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Georges Didi-Huberman, Prix spécial Walter Benjamin

Dernière mise à jour : 15 oct. 2021


Georges Didi-Huberman. Photo Adrien Chevrot / Jeu de Paume.


Le Prix Walter Benjamin a désigné ses lauréats 2021. Manifestation à suivre du 11 au 13 novembre à Céret et Carcassonne.


Montage des temps, concordance et fulgurance d’images éloignées, survivance des lucioles. Réminiscence et actualité. Le 13 aout dernier, Georges Didi-Huberman ne savait pas, pas encore. Nous non plus. Le 13 août, à l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude, lors du Banquet du livre, le philosophe et historien de l’art lisait un texte inédit, « Faire le pas ». Lecture heureusement enregistrée, dont l’écoute, aujourd’hui saisit à la lumière du prix spécial Walter Benjamin que l’association éponyme vient de décerner à Georges Didi-Huberman pour l’ensemble de son œuvre.

Dès les premiers mots, évoquant « des seuils, des couloirs, des bureaux, des portes qui s’ouvrent et se ferment devant nous, qui voudrions bien passer librement, on voudrait bien passer, mais on ne peut pas le faire. Une loi nous arrête, elle dénie nos droits les plus élémentaires, (…), alors la peur nous claquemure dans son étau et… malheur », la figure passante de Walter Benjamin s’immisce et insiste. On le voit en filigrane, fuyant le nazisme, mettant fin à ses jours à la frontière franco-espagnole le 26 septembre 1940, une fois franchi le seuil de cette frontière, mais accablé par l’annonce qu’il pourrait être reconduit en France, « porte qui s’ouvre et se ferme ».

Présence en creux, encore, lorsque Georges Didi-Huberman cite une conférence de 1911 de Martin Buber, « Le renouvellement du judaïsme » : « Une légende hassidique raconte comment l’esprit d’un disparu erre dans l’éternité de porte en porte, c’est-à-dire de pouvoir en pouvoir. Soudain, incapable de poursuivre, il s’immobilise, il voit alors devant lui un vieillard qui lui demande : mais pourquoi tu restes debout ici ? Il répond : je ne puis aller plus avant. Sur quoi le vieillard réplique : il n’est pas bon qu’il en soit ainsi. Si tu t’attardes ici, si tu cesses d’aller plus loin, toujours plus loin, tu risques de perdre la vie de l’esprit et de demeurer en cet endroit comme une pierre muette. »

Dans cette lecture donnée à Lagrasse, Georges Didi-Huberman évoque longuement Walter Benjamin à plusieurs reprises, notamment sa relation à littérature de Kafka, et bien plus. Comme l’écrit l’association Prix Walter Benjamin, « il y a toujours, parfois très enfoui, du Walter Benjamin dans l’œuvre de Georges Didi-Huberman. Il y a du Benjamin chez un penseur dont l’œuvre se déploie sur des sentiers de contrebande, à la croisée de tous les courants, à l’écart de tous les chemins battus. Du Benjamin, quand, se faisant passeur, s’aventurant aux confins de l’anthropologie, de l’esthétique et de la politique, il abat patiemment les frontières disciplinaires et construit une œuvre qui rayonne désormais au-delà des frontières. Du Benjamin chez un penseur qui sait se faire tantôt conteur, tantôt monteur, tantôt montreur, puisant aux rebuts, citant à comparaitre là une archive, là une photo, un roman... Du Benjamin, bien évidemment, quand héritant de la pensée de Benjamin, il la ramène à nous, vivante et incandescente, nous apprenant, au passage, à « prendre position. »


Lettre de Walter Benjamin, 29 septembre 1926.


Christine Breton et Sylvain Maestraggi, également lauréats.

Parallèlement au Prix spécial décerné à Georges Didi-Huberman (annonce faite à Banyuls-sur-Mer, le 26 septembre dernier) le Prix Walter Benjamin a également distingué Christine Breton et Sylvain Maestraggi pour leur ouvrage Mais de quoi ont-ils eu si peur ? paru aux éditions Commune, en 2016. Ce livre met en scène de manière originale la rencontre de Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer avec la ville de Marseille, le 8 septembre 1926, à partir de leurs textes, romans, nouvelles ou essais, et de leurs lettres. Voici ce qu’en disait Le Monde Diplomatique, en septembre 2017 : « De 1912 à 1927, avec une interruption durant la guerre, un pan entier de la ville ancienne, comptant sept mille habitants, fut détruit pour laisser la place pendant des décennies à… un terrain vague. De passage à Marseille en 1926 pour y rencontrer l’équipe des Cahiers du Sud, Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer, fascinés et intrigués par la ville, font l’expérience de cet absurde désastre. L’événement est évoqué ici à plusieurs voix, grâce à une sorte de conte urbain dû à Christine Breton, à un essai de Sylvain Maestraggi, à un corpus de textes — souvent inédits — des trois philosophes et à un cahier de photographies — magnifiques — de ces rues vouées à disparaître. Aujourd’hui, alors que la ville connaît sa transformation urbanistique la plus importante depuis le Second Empire, ce livre devrait interpeller tous ceux « qui savent quelque chose de la tristesse de Marseille », selon les mots de Benjamin. »


Walter Benjamin.

« Itinérances 2021 », du 11 au 13 novembre

En présence des lauréats de cette année et des petites-filles de Walter Benjamin, l’association Prix Walter Benjamin organise à Céret et Carcassonne, du 11 au 13 novembre, une manifestation intitulée « Itinérances 2021 ». Programme ci-dessous :


11 novembre, Céret (Salle de l’Union), 17 h

EXILIO. Spectacle sur l’exil, produit par Voodoo, en français, allemand, catalan et espagnol, avec Alex Brendemühl, comédien, Nora Buschmann, guitariste et Lalo Garcia, montage photos & visuels.


12 novembre, Céret (Salle de l’Union),

10 h. Itinéraires d’exil

« Lignes de fuite » Walter Benjamin en exil, 1933-1940, par Nathalie Raoux, historienne.

« Lorsque Dora aura enfin sa pension ! » Dora et Walter Benjamin à San Remo (1934-1939). Un chapitre méconnu de la biographie de Benjamin, par Eva Weissweiller, écrivaine et biographe.


14h30 - 16h. Organiser le pessimisme

Lectures croisées d'extraits de textes de Walter Benjamin, Carl Einstein, Theodor Adorno, Guy Debord, Georges Didi-Huberman, Giorgio Agamben, Michael Löwy, à propos des avant-gardes artistiques et du rôle des artistes et intellectuels face à l'action politique. Suivies d'une performance de Kevin Huber sur la relation maître-élève : L'INSTITUT DE FORMATION ARTISTIQUE.


16h - 17h30. Les pérégrinations de Walter Benjamin dans l’actualité

L’actualité de Walter Benjamin. Instrumentalisations de la pensée du philosophe.

Atelier public avec les lauréats, le jury, les partenaires et le collège international de philosophie, animé par Bruno Tackels.

Restitution par Joël Mettay, éditeur, président des Amis du Musée de Céret ; échanges avec le public.

Hommage à Dani Karavan 17h30 - 17h50

Dani Karavan, construire un passage, tombeau pour Dani Karavan et Walter Benjamin, Portbou, par Richard Meier, éditeur, VOIX éditions.


18h - 19h30. Remise des Prix 2021 sous l’égide de Kim et Mona Benjamin

Quel est le rapport des lauréats à Benjamin et leur relation avec le prix ? Interventions des lauréats : Christine Breton et Sylvain Maestraggi, lauréats du prix Walter Benjamin 2021, et Martine Derain, éditrice, pour leur ouvrage original et novateur : Mais de quoi ont-ils eu si peur ? Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer à Marseille le 8 septembre 1926, éditions Commune, et Georges Didi–Huberman, lauréat du prix spécial 2021 pour l’ensemble de son œuvre.


13 novembre, Carcassonne (Centre international Lamourelle)

11h-12h30. Itinérances entre philosophie et histoire

L’actualité de Walter Benjamin dans le regard d’une historienne par Michèle Riot-Sarcey, historienne. Regards croisés entre histoire et philosophie avec Bruno Tackels, en présence de Georges Didi-Huberman.


14h30-15h45. Le passant

Walter Benjamin, Lecteur des Villes, contributions de Brice Matthieussent et d'Alain Paire en dialogue avec Christine Breton, Sylvain Maestraggi, lauréats du prix Walter Benjamin 2021 et Martine Derain, éditrice, débat animé par Anne Roche, professeure émérite de l’Université Aix-Marseille, membre du jury.


16h-18h. Rencontre avec les lauréats

Entretien de Michael Löwy, lauréat du prix Walter Benjamin 2020, membre du jury, avec les lauréats des Prix 2021.

La tragédie de la culture, ou le prix du fétichisme par Georges Didi-Huberman, lauréat du prix spécial Walter Benjamin 2021


18h15-19h. Lettres allemandes

Lecture des lettres allemandes réunies par Walter Benjamin pour sauver ce qui reste de la culture allemande au temps du nazisme, par Dominique Delpirou, Gilberte de Poncheville, comédienne.


(Présidé par Nathalie Raoux, le jury du Prix Walter Benjamin réunit Marc Berdet, Madeleine Claus, Dominique Delpirou, Emmanuel Faye, Jean Lacoste, Michael Löwy, Hélène Peytavi, Anne Roche et Bruno Tackels.)


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