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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

La criminelle Lvova-Belova "adopte" le cynisme et le mensonge

Dernière mise à jour : 12 mars 2023


Plus elle répond aux "allégations" occidentales et à l'ouverture d'une enquête de la Cour pénale internationale, plus elle se prend les pieds dans le tapis. Maria Lvova-Belova, la protégée de Vladimir Poutine en charge des déportations d'enfants ukrainiens, manie avec constance propagande, mensonges et cynisme. Mais les faits sont là, têtus : sous couvert d'action "humanitaire" et "caritative", elle poursuit une politique génocidaire. Pas toute seule, loin s'en faut : tout un système a été mis en place, dont les humanités révèlent les arcanes, y compris le rôle d'un militant ouvertement néo-nazi et d'un homme d'affaires tout aussi ouvertement fasciste. Pour autant, la "communauté internationale" condamne timidement... ou ne condamne pas du tout. A ce jour, Emmanuel Macron a ainsi choisi d'être complice de ce crime de génocide. Et sur ce point, il a le soutien d'un leader de la CGT...


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Tout juste si elle n’a pas vu, de ses yeux vu, les méchants nazis ukrainiens tirer dans le dos d’enfants qui « tentaient de fuir des villes et des villages en flammes ». D'ailleurs, si, elle l’a vu, de ses yeux vu : « J'ai vu des enfants recevoir une balle dans le dos alors qu'ils tentaient de s'échapper. (Отдельно хотелось бы отметить детей, которые получили ранения в ходе специальной военной операции. Я видела ребят, которым стреляли в спину, когда они пытались сбежать.) Dieu merci, beaucoup d'entre eux se sont rétablis et ne sont pas devenus invalides ». De quoi faire frémir dans les chaumières russes. C’est ce que rapporte Maria Lvova-Belova dans une longue interview accordée à la chaîne de l’armée russe, tsargrad tv (ICI).


Ce "narratif" n’est pas nouveau, il a abondamment nourri, à destination desdites chaumières russes, la propagande du Kremlin sur le Donbass. Le 12 juillet 2014, reprenant un texte de l'idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, la chaîne de télévision publique Pervi Kanal, dans un "reportage" repris par Russia Today, avait diffusé une "information" selon laquelle l'armée ukrainienne aurait crucifié un enfant de 3 ans devant sa mère, lors de la "guerre du Donbass", à Sloviansk (Lire ICI). La chaîne indépendante Dojd (aujourd’hui interdite en Russie) avait rapidement démontré qu’il s’agissait d’une fake news, l’opposant Alexeï Navalny (aujourd’hui emprisonné) avait demandé des poursuites judiciaires contre les auteurs de ce "reportage", et Boris Nemtsov a été assassiné (en février 2015) alors qu’il rédigeait un rapport sur l’implication de la Russie en Ukraine, où il faisait allusion à cette affaire.


Pendant que les chiens (de la désinformation) aboient, la caravane (du lavage de cerveaux) passe. Comme l’écrit la sociologue et politologue Anna Colin Lebedev, « des reportages de ce type ont semé l’effroi et durablement affecté les esprits. » Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’une "brave dame", récemment interrogée dans la rue à Moscou, en vienne à déclarer qu’il faudrait tuer tous les Ukrainiens, « y compris leurs bébés » !


Il y a peu, une campagne d’affiches, à Moscou et sans doute dans d’autres villes russes, placardait des visages d’enfants, en noir et blanc, certains d’entre eux tuméfiés : de soi-disant enfants du Donbass, victimes des sempiternels tortionnaires nazis qui sévissent en Ukraine.


Campagne d'affiches à Moscou, avec les visages "d'enfants du Donbass", torturés par les nazis ukrainiens...


Dans son interview pour la chaîne Tsargrad, Maria Lvova-Belova enfonce le clou et parle de la « torture » des enfants dans le Donbass. « Les enfants russes ont besoin de protection (Русским детям нужна защита) » , ajoute-t-elle. Sans transition, on passe des « enfants du Donbass » aux « enfants russes ». Évidemment, pour la génocidaire qu’elle est (que certains médias français qualifient encore d’angélique, avec un visage de Madone renaissance), un enfant ukrainien, ça ne saurait exister. Les enfants du Donbass sont russes, point-barre.


Au début de l’interview de Lvova-Belova, Tsargrad a inséré des images de Marioupol, immeubles détruits, éventrés, tourniquet d’un parc d’enfants tournant à vide, avec une musique pathétique de circonstance. Naturellement, la destruction de Marioupol est l’œuvre des Ukrainiens eux-mêmes. Vraiment des salauds sur toute la ligne !


Les déportations d’enfants ? « C’est venu tout seul »


Cette façon de réécrire l’histoire permet à Lvova-Belova, aux yeux de l’opinion russe, de se faire passer pour une véritable héroïne, qui a volé au secours de ces malheureux enfants torturés. Des déplacements forcés de populations, des camps de filtration ? Tout cela n’a jamais existé, n’est que pure invention d’un Occident russophobe. « Le principal résultat », dit-elle, « ce sont les enfants du Donbass qui ont été accueillis dans des familles. Je n’ai pas cherché à aller dans cette direction. C’est venu tout seul. » Face au nombre d’enfants évacués de différentes institutions de régions sous occupation russe, elle ajoute : « C’est devenu effrayant. Parce que vous ne savez pas comment faire, qu’il n’y a pas de mécanisme pour cela. »


A la différence de Pinocchio, son nez ne s’allonge pas, mais au royaume du Mensonge, Maria Lvova-Belova trônerait en majesté. Les humanités ont déjà commencé à évoquer (ICI) ce mécanisme dont elle nie aujourd’hui l’existence. Comme on va le voir plus bas, une récente enquête apporte de nouvelles révélations sur le sujet.


Avant cela, poursuivons encore un peu avec l’interview accordée à Tsargrad. « Aujourd'hui, nous avons 380 enfants issus d'institutions de protection sociale dans vingt régions de notre pays, de Mourmansk au Kamchatka », confie Lvova-Belova. « Ils vivent dans des familles que nous avons soigneusement sélectionnées et que les enfants ont choisies. Nous les avons présentés, amenés dans les régions, les gouverneurs les ont pris sous leur responsabilité et ont accompagné ces familles. » Jusqu’ici, c’est à peu près exact, à ceci près, toutefois, que le chiffre de 380 enfants dément des informations précédemment publiées par Lvova-Belova elle-même, et que plusieurs témoignages (de familles adoptives russes) démentent le "choix" qu’auraient effectué les enfants déportés (dont certains, faut-il le rappeler, ont moins de 5 ans).


Naturellement, la commissaire présidentielle russe aux droits de l'enfant (sic) a personnellement veillé à ce que ces enfants soient bel et bien orphelins (ce qui, soit dit en passant, ne diminuerait pas le crime de leur déportation-russification). « Il n'est certainement pas question pour nous d'enlever des enfants à leurs parents et de les confier à des familles russes », indique Lvova-Belova. « Il ne s'agit pas du tout de ça. En tant que mère d'enfants de sang et d'enfants adoptés, je sais que la parenté de sang est ce qu'il y a de plus précieux. (…) Si nous comprenons que des parents sont à la recherche de leurs enfants, nous sommes prêts à les aider de toutes les manières possibles. »

16.2226 enfants déportés recensés par la plateforme Children of war, le 10 mars 2023


Là, si le sujet n’était aussi dramatique, on rigolerait franchement. Certes, sur 16.226 enfants déportés et identifiés à ce jour sur la plateforme Children of war, 308 ont pu regagner l’Ukraine. Dans certains cas, nous avons les témoignages de quelques parents qui, à force d’obstination, et au prix d’un voyage de plusieurs milliers de kilomètres via la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, et la Russie d’ouest en est, sont parvenus à récupérer leurs enfants. Le moins qu’on puisse dire, ce ne fut pas une partie de plaisir. Pour les autres, l’Ukraine reste discrète sur les conditions de retour de ces enfants. On sait qu'il n'existe aucune communication directe entre Lvova-Belova et ses services, et son homologue ukrainienne. Le seul dialogue à ce sujet passe par les commissaires aux droits de l'homme : c'est ce canal qui est utilisé pour régler les échanges de soldats prisonniers. A priori, c’est donc dans ce cadre que le sort des enfants est discuté. Ce qui revient à faire d’eux des prisonniers de guerre…


« Il s’agit d’une question très complexe », dit pudiquement, dans une récente interview à un média ukrainien (ICI) Stefan Sakalian, responsable de la Croix-Rouge en Ukraine : « Nous travaillons avec des organisations telles que l'UNICEF, le HCR, Save the Children et d'autres organisations russes qui s'occupent des enfants. Nous étudions qui peut faire quoi et qui a quel mandat. (…) Dès que les parents des enfants déplacés nous contactent, nous pouvons ouvrir un dossier de personne disparue et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour retrouver les enfants et essayer de les ramener. »


« Tout ce qui est en notre pouvoir », c’est-à-dire pas grand-chose. « Nos activités dans les zones contrôlées par la Russie se limitent principalement à Donetsk et à Louhansk », précise Stefan Sakalian. « Nous ne sommes pas présents dans les parties des régions de Kherson et de Zaporijjia qui sont actuellement sous contrôle russe. Nous n'avons pas pu obtenir l'accès à ces deux zones. » Et pour la Russie ? N’en parlons même pas.

Manifestation pour le retour en Ukraine des enfants volés, organisée par Avaaz, à Bruxelles, le 23 février 2023. @Avaaz


L’interview accordée à Tsargrad fait partie d’une "campagne de communication" que Lvova-Belova semble avoir entrepris à la suite de l’annonce, par le procureur de la Cour pénale internationale, d’une enquête sur les déportations d’enfants.


Le 6 mars, elle déclare à l’agence officielle RIA Novosti que les enfants des nouvelles régions russes sont confiés à des familles d'accueil, et non à des fins d'adoption. Des propos réitérés sur la première chaîne de télévision russe, repris en boucle par bon nombre de médias russes. Hier enfin, vendredi 10 mars, elle en repasse une couche en publiant un long communiqué sur son compte Telegram (ICI), repris par l’agencer TASS (ICI). Elle n’évoque pas la situation de tous les enfants déportés depuis le début de la guerre en Ukraine (et même avant, comme nous l’avons révélé ICI), mais uniquement de ceux qui, à partir de la fin août, ont été conduits dans de soi-disant "colonies de vacances". Tout en confirmant que 89 enfants (chiffre sans doute sous-évalué) sont toujours retenus en Crimée et en Russie, à Krasnodar, elle affirme, avec le sens du mensonge qui la caractérise, que « des parents des régions de Kherson, Zaporijjia et Kharkiv et d'autres territoires ont volontairement envoyé leurs enfants en vacances et les ont protégés des opérations militaires en raison de la situation sur la ligne de front. Les enfants ont été emmenés dans des sanatoriums et des camps de santé en Crimée et dans la région de Krasnodar par procuration de leurs parents. »

« La Russie », poursuit-elle tout aussi mensongèrement, « n'a jamais empêché et n'empêchera jamais les enfants de retourner dans leur famille. Si les parents ou les représentants légaux peuvent et veulent les reprendre, nous ferons tout notre possible pour les aider. »


Dans un remarquable reportage (traduit par les humanités et téléchargeable ci-dessous en PDF), la journaliste ukrainienne Olesya Lantsman raconte fort bien, à partir de témoignages recueillis, comment, dès le début de l’invasion, les Russes ont déguisé les déportations (de civils, pas seulement d’enfants) en "évacuations".

En cherchant à réfuter « les allégations occidentales » sur les déportations d’enfants qui visent, selon elle, à « créer artificiellement la peur », Maria Lvova-Belova se prend en fait les pieds dans le tapis. Comme le souligne The Institute for the Study of War dans un bulletin du 10 mars (ICI), elle « confirme que le gouvernement russe a recours à divers stratagèmes pour expulser les enfants ukrainiens vers la Russie. » The Institute for the Study of War parle d’une « campagne de nettoyage ethnique ».


Une adolescente ukrainienne en pleine "activité créative" dans un camp de rééducation organisé par Maria Lvova-Belova

et financé par la Tinkoff Bank. Photo diffusée par la propagande russe.


Et ça continue de plus belle ! 196 adolescent.e.s des régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson viennent d'être envoyés dans un nouveau camp de rééducation. Avec une innovation : pour faciliter leur "intégration", ils sont mêlés à d'autres adolescents des localités russes de Koursk et Briansk (là-même où a eu lieu, voici peu, une "attaque terroriste").

Tout va bien : ils suivent des "activités créatives", comme le montre une photo (ci-dessus) abondamment diffusée par la propagande russe. Au menu, il y aura aussi une visite obligatoire de la Place Rouge…


Et Maria Lvova-Belova l’annonce fièrement : « 1.191 adolescents des « nouvelles régions » ont déjà pu bénéficier d'une réadaptation sociale et psychologique. Neuf autres transferts sont prévus d'ici la fin de l'année… »

L'homme "le plus riche de Russie", et l'oligarque le plus proche de Poutine, finance les camps de rééducation du "Jour d'après",

avec la Tinkoff Bank, sur laquelle il a fait main basse en avril 2022.


Ce programme de "réadaptation sociale et psychologique" porte un nom : "Le Jour d’après" (Послезавтра). Il est financé par la Tinkoff Bank, soustraite en avril 2022 à son fondateur, Oleg Tinkov, opposé à la guerre (comme les humanités l’ont déjà écrit, en décembre dernier : ICI) et confiée au magnat du nickel Vladimir Potanine, le richissime oligarque le plus proche de Poutine, celui-là même à qui la France a accordé la Légion d’honneur en l’échange de ses "bons et loyaux services" : à travers sa fondation, n’avait-il pas fait don au Centre Pompidou, à l’occasion de l’exposition « Kollektsia ! », en septembre 2016, de quelque 1,3 million d’euros (lire article du Monde), grâce à l’entremise de l’historien d’art d’origine russe Nicolas Liucci-Goutnikov, l’un des plus proches collaborateurs du patron de Beaubourg, Bernard Blistène, qui l’a nommé conservateur au mépris des règles internes…


Vladimir Potanine, qui a fait de la station de ski de Courchevel, où il fêtait chaque année son anniversaire, une destination prisée de la nomenklatura russe, est en outre l’un des principaux pollueurs de l’Arctique : en mai 2020, quelque 21.000 tonnes de carburant s'étaient déversées dans plusieurs cours d'eau après l'affaissement d'un réservoir d'une centrale thermique appartenant à une entité de l’entreprise de Potanine, Nornickel, qui n'avait pas effectué des travaux dont la nécessité avait été établie en 2018. Vladimir Potanine avait incriminé « le dégel du permafrost ». Nornickel a finalement été condamné à une amende de 1,66 milliard d'euros, mais les dégâts engendrés par la méga-pollution de 2020 ne sont toujours pas résorbés.


Il n’est pas question, à cette heure, que la France retire à Vladimir Potanine sa Légion d’honneur. D’ailleurs, aussi incroyable que cela puisse paraître, il échappe toujours aux sanctions de l’Union européenne, mais est sous le coup de sanctions britannique et américaine (seulement depuis décembre 2022).


En mars 2022, quelques jours après le début de "l'opération militaire spéciale", Maria Lvova-Belova exhorte les habitants de Voronezh

à "adopter des orphelins du Donbass". Photo : service de presse du gouvernement régional de Voronezh.


Revenons à la case Lvova-Belova. Dans ses dénégations-pieds dans le tapis, elle prétend : « Nous n'avons pas du tout d'adoption en provenance des nouvelles régions » (notamment dans les colonnes de Kommersant). Elle parle de « tutelle » ou de « famille d’accueil ». A quoi bon, alors, avoir sollicité de Vladimir Poutine un décret permettant de faciliter l’octroi de la citoyenneté russe aux enfants « évacués » du Donbass et de Marioupol, précidément en vue de les rendre "adoptables" ? Pourquoi, comme l’indiquent plusieurs sources, modifier alors l’état civil (nom, et même date de naissance) de ces enfants ?


En avril 2022, à l’issue d’une réunion avec le gouverneur de la région de Moscou, Andrei Vorobyov, elle parlait effectivement du placement « sous tutelle temporaire » de 27 premiers enfants transférés en train du Donbass par l’entremise d’Eleonora Fedorenko, conseillère du président de la "République populaire de Donetsk" pour les droits des enfants (ICI). « Le placement des orphelins sous tutelle temporaire a été rendu possible grâce à un projet initié par le gouverneur de la région de Moscou. Il s'agit de rechercher les parents des enfants de la "république de Louhansk" dans les bases de données de notre pays », ajoutait-elle. « Si aucun parent n'est trouvé, la région organise la tutelle temporaire et, plus tard, l'adoption » (« Она также поблагодарила коллег из Донбасса за проделанную работу и лично советника главы ДНР по правам ребенка Элеонору Федоренко »). Et peu avant, le 11 mars, lors d’un déplacement à Voronezh, elle exhortait clairement les habitants de cette ville à « adopter des enfants du Donbass » (ICI).


Le 7 mars dernier, voulant sans doute faire contre-feu aux accusations occidentales, Maria Lvova-Belova s’indignait de ce que « les enfants russes à l'étranger soient victimes de maltraitance et d'humiliation en raison de leur nationalité », et annonçait soutenir un projet de loi de la Douma d’État visant à interdire les adoptions d'enfants russes dans tous les pays « hostiles », en particulier ceux qui autorisent les mariages homosexuels (ICI). Dans ce cas, Lvova-Belova parle sans équivoque d’adoptions et utilise à plusieurs reprises le mot russe усыновление. Le même mot qui revient dans plusieurs de ses déclarations concernant les enfants d’Ukraine, y compris lorsqu’elle se vante d’avoir adopté (et non accueilli) dans sa propre famille un adolescent de Marioupol : « Сердце просто екнуло": детский омбудсмен Мария Львова-Белова усыновила подростка из Мариуполя. Уполномоченная по правам ребенка при президенте РФ Мария Львова-Белова с мужем, православным священником Павлом Когельманом, усыновили подростка из Мариуполя, 16-летнего мальчика Филиппа »

Pour la simple tutelle, il existe en russe deux mots, distincts d’adoption : opekunstvo (опекунство) pour les enfants jusqu’à 14 ans, et popecheniye (попечение) pour les adolescents de 14 à 18 ans.


Des adoptions illégales, au regard même de la loi russe


Bref, cynisme et mensonge à tous les étages.

Mais pour criminelle qu’elle soit, Lvova-Belova ne peut totalement s’abstraire de la loi russe. Pour qu’un enfant mineur puisse être légalement adopté, il y a certaines conditions préalables. Primo, les parents biologiques doivent avoir donné leur consentement. Secundo, si les parents sont décédés ou portés disparus, il faut un acte de décès ou une reconnaissance de disparition établie par un tribunal. Tertio, si le ou les parents ont été privés de leurs droits parentaux, cela doit également avoir été acté par un tribunal.


Dans ce dernier cas, on sait que les administrations pro-russes ont établi à la hâte de faux certificats et abusivement prononcé des déchéances de droits parentaux pour justifier les déportations, mais ces différents documents n’ont pas été établis par des tribunaux en bonne et due forme. Au regard même de la loi russe, les adoptions qui ont suivi sont donc totalement illégales.


Reste un dernier subterfuge, que Lvova-Belova ne manquera pas d’utiliser : une adoption peut avoir lieu si les parents n'ont pas vécu avec l'enfant pendant plus de six mois et se sont soustraits à son éducation et à son entretien. Dans le chaos provoqué par la guerre, on peut imaginer que certains enfants ont été, par la force, séparés de leur famille depuis plus de six mois. Sauf que là encore, un tribunal doit évaluer les "raisons déraisonnables" pour lesquelles des parents ou tuteurs se seraient soustraits à leurs obligations. Un avocat russe des droits de l’homme, consulté par les humanités (et qui requiert l’anonymat pour d’évidentes raisons de sécurité) indique qu’à sa connaissance, aucun cas de ce type n'a encore été présenté devant un tribunal russe.


Maria Lvova-Belova au siège de l'organisation "Des enfants entre les mains", à Donetsk


Cela ne devrait pas abuser les enquêteurs et futurs juges de la Cour pénale internationale, mais Maria Lvova-Belova, dans le registre désormais éprouvé du "narratif" russe, a l’art de réécrire l’histoire à sa convenance. Ainsi, à en croire ses déclarations à Tsargrad, les "évacuations" des enfants du Donbass auraient eu lieu dans la plus grande improvisation, pour répondre à la subite menace dont ces enfants étaient victimes. Cette affirmation ne tient pas debout. Comme les humanités l’ont déjà révélé (ICI), de premières évacuations ont commencé avant même le 24 février 2022, début de l’invasion.


Une enquête particulièrement fouillée de l’ONG Molfar (ICI), réalisée à partir de sources ouvertes, vient aujourd’hui apporter un cinglant démenti à la fable à l’eau de rose qu’invente Lvova-Belova.

Cette enquête établit l’existence d’un système parfaitement rôdé qui a organisé les évacuations / déportations d’enfants. En résumé :

- Les autorités russes, avec l'aide des groupes armés des "républiques" de Donetsk et Louhansk, ont organisé l'expulsion d'enfants ukrainiens des territoires temporairement occupés vers la Fédération de Russie.

- La déportation forcée des enfants est effectuée par la société "Des enfants entre les mains"(Детям – в руки), qui est personnellement dirigée par Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l'enfant auprès du président de la Fédération de Russie.

- Le siège de "Des enfants entre les mains" coordonne son travail dans les territoires occupés directement avec le commandement russe.

Peu ou prou, tout cela était déjà su, mais l’enquête de Molfar apporte de nouvelles révélations sur cette fameuse organisation « Des enfants entre les mains » (logo ci-contre), dont la création a été déclarée le 6 avril 2022, et qui opère en tant qu’organisation caritative à but non lucratif sous l’égide de la Mission humanitaire russe, avec le soutien de la « Fraternité militaire » et du « Conseil présidentiel d’interaction avec les communautés religieuses de Russie » (relié au patriarche Kirill).


« Des enfants entre les mains » a d’emblée disposé de deux hubs, à Moscou et Rostov-sur-le-Don (ICI). Un troisième centre a été ouvert en décembre 2022 dans la région occupée de Zaporijjia.