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Les propriétés cachées de Poutine en France


Samedi 26 février, des insultes contre Poutine et le message « Gloire à l’Ukraine » ont été inscrits, sur les entrées de la villa "La Rêverie" (ex Suzanna) à Anglet. Photo Sud-Ouest


On connaissait le dément palais du tsar Vladimir au bord de la mer Noire. Mais en France ? Côte d'Azur et côte basque : Poutine a offert à ses proches de somptueuses résidences, au prix de montages financiers complexes voire mafieux. Ces biens pourraient-il être saisis ? Rien n'est moins sûr.


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Vendredi dernier, les dirigeants occidentaux ont annoncé leur intention de geler les avoirs du président russe Vladimir Poutine. En fait, on sait très peu de choses sur ce que possède Poutine possède, et où ces biens pourraient être localisés. Malgré des années de spéculation et de rumeurs, l'étendue de sa richesse reste d'une opacité déconcertante, même si des milliards de dollars ont filtré sur les comptes de ses amis proches et que de luxueuses propriétés sont reliées à des membres de sa famille.

Une image composite de l'extérieur d'un bâtiment, d'une chambre à coucher et d'une pièce de pole-dancing qui, selon la Fondation anticorruption d'Alexei Navalny, montre un palais appartenant à Vladimir Poutine,

au bord de la Mer noire.


Officiellement, selon ses propres déclarations financières, Vladimir Poutine Poutine gagne environ 140.000 dollars par an et est propriétaire d’un petit appartement. Cela ne tient pas compte du «Palais de Poutine », dont l’existence a été dévoilée par l’opposant Alexei Navalny et sa fondation anticorruption : une vaste propriété sur un flanc de montagne très boisé surplombant la côte russe de la mer Noire, dont le coût est estimé à plus d'un milliard de dollars. Selon Alexei Navalny, ce palais aurait été construit pour l'usage personnel de Vladimir Poutine, avec une utilisation massive et illégale de fonds publics, mais l’identité précises des propriétaires reste mystérieuse.

"Graceful", le yacht du président russe Vladimir Poutine. Photo Marcus Brandt


Vladimir Poutine possède en outre un yacht de luxe, baptisé « Graceful », dont la valeur est estimée à 100 millions de dollars. Ce yacht a fort opportunément quitté l’Allemagne, où il était stationné, quelques semaines seulement avant l'invasion de l'Ukraine).


Et en France ?

A Monaco, un appartement de 4,1 millions de dollars a été acheté par le biais d'une société offshore appartenant à Svetlana Krivonogikh, qui est (fut ?) la maîtresse de Vladimir Poutine.

Dans le port en contrebas de cet appartement du "Monte Carlo Star", suspendu au-dessus des eaux bleues de la Méditerranée, des membres de la famille royale, des magnats et des oligarques flottent sur des yachts de la taille d'un iceberg.

Svetlana Krivonovigh, la maîtresse de Vladimir Poutine avec qui elle aurait eu une fille,

peu avant l'acquisition d'un appartement à 4,1 million de dollars à Monaco. Photo Proekt


Cet appartement a été acheté en 2003, par une société offshore contrôlée par Svetlana Krivonogikh, quelques semaines seulement après qu'elle ait donné naissance à une fille. L'enfant est né à une époque où, selon un rapport des médias russes, elle entretenait une relation secrète, depuis des années, avec Vladimir Poutine. L'enquête du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) qui a abouti aux "Pandora Papers", a révélé que Svetlana Krivonogikh avait créé pour cette acquisition par une société écran dans les îles Vierges britanniques et qu'elle avait eu recours à une société de services financiers de Monaco qui travaille simultanément pour un ami milliardaire de Poutine. Nul ne sait d'où vient la soudaine fortune de Svetlana Krivonogikh, d'origine modeste.

Le site d'investigation russe en ligne Proekt (qui a depuis lors été interdit en Russie) avait fait apparaître, dans le montage financier de cette société offshore, une dizaine de très proches amis de Vladimir Poutine, parmi lesquels ses sparring-partners en judo, Vasily Shestakov et Arkady Rotenberg. Une sorte de "garde rapprochée".

(L'enquête complète de Proekt est à lire ICI)


De la côte d'Azur, transportons-nous maintenant vers la côte Atlantique. A Anglet, à proximité immédiate de Biarritz, l'ex-épouse de Vladimir Poutine, Lyudmila Putina - aujourd'hui connue sous le nom de Lyudmila Ocheretnaya -, a acheté en décembre 2013, six mois après avoir rendu public son divorce d'avec le président russe, une villa en bord de mer. Construite en 1927, connue localement sous le nom de "Souzanna", rebaptisée "La Rêverie" par ses nouveaux propriétaires, cette élégante maison située sur l'avenue du Général Mac Croskey à Anglet couvre environ 300 mètres carrés à l'intérieur et dispose de 5.000 mètres carrés de jardin, avec piscine et pavillon de musique. Elle vaut aujourd'hui environ 3,5 millions d'euros (3,7 millions de dollars), selon Pierre Fourreau, l'architecte qui a rénové la propriété il y a sept ans : sols en marbre, lustres et moulures d'origine, et un bas-relief des sculpteurs français jumeaux Jan et Joël Martel qui orne le porche semi-circulaire de la villa.


Cette maison appartient officiellement à Artur Ocheretny, le nouveau et jeune mari de l'ex-femme de Poutine. Mais "rien dans les antécédents d'Ocheretny n'explique comment il a pu devenir propriétaire d'un bien immobilier d'une telle qualité", révèle une enquête de l'agence Reuters. Entre 2003 et 2008, Artur Ocheretny a été directeur général d'une agence événementielle, Art-Show Center, qui organisait des événements pour de gros clients, dont certains avaient des liens avec le gouvernement. Parmi eux figuraient des géants publics tels que Gazprom et Transneft, ainsi que des entités politiques telles que le parti au pouvoir, Russie Unie, et le Front populaire panrusse, aligné sur le gouvernement. Parmi les clients de cette agence figurait également une organisation à but non lucratif, le Centre pour le développement des communications interpersonnelles, fondé en 2000 par des proches de M. Poutine.

Plans d'aménagement de la villa "La Rêverie", 2015


Là encore, le montage financier de cette acquisition recèle bien des parts d'ombre. En 2007, cette somptueuse villa était la propriété de Guennadi Nikolaïevitch Timtchenko, fondateur de la société de trading pétrolier Gunvor et le propriétaire du groupe d’investissement privé Volga Group (énergie, infrastructure et transport), un oligarque russe, 49ème fortune mondiale en 2019 selon le magazine Forbes, très proche ami de Vladimir Poutine. Timchenko connaît le dirigeant russe au moins depuis l'époque où Poutine était adjoint au maire de Saint-Pétersbourg dans les années 1990, et les deux hommes ont prospéré ensemble. Chargé de mettre en place les premiers réseaux d'exportation de produits pétroliers de l'URSS vers les pays occidentaux, Guennadi Timtchenko a été mis en cause pour sa collaboration avec le régime syrien dès 2014. Il a notamment été associé à l'homme d'affaire syro-russe George Haswani, placé sous sanctions internationales pour avoir acheté du pétrole à l'État islamique pour le régime de Bachar el-Assad, pour un montant estimé à 120 000 dollars par jour. A la même époque, Guennadi Timtchenko co-présidait la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe. En 2013, il a été décoré de l’ordre français de la Légion d’honneur français par l’Ambassadeur de France en Russie Jean de Gliniasty, "pour sa grande contribution à la promotion de la collaboration économique franco-russe, notamment la coopération avec Total dans la péninsule de Yamal pour l’exploitation de gisements de gaz".


La villa d'Anglet avait été achetée en 2007 via une SCI de droit français, SCI Atlantic. Cinq ans plus tard en novembre 2012, Guennadi Timtchenko et son épouse cèdent leurs parts de SCI à un certain Kirill Shamalov, pour un prix non divulgué. Kirill Shamalov est le fils de Nikolai Shamalov, un ami de longue date de Vladimir Poutine, actionnaire de la Bank Rossiya, la banque de prédilection de l'élite russe. Kiril Shamalov s'est marié avec une certaine Katerina Tikhonova, qui n'est autre que la fille cadette de Vladimir Poutine. Ensemble, selon une enquête approfondie de Reuters, ils auraient des participations dans plusieurs sociétés d'une valeur d'environ 2 milliards de dollars. Cette fortune provient principalement d'une participation importante, rendue publique, dans une grande société gazière et pétrochimique que Kirill Shamalov a acquise auprès de... Gennady Timchenko. Mais cette fortune provient aussi de contrats d'une valeur de plusieurs millions de dollars que la fille de Poutine a signés avec des organismes publics pour que des travaux soient effectués à l'Université d'État de Moscou par des organisations qu'elle dirige. Au sein de cette Université d’État, Katerina Tikhonova occupe un poste de haut niveau à l'université et elle a participé à la direction d'un plan d'expansion du campus d'un montant de 1,7 milliard de dollars. Parmi les conseillers officiels dont elle s'est entourée, figurent cinq membres du cercle restreint de Poutine, dont deux anciens officiers du KGB qui l'ont connue lorsqu'elle était enfant. Ils ont servi avec son père dans les années 1980 lorsqu'il était déployé à Dresde, en Allemagne de l'Est.

Au 9, rue de la Frégate, à Biarritz, une villa achetée par Vladimir Poutine (en toute illégalité)

400.000 dollars en 1996. Photo Europe 1.


Ce n'est pas tout. On s'y perd un peu, mais à Biarritz même, Vladimir Poutine aurait acquis en 1996 une autre villa (où Igor Stravinski aurait séjourné au début du 20ème siècle), dont le titre de propriété a été mis au nom d'une de ses filles. Située au 9, rue de la Frégate, en plein centre de Biarritz, Poutine l'aurait achetée 400.000 dollars. Problème : en 1996, Vladimir Poutine est un fonctionnaire de l’État russe, d’abord employé à la mairie de Saint-Pétersbourg avant de rejoindre, la même année, l’administration présidentielle à Moscou. À ce titre, la loi lui interdisait de sortir de l’argent du pays. "Comment s’est-il procuré cet argent ?", révèle une enquête d'Europe 1 : "En se servant dans la caisse : à l’époque, le MI5 - le service de renseignement intérieur britannique - le soupçonnait déjà de détourner des fonds. Avec la complicité du maire de Saint-Pétersbourg – Anatoli Sovchak – Poutine aurait fait sortir illégalement de Russie au moins un million de dollars. Une somme qui a, en partie, permis de financer l’achat de cette maison."


Aujourd'hui, ces biens pourraient-ils être mis sous séquestre ou saisis ? Quasiment impossible. La complexité des montages financiers qui en ont permis l'acquisition ne permet pas, sauf très long travail d'enquête, de les relier directement au président russe. Comme si Vladimir Poutine avait anticipé et prémédité, voilà dix ou vingt ans, qu'il pourrait un jour faire l'objet de sanctions internationales.


Jean-Marc Adolphe


Enquête à suivre demain sur les humanités :

Dans le secret des oligarques de Poutine.

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