d’ores et déjà la campagne « Call Russia » menée par un groupe de volontaires lituaniens) et que le peuple russe s’apercevra qu’à l’encontre d’un peuple oh combien frère, Poutine emprunte peu ou prou les mêmes méthodes que celles de l’armée hitlérienne pendant la Seconde Guerre mondiale, la campagne de « dénazification » souhaitée par Poutine pourrait bien prendre un sacré virage et se tourner… vers le nid de vipères du Kremlin.

Poutine s’est déjà trompé dans ses plans de bataille. La guerre éclair qu’il envisageait pour prendre Kiev s’est enlisée. Il n’a désormais d’autre choix que de rejouer ce qu’il a fait à Grozny et Alep. Avec une différence de taille, qu’il a dû oublier de mesurer. Raser Grozny ou Alep, tout le monde s’en fichait peu ou prou. Raser Kiev, ou même Odessa, ce n’est pas pareil, tant ces villes représentent un symbole historique qui parle au cœur de tous les citoyens russes. Enfin, à Alep et plus encore à Grozny, le maître du Kremlin pouvait commettre les pires massacres qui soient, avec la complicité de ses chiens de garde, authentiquement nazis, de la milice Wagner, quasiment à l’abri des regards. En Ukraine, c’est une autre histoire. Cette photographie d’Evgeniy Maloletka en témoigne.


Jean-Marc Adolphe


Site internet d’Evgeniy Maloletka : https://www.evgenymaloletka.com/

Compte Twitter : ICI


VIDEO Wagner, l'armée de l'ombre de Poutine

Remarquable documentaire réalisé par Alexandra Jousset, Ksenia Bolchakova pour France 5 (80 minutes, disponible jusqu'au 21/04/2022).

L'opacité, le crime, et l'impunité. Voilà comment l'on pourrait définir le groupe Wagner, une armée privée de mercenaires travaillant pour le compte de la Russie, même s'ils s'en défendent. On les retrouve dans plusieurs pays où ils sont employés pour, officiellement, gérer la sécurité. En réalité, le groupe est l'exécuteur des basses œuvres de Poutine.

A voir ici :

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