On n'est pas hors-sols !
- Jean-Marc Adolphe

- il y a 4 heures
- 7 min de lecture

Photo Ansdelm Gibbs / AP
Elle fut reconnue par Voltaire : achetée en Afrique de l'Ouest comme esclave à 7 ans, Phillis Wheatle fut, à la fin du 18e siècle la première poétesse afro-américaine. A Trinité-et-Tobago, contre l'interdiction, les esclaves cachaient un instrument de musique, le steelplan, dans des bidons à huile usagés. Aujourd'hui, cet instrument revit. Jacques Roubaud fait partie des oulipiens qui ont introduit le baobab dans la littérature sans le réduire en esclavage. Pour bien pousser, un baobab a besoin d'un bon sol. Et ça tombe bien : des sols, c'en est aujourd'hui la Journée internationale. Tant pis pour les politicards et autres tocards qui restent hors-sol...
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L'IMAGE DU JOUR
En tête de publication : A Trinité-et-Tobago, une nouvelle génération redonne ses lettres de noblesse au steelpan. Le steelpan, un instrument à percussion créé à Trinité-et-Tobago en 1939, fait son grand retour alors qu'une nouvelle génération apprécie son son clair et mélodieux sur scène et sur les pistes de danse. Les fans affirment que les nouvelles technologies ont rendu le steelpan plus accessible — et plus abordable — et un nombre croissant d'écoles dans cette nation insulaire jumelle initient leurs élèves à ses sonorités cristallines. Amrit Samaroo, qui dirige le Supernovas Steel Orchestra de Trinité-et-Tobago, note que les réseaux sociaux s'intéressent de plus en plus à cet instrument, les fans jouant tout type de musique, des chansons pop au reggae, sur des steelpans. Les pannistes, comme on appelle les joueurs, se vantent que le steelpan peut jouer n'importe quel genre musical. Jael Grant, une étudiante de 17 ans, en joue depuis l'âge de 5 ans et fait désormais partie de l'Exodus Steel Orchestra, un groupe que son grand-père soutient depuis des décennies.
Le steelpan est né de la rébellion et de la résilience. Après l'émancipation des esclaves à Trinité-et-Tobago dans les années 1830, une révolte a poussé les autorités à interdire la pratique des instruments à percussion, à cordes et à vent pendant les célébrations du carnaval. Mais les anciens esclaves ne se sont pas laissés réduire au silence, ce qui les a amenés à découvrir l'instrument de musique caché dans des bidons d'huile jetés. Et Cet instrument, que seuls les hommes étaient autorisés à jouer autrefois, est désormais pratiqué par d'innombrables femmes à Trinité-et-Tobago.
La technologie est en train de changer la façon dont l'instrument est fabriqué, ce qui contribue à son renouveau.
Chez Panland, une entreprise qui fabrique des steelpans depuis plus de 30 ans, les employés affirment qu'un steelpan peut désormais être fabriqué en une journée de travail de 9 h à 17 h à l'aide d'outils électriques, d'un puissant lance-flammes et d'applications mobiles. Auparavant, la fabrication d'un seul steelpan pouvait prendre plus d'un mois.
Aujourd'hui, les fabricants de steelpan n'ont plus besoin d'attendre que des bidons soient jetés pour fabriquer leur instrument, qui n'est devenu officiellement l'instrument national de Trinité-et-Tobago qu'en juillet 2024. Le steelpan a récemment reçu une reconnaissance plus officielle. Au début de l'année, le gouvernement de la république insulaire a modifié les armoiries du pays en remplaçant les trois navires de Christophe Colomb par un steelpan. Et la Journée mondiale du steelpan est désormais célébrée chaque année le 11 août, suite à une proclamation des Nations unies.
LES CITATIONS DU JOUR
« Imagination ! Qui peut chanter ta force ? / Ou décrire la rapidité de ta course ?/ S'élevant dans les airs pour trouver la demeure lumineuse, / Le palais céleste du Dieu tonnant, / Sur tes ailes, nous pouvons dépasser le vent, / Et laisser derrière nous l'univers en mouvement : / D'étoile en étoile, l'optique mentale vagabonde, / Mesure les cieux et parcourt les royaumes d'en haut. / Là, d'un seul regard, nous embrassons le tout puissant, / Ou nous émerveillons l'âme sans limites avec de nouveaux mondes. » (Phillis Wheatley)

Décédée il y a 241 ans, le 5 décembre 1784, Phillis Wheatley fut la première poétesse afro-américaine publiée et l'une des premières femmes américaines à publier un recueil de poésie, intitulé Poems on Various Subjects, Religious and Moral en 1773. Née en Afrique de l'Ouest, probablement dans l'actuel Sénégal ou Gambie, elle fut réduite en esclavage vers sept ou huit ans, transportée à Boston en 1761 à bord du navire Phillis, et achetée par la famille Wheatley, qui lui donna ce prénom d'après le navire. La famille Wheatley, remarquant son intelligence malgré sa constitution fragile, lui donna une éducation en anglais, latin, grec, Bible, astronomie et géographie ; dès l'âge de 12 ans, elle lisait des classiques tels qu'Homère, Virgile et Milton. Elle publia son premier poème à 14 ans en 1767 et se fit connaître avec une élégie dédiée à l'évangéliste George Whitefield en 1770. En 1772, des notables de Boston, dont John Hancock et Thomas Hutchinson, examinèrent et validèrent son œuvre pour contrer le scepticisme racial, permettant la publication à Londres.
Affranchie en 1773 après le succès de son livre, loué par Voltaire comme preuve des capacités poétiques des Noirs, Wheatley rencontra des figures comme Benjamin Franklin et George Washington qui admirèrent son talent. Sa poésie abordait souvent des thèmes chrétiens, des élégies et portait des allusions subtiles à la liberté durant la Révolution américaine, incluant des hommages à Crispus Attucks et Washington. Elle soutenait l'indépendance tout en critiquant indirectement l'esclavage, influençant les premiers abolitionnistes.
Après la mort des Wheatley, elle épousa John Peters en 1778, vécut dans la pauvreté, perdit trois enfants, et mourut à 31 ans d'une maladie, enterrée sans marque au cimetière Copp's Hill de Boston. Surnommée la « Mère de la littérature afro-américaine », son œuvre défia les notions de l'infériorité raciale et inspira des écrivains noirs ultérieurs tels que Jupiter Hammon ; son nom est honoré par des écoles, parcs, et une journée commémorative dans le Massachusetts.
(*) - L'extrait de poème cité ci-dessus, inédit en français, est issu de Poems on Various Subjects Religious and Moral (1773). Voir sur le site de The Poetry Foundation : https://www.poetryfoundation.org/poets/phillis-wheatley
« Il faut oser savoir et comprendre par soi-même. c'est ce que je considère comme une règle de vie raisonnable. » (Jacques Roubaud)

Né il y a tout juste 93 ans, le 5 décembre 1932 à Caluire-et-Cuire, dans le Rhône, c'est aussi un 5 décembre, l'an passé (2024) qu'est mort Jacques Roubaud, poète, écrivain et mathématicien français, célèbre pour son travail au sein du groupe littéraire Oulipo, qu'il a rejoint en 1966, invité par Raymond Queneau. En 1981, il a cofondé en 1981 l’atelier ALAMO pour la littérature assistée par ordinateur.
Jacques Roubaud a écrit de la poésie, des romans, des essais et des livres pour enfants, inventant des contraintes oulipiennes comme le baobab, le trident ou le haïku oulipien généralisé. Ses influences allaient de la littérature médiévale, des troubadours, aux mathématiques, créant des formes telles que le joséfine et le mongine. Il a reçu le Prix Goncourt de la poésie en 2021 pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que le Grand Prix national de la poésie en 1990.
Gallimard a publié des anthologies comme Je suis un crabe ponctuel (2016), illustrant son œuvre traduite en plusieurs langues. Roubaud a cofondé la revue Change en 1968 et dirigé le Centre international de poésie Marseille de 1992 à 1997. Sa poésie mêle émotion, raison et jeux linguistiques, concevant le poème comme un objet à quatre dimensions pour l’œil, l’oreille, la voix et la vision intérieure.
« Il était malicieux ; espiègle », écrit Patrick Beurard-Valdoye dans un hommage rendu sur Sitaudis, à lire ICI.
Ci-contre. Patrick Beurard-Valdoye, Pour Jacques Roubaud
EPHEMERIDE
Cela aurait pu vous échapper, mais heureusement, on veille aux grains : la Journée internationale des sols se tient chaque année le 5 décembre pour sensibiliser à l'importance d'un sol sain et promouvoir sa gestion durable, essentielle à l'agriculture, aux écosystèmes et à la sécurité alimentaire. Proposée en 2002 par l'Union internationale des sciences du sol (IUSS), elle a été officiellement adoptée par l'ONU en 2014 sous l'égide de la Thaïlande et de la FAO. En 2025, elle marque son 12e anniversaire avec un programme d'événements mondiaux et locaux (voir ICI).
Le thème officiel est « Des sols sains pour des villes en bonne santé », qui met l'accent sur le rôle des sols urbains dans l'absorption de l'eau, la régulation thermique, le stockage du carbone et la réduction de la pollution, face aux défis de l'étalement urbain et de l'imperméabilisation. Ce focus vise à encourager les décideurs, scientifiques et citoyens à repenser les espaces urbains pour des villes plus résilientes et vertes.
En Pays de la Loire, l'Association Française pour l'Étude du Sol (AFES) organise la 12e édition du 4 au 6 décembre à Angers, avec conférences, sorties terrain sur la biodiversité des sols forestiers, ateliers et rencontres politiques sous le thème « La santé des sols : un continuum de l’urbain au rural » (voir ICI). À Paris, la Ferme de Paris propose des ateliers et balades urbaines le 6 décembre (voir ICI). D'autres initiatives incluent des conférences en ligne dès le 13 novembre et des activités ludiques dans diverses régions... Et à Genève, qui n'est pas en France, le célèbre Jet d'eau, au bout de la jetée des Eaux-Vives, sera illuminé en bleu et vert, les couleurs de "Save Soil" (ICI) : un geste symbolique vise à sensibiliser le public à l'importance de préserver les sols pour les générations futures.
En cette Journée mondiale des sols, on peut aussi se soucier des haies : lire la chronique Paysactes d'Isabelle Favre : "A bas les haies, vive le déluge..." (ICI).





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