top of page

Qu'aurait dit Gilles Deleuze des massacres au Soudan, de la bronca en Serbie et des sapins de Noël ?

ree

Gilles Deleuze. Photographie issue du site webdeleuze


Il y a tout juste 30 ans, le même jour qu'Yitzhak Rabin était assassiné à Tel Aviv, Gilles Deleuze se défenestrait, à 70 ans. Il est bien naturel de lui rendre hommage, tant les éphémérides des humanités sont rhizomatiques. Pour aujourd'hui, on se limite au Soudan, à la Serbie, et... à la production / exportation des sapins de Noël.


 J-59 : DONS DÉFISCALISABLES JUSQU'AU 31/12/2025  

Il nous reste 59 jours pour espérer réunir d'ici le 31 décembre entre 3.000 et 3.500 €, de façon a améliorer le site et son référencement et pouvoir salarier un.e premier.e journaliste, conditions exigées pour pouvoir espérer (enfin !) de possibles aides publiques en 2026. Depuis le lancement de cette campagne, cinq donateurs, 345 €.

Pour mémoire, nous avons fait le choix d'un site entièrement gratuit, sans publicité, qui ne dépend que de l'engagement de nos lecteurs. Jusqu'au 31/12/2025, les dons sont défiscalisables (à hauteur de 66% du montant du don). Un don de 25 € ne revient ainsi qu'à 8,50 € (17 € pour un don de 50 €, 34 € pour un don de 100 €, 85 € pour un don de 250 €). Dons ou abonnements ICI

Pour qui a déjà souscrit : franchement, on gagnerait à être davantage connus (et pas question, pour ça, de cracher au bassinet de Google). Si cette chronique vous plait (ou d'autres publications), n'hésitez pas à en offrir la lecture à vos connaissances...

 ÉPHÉMERIDES


Assassinats ciblés


Il s’appelait Carlos Manzo, avait 40 ans, était maire (indépendant) de la grande ville d'Uruapan (État du Michoacán, environ 350.000 habitants) au Mexique. Le 1er novembre, en pleine Fête des Morts, à laquelle il assistait avec son fils, il a été abattu comme un chien. Carlos Manzo était connu pour son engagement dans la lutte contre les cartels et les réseaux d'extorsion dans sa région du Michoacán, fortement marquée par la criminalité organisée.  Là opère notamment le cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG), l’une des organisations criminelles les plus puissantes et violentes du Mexique, fondée en 2009 à la suite d’une scission du cartel de Sinaloa. Selon la revue Conflits (ICI), ce cartel est dirigé par Nemesio Oseguera Cervantes, alias « El Mencho ». A son palmarès : trafic international de drogue, extorsion, enlèvement, blanchiment d’argent, vol de ressources naturelles (mines, pétrole), trafic d’êtres humains…. On en oublie sans doute. En Europe, afin de faciliter la distribution de méthamphétamine et d’autres drogues synthétiques, le cartel de Jalisco Nouvelle Génération collabore notamment avec des mafias italiennes, albanaises et néerlandaises.



Il y a 1.381 ans, le 4 novembre 644, le calife Omar ibn al-Khattab était assassiné dans la mosquée de Médine par un esclave perse, Fayruz, lors de la prière. Deuxième calife et stratège, il avait lancé l’expansion éclair de l’islam en Orient, consolidant l’autorité musulmane sur la Syrie, Jérusalem, l’Égypte et la Perse en dix ans de règne. Sa mort, première d’une longue série d’assassinats politiques, marqua le début de graves divisions au sein de la communauté musulmane…

 

Bonus. « Sa voix de stentor retentit dans tout l’édifice. Mais elle est brutalement rompue par son cri qui déchire l’assistance. Un rugissement de fauve blessé. Suivi d’un hurlement : « Le chien m’a tué ». On vient de poignarder le calife. Trois coups de couteau dans le ventre. Le calife décèdera quelques heures plus tard.

Le meurtrier, « le chien », c’est un Perse, « un esclave insignifiant », « un illustre inconnu », prénommé Fayruz. Il a pris la fuite, mais été rattrapé par un groupe de fidèles. Il se défend, blesse, certains à mort, plusieurs de ses poursuivants avant de se suicider avec le même poignard à double lame quand il se voit acculé. Il emporte ainsi dans sa tombe le secret d’un assassinat qui s’est passé devant des dizaines de personnes, mais qui – c’est bien étrange – n’ont rien vu, et va bouleverser l’histoire de l’Islam, notamment en amorçant l’effroyable guerre civile qui divisera irréversiblement les musulmans en sunnites et chiites. Aujourd’hui encore, Fayruz est considéré comme une incarnation diabolique par les premiers, et comme un héros par les chiites qui prétendent qu’il a réussi à fuir pour finir sa vie à Kâshân, en Iran, où sa tombe est devenue un mausolée. »

Extrait de Meurtre à la mosquée, volume 3 : « Les Califes maudits » de Hela Ouardi, Albin Michel, 2021.


Il y a tout juste 30 ans, le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien et artisan des accords d’Oslo, était assassiné à Tel-Aviv à l’issue d’une grande manifestation pour la paix. L’auteur du crime, Yigal Amir, jeune extrémiste ultranationaliste juif, s’oppose farouchement au processus de paix, considérant les concessions aux Palestiniens comme une trahison. Soutenu par des courants religieux et politiques de droite radicale, Amir agit dans un contexte de violentes polémiques attisées par certains leaders comme Benyamin Netanyahou, qui refuse toujours de condamner la campagne de haine contre Rabin, qualifié de “traître” et représenté en nazi. Et depuis, les accords d’Oslo ont fondu comme Norvège au soleil…

 

A lire : “Assassinat d’Yitzhak Rabin : l’espoir assassiné", éditorial de Nicolas Zomersztajn sur le site du Centre communautaire laïc juif David Susskind, fondé en 1959 à Bruxelles, et qui a donné à son auditorium le nom d’Yitzhak Rabin (ICI).


Il y a 30 ans, la mort de Gilles Deleuze


Personne n’a assassiné Gilles Deleuze. Gravement diminué par une maladie pulmonaire incurable, il a mis fin à ses jours, en 70 ans, en se défenestrant.


Trente ans après sa mort, en cette année 2025 où on célèbre le centenaire de sa naissance, la pensée de Gilles Deleuze demeure d’une actualité saisissante. Les concepts deleuziens du “rhizome”, de “déterritorialisation”, du “devenir” ou de la “différence” irriguent la réflexion contemporaine, fournissant des outils critiques pour penser la mondialisation, l’ère numérique, la crise écologique ou les nouveaux modes d’organisation militante (voir ICI).

 

Ce 4 novembre, jusqu’au 6, se tient à la Femis un colloque intitulé "Gilles Deleuze : usages contemporains d'une pensée du cinéma" : « La pensée du cinéma de Gilles Deleuze est une boîte à outils pour comprendre notre temps, les films qui s’y inventent comme les images qui le peuplent. Le diptyque composé de L’Image-mouvement (1983) et de L’Image-temps (1985) possède en effet une véritable actualité pour nous qui le lisons aujourd’hui. Ce colloque international aimerait montrer la variété des usages que l’on peut en faire, dans la diversité des cinématographies qu’il nous invite à explorer. Il renouvelle également la critique des médias, et nous conduit à avoir un regard distancié avec la fabrique de l’information et les stratégies contemporaines de propagande audiovisuelle. » (Voir ICI)


Sur la Toile (que Deleuze aura à peine connue), le site webdeleuze.com, plateforme dédiée à la pensée et à l’enseignement de Gilles Deleuze, propose un accès libre à un vaste ensemble de ressources, en particulier les transcriptions, enregistrements audio (mp3) et documents issus des cours donnés par Deleuze à l’université, notamment à Vincennes puis à Paris 8, entre 1979 et 1987. Webdeleuze se veut également « acte de résistance », cherchant à créer un espace de circulation des idées, de création collective non hiérarchisée, dans l’esprit anti-autoritaire et expérimental du philosophe. Régulièrement actualisé, il vise à devenir, selon ses créateurs, un « processeur » vivant de la pensée deleuzienne et un point de rencontre pour une communauté sans frontières autour de son œuvre. On a un extrait d’un cours de Deleuze ("Sur Leibniz. Les principes et la liberté - la logique de l’évènement", Vincennes - St Denis, cours du 08/04/1987), le fragment ci-dessous.

 

EXTRAIT

« .... et en un sens tout événement est spirituel, bien plus quelque chose n'est un événement qu'en tant que porté à l'état de phénomène de l'esprit. La mort n'est événement que comme phénomène de l'esprit, sinon la naissance est événement, etc. Nous avons vu comment chez Leibniz, l'événement renvoyait à l'inhérence dans la monade, c'est à dire que l'événement n'a d'existence actuelle que dans la monade qui exprime le monde, que dans chaque monade qui exprime le monde. L'événement existe actuellement dans la monade, dans chaque monade. Mais ce n'est qu'une dimension de l'événement, c'est la dimension spirituelle. Encore faut-il que l'événement s'effectue. Là je distinguerais actualiser et effectuer. Je dirais que l'événement s'effectue dans un esprit, et que c'est ça l'appartenance la plus profonde de l'esprit à l'événement et de l'événement à l'esprit.

L'événement s'actualise dans un esprit, ou, si vous préférez dans une âme. Il y a partout des âmes. Ça, ça serait très conforme à Leibniz : l'événement s'actualise dans une âme et il y a partout des âmes, mais en même temps il faut qu'il s'effectue, qu'il s'effectue dans une matière, qu'il s'effectue dans un corps. Là nous avons comme un double système de coordonnées : l'actualisation dans une âme et l'effectuation dans un corps. » Lire la suite ICI


L'IMAGE DU JOUR


En Serbie, 16 minutes de silence


ree

Des personnes lâchent des colombes blanches en mémoire des victimes, devant la gare ferroviaire,

à l'occasion du premier anniversaire de la catastrophe qui a coûté la vie à 16 personnes,

à Novi Sad, en Serbie, samedi 1er novembre 2025. Photo Marko Drobnjakovic / AP


En Serbie, le premier anniversaire de la catastrophe ferroviaire à Novi Sad, qui a coûté la vie à 16 personnes, est devenu le catalyseur du plus vaste mouvement de contestation de ces dernières années. Portés par les étudiants et la société civile, des milliers de manifestants ont défilé dans tout le pays pour dénoncer la corruption qui gangrène les travaux publics et exiger des responsabilités politiques au sommet de l’État.​

Face à la colère, le président nationaliste Aleksandar Vučić durcit la répression, qualifiant les contestataires de « terroristes » et d’agents de l’étranger, tandis que la police a procédé à des centaines d’arrestations. Malgré cela, les rassemblements restent massifs et pacifiques : samedi 1er novembre, au moins 150.000 personnes ont observé 16 minutes de silence à Novi Sad, une minute pour chaque victime, et de nouvelles grèves de la faim s’ajoutent au mouvement, comme celle commencée hier par une mère endeuillée près du camp de tentes situé devant le bâtiment du parlement.

Inédit et durable, ce mouvement reflète le malaise d’une jeunesse qui refuse l’autoritarisme, réclame justice pour les victimes et exige des réformes structurelles"


ree

Les gens envahissent les rues près de la gare avant d'observer 16 minutes de silence en hommage aux victimes,

à l'occasion du premier anniversaire de la catastrophe qui a coûté la vie à 16 personnes, à Novi Sad, en Serbie,

le samedi 1er novembre 2025. Photo Armin Durgut/AP


Suite du photoreportage à voir ICI


 LE TOUR DU JOUR EN 80 MONDES,

NOUVELLES D’ICI ET DES AILLEURS / REVUE DES PRESSES


ALLEMAGNE


ree

Un homme marche dans une plantation de sapins dans une ferme de sapins de Noël au début de la saison des récoltes pour Noël à Sundern, dans la région du Sauerland, en Allemagne, le 3 novembre 2025. Photo Martin Meissner / AP


Au pied du sapin. C’est bientôt Noël : sapin, ou pas sapin ? Après le Danemark (dont 90% de la production est exportée) et la Belgique (80 à 85% des sapins belges sont exportés, avec une production fortement concentrée en Wallonie), l’Allemagne est le troisième pays européen à faire pousser des sapins de Noël, comme des champignons. On parle là des sapins « naturels », parce qu’en ce qui concerne les sapins artificiels, avec guirlandes et tout le tralala, la Chine est le leader incontesté du marché. Incontesté, mais pas incontestable : les sapins artificiels ne sont ni biodégradables, ni recyclables en pratique ; ils finissent souvent en décharge ou incinérés, dégageant alors des composés toxiques (voir ICI). Un sapin artificiel de 2 mètres génère environ 40 kg de CO2 lors de sa production et de sa fin de vie, contre 3 à 3,5 kg pour un naturel brûlé ou composté après usage. Et on ne parle pas de l’impact carbone du transport de ces sapins de la Chine vers l’Europe (ICI). Le marché intérieur chinois est assez peu propice aux sapins de Noël, qui n’y est ni fête religieuse, ni coutume populaire ancestrale, même si depuis les années 1990, sous l’influence de la mondialisation et du commerce, de nombreux centres commerciaux, hôtels et espaces publics urbains installent des sapins décorés pour la période des fêtes.

 

Bonus. En Chine, l’une des traditions de Noël les plus intrigantes en Chine est d’offrir et de manger des pommes la veille de Noël. Cette pratique est issue d'un jeu linguistique : en mandarin, le mot pour pomme, "苹果" (píngguǒ), sonne de manière similaire au mot pour paix, "平安" (píng'ān). Étant donné que la veille de Noël est connue sous le nom de « 平安夜 » (Píng'ān Yè, Nuit Paisible), les pommes sont devenues un symbole de paix et de tranquillité pendant la période des fêtes. Dans de nombreuses régions de Chine, il est de coutume d’offrir des pommes joliment emballées à ses amis et à sa famille la veille de Noël. Ces pommes sont souvent ornées de papiers ou de rubans colorés et portent parfois des inscriptions ou des autocollants avec des messages d'amour, de paix ou de vœux de Noël.


SOUDAN


Les Emirats arabes unis aux avant-postes.


ree

Emmanuel Macron avec le chef de l'Etat des Emirats arabes unis, Mohammed ben Zayed Al-Nayane, à Abou Dhabi le 15 mai 2022. Photo Christian Hartmann/AP


La situation au Soudan s’est encore aggravée : après la prise d’El Fasher, dernier bastion de l’armée au Darfour du Nord, par les Forces de soutien rapide (FSR), des massacres à grande échelle et des violences sexuelles ont été rapportés, et des milliers de civils tentent de fuir les combats. La guerre entre l’armée de Abdel Fattah al-Burhane et les FSR de Mohamed Hamdan Daglo, entamée en avril 2023, a déjà fait des dizaines de milliers de morts et provoqué la pire crise humanitaire du monde selon l’ONU, avec plus de 10 millions de déplacés. Les frappes de drones, les exécutions sommaires et le contrôle des axes essentiels rendent la fuite des populations quasi impossible, tandis que les communications sont souvent coupées dans les zones les plus touchées. Le Royaume-Uni a débloqué 5 millions de livres supplémentaires pour l’aide humanitaire, afin de soutenir les victimes et renforcer les soins, en particulier pour les femmes victimes de violences. Face à l’escalade des atrocités, la communauté internationale reste mobilisée, mais les voix soudanaises dénoncent toutefois un « manque de mobilisation » et exigent une réponse diplomatique plus ferme.


A écouter en podcast, diffusé hier en fin d'après-midi sur France Culture, "Le Soudan fait-il face à une indifférence internationale ?" (ICI). Les deux invités, Jérôme Tubiana, conseiller aux opérations de Médecins sans frontières, et Christophe Ayad, grand reporter au Monde chargé des questions de terrorisme, ont notamment pointé le rôle des Émirats arabes unies qui fournissent armes et conseils aux milices des Forces de Sécurité Rapide qui sont en train de liquider les populations non arabisées du Darfour. On a suffisamment critiqué la France insoumise, en d'autres occasions, pour s'autoriser à dire ici que le mouvement de M. Mélenchon est, à ce jour, la seule formation politique française à se joindre à l'appel de plusieurs ONG (Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l’Homme, Handicap International, Oxfam, Mwatana for Human Rights, le Gulf Centre for Human Rights, l’Observatoire des armements), pour demander un embargo immédiat sur les armes à destination du Soudan, dont beaucoup transitent donc par les Émirats arabes unis.


Silence radio à l’Élysée. Emmanuel Macron s'est contenté d'appeler à un "cessez-le-feu" et à la "négociation" entre les belligérants. Faudrait pas voir à fâcher l'ami Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, alias « MBZ », président de la fédération des Émirats arabes unis depuis le 14 mai 2022, que Macron a rencontré à l'Elysée en février dernier lors d'un sympathique déjeuner en février 2025 consacré au développement commun de l’intelligence artificielle. Les Émirats arabes unis sont l’un des principaux clients de l’industrie d’armement française, totalisant 21,5 milliards d’euros de commandes sur la dernière décennie, dont la vente historique de 80 avions de combat Rafale en 2021-2022 (contrat estimé à environ 16 milliards d’euros). Cette relation commerciale inclut aussi la fourniture de missiles, de corvettes, de radars, et de systèmes d’artillerie, ainsi qu’une coopération stratégique entre les armées de l’air française et émiratie. Ce contrat méga-bingo avec les Émirats arabes unies permet à la France d'occuper le deuxième rang mondial des exportateurs d’armes. Et ça ne suffit même pas à combler le déficit...


PIQURE DE RAPPEL

SLAVA UKRAINI. Ce soir à Metz, à 20 h au cinéma Le Klub, puis en ce mois de novembre, à Nantes, Montélimar, Valence, Tarbes, Pau, Lannion et Bordeaux, projection du documentaire De ma fenêtre -Carnets de Lviv. Sur les humanités, entretien avec son réalisateur, Guillaume Sauzedde, à retrouver ICI.


On avait d'autres choses à dire, mais le temps file. Demain, jour de sainte Sylvie, est un autre jour. On parlera notamment de la Conspiration des Poudres...


nos  thématiques  et  mots-clés

Conception du site :

Jean-Charles Herrmann  / Art + Culture + Développement (2021),

Malena Hurtado Desgoutte (2024)

bottom of page