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Enfants volés d'Ukraine : plus de 200 camps de "rééducation"

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Camp "patriotico-militaire" dans la région de Novosibirsk/ Photo DR


Entre fanfaronnades militaires et déclarations menaçantes, la Russie de Poutine poursuit à marche forcée l'endoctrinement d'au moins 35.000 enfants déportés d'Ukraine. Un nouveau rapport du laboratoire de recherche humanitaire de l’université Yale apporte de nouvelles preuves d'un système de coercition sans équivalent dans l'histoire contemporaine.


D’habitude, c’est l’ex-président Dmitri Medvedev, aujourd’hui à la tête du Conseil de sécurité de russe, qui se charge d’aboyer les pires menaces à l’encontre des pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine. Un jour il brandit l’épouvantail du système "Main Morte" (Dead Hand), un dispositif soviétique permettant une riposte nucléaire automatique en cas d'attaque contre la Russie, le lendemain il assure que Moscou pourrait déclencher des « frappes préventives » sur la France, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, et tout récemment, le 8 septembre dernier dans une tribune publiée par l’agence TASS, il s’en prenait frontalement à la Finlande, qu’il accuse de vouloir attaquer la Russie, en osant une comparaison avec la période du nazisme. Mais pour une fois, Medvedev n’a pas eu besoin de monter au front. Sans doute requinqué par les honneurs que lui a réservé Xi Jinping lors du défilé militaire du "Jour de la Victoire" à Pékin (où, semble-t-il, les deux dirigeants ont papoté des promesses biotechnologiques pour parvenir à l’immortalité), Vladimir Poutine a lui-même dégainé : les pays européens qui déploieraient des forces en Ukraine dans le cadre d’un accord de paix (dont plus personne ne parle) deviendraient des « cibles légitimes ». Poutine ne veut pas seulement garder dans le giron russe la Crimée (illégalement annexée en 2014) et les régions occupées depuis 2022. Il veut tout le Donbass.  Pour le moment. Car ce qui en jeu, ce ne sont pas seulement quelques dizaines de milliers de kilomètres carrés en plus. Si l’Ukraine était contrainte de céder ces territoires, elle perdrait une "zone de protection" fortifiée qui a permis de contenir jusqu’à présent l’offensive du Kremlin, malgré les 200 à 250.000 soldats russes morts sur le champ de bataille de « l’opération spéciale ». Si ces territoires étaient "donnés" à Poutine (ce à quoi Donald Trump semble consentir), l’armée russe aurait ensuite open bar et pourrait aisément pousser son avantage jusqu’à Odessa, à l’Ouest, et jusqu’à Kyiv…

 

A gauche : Vladimir Poutine inspecte des armes et des équipements dans la région de Nijni Novgorod

pendant les exercices Zapad-2025 menés par la Russie et la Biélorussie. Photo Mikhail Metzel / RIA Novosti

A droite : tout sourire, le lieutenant-colonel Bryan Shoupe, de l'armée de l'air américaine, observe les exercices Zapad-2025

près de la ville de Borisov, en Biélorussie. 15 septembre 2025. Photo DR

 

On voit rarement Poutine en uniforme militaire. l'exercice militaire Zapad-2025, qui vient d’être mené conjointement avec la Biélorussie de Loukachenko, a permis au président russe de revêtir le treillis, depuis une base militaire de la région de Nijni Novgorod : en treillis, une mise en scène destinée aux futures « cibles légitimes », alors que le ministre russe de la Défense vantait «  l’utilisation massive de drones » et de « moyens de guerre électronique », ainsi que la planification de l'utilisation d'armes nucléaires tactiques russes, dont le nouveau missile à moyenne portée Oreshnik, que la Russie s'est engagée à déployer en Biélorussie, non loin de la frontière polonaise… Le tout avec la bénédiction de Donald Trump, qui a délégué en Biélorussie deux observateurs militaires américains qui ont obtenu, selon le New York Times, « les meilleures places » sur la plate-forme d'observation...

 

Ces fanfaronnades ont toutefois leurs limites. En Russie même, selon Meduza (article du 17 septembre), certains blogueurs favorables à la guerre ont qualifié l'exercice Zapad-2025 de « spectacle de cirque » reposant sur « des tactiques obsolètes depuis longtemps ». Et le compte Télégram "Vozhak" (Вожак), proche des forces armées russes et relativement influent (avec plus de 15.000 abonnés), commence à parler ouvertement de la lassitude des soldats face à la lourdeur des pertes humaines, au retard technologique et à l'indifférence de Moscou.


Pour l’heure, Vladimir Vladimirovitch Poutinovitch n’en a cure et poursuit l’endoctrinement militaire de la société russe. En 2022, après l’invasion de l’Ukraine, le Kremlin a introduit un programme éducatif intitulé « Conversations sur des choses importantes » ("Разговоры о важном"), autour de thématiques comme l’héroïsme, le patriotisme, la guerre, les valeurs traditionnelles et l’histoire nationale. Depuis le 1er septembre, ce programme obligatoire, souvent dispensé par des "vétérans" de la guerre en Ukraine, est étendu aux jardins d’enfants, pour des bambins de 2 à 6 ans. Il n’en fallait pas moins pour lutter contre « l’Occident décadent »…


Ce qui vaut pour les petits enfants russes vaut encore plus pour les enfants ukrainiens déportés soumis à un intense programme de « rééducation ». Un nouveau rapport du laboratoire de recherche humanitaire de l’université américaine Yale (qui a pu provisoirement poursuivre ses travaux malgré l’amputation de son budget décidée en mars dernier par l’administration Trump) parle d’un « système potentiellement sans précédent de rééducation à grande échelle, d’entraînement militaire et de dortoirs capables d’accueillir des dizaines de milliers d’enfants ukrainiens pendant de longues périodes » (rapport ci-dessous, document PDF en anglais)

 


Jusqu’à présent, on parlait d’environ 20.000 enfants ukrainiens déportés, en soulignant que ce chiffre était sans doute sous-estimé. Le laboratoire de recherche de l’Université de Yale parle aujourd’hui d'au moins 35.000 enfants. Nous avons été les premiers, aux humanités, à révéler et documenter ces déportations d’enfants. Sachant qu’une petite minorité d’entre eux ont été effectivement "adoptés" par des familles russes, nous avons questionné sans relâche : où sont les autres ? Le rapport du laboratoire de recherche humanitaire de Yale, qui avait déjà localisé une cinquantaine de lieux de rétention, apporte de nouveaux éléments et révèle l’existence d’un vaste réseau, de la côte est de la Russie jusqu’à la Crimée occupée, d’au moins 200 camps destinés à endoctriner les enfants ukrainiens, à les russifier et à les préparer à la guerre contre leur propre pays. Ce réseau comprend des écoles, des sanatoriums, des bases militaires, et même des institutions religieuses servant de couverture. Plus de la moitié des sites identifiés (au moins 106 sur 210) sont directement gérés par des organismes gouvernementaux fédéraux ou locaux. Et cette opération ne cesse de s’étendre. Ainsi, près d’un quart des sites sont actuellement en cours d’agrandissement, ce qui suggère que Moscou se prépare à accueillir encore plus d’enfants.


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Dans ces camps, ces enfants reçoivent une formation militaire (manipulation d’armes et de grenades, entraînement au parachutisme) et apprennent même à assembler des drones pour l’armée russe. Certains enfants ont à peine huit ans. L’enquête du laboratoire de recherche de l’Université de Yale s’appuie sur des données en sources ouvertes et des images satellitaires. Mais en dehors de clichés fournis par la propagande russe qui montrent des enfants soumis à l’entraînement militaire, on n’a encore jamais vu, de l’intérieur, d’images de ce que vivent ces enfants et des sévices vraisemblablement infligés aux « récalcitrants ». Voire pire…

 

Jean-Marc Adolphe

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2 commentaires


Merci Jean-Marc pour ce travail de fond, obstiné et précis.

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Merci de rappeler aux lecteurs l'amplitude de ce génocide et, les implications psychologiques dans lesquelles vont se retrouver tous ces enfants,...et ce depuis 2014. Certains combattent déjà leurs frères (des ados morts contre leur patrie découverts par l'armée ukrainienne). Comme le Yale Lab., je continue à chercher les camps d'endoctrinement, militaro-patriotique, temporaire le temps de faire un catalogue internet des enfants adoptables et de "loisirs". Quel avenir la russie réserve à l'Ukraine...?

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