Dans "l'art contemporain", il fait un temps de chiens
- Jean-Marc Adolphe

- il y a 11 minutes
- 6 min de lecture

Vendue 100.000 dollars, la pièce "Elon Musk" issue de l'installation “Regular Animals,” de l'artiste numérique Beeple.
À Art Basel Miami Beach, où le champagne pétille plus fort que la pensée critique, une “œuvre” a déclenché l’enthousiasme quasi pavlovien de la presse mondialisée : des chiens-robots affublés des têtes hyper-réalistes de Musk, Zuckerberg, Bezos, Warhol et Picasso, se pavanent dans un enclos high-tech en déféquant des images générées par IA. Sous les néons de la nouvelle section numérique Zero 10, ces bêtes de foire se sont arrachées à 100.000 dollars pièce par un public qui confond allègrement spéculation et avant-garde. Vide sidéral d’un marché où crypto-mystique, storytelling pseudo-artistique et stratégie commerciale font désormais office d’esthétique.
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L'IMAGE DU JOUR
En tête de publication : Regular Animals de l'artiste numérique Beeple.
L'image fait le buzz, comme on dit. A la foire Art Basel Miami Beach, où s'est précipitée, à l'appel des petits fours et du champagne qui coule à flots, toute la presse artistiquement et mondialement bourgeoise qui y va scruter les nouvelles "tendances du marché", une œuvre a fait sensation. "Provocatrice", cela vans dire : Regular Animals de l'artiste numérique Beeple. Cette "installation" met en scène des chiens robotiques équipés de têtes hyper-réalistes des magnats de la technologie Elon Musk, Mark Zuckerberg et Jeff Bezos aux côtés des artistes Andy Warhol et Pablo Picasso. Présentée dans la nouvelle section d'art numérique Zero 10 de la foire, "l’œuvre" est partie comme des petits pains, dès sa présentation dans le carré VIP. Chacune des pièces a été vendue 100.000 dollars (sauf la pièce "Bezos" qui n'était pas à vendre : préemptée par Bezos lui-même ?).
L'œuvre d'art provocatrice, présentée dans la nouvelle section d'art numérique Zero 10 de la foire, s'est entièrement vendue lors de l'aperçu VIP de mercredi à 100 000 $ par édition. Dans l'expo, les toutous-robots se promènent dans un enclos spécialement construit, photographiant continuellement leur environnement avec des caméras intégrées. Lorsque les robots entrent en « mode crotte » — affiché sur des écrans fixés à leur dos — ils produisent des photographies imprimées réinterprétées par l'IA dans des styles correspondant à l'influence artistique ou technologique de chaque figure. Le robot de Warhol génère des compositions pop art, celui de Picasso crée des images cubistes, tandis que les productions de Zuckerberg ont une esthétique métaverse et celles de Musk sont rendues en noir et blanc.
Vidéo postée sur YouTube par la critique d'art et commissaire d'exposition Judith Benhamou.
Beeple, dont le vrai nom est Mike Winkelmann, travaillait comme graphiste créant des visuels de concert pour des artistes tels qu'Ariana Grande et Justin Bieber. Il a acquis sa notoriété en 2021 lorsque son œuvre NFT Everydays: The First 5000 Days (immense collage numérique réunissant 5.000 images que Beeple a produites quotidiennement, sans interruption, entre 2007 et 2021) s'est vendue chez Christie's pour 69,3 millions de dollars . L'acquéreur ? Vignesh Sundaresan (alias Metakovan), entrepreneur de la blockchain, programmeur et investisseur crypto d’origine indienne installé à Singapour, sàupçonné d'enrichissement frauduleux, et dont la figure cristallise les débats sur la spéculation, l’opacité et les inégalités dans l’univers des crypto‑monnaies. Son pseudo, "MetaKovan" a une dimension à la fois symbolique et stratégique : contraction de « meta » (ce qui renvoie à l’au‑delà, au virtuel, aux métavers) et d’un terme d’origine indienne signifiant "trésor" ou "coffre". On ne saurait êre plus clair. L'oeuvre Everydays: The First 5000 Days, de Beeple, est devenue un symbole du basculement où les plateformes, la blockchain et la spéculation crypto interfèrent avec la définition de l’œuvre d’art, de sa rareté et de la figure de l’artiste-entrepreneur.
Nota bene - Pour cause de démélés ferroviaires indépendants du bon vouloir de notre volonté, le second numéro de notre hebdo cultures, prévu de samedi, est reporté à demain dimanche. On y exposera notamment un artiste qui ne risque pas de se retrouver un jour à Art Basel Miami Beach...
LA CITATION DU JOUR

Jacques Vallée, mort à Chalon‑sur‑Saône en mai 1673 à l’âge de 73 ans, est né il y a tout juste 426 ans, le 16 décembre 1599, à Châteauneuf‑sur‑Loire, dans l’ancienne province d’Orléanais, au sein d’une famille de la haute magistrature. Petit‑neveu du déiste Geoffroy Vallée, brûlé pour hérésie, il étudie au collège jésuite de La Flèche, où il a pour condisciple René Descartes et pour ami intime – puis amant – le poète Denis Sanguin de Saint‑Pavin. Reçu conseiller au parlement de Paris le 31 mai 1625, il renonce rapidement à cette charge pour se consacrer au « plaisir » et à la bonne chère. Figure de libertin, il participe dès 1640 à un périple gastronomique et hédoniste à travers la France, voyageant avec d’autres « bons vivants » pour goûter, saison après saison, aux spécialités de chaque région.
Des Barreaux fréquente les beaux esprits du temps : Guez de Balzac, Chapelle, Descartes, ainsi que Théophile de Viau, qui lui adresse la célèbre Plainte à un sien ami, texte souvent lu comme la trace d’un lien amoureux entre les deux hommes. Son existence nourrit rapidement une légende noire et plaisante : ainsi, un opuscule anonyme de 1794 rapporte son mot blasphématoire lancé au ciel pendant qu’il prépare, un vendredi, une omelette au lard, anecdote devenue emblématique de son irrévérence religieuse.
Parallèlement, la tradition rapporte qu’il composa, malade, un sonnet de palinodie commençant par « Grand Dieu tes jugements sont remplis d’équité », poème de repentir religieux qu’il aurait désavoué une fois guéri. Voltaire cependant conteste cette attribution et donne le sonnet à l’abbé de Lavau...
Son œuvre conservée se compose essentiellement de chansons et de courts poèmes « fugitifs », pièces brèves où la légèreté du sujet est compensée par l’élégance métrique et la virtuosité de la forme. Ces textes se signalent par l’affichage de l’incrédulité, un athéisme bravache et une sensualité directe, qui valent à Des Barreaux d’être régulièrement cité dans l’histoire de la littérature libertine et de la présence LGBT dans la France du Grand Siècle. Les témoins de son époque, comme Payot de Linières ou Tallemant des Réaux, insistent sur la continuité de sa vie de libertin jusque dans la vieillesse, tout en soulignant l’ironie de ses palinodies religieuses de fin de parcours. La critique moderne lui a été consacrée par des études d’érudition, notamment la monographie de Marie‑Françoise Baverel‑Croissant sur sa vie et son œuvre complète, ainsi que par Frédéric Lachèvre, qui le qualifie de « prince des libertins du XVIIᵉ siècle ».
EPHEMERIDE
Si le temps n'était autant compté, on aurait pu parler, ce 6 décembre 2025, de ceci :
Il y a 160 ans, le 6 décembre 1865, aux Etats-Unis, la Géorgie devient le 27e État à ratifier le 13e amendement et permet ainsi d’atteindre le seuil des trois quarts requis pour son adoption constitutionnelle. Le 13e amendement abolit l’esclavage et la servitude involontaire sur tout le territoire des États-Unis, sauf comme peine prononcée pour un crime. Dans un Sud encore marqué par la défaite confédérée, le vote de la Géorgie acte juridiquement la fin de l’esclavage pour près de quatre millions d’Afro-Américains, donnant à la victoire de l’Union une portée émancipatrice irréversible.
Il y a 149 ans, en 1876, les populistes russes se structurent en société secrète sous le nom de Zemlia i Volia (« Terre et Liberté ») afin de préparer un soulèvement de masse contre l’autocratie des Romanov. Terre et Liberté naît de la recomposition de plusieurs groupes populistes narodniks dans une Russie encore tsariste, marquée par la fin récente du servage (1861) et par la pauvreté paysanne de masse. Ses militants veulent adapter le socialisme aux réalités rurales russes : ils rêvent d’une démocratie fondée sur la commune villageoise, fédérée en une confédération d’unités autonomes remplaçant l’État autocratique. À Saint-Pétersbourg, le 6 décembre 1976, ils organisent une manifestation politique qui est considérée comme la première manifestation publique de l’histoire de la Russie, signal d’une entrée en scène ouverte de l’intelligentsia révolutionnaire dans l’espace urbain.
Il y a 97 ans, le 6 décembre 1928, le "massacre des bananeraies" : à Ciénaga, sur la côte caraïbe colombienne, l’armée ouvre le feu sur des milliers d’ouvriers grévistes de la United Fruit Company, réclamant hausse des salaires, fin du paiement en bons et reconnaissance syndicale. Envoyées pour « rétablir l’ordre » dans un climat de panique anticommuniste et de peur d’une intervention des États-Unis, les troupes commandées par le général Cortés Vargas tirent sur la foule rassemblée à la gare. Le nombre de morts, très controversé, va de quelques dizaines à plus d’un millier, mais l’épisode devient un traumatisme fondateur du mouvement ouvrier colombien et un symbole de la collusion entre élites conservatrices et capital nord-américain.





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