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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

"Pour chaque soldat tué, nous prendrons 10 enfants"


En Sibérie, Maria Lvova-Belova vient de participer à un forum orthodoxe et ultra-nationaliste, où il fut question de « guerre contre le diable » (alias « l’Occident sodomite ») et de défense des valeurs traditionnelles qui devrait conduite à la censure de toute expression qui leur serait contraire. Pendant ce temps, deux ONG ukrainiennes dévoilent un nouveau rapport, édifiant, sur les déportations d’enfants ukrainiens en Russie, dont Lvova-Belova est la principale cheffe d’orchestre. Mais ce que révèle pour la première fois ce rapport, au-delà du rôle joué par la commissaire russe aux droits de l’enfant, c’est l’ampleur d’un système de prédation dont la préméditation, la planification et l’intendance renforcent le caractère génocidaire. En attendant que la Cour pénale internationale se saisisse de ce dossier, les humanités dressent une première liste nominative des responsables et complices d’un crime à grande échelle.


Cette enquête vous est offerte par les humanités, média alter-actif et engageant.

Abandonnez-vous, abondez-vous, abonnez-vous : ICI.


La scène est effrayante, elle devrait suffire à montrer ce dont l'armée de Poutine est capable : « Les poussettes ont été abandonnées dans l’arrière-cour envahie de feuilles mortes. Par la fenêtre du bâtiment cadenassé, on distingue des tables à langer et des rangées de petits lits désertés. Aucune trace des 58 pensionnaires, âgés de 0 à 4 ans, qui vivaient dans cette pouponnière du centre-ville de Kherson. « On était habitués à les entendre rire et pleurer. Du jour au lendemain, un profond silence s’est installé dans le quartier », témoigne une voisine visiblement émue. D’abord réticente, la femme finit par raconter la rafle qui s’est déroulée sous ses fenêtres le 2 novembre dernier, quelques jours avant le retrait des troupes russes. Vers 10 heures, un blindé et un pick-up ont encerclé l’orphelinat. Une douzaine de soldats, cagoulés et équipés de fusils d’assaut, se sont engouffrés à l’intérieur tandis que trois bus, rideaux tirés, stationnaient à l’entrée. « En moins d’une heure, tous les enfants ont été embarqués », souffle-t-elle au bord des larmes. Les véhicules ont ensuite franchi le fleuve Dniepr à bord de chalands convoyant des lance-missiles, opportunément protégés d’éventuelles attaques par la présence des jeunes passagers. « Non seulement les Russes volent nos enfants, mais ils sont cyniques au point de se servir d’eux comme boucliers humains pour transporter leurs engins de mort ! » s’indigne Alexey Fedchenko, directeur de l’ONG Save Ukraine. L’homme est venu spécialement de Kiev enquêter sur ce rapt collectif. « Toutes les précautions avaient pourtant été prises pour éviter ce scénario catastrophe » , se désespère-t-il. Inquiet du sort que les forces d’occupation pourraient leur réserver, dès le 28 février, le personnel de la pouponnière avait en effet pris l’initiative de cacher ces enfants dans les sous-sols d’une église de Kherson. Afin de ne pas éveiller les soupçons, pyjamas et grenouillères séchaient à même les tuyaux d’aération de la cave. Et des religieuses assuraient discrètement le ravitaillement, dissimulant couches et pots de lait sous leurs chasubles. Jusqu’au jour où le secret, jalousement gardé pendant près de deux mois, fut exposé sur les réseaux sociaux. Probablement le fait d’un « collabo » désireux de se faire bien voir des nouveaux maîtres de la ville… « Aussitôt, les Russes se sont mis à fouiller partout. Ils ont retourné chaque église et fini par les trouver », poursuit Alexey Fedchenko. »


Un véritable cauchemar, raconté dans Paris-Match par Manon Quérouil-Bruneel, sur la base de témoignages recueillis à Kherson par le journaliste Sergei Shestak. Un nouvel épisode -et hélas sans doute pas le dernier- de ce que Manon Quérouil-Bruneel nomme à juste titre un « trafic d’État à grande échelle ». Cette remarquable enquête sur « les enfants volés d’Ukraine », à laquelle ont contribué les humanités en partageant les informations et sources glanées depuis plusieurs mois, et dont il a abondamment été rendu compte ici, pointe évidemment le rôle-clé de Maria Lvova-Belova (surnommée « Bloody Mary »), commissaire présidentielle russe aux droits de l’enfant, dans l’organisation du transfert en Russie d’enfants et adolescents pour y être adoptés de force.

Double page qui ouvre dans Paris-Match du 8 décembre 2022 l’enquête de Manon Quérouil-Bruneel,

et ci-dessous, PDF de l’article en intégralité.


Les humanités ont été le premier média, en France, à "distinguer" et épingler Maria Lvova-Belova, dès le 9 septembre (Lire ICI). Neuf articles ont d’ores et déjà été publiés sur ces déportations d’enfants, et ce n’est pas fini ! Comme il a déjà été dit, Maria Lvova-Belova prend ses ordres directement auprès de Vladimir Poutine, dont elle précise qu’il est son « supérieur immédiat », et elle n’est évidemment pas la seule à être impliquée dans ce cycle infernal de déportations-russification-adoptions, comme on le verra à la fin de cet article, mais elle est la cheffe d’orchestre d’une monstruosité qui est de plus en plus ouvertement qualifiée de crime de génocide, dont Galia Ackerman disait, dans un récent entretien au Point, que cela rappelait les pratique des nazis.


Si elle se donne volontiers des allures de dame patronnesse volant au secours de pauvres enfants victimes des affres de la guerre, à aucun moment elle ne juge utile de rappeler les raisons d’une telle situation, créée de toutes pièces par l’invasion et les bombardements russes depuis le 24 février, et pour cause : cette invasion, elle la soutient, tout comme elle en approuve les fondements idéologiques, qui ne visent pas seulement la culture, l’identité et l’indépendance ukrainiennes, mais au-delà, le « satanisme » occidental.


Satanisme ? Mais oui : « Nous sommes en guerre contre le diable », vient de réaffirmer Alexandre Douguine, le 7 décembre, à Novossibirsk, lors du premier Forum sibérien du Conseil mondial du peuple russe, auquel assistait Maria Lvova-Belova. Idéologue connu pour ses positions ultra-nationalistes et néofascistes, dont les liens avec certains courants radicaux des extrême-droites française et européenne sont patents (voir article du Monde du 25 août 2022), Alexandre Douguine ne cesse de promouvoir l’impérialisme russe et son expansionnisme militaire. Ses diatribes récurrentes contre « l’Occident décadent » sont aujourd’hui ouvertement reprises par Vladimir Poutine, et répétées en boucle, ad nauseam, par le chœur des propagandistes du Kremlin.

Maria Lvova-Belova (à gauche de la photo) avec Alexandre Douguine,

l’archevêque Nicodemus, métropolite du diocèse de Novossibirsk,

et Konstantin Malofeïev, à la tribune du Forum sibérien du Conseil mondial du peuple russe,

le 7 décembre 2022 à Novossibirsk. Photo Andrey Bortko / Kommersant


Orthodoxe vieux-ritualiste (voir ICI), Alexandre Douguine a encore déclaré, à Novossibirsk : « Nous devons prendre tous les enseignements de l'Église, car c'est l'essence de la tradition. Sur l'homme, sur les anges, sur la résurrection des morts et le jugement dernier ». Une telle profession de foi ne doit rien au hasard : le Conseil mondial du peuple russe, qui organisait ce forum sibérien, est présidé par le patriarche de Moscou, Kirill, qui a apporté dès le début de l’invasion en Ukraine sa légitimité spirituelle à la politique expansionniste de Vladimir Poutine.

Et ce même Conseil mondial du peuple russe a comme vice-président, et principal financier, le milliardaire Konstantin Malofeïev, qui a fondé en 2005 Marshall Capital, l'un des principaux groupes d'investissement russes. Très influent en Russie, notamment grâce au groupe de média Tsargard qu’il possède (Tsargrad est le nom prophétique donné par les anciens slaves à Constantinople et qu’aurait dû porter cette ville une fois que les Russes en auraient pris possession et en auraient fait la capitale), Konstantin Malofeïev a lui aussi noué des liens avec l’extrême-droite française, ainsi qu’avec des mouvements religieux et ultra-conservateurs aux États-Unis. En 2015, Novaya Gazeta avait révélé le rôle très actif joué par Malofeïev dans le soutien financier et militaire apporté en 2014 aux séparatistes du Donbass, en étroite concertation avec le Kremlin et d’anciens membres du KGB.

Lors de son intervention au Forum sibérien du Conseil mondial du peuple russe, Konstantin Malofeïev est resté fidèle à ses convictions ultra-nationalistes et ultra-conservatrices. « Maintenant », a-t-il déclaré, « grâce à la guerre sainte dans laquelle nous sommes, il y a un tournant, nous revenons à nous-mêmes. La famille, le sacerdoce et le combat doivent devenir le fondement de la nouvelle société. Suivre les traditions devrait mener à cela ». L’État, selon lui, doit soutenir plus activement l’armée et le clergé. « Une Sodome mondiale a été conçue. L'homme était censé devenir un atome dans une société de consommation, faire crédit, être redevable toute sa vie. En Russie, cette idéologie s'est abattue sur la petite église, la famille, car c'est la base de nos traditions ». Et au sein de la famille, « les enfants doivent admirer les héros de la Russie et les saints, et aspirer à devenir comme eux. Et les filles doivent devenir des mères. »

Vidéo de la chaîne NSC TV canal 49 sur le Forum sibérien du Conseil mondial du peuple russe, à Novossibirsk, le 7 décembre 2022


Loin de s’offusquer de tels propos, Maria Lvova-Belova les a applaudis. Et même davantage. Ce forum du Conseil mondial du peuple russe avait pour intitulé : « Sur l'approbation de la politique fondamentale de l'État visant à protéger et à renforcer les valeurs morales et spirituelles traditionnelles de la Russie », dans la foulée du décret récemment signé par Vladimir Poutine pour défendre les valeurs traditionnelles. « J'espère vivement que la discussion d'aujourd'hui débouchera sur des solutions pratiques », s’est enflammée la commissaire aux droits de l’enfant. Et en effet, cela n’a pas tardé. Cette rance assemblée a insisté pour que « les forces de l'ordre soient sensibilisées à "toute manifestation d'une idéologie destructrice" » et que soient interdits les émissions de télévisions et les artistes qui ne correspondraient pas aux "valeurs traditionnelles". Le jour-même, à Novossibirsk a été annulé au tout dernier moment un concert du groupe rock Polmateri (Полматери) « dont les chansons utilisent un langage grossier et font l'apologie de la drogue, de l'avortement et de la promiscuité sexuelle ». Des centaines d’adolescents, munis de billets, se sont heurtés aux portes closes de la vaste salle de concerts Podzemka (Lire ICI, en russe). Et un concert de la chanteuse pop HOFMANNITA, prévu le 15 décembre, devrait subir le même sort.

Dernier clip officiel (mai 2022) du groupe Polmateri, dont le concert a été annulé à Novossibirsk au dernier moment,

sous la pression du Conseil mondial du peuple russe. Les paroles, plutôt « fleur bleue »,

sont pourtant loin de faire « l'apologie de la drogue, de l'avortement et de la promiscuité sexuelle »


Il n’est pas surprenant de retrouver Maria Lvova-Belova, qui posait tout sourire aux côtés du leader tchétchène Ramzan Kadyrov, comme invitée de marque d’un tel aéropage : elle prend visiblement beaucoup de plaisir à s’afficher parmi les plus radicaux de la sphère poutinienne. Façon de montrer son zèle dans le soutien à la politique du boss.

Et puis, Novossibirsk et la Sibérie, elle aime bien, Maria Lvova-Belova. C’est là, à plus de 2.800 kilomètres de Moscou, qu’elle a entrepris, le 13 octobre dernier, l’un de ses déplacements les plus médiatisés, pour remettre à des familles adoptives, sous les auspices du gouverneur régional, Andrey Travnikov, 24 enfants âgés de 2 à 16 ans, raflés dans l’oblast de Louhansk (Lire ICI).


"Déportation forcée d'enfants dans la Fédération de Russie", un rapport édifiant


On est loin d’encore tout savoir sur ce trafic d’enfants, mais peu à peu, le puzzle se complète. Une pièce maîtresse vient de compléter le tableau : la publication, ce 9 décembre 2022, d’un rapport rapport conjoint de l’ONG Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques, avec le soutien de la Fondation Konrad-Adenauer.

Vira Yastrebova, directrice de l’ONG Eastern Human Rights Group, et Victoria Dyomina, de l’ONG de défense des droits de l’homme Zmina, le 9 décembre à Odessa lors de la présentation du rapport "Déportation forcée d'enfants dans la Fédération de Russie".

Photo Media Center Odessa.

A la date du 29 novembre, près de 5 millions de civils ukrainiens auraient été déplacés de force, et parmi eux, plus de 715.000 enfants. A eux seuls, ces chiffres sont déjà vertigineux. On se demande comment ils sont possibles, et le document d’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques, intitulé "Déportation forcée d'enfants dans la Fédération de Russie", fournit sur 35 pages extrêmement documentées des éléments de réponse jusqu’ici inédits, et… qui font froid dans le dos.


Ci-dessous, en PDF téléchargeable, rapport de l’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques (en ukrainien)

Première révélation de taille : les déportations d’enfants des régions de Donetsk et Louhansk ont commencé une semaine avant le début de l’invasion russe, dès le 18 février. Ce jour-là, en effet, les dirigeants des autoproclamées "républiques populaires" signent des décrets visant à "évacuer" la population locale vers la Fédération de Russie.

On comprend mieux, dès lors, comment dès le 10 mars, en visite à Voronezh, à l’ouest de la Russie, Maria Lvova-Bolova avait pu féliciter le gouverneur régional, Alexandre Goussev, d’avoir d’ores et déjà "accueilli" 1.500 enfants du Donbass. Maria Lvova-Belova avait alors « exhorté », selon un article de presse russe, des familles de la région de Voronezh à adopter ces enfants. Pour rappel, la commissaire présidentielle aux droits de l’enfant avait rencontré deux jours plus tôt, le 9 mars, Vladimir Poutine, précisément pour « coordonner les aspects stratégiques concernant les familles et les enfants qui ont été évacués du Donbass. » Et dans la foulée, ce 10 mars à Voronezh, Maria Lvova-Belova avait signé avec ses "homologues" des "républiques" séparatistes de Donetsk et Louhansk, Eleonora Fedorenko et Iulia Nazarenko, un « accord tripartite » pour résoudre les « formalités administratives » liées au transfert d’enfants du Donbass, en vue de leur future adoption en Russie (photo ci-dessus).


Cette logique de déportation n’est pas entièrement nouvelle. Dès le 13 juin 2014, l’Ukraine avait saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’une requête portant sur l’enlèvement allégué de trois groupes d’enfants dans l’est de l’Ukraine entre juin et août 2014 et leur transfert en Russie. Dans sa grande célérité (à cette époque, sans doute ne fallait-il pas "humilier" Poutine ?), la Cour européenne des droits de l’homme a mis plus de sept ans pour tenir une première audience à ce sujet, le 26 janvier 2022. La simple décision sur la recevabilité de cette requête, remise à une date ultérieure, n’a en fait jamais été prise. Le 15 mars 2022, le Conseil de l’Europe excluait la Fédération de Russie de la CEDH, et ce même jour, la Russie annonçait son intention de dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme.

La Russie de Poutine n’a sans doute jamais perdu de vue l’objectif d’importer en nombre des enfants du Donbass. Le rapport d’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques signale l’existence d’un programme élaboré par le ministère russe des Affaires étrangères, intitulé "Compatriotes", qui s’inquiète de l’augmentation croissante dans la population russe des jeunes « d’origine ethnique », depuis 2015, et préconise en conséquence « des actions visant à augmenter le nombre de Slaves dans la Fédération de Russie ».


L’invasion de l’Ukraine fournit une occasion d’aller y puiser cette part slave qui commencerait à faire défaut en Russie. Mais une telle entreprise ne s’improvise pas. Seconde révélation majeure du rapport "Déportation forcée d'enfants dans la Fédération de Russie" : qui ont été les premiers enfants du Donbass transférés de force en Russie ? Maria Lvova-Belova les présente en général comme de pauvres orphelins. La plupart, en fait, sont des enfants « privés de soins parentaux ». Et comment devient-on, quasiment du jour au lendemain, « privé de soins parentaux » ? Les conditions mêmes de la guerre, notamment à Marioupol, ont pu y contribuer, que des parents aient été tués ou que familles aient été séparées, du fait des bombardements sur la ville, ou dans les camps de filtration mis en place lors des "évacuations" sous contrôle russe des habitants de Marioupol : plusieurs témoignages ont fait état de la réalité de telles situations. Mais il y a bien plus, et ce rapport le révèle pour la première fois. Dans les régions de Donetsk et Louhansk, des hommes ont été mobilisés de force, dès avant l’invasion russe. Dans les foyers où la femme ne travaillait pas, se trouvant donc sans ressources, les enfants ont été déclarés « privés de soins parentaux ». Et quand bien même ces enfants auraient été accueillis par des grands-parents, des commissions formées par les administrations de Donetsk et Louhansk ont jugé que ceux-ci ne pouvaient pas remplacer la mère ou le père de l’enfant. Et ces enfants abusivement déclarés « privés de soins parentaux » ont alors été placés dans des orphelinats, d’où ils ont été acheminés vers la Russie. Et on ne parle pas d’une poignée de bambins et gamins. Le rapport d’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques parle de… 38.000 enfants, susceptibles d’être ensuite déportés.


Ce rapport, non encore traduit en anglais ou en français, documente cela très précisément, y compris en donnant la liste des itinéraires, routiers ou ferroviaires des "voies d’évacuation", ainsi que la localisation précise, en Russie, de plusieurs internats et pensionnats vers lesquels ces enfants ont été dirigés. Et bien d’autres éléments encore (notamment concernant les procédures d’octroi de la nationalité de russe à ces enfants déportés) sur lesquels il faudra revenir.

Photomontage en couverture du rapport "Déportation forcée d'enfants dans la Fédération de Russie"


Pour l’heure, un troisième point majeur retient l’attention. On imagine bien que Maria Lvova-Belova, quel que soit le zèle qu’elle déploie, ne peut à elle seule réguler un tel flux d’enfants déplacés. Il faut pour cela toute une organisation, de la préparation et de l’intendance. Or, l’étude d’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques révèle que dès le début mars, les autorités russes mobilisent l’ensemble des administrations fédérales et régionales pour répartir sur la totalité du territoire russe les « réfugiés » en provenance d’Ukraine.

Et même avant cela, le 22 février, le gouverneur de la région de Moscou signe un décret pour organiser "l'hébergement et la restauration des citoyens déplacés du territoire de l'Ukraine et arrivant à une échelle extraordinairement grande sur le territoire de la Fédération de Russie". Le 22 février, soit deux jours avant le début de l’invasion. Autant dire que les déplacements plus ou moins forcés de populations étaient prévus, pour ne pas dire prémédités. Les responsables des républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk y ont d’ailleurs grandement contribué, en diffusant massivement auprès de la population, à partir du 18 février, des messages alarmants sur des bombardements imminents, poussant ainsi les habitants à partir d’eux-mêmes vers la Russie.

Et dans le cas spécifique des enfants, un logiciel et une base de données, qui existaient visiblement depuis 2014, ont été très vite réactivés afin de les distribuer sur l’ensemble du territoire de la Russie, là aussi.

Le rapport confirme enfin des informations apparues ces derniers jours, qui semblent indiquer que les déportations d’enfants sont loin d’être terminées. Le 22 octobre dernier, en effet, le gouvernement russe a adopté une résolution sur "une étude approfondie de la condition médicale des enfants". Un budget de 353 millions de roubles (environ 8 millions d’euros) a été affecté à cette opération, qui a débuté le 1er novembre dans la région de Louhansk et doit se dérouler jusqu’au 31 décembre dans les quatre territoires récemment annexés par la Russie. 82.000 enfants sont visés par cette inspection médicale. Les enfants souffrant de pathologies seraient laissés sur place ; ceux en bonne santé (qu’un document du ministère de la Santé qualifie de « matériel de qualité ») seraient transférés en Russie et promis à une nouvelle identité, délestée de toute référence à l’Ukraine.

Zakhar Prilepine, journaliste ultra-nationaliste qui s’est notamment illustré pour avoir estimé que la pandémie de Covid-19 était une punition divine contre l'Occident, coupable d’avoir légalisé le mariage entre personnes du même sexe, et plus récemment, pour avoir créé un Groupe d’enquête sur les activités antirusses dans le domaine de la culture, appelant à la délation des artistes opposés à la guerre, fait partie des « personnalités » choisies par Vladimir Poutine en janvier 2020 pour proposer des amendements à la constitution russe… Ce fanatique aurait écrit sur son compte Telegram : « Pour chaque soldat tué, nous prendrons dix enfants ».

Si la citation n’est pas précisément référencée, elle pourrait illustrer la prédation que la Russie mène en Ukraine, à ceci près qu’elle fait penser à des représailles contre des Ukrainiens plus résistants que prévu, ces Ukrainiens coupables de ne pas avoir accueillis en libérateurs les soldats russes, ces Ukrainiens que l’idéologue Timofeï Sergueïtsev qualifiait de « nazis passifs ». Mais les éléments qui apparaissent aujourd’hui montrent que les déplacements forcés des civils, et tout particulièrement les déportations d’enfants, ont été largement prémédités et planifiés. Et les auteurs du rapport d’Eastern Human Rights Group et de l’Institut d’études stratégiques concluent sans équivoque : « les processus de déportation forcée d'enfants des territoires occupés d'Ukraine vers la Fédération de Russie font partie d’un crime appelé génocide du peuple ukrainien ».


Un système de prédation, prémédité et planifié


En dépit des rapports sur le sujet, établis par Human Rights Watch, Amnesty International, le New Lines Institute et le Centre Raoul Wallenberg (le plus conséquent, publié par les humanités le 17 novembre), en dépit des articles et enquêtes qui se sont multipliés ces derniers temps dans la presse internationale, ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale se montre encore fort peu réactive, pour ne pas dire timorée. Même l’UNICEF, questionnée voici peu par une journaliste de L’Express, a déclaré "étudier les moyens" de réunir les enfants déplacés et leurs familles, sans plus de précision. Toutefois, plusieurs associations et ONG sont sur le point d’adresser une requête au procureur de la Cour pénale internationale, qui siège à La Haye. Il ne faut pas se leurrer : une instruction en bonne et due forme prendrait un certain temps, mais l’ouverture d’une enquête pourrait faire réfléchir certains, en Russie, sur les risques qu’ils encourent.


Comme on l’a vu, Vladimir Poutine est à la tête de ce système de déportations d’enfants. Comme en attestent les propres publications de Maria Lvova-Belova, sa rencontre avec le président russe le 9 mars, et le décret signé par le président russe fin mai pour simplifier la procédure d’octroi de la nationalité russe aux enfants ukrainiens en vue de leur adoption, la « chaîne de commandement » peut ici être retracée sans difficulté.

De gauche à droite : Tatyana Moskalkova, médiatrice des droits de l’homme de la Fédération de Russie, Leonid Pasechnik, chef par intérim de la « république populaire de Louhansk », et le général Mikhail Mizintsev, chef du Centre de gestion de la défense nationale russe.


Maria Lvova-Belova ? Son sort est réglé. Les humanités ont suffisamment documenté son implication pour qu’il soit nécessaire d’insister. Qu’il suffise de rappeler ce qu’elle écrivait sur son compte Telegram le 22 septembre, au lendemain du discours de Poutine annonçant la mobilisation partielle de réservistes pour aller combattre dans le Donbass et à la veille des pseudo référendums de rattachement à la Russie qui s’y sont tenus, du 23 au 27 novembre : « Le discours du président aux citoyens de notre pays, aux résidents des républiques de Donbass et des autres territoires libérés confirme la position absolument ferme de la Russie : protéger le peuple frère contre les nazis (…) La Russie n'abandonne pas son peuple, surtout ses enfants ! Les enfants de ces territoires sont nos propres enfants, et ils ont un avenir commun avec leurs camarades russes. » Elle avait ajouté dans la presse russe : « Les enfants des républiques du Donbass sont notre propre sang, et il n'y a depuis longtemps aucune frontière entre la Russie et la région. (…) Il n'y a plus de frontières entre nous, et les enfants de ces républiques sont les nôtres, les nôtres. » Elle avait aussi ajouté que le transfert d’enfants d’Ukraine vers la Russie, qui avait jusqu’à présent été « un travail de bijoutier », allait désormais pouvoir se poursuivre « de façon plus systématique. »


Mais encore une fois, son zèle tout particulier ne peut s’exercer qu’au sein d’un système composé de multiples rouages. Il appartiendra à la Cour pénale internationale de définir les responsabilités des uns et des autres. Voici quelques premières pistes.

Qu’il s’agisse de l’enlèvement d’enfants (comme narré au début de cet article, à Kherson) ou de leur transfert en territoire russe, le rôle de l’armée et du ministère de la Défense a été central. Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense, a évidemment été donneur d’ordres, mais le général Mikhail Mizintsev, chef du Centre de gestion de la défense nationale (qui s’est précédemment illustré en Syrie, et qui est surnommé le "boucher de Marioupol" notamment pour y avoir ordonné le bombardement d'un hôpital pour enfants et du théâtre où avaient trouvé refuge des civils) a personnellement supervisé les moyens logistiques nécessaires à l’évacuation des enfants du Donbass. D’autres responsabilités seront vraisemblablement mises à jour au sein du ministère de la Défense.


Les responsables des républiques autoproclamées de Louhansk et Donetsk, respectivement Leonid Pasechnik et Denis Pouchiline, ont joué un rôle déterminant dans la mise en place d’une politique de déportations. Ainsi (à titre d’exemple), Denis Pouchiline a-t-il personnellement commandité, le 7 octobre 2022, le transfert par avion militaire, de Donetsk à l’aérodrome militaire de Chkalovsky, à Moscou, de 234 enfants raflés dans des internats du Donbass. Son homologue Leonid Pasechnik, de Louhansk, a ouvert un camp de regroupement à Severodonetsk, d’où les enfants ont été expédiés vers un autre camp, "d’intégration", à Litvinovo, dans la banlieue de Moscou, où ils ont été confiés à des "psychologues", pour « pour qu’ils aient un point de référence, pour qu'ils s'approprient la Russie » (selon les mots de Maria Lvova-Belova).


Les médiatrices des droits de l’enfant des mêmes administrations séparatistes de Louhansk et Donetsk, respectivement Iulia Nazarenko et Eleonora Fedorenko, ont été omniprésentes dans le processus de transfert d’enfants. Comme indiqué précédemment, elles signaient dès le 10 mars avec Maria Lvova-Belova un accord tripartite pour résoudre les difficultés administratives liées à ces transferts. Par la suite, Eleonora Fedorenko a été particulièrement présente dans la préparation et l’organisation des transferts d’enfants. C’est ainsi sous son entremise que 27 jeunes enfants sont acheminés par train jusqu’à Moscou le 22 avril, et elle participe ce jour là à une réunion de travail pour leur placement "sous tutelle temporaire", avec Maria Lvova-Belova et le gouverneur de la région de Moscou (ICI, en russe). Mais ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.

L’enquête à venir de la Cour pénale internationale devra déterminer l’étendue des responsabilités de Iulia Nazarenko et Eleonora Fedorenko. Ainsi, parmi les interrogations non résolues à ce jour, le décret signé fin mai par Vladimir Poutine pour faciliter l’octroi de la nationalité russe aux enfants ukrainiens censément orphelins ou privés de soins parentaux, stipule que les « demandes d'admission à la citoyenneté de la Fédération de Russie » peuvent être formulées par différentes personnes résidant dans les "républiques populaires" de Donetsk et de Louhansk ou en Ukraine : tuteurs, mais aussi responsables d’orphelinats ou d’internats, d’organisations éducatives, médicales ou sociales. En clair, pour respecter la procédure (car même en Russie, il y a des procédures), Maria Lvova-Belova, ni aucun autre service de la Fédération de Russie, n’est en mesure d’attribuer la nationalité russe si une demande n’a pas été expressément formulée par un.e des responsables listés ci-dessus. Ce qui suppose, dans les administrations de Donetsk et Louhansk, un assez vaste réseau de "complicités". Une enquête d’Associated Press, parue le 13 octobre, "How Moscow grabs Ukrainian kids and makes them Russians”, mentionnait ainsi le cas de la directrice d’une institution pour enfants à Donetsk, Olga Volkova, qui a fait évacuer 225 enfants vers une zone proche de la ville balnéaire russe de Taganrog. « Après que les responsables de la république de Donetsk et de la Russie ont établi une liste de candidats appropriés, son internat leur obtient la citoyenneté et les envoie dans de nouvelles familles en Russie », ajoutait l’enquête d’Associated Press.

Enquête d'Associated Press, parue le 13 octobre 2022


Côté russe, des responsabilités similaires à celles de Iulia Nazarenko et Eleonora Fedorenko peuvent être établies en ce qui concerne Tatyana Moskalkova, "médiatrice des droits de l’homme" (sic) de la Fédération de Russie (rattachée au ministère de la Défense, c’est tout dire) ; Ksenia Mishonova, médiatrice pour les droits de l'enfant dans la région de Moscou (citée par The New York Times, elle déclarait notamment que le décret signé par Poutine allait « supprimer les derniers obstacles à la vie et à l'éducation des enfants » dans les familles russes) ; ou encore Elena Zaitseva, cheffe du département de la protection de la jeunesse du département du travail et de la protection sociale de la ville de Moscou, qui s’exclamait, après avoir été personnellement rencontré des enfants déportés à Rostov-sur-le-Don et à Koursk : « Maintenant, ils sont à nous ! ».

A gauche et au centre : le 13 juillet, Maria Lvova-Belova vient remettre à Alexei Dyumin, gouverneur de l'oblast de Toula,

24 enfants destinés à l'adoption. Le 22 juillet, elle rencontre Vladislav Shapsha, gouverneur par intérim de l'oblast de Kalouga,

qui a placé 25 enfants dans des familles d’accueil.


On l’a vu, des enfants raflés en Ukraine ont été répartis sur tout le territoire de la Fédération de Russie. Tous les gouverneurs régionaux ont été sollicités, d’abord pour trouver à ces enfants des hébergements temporaires, parfois pour organiser des camps "d’intégration" afin de préparer leur "russification", et enfin pour trouver des familles d’adoption, à partir de banques de données régionales. Ces gouverneurs régionaux ont apparemment répondu avec plus ou moins de zèle patriotique.

Comme dit précédemment, le premier à se distinguer a été Alexandre Goussev, gouverneur de l'Oblast de Voronezh. Dès le 10 mars, le site du Kremlin indiquait qu’il avait d’ores et déjà accueilli plus de 1.500 enfants du Donbass dans quelque 67 centres d’hébergement temporaire. Le gouverneur de la région de Moscou, Andrei Vorobyov, est assez vite rentré dans la ronde, organisant le 22 avril à Aprevevka, dans la banlieue de Moscou, une réunion de travail pour le placement "sous tutelle temporaire" (dans l’attente d’une adoption), d’enfants transférés en train de la région de Louhansk (ICI, en russe), ou réceptionnant encore avec Maria Lvova-Belova, début octobre à l'aérodrome militaire de Chkalovsky, près de Moscou, un groupe de 234 enfants, dont certains ont été envoyés pour adoption quelques jours plus tard à Novosibirsk, en Sibérie occidentale


En juillet, Maria Lvova-Belova fait la "tournée des popotes". Le 13, elle se rend dans la région de Toula (à 200 kilomètres au sud de Moscou), où elle remet au gouverneur régional, Alexei Dyumin (un ancien du FSB, qui a joué un rôle-clé dans l'opération russe en Crimée en 2014, ce qui lui a valu d’être brièvement promu par Poutine, en 2015-2016, vice-ministre de la Défense), 17 enfants de 3 à 15 ans présentés comme des orphelins issus des institutions publiques de la "république populaire" de Donetsk (agence Tass). Le 22, elle est dans l’oblast de Kalouga, au centre de la Russie, pour remercier le gouverneur par intérim, Vladislav Shapsha, d’avoir réussi à placer 25 enfants dans des familles d’accueil (ICI, en russe).

Plus tard, comme l’ont déjà relaté les humanités, c’est en Sibérie que l’on retrouve Maria Lvova-Belova, le 13 octobre, pour confier au gouverneur régional de Novossibirsk, Andrei Travnikov, un premier contingent de 24 enfants âgés de 2 à 16 ans.

Nadezhda Boltenko, la médiatrice régionale de Novossibirsk aux droits de l’enfant, participait évidemment à cette livraison, et on doit retrouver le même scénario dans d’autres régions russes, notamment celles d’Astrakhan, Koursk, Mourmansk, Nijni Novgorod, Omsk, Penza, Rostov, Riazan, Samara, Tcheliabinsk, Iamalo-Nénétsie, où la presse russe a signalé que des enfants avaient d’ores et déjà adoptés.


La préméditation, la planification et le côté systémique de cette "russification" à marche forcée, ne fait qu'en renforcer l'aspect génocidaire, auquel contribuent les enlèvements et déportations passés, ou encore à venir. En dehors des responsables nommés ci-dessus, intervient toute une nébuleuse d’acteurs dont une enquête internationale devra, là aussi, déterminer le degré de complicité.

Signalons ainsi, de façon évidemment non exhaustive, des responsables d’institutions pour enfants à qui le gouverneur régional de Moscou a adressé des lettres de remerciement (Alexander Ivanov, directeur du foyer psychoneurologique Orekhovo-Zuevsky, Maria Belchenko, psychologue scolaire du Centre pour l'innovation sociale de Krasnogorsk, Larisa Zemchenkova, infirmière du pensionnat Noginsky, Lyubov Kudrya, infirmière en chef du Centre intégré de services sociaux et de réhabilitation Odintsovsky, et Yana Maximova, psychologue scolaire du Centre pour l'innovation sociale de Podolsk), ou à Krasnodar, Yulia Bosenko, chef du département pour le développement des formes familiales de placement des orphelins et des enfants laissés sans soins parentaux ; des responsables de camps, comme en Biélorussie, où Dmitry Shvayba, président du syndicat régional de Minsk des travailleurs de l'industrie chimique, minière et pétrolière (affilié au régime de Loukachenko), a accueilli début septembre un millier d’enfants de 6 à 15 ans du Donbass dans le "camp sanitaire" de Dubrava ; et de fondations privées ou d’entreprises qui ont financé les actions "humanitaires" de Maria Lvova-Belova, paravent de la politique de déportation qu’elle conduit. Elle-même remerciait ainsi, sur son compte Telegram, à la date du 7 août, la Tinkoff Bank. Ce soutien est intervenu après qu’Oleg Tinkov, créateur de cette banque en ligne, critique de la guerre en Ukraine, ait dû céder fin avril ses actions à Vladimir Potanine, magnat du nickel, l’un des richissimes oligarques les plus proches de Poutine (il a notamment grandement financé les Jeux olympiques de Soichi).

On pourrait encore ajouter à cette première liste le nom de Karim Atassi, délégué par intérim du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour la Fédération de Russie, rencontré par Maria Lvova-Belova mi-octobre, et qui ne trouvait rien de mieux, selon l’agence Tass, que de « faire l'éloge des autorités russes pour l'accueil et l'hébergement des résidents évacués du Donbass » !


Et les parents, ceux qui ont d’ores et déjà adopté, en connaissance de cause, des enfants volés en Ukraine ? Selon Maria Lvova-Belova, sur les milliers d’enfants qui auraient déjà été transférés en Russie, seuls un peu plus de 300 d’entre eux ont été adoptés à ce jour. Soit l’intendance ne suit pas, soit les familles volontaires, malgré les sollicitations et incitations financières, ne se bousculent pas au portillon. En septembre, une journaliste russe de la BBC avait pu s’entretenir avec une de ces familles (ICI, en russe), qui a pris la garde temporaire d'un garçon de 13 ans, amené en avril d'un orphelinat de la région de Donetsk. Dans les propos recueillis par la BBC, la mère, Olena Kafanova, 55 ans, vétérinaire de formation, tout comme son mari, Igor, explique qu’elle est parfaitement au courant des conditions dans lesquels les enfants sont évacués d’Ukraine, et qu’ils n’ont fait aucune démarche pour adopter. Mais, raconte-t-elle, elle a reçu un jour un appel inattendu du ministère de la protection sociale, lui demandant d'envoyer une vidéo sur sa famille et une autre sur ses conditions de vie. Quelque temps plus tard, le même service rappelle pour dire : « Vous avez été choisis par un enfant de Donetsk comme famille ressource sur la base de votre vidéo ».

« Vous imaginez ? Mon cœur s'est mis à battre la chamade, j'ai pensé : "Wow, c'est vraiment quelque chose" », ajoute Olena. Avec son mari, ils ont dit oui.

Des braves gens, en somme.


Jean-Marc Adolphe


Rappel : la pétition « Sauvons les enfants ukrainiens déportés en Russie », initiée par l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre, recueille à ce jour 172.922 signatures. Il est encore possible de la signer : https://www.change.org/p/bringbackukrainiankids

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