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Sandy Sun, la trapéziste qui a défié la chute pour mieux réinventer le cirque

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Sandy Sun "dans les talons", 1980. Photographie Kathleen Blumentfeld/Roger Viollet, in Écrire en corps, p.68


Victime en 1982 d’une chute vertigineuse qui aurait pu mettre fin à sa carrière, Sandy Sun renaît deux ans plus tard au plus haut niveau. Dans Écrire en corps, ouvrage récemment paru aux éditions Hermann, la trapéziste — aussi autrice et pédagogue — retrace son parcours hors norme, entre prouesses aériennes, mémoire physique et transmission.


Un soir de 1982, dans le cirque italien Nando Orfeï, Sandy Sun, trapéziste virtuose, tombe de plus de sept mètres de hauteur, se fracture la colonne vertébrale et subit un traumatisme crânien. Deux ans plus tard, elle revient au niveau international. Par l'écriture, qu'elle pratique depuis son plus jeune âge, Catherine-Sandy réfléchit sur sa carrière de soliste dans les plus grands cirques et cabarets européens (chez Fratellini et Pinder, notamment), sur son travail de formatrice dans les écoles professionnelles. Ses textes sont également prétextes à des spectacles mêlant théâtre et art circassien.


Certains de ces textes sont réunis dans un ouvrage illustré, récemment paru aux éditions Hermann, au titre calembouresque, Écrire en corps. Dans leur préface, Alix de Morant et Marie Joqueviel-Bourjea détaillent la formation de Sandy Sun (alias Catherine Dagois) qui débute au Conservatoire national des arts du cirque et du mime, situé en 1974 à la Gaîté lyrique et regroupant trois disciplines : le cirque, sous la responsabilité d'Alexis Grüss, la danse, assurée par Christiane Casanova, et le mime, dirigé par Gérard Lebreton. Elles notent au passage qu'une autre école nationale émerge à l'époque, celle de Pierre Étaix et Annie Fratellini. Ces "pépinières de talent" sont à l'origine d'institutions comme le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne et servent de tremplin au courant hexagonal dit du "nouveau cirque" avec des troupes comme le Puits aux images, les cirques Plume, Aligre, Bidon (prélude à Archaos), la compagnie Maripaule B. et Philippe Goudard...


Ainsi que le remarque Philippe Goudard, aujourd'hui professeur émérite en arts du spectacle à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, « deux années seulement après avoir débuté sur agrès », Sandy Sun obtient, en 1980, la médaille d’or au festival mondial du Cirque de demain. Nous l'avons connue quelques années après son terrible accident, lorsqu'elle était venue déposer à la Cinémathèque de la Danse une vidéo de la performance (elle n'aime pas qu'on dise "numéro") qui lui avait valu d'être soutenue par la Fondation de la vocation créée par Marcel Bleustein-Blanchet (1906-1996). Ce que nous montrent ces images, aujourd'hui conservées au Cnd, et les photographies du livre, demeure à peine croyable. Sandy Sun est une véritable chorégraphie sur trapèze fixe s'autorisant équilibres et déséquilibre périlleux. L'humilité et l'humanité caractérisent la singulière artiste.


Philippe Goudard a porté à la scène le texte de Sandy Sun, Trapèze, existence-ciel (encore un jeu de mots). Il rappelle qu'en 1984, la trapéziste avait participé à son adaptation théâtrale de la nouvelle de Ramuz, Le Cirque (1925) et aussi que le succès de la conférence de Sandy au colloque sur les arts de la scène à la Santa Clara University de Californie en 2011, leur donnèrent l'idée de « transférer la matière » de cette communication scientifique pour la transmuer en spectacle. Les cahiers écrits par Sandy à partir de 1975 servirent de base à cette formule combinant « une stratigraphie mémorielle », recourant aux souvenirs puisés dans la « capacité mnésique, physiologique, synaptique » et à une iconographie personnelle. De même qu'il existe un théâtre documentaire, cette performance (au sens où l'entend Victor Hugo dans L'Homme qui rit) peut être qualifiée de "cirque documentaire".


Dans Trapèze existence-ciel, Sandy Sun note ce souvenir d'enfance : « Maintenant, j'ai dix ans. La maison de mes parents et celle de ma marraine sont éloignées de cent cinquante mètres. Le long de la route en pente, le trottoir est en mauvais état et le bord est même dangereux. Mon challenge est d'aller d'une maison à l'autre en marchant sur la bordure étroite du trottoir. Je me donne des ordres : "- Bon, maintenant tu as intérêt à te tenir parce qu'il y a un gouffre de mille mètres sous toi ! Si tu tombes, tu meurs." » Ce passage décrit par la même occasion l'art du fildefériste, qui doit, à la limite, être capable d'évoluer sans filet entre les tours de Notre-Dame. Ce que réalisa Philippe Petit en 1971 en suivant le conseil de Montaigne dans ses Essais : "Qu'on jette une poutre entre ces deux tours, d'une grosseur telle qu'il nous la faut à nous promener dessus : il n'y a sagesse philosophique de si grande fermeté qui puisse nous donner courage d'y marcher comme nous le ferions si elle était à terre".


Nicolas Villodre


  • Sandy Sun, Philippe Goudard, Alix De Morant, Marie Joqueviel-Bourjea, Écrire en corps. Trapèze, existence-ciel. Cirque documentaire à voix haute et autres textes, éditions Hermann, collection Poïétiques, 126 p., 20€ (ICI)


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1 commentaire


wilputte.brigitte
il y a 3 jours

Merci pour ce magnifique portrait d'une artiste qui vit son art réellement au sein de son corps! Bravo!

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