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Les peuples autochtones, gardiens de la Terre.


Campagne THRIVING PEOPLES. THRIVING PLACES

pour la Journée internationale des peuples autochtones. © Nia Tero.


En plein congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui se tient à Marseille jusqu’au 11 septembre, Le Monde du 9 septembre 2021 publie une tribune de l’écologiste américain Peter Seligmann, cofondateur de l’ONG Nia Tero (Notre Terre en Espéranto), que les humanités reproduisent ci-dessous in extenso.

Peter Seligmann y souligne combien les peuples autochtones (près de 400 millions de personnes, réparties dans 90 pays) « ont réussi à survivre et à protéger des pans immenses de territoires, des forêts notamment, considérés aujourd’hui comme indispensables à la survie de la planète. » Pour la première fois, les peuples autochtones sont invités comme représentants, et non simplement comme invités, au sein de l’UICN : « c’est véritablement le sens de l’histoire », écrit Peter Seligman.

La rédaction du Monde a choisi de titrer ainsi sa tribune : Sur l’environnement, « écoutons ce que les peuples autochtones ont à nous dire ».

Curieux titre, à vrai dire. A aucun moment, Peter Seligmann n’utilise le mot « environnement », qui a une connotation toute occidentale. Il faudrait peut-être arrêter penser que nous autres humains sommes au centre du monde, et que la nature est ce qui nous « environne », et que nous pourrions plus ou moins domestiquer à notre guise. Ce qui, dans leur diversité, caractérise notamment les peuples autochtones, c’est une pensée d’interdépendance avec la nature qui nous contient, que l’on retrouve par exemple en Amérique du sud (pour ne pas dire « latine ») dans la notion de Pachamama (Terre-Mère).

Et oui, il faut « écouter ce que les peuples autochtones ont à nous dire », mais pas seulement « écouter », aussi traduire cet entendement en actes, comme le souligne Pater Seligmann : droit foncier, d’accès aux ressources, etc. Est-il normal, par exemple, que les peuples autochtones, qui vivent sur des territoires qui représentent 80% de la biodiversité mondiale, ne bénéficient que de 2 % des fonds mondiaux alloués à la protection des forêts ?


Tribune de Peter Seligmann parue dans Le Monde du 9 septembre 2021.


Les peuples autochtones sont présents pour le congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui se déroule du 3 au 11 septembre à Marseille. Ils le sont non pas en tant qu’invités mais en tant que membres à part entière. L’organisation a en effet décidé d’instaurer une nouvelle catégorie de représentants. Une première depuis sa création.

Non seulement il faut s’en féliciter mais c’est véritablement le sens de l’histoire. Reconnaître enfin la place et le rôle de ces peuples dans la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, le maintien des écosystèmes, c’est prendre une assurance pour notre avenir. Ignorer tout ce que l’on peut apprendre de leur mode de vie, de leur savoir, de leur culture serait une erreur majeure, presque suicidaire.

Bien sûr, c’est une question d’éthique et de justice sociale pour ces peuples qui, disséminés à travers le monde, subissent aujourd’hui encore des dommages intolérables avec la déforestation ou à cause des politiques d’extractions minières ou d’énergies fossiles. Les villageois sont expatriés, les ressources pillées, les territoires pollués… Mais c’est aussi une question d’exemplarité tant leur résilience est exceptionnelle.


400 millions de personnes dans 90 pays

Malgré quelque 500 années de colonisation, ils ont réussi à survivre et à protéger encore des pans immenses de territoires, des forêts notamment, considérés aujourd’hui comme indispensables à la survie de la planète. Les peuples autochtones, ce sont près de 400 millions de personnes réparties dans 90 pays sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique.

Ce sont les Mapuches en Argentine [et au Chili, NDLR], les Dayaks en Indonésie, les Igorots aux Philippines ou encore les Wampis au Guyana, mais aussi les Macuxis, Kaingangs ou Zo’é dans différentes régions du Brésil pour ne citer que ces quelques exemples… Et, bien qu’ils ne représentent que 5 % de la population mondiale, ils sont les gardiens de 95 % des langues connues.

Qu’ils habitent en Arctique autour du pôle Nord, dans les prairies ou les forêts sur les îles du Pacifique ou d’ailleurs, ils détiennent, gèrent ou vivent sur un quart de la superficie mondiale. Des zones qui comprennent environ 35 % des aires protégées, et 35 % de terres n’ayant subi que très peu d’interventions humaines et qui concentrent 80 % de la biodiversité mondiale.


Les gardiens de la Terre

Depuis quelques années en effet, les publications scientifiques convergent pour montrer qu’ils font mieux que n’importe qui d’autre : malgré la pression exercée, leurs territoires se dégradent bien moins vite qu’ailleurs. Le cas des forêts est exemplaire.

Tout le monde sait à quel point leur survie est indispensable pour absorber le CO2 et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or, celles qui sont occupées par les peuples autochtones – soit la moitié des grandes forêts mondiales – connaissent le taux de déforestation le plus faible de la planète, y compris en comparaison avec les aires protégées censées être le nec plus ultra de la protection. Et pour cela, ces peuples ne bénéficient que de 2 % des fonds mondiaux alloués à la protection des forêts !

Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que plus jamais les droits des peuples autochtones ne soient violés. Il n’est pas question d’agir pour eux mais avec eux. Ecoutons ce que les peuples autochtones ont à nous dire. Les représentants de ces gardiens de la Terre qui sont à Marseille viennent pour la plupart d’entre eux de territoires extrêmement éloignés. Placés aux premières loges pour assister à la destruction de la nature, ils savent la menace qui pèse sur leur communauté mais aussi sur le reste de la planète.


Le rôle essentiel de la France

Dès l’ouverture du congrès de l’UICN, les représentants des organisations autochtones viennent nous offrir leurs savoirs en matière de protection de la nature, cette notion de réciprocité entre tous les êtres et la Terre. Ils sont nos alliés. Il est grand temps qu’on les entende et qu’on les aide.

La France, qui va prendre la tête de l’Union européenne le 1er janvier 2022 pour six mois, a un rôle essentiel à jouer auprès des autres Etats membres pour initier une nouvelle politique et montrer que les territoires de ces populations ne sont pas des outils destinés au seul usage des grandes entreprises des pays occidentaux mais qu’ils leur appartiennent.

Au-delà des mots, cela doit donc se traduire par des lois – droit foncier, droit d’accès aux ressources, droit de décider – et par un soutien financier. Si vraiment nous sommes intelligents, c’est le moment d’agir. Incontestablement, la Bible aurait dû inscrire un onzième commandement : tu chériras la Terre et ceux qui la protègent.


Peter Seligmann est un des fondateurs d’une ONG – Nia Tero (« Notre Terre » en espéranto) – dirigée par des dirigeants autochtones. Il reste président du conseil d’administration de l’ONG Conservation international, l’une des très grosses associations de protection de la nature qu’il a fondée en 1987.

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